Page 227 - LES DEUX BABYLONES
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                                    Note F, p. 110 - Olenos, celui qui porte le péché.



            Dans diverses parties de cet ouvrage, nous avons prouvé que Saturne, le père des dieux et des hommes,
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          était sous un certain aspect notre premier parent. Or, on nous dit que Saturne dévorait ses enfants . Dans
          l'histoire ésotérique, parmi ceux qui ne connaissaient pas le fait dont il est question, on le comprenait sous
          la forme où on le raconte d'ordinaire, c'est-à-dire qu'il dévorait tous ses enfants dès leur naissance. Mais ce
          qui  était réellement caché sous cette histoire de  Saturne dévorant ses enfants, c'est exactement le fait
          scripturaire de la chute, savoir, qu'il détruisait ses enfants, non pas en les mangeant, mais en mangeant le fruit
          défendu. Les choses en étant là, le récit païen dit que la destruction des enfants du père des dieux fut arrêtée
          par le moyen de sa femme Rhéa. Rhéa, comme nous l'avons déjà vu, avait dans la destruction des enfants de
          Saturne une aussi grande part que Saturne lui-même; mais dans le progrès de l'apostasie et de l'idolâtrie, Rhéa
          ou Ève obtint de la gloire aux dépens de Saturne. Saturne ou Adam était représenté comme une divinité
          morose; Rhéa ou Ève comme une divinité extraordinairement aimable; et dans sa douceur elle offrait à son
          mari une pierre entourée de bandelettes; il la dévorait avec avidité et les enfants de ce cannibale étaient
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          sauvés . La pierre liée de bandelettes se dit en langage sacré: Ebn-Hatâl; mais Ebn-Hatâl , veut dire aussi: le
          fils qui porte le péché. Cela ne signifie pas nécessairement qu'Ève ou la mère de l'humanité mit au monde elle-
          même la postérité promise (quoiqu'il y eût plusieurs mythes, qui tendent aussi à ce but) mais qu'ayant reçu
          elle-même la bonne nouvelle et l'ayant embrassée, elle la présenta à son mari qui la reçut d'elle par la foi, et
          que cette foi établit le fondement de son propre salut et celui de sa postérité. Le fait de Saturne dévorant une
          pierre enroulée est exactement l'expression symbolique de l'avidité avec laquelle Adam reçut par la foi la
          bonne nouvelle de la semence de la femme: car l'acte de foi, dans l'Ancien et le Nouveau Testament est
          symbolisé par l'action de manger. Voici ce que dit Jérémie: "J'ai recueilli tes paroles et je les ai dévoré; et tes
          paroles  ont fait la joie et l'allégresse  de mon coeur" (Jérémie  XV, 16). C'est ce que montre aussi notre
          Seigneur Jésus-Christ lui-même, lorsque disant aux Juifs qu'il est indispensable de manger sa chair et de se
          nourrir de lui, il leur dit en même temps: "C'est l'Esprit qui vérifie, la chair ne sert de rien; les paroles que je
          vous dis sont esprit et vie." (Jean VI, 63). Que Adam ait reçu avidement la bonne nouvelle de la semence
          promise et l'ait enfermée comme un trésor dans son coeur, comme si elle était la vie de son âme, c'est ce qui
          ressort évidemment du nom qu'il donne à sa femme dès qu'il l'a entendue: "Et Adam appela sa femme du nom
          d'Ève, parce qu'elle était la mère des vivants." (Genèse III, 20). (Voir Dr. Candlish, La Genèse, p. 108.)


          L'histoire de la pierre enroulée ne finit pas au moment où elle est avalée et où cesse la mort des enfants de
          Saturne. Cette pierre fut, dit-on, conservée près du temple de Delphes, où l'on prenait soin de la frotter chaque
          jour avec de l'huile, et de la couvrir de laine (MAURICE, Antiquités Hindoues, vol. II, p. 348). Si cette pierre
          symbolise le fils qui porte le péché, elle symbolisait aussi naturellement l'Agneau de Dieu immolé depuis la
          fondation du monde, dont nos premiers parents étaient revêtus d'une manière symbolique, alors que Dieu les
          revêtit de peaux d'animaux. Ainsi donc, quoique représenté à l'oeil par une pierre, il doit avoir le vêtement
          de laine qui lui convient. Lorsqu'il était représenté comme une branche, la branche de Dieu, cette branche était
          aussi entourée de laine (POTTER, vol. I, Religion de la Grèce, ch. V, p. 208). L'onction quotidienne d'huile
          est  très  significative. Si la pierre représentait le Fils qui porte le péché, que pouvait signifier l'onction
          quotidienne de ce Fils qui porte le péché? N'est-il pas évident qu'elle le désignait comme l'oint du Seigneur,
          le Messie que les idolâtres adoraient en opposition au vrai Messie qui n'avait pas encore été révélé? L'un des



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                              On dit quelquefois qu'il ne dévorait que ses enfants mâles, mais selon Smith (Diction. class., sub voce
                              Hera), il dévorait pareillement les enfants femelles.
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                              HÉSIODE, Théogonie, 1. 485, p. 38-41.
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                              Hata, péché, se trouve aussi en chaldéen, Bat. (STOCKII CLAVIS, p. 1329). TUl vient de Ntl,
                              supporter. Si le lecteur considère Horus avec ses bandages (BRYANT, vol. III, fig. 22), Diane avec ses
                              bandages autour des jambes, le taureau symbolique des Perses lié de la même manière (BRYANT, vol.
                              I., fig. 5, p. 367), et même la bûche informe des Tahitiens, regardée comme un dieu et entourée de cordes
                              (WILKINSON, p. 31) Il ne pourra, je crois, s'empêcher de conclure qu'il y avait dans cette coutume
                              quelque chose d'important.
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