Page 225 - LES DEUX BABYLONES
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Note E, p. 66 - Signification du nom du Centaure
L'explication classique du nom de Centaure est peu satisfaisante; car bien qu'on puisse le faire venir de
mots qui signifient les tueurs de taureau (et ce dérivé lui-même est défectueux), un pareil sens ne jette aucune
lumière sur l'histoire du Centaure. Prenez-le comme un mot chaldéen, et vous verrez aussitôt que toute
l'histoire du Centaure primitif s'accorde avec celle de Nemrod, auquel nous l'avons déjà identifié. Kentaurus
vient évidemment de Kehn, prêtre, et Tbr, tourner. Kehn-Tor est donc le prêtre de celui qui tourne, c'est-à-dire
du soleil qui semble faire une révolution journalière autour de la terre. Le nom du prêtre s'écrit Khn, et la
voyelle s'y ajoute suivant les différents dialectes de ceux qui le prononcent, de manière à faire soit Kohn, soit
Kahn, soit encore Kehn. Tbr, celui qui tourne, appliqué au soleil, est évidemment une autre forme du grec Zen
ou Zan, appliqué à Jupiter, identifié au soleil, qui signifie celui qui entoure. Le mot même d'où est sorti le mot
anglais soleil, Sun, qui, en Anglo-Saxon était Sunna (MALLET, Glossaire, p. 565, Londres, 1847) et dont
nous trouvons des traces bien distinctes en Égypte, dans l'expression snnu (BUNSEN, Vocab., vol. I, p. 546),
en tant qu'appliqué à l'orbite du soleil. L'hébreu Zou ou Zawon, entourer, d'où viennent ces mots, devient en
chaldéen Don ou Dawon et c'est ainsi que nous pénétrons dans le sens du nom donné par les Béotiens au
puissant chasseur Orion. Ce nom était Kan-daon comme on le voit dans Bryant (vol. IV, p. 154). Scholiaste,
dans Lycophron: "Orion, que les Béotiens appelaient aussi Kandaon." – Kandaon, donc, et Kehn-Tbr, étalant
précisément deux noms différents de la même fonction, l'un signifiant prêtre de celui qui entoure, et l'autre
prêtre de celui qui tourne, titres qui équivalaient évidemment à celui de Bolkahn, ou prêtre de Bal, ou du soleil
qui était, il n'y a aucun doute, le titre distinctif de Nemrod.
Comme le titre de Centaure s'accorde ainsi exactement avec la position bien connue de Nemrod, ainsi
l'histoire du père des Centaures s'accorde aussi avec elle. Nous avons déjà vu que tout en faisant de Ixion le
père de cette race mythique, les Grecs admettaient cependant que les Centaures occupaient une place
beaucoup plus haute, et par conséquent que Ixion, qui paraît avoir été un nom grec, avait pris la place d'un
nom plus ancien, suivant cette tendance remarquée particulièrement par Salverté et qui a souvent conduit
l'humanité à appliquer à des personnes connues dans un temps et dans une époque, des mythes empruntés à
un autre pays et à une époque plus ancienne (Des Sciences occultes, Appendice, p. 483). Supposons que ce
soit ici le cas et écartons seulement le nom de Ixion; on verra que tout ce qui est dit du père des Centaures ou
des archers à cheval, s'applique exactement à Nemrod, tel qu'il nous est dépeint dans les divers mythes qui
se rapportent au premier père de ces Centaures. Tout d'abord, le Centaure est représenté comme avant été
enlevé au ciel (DYMOCK, sub voce Ixion) c'est-à-dire, il fut hautement exalté par une faveur spéciale du ciel;
puis, dans cette exaltation, il devint, dit-on, amoureux de Nephelé qui passait, sous le nom de Junon, pour la
reine du ciel. Ici l'histoire est évidemment confuse: c'est pour mystifier le vulgaire, et l'ordre des événements
est changé, ce qui peut s'expliquer aisément. Comme Nephelé en grec veut dire nuage, ainsi le rejeton des
Centaures, dit-on, fut produit par un nuage. Mais Nephelé dans le langage du pays où la fable fut
premièrement composée, signifie une femme tombée, et c'est de cette femme tombée que les centaures, dit-on,
sont issus. Or, Nemrod ou Ninus devint amoureux de Sémiramis lorsqu'elle était déjà mariée, et la prit pour
sa propre femme, par là, elle fut deux fois tombée, tombée comme femme et tombée de la foi primitive dans
laquelle elle avait été élevée; et on sait bien que cette femme tombée fut sous le nom de Junon, ou Colombe,
adorée après sa mort par les Babyloniens. Centaure, à cause de sa présomption et de son orgueil, fut écrasé
par la foudre envoyée par le Dieu suprême et précipité en enfer (DYMOCK, sub voce Ixion).
C'est là une autre version de l'histoire de Phaéton, Esculape et Orphée, qui tous furent tués de la même
manière et pour la même raison. Dans le monde infernal, le père des centaures est attaché par des serpents à
une roue qui tourne sans cesse et qui rend ainsi son châtiment éternel (DYMOCK, sub voce). Il y a
évidemment dans les serpents une allusion à l'un de ces deux emblèmes du culte du feu de Nemrod. S'il a
introduit le culte du serpent, comme j'ai cherché à le montrer (p. 346), il y avait une justice poétique à faire
du serpent un instrument de sa punition. Dès lors la roue qui tourne désigne très clairement le nom même du
Centaure et dénote le prêtre du soleil qui tourne. Il y avait une allusion bien distincte au culte du soleil, celui