Page 46 - LES DEUX BABYLONES
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          Sussiens sont appelés Kissioi  c'est-à-dire évidemment Cushites. Or si les Kissioi sont Cushites, Kissos est
          le même que Cush. Et de plus la branche de lierre qui occupait une place si importante dans les fêtes des
          Bacchanales était un symbole formel de Bacchus lui-même; ainsi Hésychius nous assure que Bacchus tel qu'il
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          est représenté par son prêtre était connu dans les mystères comme étant la Branche . On voit donc par là
          comment Kissos, le nom grec de lierre, devint le nom de Bacchus. Comme fils de Cush, et lui étant identifié,
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          il  était quelquefois désigné par le nom de son père . Et cependant ses rapports avec son père étaient
          essentiellement indiqués par la branche de lierre; car la branche de Kissos, qui pour le profane vulgaire n'était
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          autre chose qu'une branche de lierre, était pour les initiés la branche de Cush . Or, ce dieu, reconnu comme
          le rejeton de Cush, était adoré sous un nom, qui tout en lui étant approprié sous le caractère vulgaire de dieu
          de la vigne, le représentait aussi comme le grand fortificateur. Ce nom était Bassareus, qui, dans son double
          sens, voulait dire à la fois le ramasseur de raisin ou celui qui récolte la vendange, et aussi celui qui entoure
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          d'un mur . Ce dernier 79 sens identifie le dieu grec au dieu égyptien Osiris, le chef puissant des constructions
          et au dieu Assyrien Belus, qui entoura Babylone d'une muraille.

          Ainsi  l'Assyrie, l'Égypte,  la Grèce, nous fournissent des preuves accumulées et éclatantes qui toutes
          contribuent à démontrer que l'enfant adoré dans les bras de sa mère dans tous ces pays, sous le divin caractère
          de Ninus, ou Nin, le Fils, était Nemrod, fils de Cush. On a pu emprunter ici un trait, là un autre à quelque
          héros qui lui a succédé, mais il nous paraît hors de doute que Nemrod fut le prototype, l'original de cet enfant.
          Le  développement vraiment inouï du culte  de cet homme montre que son caractère avait quelque chose
          d'extraordinaire et il y a là bien des raisons de croire qu'à son époque il était l'objet d'une grande popularité.
          Bien  qu'en s'établissant comme roi, Nemrod ait détruit le système patriarcal et diminué les libertés de
          l'humanité, le grand nombre vit cependant en lui le bienfaiteur des hommes. Ces bienfaits les dédommageaient
          largement de la perte de leurs libertés, et le couvraient de gloire et de renommée.


          Lorsqu'il apparut, les bêtes sauvages des forêts, se multipliant plus rapidement que la race humaine, devaient
          commettre de grands ravages parmi les populations dispersées et errantes, et leur inspiraient sans aucun doute
          une grande terreur. Le danger qu'il y avait là pour les existences humaines quand la population est restreinte,
          se trouve indiqué par la raison que Dieu donne pour ne pas faire sortir devant Israël en une seule fois tous les
          Cananéens, bien qu'ils eussent comblé la mesure de leurs iniquités. (Exode XXIII, 29-30). "Je ne les chasserai
          pas devant toi en une seule année de peur que le pays ne devienne désert, et que les bêtes des champs ne se
          multiplient devant toi. Mais peu à peu je les chasserai devant toi à mesure que tu t'augmenteras." Les exploits
          de Nemrod, en détruisant les bêtes sauvages des champs, et en débarrassant la terre de ses monstres doivent
          lui avoir valu le caractère d'un bienfaiteur éminent. C'est de cette manière, non moins que par les troupes qu'il
          dirigeait, qu'il arriva au pouvoir "lorsqu'il commença à être puissant sur la terre" (I Chroniques I, 10); et c'est
          de cette manière aussi sans doute que son pouvoir s'affermit. Mais il fit plus encore: étant le premier grand
          constructeur de villes après le déluge, il rassembla les hommes en tribus et les entoura de murailles, il leur
          permit ainsi de vivre en sécurité et les délivra de ces alarmes auxquelles ils étaient exposés dans leur état de



                       15     STRABON, liv. XV, p. 691, dans Hésychius, le nom est Kissaio, p. 531. L'épithète du pays de Cush
                              dans Eschyle est Kissinos (Pers., v. 16). Ces détails expliquent le titre a priori incompréhensible de
                              Apollon Kisseus: soit Apollon le Cushite.
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                              HESYCHIUS, p. 177.
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                              Voir ci-dessus ce qui est dit de Janus, note 1, p. 44.
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                              Le chapelet de lierre avait un même sens hiéroglyphique, car le grec Zeira Kissou signifie cordon de
                              lierre et semence de Cush. Le grec Zeira vient du chaldéen zer, entourer et de Zéro, la semence, aussi
                              prononcée Zeraa. Kissos, le lierre, renferme l'idée du Chaldéen Khesha ou Khesa, couvrir ou cacher,
                              aussi y voit-on l'origine du nom de Cush. Cela est confirmé car la seconde personne de la trinité
                              phénicienne était Chusorus (WILKINSON, p. 191) ou Chus-zoro, la semence de Cush.
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                              Bassareus vient du Chaldéen Batzar. Gesenius et Parkhurst lui donnent le sens de ramasser les grappes et
                              de fortifier. Batzar s'adoucit en Bazaar. Gesenius cite aussi Jérémie "quand Babylone s'élèverait
                              jusqu'aux cieux, quand elle rendrait inaccessibles ses hautes forteresses, j'enverrai contre elle les
                              dévastateurs, dit l'Éternel" (Jérémie LI, 53). Gesenius paraît s'être trompé sur le sens générique du mot.
                              Batzar est un verbe composé de Ba, dans et Tzar, fermer soit exactement le mot entourer.
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