Page 231 - LES DEUX BABYLONES
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         Si  le lecteur considère, dans Layard, l'emblème Triun de la divinité
         suprême   des Assyriens, il verra que cette idée même est visiblement
          symbolisée. Les ailes et la queue de la colombe ont au lieu de pieds des
          bandelettes juxtaposées (LAYARD, Ninive et ses ruines, vol. II, p. 418;
          voir aussi figure 61 d'après BRYANT, vol. II, p. 216 et KITTO, Encyc.
          Bib, vol. I, p. 425). Quant aux événements qui se rattachent à la chute une
          nouvelle idée s'attacha au nom de Cybèle. Khubel signifie non seulement
          attacher avec des cordes, mais aussi être en travail d'enfant; et dès lors
                                                                                            Fig. 61
          Cybèle apparut comme la mère des dieux par laquelle tous les enfants de
          Dieu doivent être enfantés de nouveau ou régénérés. Mais pour cela il était indispensable qu'il y eût une union
          tout d'abord avec Rhéa, celle qui contemple, la mère humaine des dieux et des hommes, afin que le mal qu'elle
          avait causé pût être réparé. De là l'identité de Cybèle et de Rhéa qui dans tous les Panthéons, n'étaient que
          deux noms différents de la même déesse (LEMPRIERE, Dictionnaire classique, sub voce), bien que (nous
          l'avons vu) ces déesses fussent en réalité entièrement distinctes. Ce même principe fut appliqué à toutes les
          autres mères divinisées. Elles furent déifiées seulement à cause de leur identité miraculeuse avec Junon ou
          Cybèle, en d'autres termes, avec l'Esprit de Dieu. Chacune de ces mères avait sa propre légende et son culte
          spécial; mais comme dans tous les cas elle était regardée comme une incarnation du seul Esprit de Dieu,
          comme la grande mère de tous, les attributs de ce seul Esprit étaient toujours censés lui appartenir. Tel était
          donc le cas pour cette déesse reconnue comme Astarté ou Vénus, aussi bien que pour Rhéa. Bien qu'il y eût
          des points de différence entre Cybèle ou Rhéa, et Astarté ou Mylitta, la Vénus d'Assyrie, Layard montre qu'il
          y avait aussi des points distincts de contact entre elles. Cybèle ou Rhéa était renommée pour sa couronne de
          tours. Mylitta ou Astarté était représentée avec une couronne semblable (LAYARD, Ninive, vol. II, p. 456).
          Cybèle ou Rhéa était traînée par des lions. Mylitta ou Astarté, était représentée comme debout sur un lion
          (ibid.). Le culte de Mylitta ou Amtarté n'était qu'un amas de pollutions morales. (HÉRODOTE, liv. I, ch. 99,
          p. 92). Le culte de Cybèle sous le non de Terre, était absolument le même (AUGUSTIN, De Civitate Dei, liv.
          VI, tome IX, ch. 8, p. 203).

          La première femme déifiée fut sans aucun doute Sémiramis, comme le premier homme déifié fut son mari.
          Mais il est évident que cette déification n'eut lieu qu'après la formation des mystères car ce n'est qu'après sa
          mort que Sémiramis fut divinisée et adorée sous la forme d'une colombe.

          Quand donc les mystères furent d'abord composés, les actions d'Ève qui par ses relations avec le serpent,
          amena la mort, doivent y avoir nécessairement occupé une certaine place; car le mystère du péché et de la
          mort se rencontre à la base de toutes les religions et à l'époque de Sémiramis et de Nemrod, de Sem et de
          Ham, tous les hommes doivent avoir été au courant des faits de la chute. Tout d'abord le péché d'Ève fut
          admis dans toute sa gravité (autrement les hommes auraient été scandalisés, surtout quand la conscience
          générale fut réveillée par le zèle de Sem), mais quand une femme fut déifiée, la forme revêtue par l'histoire
          mystique  montre que ce péché était atténué, et même qu'il changeait de véritable caractère, et par une
          perversion du nom donné à Ève, la mère de tous les vivants, c'est-à-dire de tous les régénérés (voir note (1)),
         elle fut glorifiée comme l'auteur de la vie spirituelle, et sous le nom de Rhéa, reconnue comme mère des
          dieux. Or, ceux qui travaillaient au développement du mystère d'iniquité n'eurent pas de peine à montrer que
          ce nom de Rhéa approprié tout d'abord à la mère de l'humanité était aussi approprié à celle qui était la mère
          des dieux, c'est-à-dire, de tous les mortels divinisés. Rhéa, au sens actif, veut dire la femme qui contemple,
                                                                               1
          mais au passif, il veut dire la femme qu'on regarde, c'est-à-dire la beauté . Ainsi sous une seule expression
          la  mère de l'humanité et la mère des dieux païens, soit Sémiramis, se trouvaient réunies; tellement
          qu'aujourd'hui  Rhéa est généralement reconnue comme la mère   des dieux et des hommes, (HÉSIODE,
          Théogonie, v. 453, P. 36). Il ne faut donc pas s'étonner que Rhéa soit appliqué à celle que les Assyriens
          adoraient comme Vénus ou Astarté.




                       1      Dans Esther II, 9, le pluriel de Rhéa est usité dans le sens de beau et appliqué aux jeunes suivantes
                              d'Esther. Vulgate et Parkhurst le traduisent par speciosissimas.
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