Page 228 - LES DEUX BABYLONES
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          noms donnés à cette pierre ointe et enroulée confirme fortement cette conclusion. Ce nom est Baitulos. Nous
          le trouvons dans Priscien, (liv. V vol. I, p. 180, note et liv. VI, vol. I, p. 294), qui parlant de cette pierre que
          Saturne, dit-on, dévora au lieu de Jupiter, ajoute "quem Graeci Baitulon vocant", que les Grecs appellent
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          Baitulos. Or, B'hai-tuloh veut dire l'enfant qui rend la vie . Le père des dieux et des hommes avait détruit ses
          enfants  en les mangeant, mais en avalant cette pierre enroulée il leur rendit la vie, paraît-il (HÉSIODE,
          Théogonie, 1. 495, p. 41). De là le nom de Baitulos, et le sens de ce nom s'accorde exactement avec ce qui
          nous est dit dans Sanchoniathon (liv. 1, ch. 6, p. 22) sur les Baithulia faites par le dieu Phénicien Ouranos:
          "Ce fut le dieu Phénicien Ouranos qui inventa les Baithulia: il fit des pierres qui se remuaient comme si elles
          avaient la vie." Si la pierre Baithulos représentait l'enfant qui rend la vie, il était naturel que cette pierre fût
          faite de telle sorte qu'elle parût avoir la vie en elle-même.


          Or il y a une grande analogie entre cette pierre enroulée qui représentait le fils porteur du péché et cet Olenos
          mentionné par Ovide, qui prit sur lui une faute qui n'était pas la sienne et fut ensuite changé en pierre. Nous
          avons déjà vu qu'Olenos, lorsqu'il fut changé en pierre, fut placé en Phrygie sur la sainte montagne d'Ida. Nous
          avons des raisons de croire que la pierre qui, dit-on, fut si utile aux enfants de Saturne et fut élevée près du
          temple de Delphes, était précisément une représentation de ce même Olenos. Nous lisons qu'Olen fut le
          premier prophète de Delphes qui fonda le premier temple de cette ville (PAUSANIAS, liv. X, Phocica, ch.
          5,  p. 321). Comme les prophètes et les prêtres portaient d'ordinaire le  nom du dieu qu'ils représentaient
          (Hesychius dit expressément que le prêtre qui représentait le grand Dieu sous le nom de la branche, était lui-
          même appelé dans les mystères du nom de Bacchus, p. 179), cela indique un des noms les plus anciens du
          dieu de Delphes. Si donc, il y avait sur le mont Ida une pierre sacrée appelée la pierre d'Olenos, s'il y avait
          une pierre sacrée dans l'enceinte du temple de Delphes, fondé par Olenos, peut-on douter que la pierre sacrée
          de  Delphes représentât la même que celle du mont Ida? La pierre enroulée de Delphes était appelée
          expressément un dieu par Priscien dans le passage déjà cité.


          Ce dieu donc qui en symbole avait reçu l'onction divine avait la vie aux enfants de Saturne père des dieux
          hommes, identifié à l'Olenos du mont Ida, était regardé, on le sait, comme occupant la place même du Messie,
          le  grand porteur du péché,  qui vint prendre les péchés des hommes, prit leur place et souffrit pour eux:
          Olenos, en effet, comme nous l'avons vu, prit volontairement sur lui une faute dont il était personnellement
          innocent.



          En  considérant ainsi combien les symboles mystiques du paganisme   cachaient de foi patriarcale, nous
          trouvons encore une circonstance remarquable concernant la pierre enroulée; elle montre combien le mystère
          d'iniquité de Rome s'est efforcé d'introduire la pierre du paganisme dans ce qu'on appelle le symbolisme
          chrétien. Le Baitulos ou la pierre enroulée était FBD@((L8@V 842@V, (BRYANT, vol. II, p. 20, note) une
          pierre ronde ou ovale. Cette pierre ovale nous apparat souvent entourée et recouverte tantôt de plusieurs,
          tantôt de deux ou trois bandelettes. Dans Bryant (vol. III, p. 246) la déesse Cybèle est représentée comme Spes
          Divina, ou l'espoir divin; nous voyons le fondement de cet espoir divin proposé au monde sous l'image de la
          pierre enroulée dans sa main droite de différentes bandelettes. Dans David (Antiquités Étrusques, vol. IV, fig.
          27) nous voyons une déesse représentée avec la boîte de Pandore, source de tous les maux, dans sa main
          étendue, avec un globe enroulé qui y est suspendu; ici ce globe n'a que deux bandelettes, l'une croisant l'autre.
          Et qu'est-ce que ce globe à bandelettes du paganisme sinon la contrepartie du globe entouré d'un bandeau et
          surmonté du Tau mystique ou de la croix, qui est appelé l'emblème du pouvoir, et qu'on représente souvent




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                              De Tli, Tleh ou Tloh, infans, puer (CLAVIS STOCKII, Chald., p. 1342), et Hiâ ou Haya, vivre, rendre
                              la vie (GESENIUS, p. 310). De Hia, vivre, avec le digamma préfixe, vient le Grec Bios, vie. Hia.
                              devenant un mot crée, était aussi prononcé Haya, nous en trouvons la preuve dans Hiim, la vie, prononcé
                              Hayyim, qui en grec devient avima, le sang. Le principe monarque d'aprs lequel "le sang, c'est la vie"
                              n'était donc pas connu seulement des Juifs. Or, Haya, vivre ou rendre la vie avec le digamma préfixe,
                              devint B'haya; ainsi en Égypte, nous trouvons que Bai veut dire l'âme ou l'esprit (BUNSEN, vol. I, p.
                              375) qui est le principe vivant B'hai-tulos donc, c'est l'enfant qui rend la vie. P'haya-n est le même dieu.
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