Page 53 - LA SEPTANTE MYTHIQUE
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la notion de légende leur sert à éliminer du texte tous les éléments qui
leur posent problème. Face aux difficultés réelles du texte, les exégètes
contemporains font la même chose que Philon d’Alexandrie dans le De
Vita Mosis II,25-44 ou que Flavius Josèphe dans les Antiquités Juives
XII,9-118: ils ne lisent pas la Lettre d’Aristée, ils la réécrivent.
C’est à cela qu’on peut attribuer la divergence de leurs opinions quant à
la datation de la Lettre: selon les éléments qu’ils privilégient dans leurs
réécritures du texte, les exégètes peuvent proposer des dates
[imaginaires] de rédaction qui s’étalent de la fin du IIIème siècle avant
notre ère jusqu’au Ier siècle après. Cette façon d’interpréter le texte
en le réécrivant ne peut-être justifiée...
En effet, remarquons d’abord que la question de la loi et de l’esclavage
sont liées dans les Politiques d’Aristote: si le roi ne respecte pas la loi,
les citoyens deviennent les esclaves d’un tyran. Le respect de la loi fait
leur liberté. De plus, considérons le commentaire que le grand-prêtre
donne des interdits alimentaires de la Loi juive (Aristée 143-171) ou les
sept banquets (Aristée 172-300): il faut reconnaître que la Lettre
d’Aristée fait en creux le portrait d’un mauvais roi qui n’est pas le
Ptolémée qui intervient dans le fil du récit. Ces considérations portent
sur la moitié du récit et elles nous invitent à faire l’hypothèse suivante:
La Lettre d’Aristée raconte un âge d’or. Les intellectuels du Musée
jouissent de la faveur du roi; les Juifs sont libres car le roi respecte la loi
et n’est donc pas un tyran; les interdits alimentaires des Juifs ne posent
pas de problèmes aux Grecs car ils partagent le même amour de la
Sagesse; il n’y a pas de problèmes textuels avec la version grecque de
la Loi qui a été établie à partir d’un seul texte et qui a été éditée selon
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