Page 44 - LES DEUX BABYLONES
P. 44

42

                                             Section 3 - L'Enfant en Grèce



            D'Égypte  passons en Grèce. Là non seulement nous avons des preuves qui
          tendent au même but, mais nous avons un accroissement d'évidence. Le dieu adoré
          comme un enfant dans les bras de la Grande Mère de la Grèce sous les noms de
          Dionysius, ou Bacchus ou lacchus, est, d'après les anciens historiens, entièrement
          identique à l'Osiris Égyptien. C'est l'opinion d'Hérodote, qui avait poursuivi ses
          recherches  jusque dans l'Égypte, et qui parle toujours d'Osiris comme étant le
                            1
          même que Bacchus . Le témoignage de Diodore de Sicile nous amène à la même
          conclusion.  Orphée, dit-il, emprunta à l'Égypte la plus  grande partie  des
          cérémonies mystiques, les orgies que célèbrent les recherches de Gérés, et toute
          la fable des ombres infernales. Les rites d'Osiris et de Bacchus sont les mêmes;
                                                                                     2
          ceux de Gérés (Dh:0JD") et d'Isis se ressemblent exactement sauf pour le nom .
          Or,  comme si on avait voulu identifier Bacchus avec Nemrod le dompteur de
          léopards,  on prenait des léopards pour tramer son chariot; il était lui-même         Fig. 21
          représenté comme vêtu d'une peau de léopard; ses prêtres étaient vêtus de la même
          manière, ou bien quand on n'avait pas de peau de léopard, on prenait la peau tachetée d'un faon pour vêtement
          sacerdotal. Cette coutume de porter la peau tachetée d'un faon paraît avoir été empruntée d'abord à l'Assyrie
          et importée en Grèce; le faon tacheté était pour les Assyriens un emblème sacré, ainsi que nous l'apprennent
          les sculptures de Ninive; nous trouvons en effet dans cette ville une divinité portant dans ses bras un faon ou
                                                                                       3
          un daim fauve tacheté (fig. 21) comme symbole de quelque chose de mystérieux .


         L'origine de cette importance attribuée au faon tacheté et à sa peau était évidemment celle-ci: lorsque Nemrod
         dompteur de léopards commença à se vêtir de la peau du léopard comme trophée de son adresse, son air, son
          vêtement tacheté doivent certainement avoir frappé l'imagination de ceux qui le virent; et il en vint à être
          appelé non seulement le dompteur de celui qui est tacheté (c'est précisément là le sens de Nimr, nom du
          léopard), mais à être appelé lui-même le tacheté.


          Damascius nous fournit des preuves certaines de ce fait, il nous dit que les Babyloniens appelaient le fils
                                                           4
          unique de la grande déesse mère Mômis, ou Moumis . – Or en Chaldéen, Mômis comme Nimr, veut dire celui
          qui est tacheté. Ainsi donc il fut aisé de se représenter Nemrod sous le symbole du faon tacheté, surtout en
          Grèce et partout où l'on prononçait à peu près comme en Grèce. Le nom de Nemrod tel que le connaissaient
                               5
                                                                                            6
          les Grecs était Nebrod . Le nom du faon, c'est-à-dire le tacheté, était en Grèce Nebros . Ainsi rien de plus
          naturel que ce Nebros, le faon tacheté, soit devenu le synonyme de Nebrod lui-même. Quand donc le Bacchus
          de la Grèce fut symbolisé par Nebros, le faon tacheté, comme nous le verrons, quel pouvait être ce dessein,
          sinon de l'identifier secrètement avec Nemrod?



          Nous avons la preuve que ce dieu dont l'emblème était le Nebros était connu comme étant de la race de
                                                                                          7
          Nemrod. Nous lisons dans Anacréon que l'un des titres de Bacchus était Aithiopais . C'est-à-dire le fils de



                       1
                              HÉRODOTE, liv. II, ch. 42.
                       2
                              Bibliothèque, liv. I, p. 9.
                       3
                              VAUX, Ninive et Persépolis, ch. VIII, p. 238.
                       4
                              DAMASCHIUS, dans Fragments de Cory, p. 318.
                       5
                              Dans le Grec des Septante, traduit en égyptien, le nom de Nemrod était Nebrod.
                       6      Nebros, le nom du faon, signifie le tacheté. Nimr, en Égyptien, devient aussi Nebr; car Bunsen montre
                              que m et b dans ce langage se confondent souvent (voir vol. I, p. 447).
                       7
                              ANACRÉON, p. 296. Les mots d'Anacréon sont  Di@<LF@< ’!424@B"4*".
   39   40   41   42   43   44   45   46   47   48   49