Page 224 - LES DEUX BABYLONES
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                                              Note D, p. 51 - Ala Mahozim



            Le nom de Ala Mahozim ne se trouve jamais à ma connaissance, dans aucun auteur profane de l'antiquité
          et  dans l'Écriture  elle-même, il ne se trouve que dans une prophétie. Si  l'on considère  que le but de la
          prophétie est toujours d'envelopper l'événement d'une certaine obscurité, tout en donnant assez de lumière
          pour la direction pratique des fidèles, il ne faut pas s'étonner qu'un terme inusité soit employé pour désigner
          la divinité en question. Mais bien que ce nom précis ne se rencontre pas, nous avons un synonyme qu'on peut
          assigner à Nemrod. Dans Sanchoniaton (p. 24-25), il est dit qu'Astarté, "voyageant dans le monde habitable,
          trouva une étoile qui tombait dans les airs; elle la ramassa et la consacra dans l'Île sainte de Tyr". Or, qu'est-ce
          que cette histoire de la chute d'une étoile, sinon une autre version de la chute de Mulciber (p. 350) ou de
          Nemrod tombant de sa propre élévation? Car, ainsi que nous l'avons vu déjà, Macrobe montre (Saturn., liv.
          I, ch. 21, p. 70) que l'histoire d'Adonis le regretté (sujet favori des Phéniciens), venait à l'origine de l'Assyrie.
          Il y avait, dans l'Île sainte de Tyr, un grand dieu appelé Melkart, (KITTO, Comment, illust., vol. II, p. 300).
          Mais ce nom apporté de Tyr à Carthage, et de là à Malte (colonie de Carthage), où on le trouve aujourd'hui
          sur un monument, jette une vive lumière sur ce sujet. Le nom de Melkart, croient quelques-uns, vient de
          Melech-Kart, roi de la terre (WILKINSON, vol. V, p. 18), mais la manière dont ce nom est gravé à Malte,
          montre que c'était réellement Melech-Kart, roi de la cité fortifiée (WILKINSON, errata, début du vol. V).
          Kir, le même que le Gallois Caer, qui se trouve dans Caernarvon, signifie "la muraille qui entoure" ou "une
          cité complètement entourée de murs"; et Kart était la forme féminine du même mot, comme on peut le voir
          dans les différentes formes du nom de Carthage qui est quelquefois Carchedon, quelquefois Carthada ou
          Carthago. Dans le livre des Proverbes, nous voyons une légère variété dela forme féminine de Kart, qui
          semble évidemment usitée dans le sens de boulevard ou fortification. Ainsi nous lisons: "la fortune est pour
          le riche une ville forte (Karit)" (Proverbes X, 15), c'est-à-dire son rempart ou sa défense. Melk-Kart donc,
         roi de la cité fortifiée, entraîne la même idée que Ala Mahozim.

          Dans les "Inscriptions de Gruter", citées par Bryant, nous voyons aussi un titre donné à Mars, le dieu romain
          de la guerre, qui coïncide exactement pour le sens avec celui de Melkart. Nous avons vu ailleurs des raisons
          abondantes pour conclure que l'original de Mars était Nemrod (note 2, p. 70). Le titre auquel je fais allusion
          confirme  cette conclusion  et se trouve dans l'inscription romaine suivante (BRYANT, vol. II, p. 454),
          découverte en Espagne, sur un ancien temple:


                                                   Malacae Hispaniae
                                                   MARTI CIRADINO
                                                 Templum communi voto
                                                        Erectum

          Ce titre montre que le temple était dédié à Mars Kir-Aden, le seigneur de Kir ou de la cité fortifiée. Le C
          romain comme on sait, est dur comme K, et Adon, le Seigneur, est aussi Aden. Or, avec cette clef pour nous
          guider, nous pouvons tout de suite débrouiller ce qui a jusqu'ici embarrassé si fort les mythologues à propos
          du nom de Mars Quiriunus qui, pensait-on, était distinct de Mars Gradivus. Le K dans Kir est ce qu'on appelle
          en Hébreu ou en Chaldéen Koph, lettre différente du Kaph, et se prononce fréquemment comme Q. Quirinus,
          donc, veut dire "qui appartient à la cité fortifiée", et se rapporte à la sécurité qui était donnée aux cités par des
          enceintes de murs. Gradivus, d'un autre côté, vient de Grah, bataille, et divus, dieu, forme différente de Deus,
          qui, on l'a déjà montré, est une expression chaldéenne: il signifie donc "le dieu de la bataille". Ces deux titres
          correspondent exactement aux deux caractères de Nemrod, qui était le grand constructeur de cités et le grand
          guerrier, et ces deux caractères distinctifs étaient mis en évidence par les deux noms que nous avons indiqués:
          c'est ce qui nous est clairement prouvé par Fuss (Antiquités, ch. 4, p. 348). "Les Romains, dit-il, adoraient
          deux idoles de ce genre (c'est-à-dire des dieux sous le nom de Mars), l'une qu'ils appelaient Quirinus, le
          gardien de la ville et son protecteur, l'autre Gradivus, avide de guerres et de massacres, et dont le temple était
          hors de l'enceinte de la ville."
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