Page 152 - LES DEUX BABYLONES
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          Peut-on croire en lisant le récit scripturaire de la crucifixion, que ce récit ait jamais pu se transformer en cette
          bizarrerie de feuilles, de fleurs et de boutons, qu'on trouve dans l'office romain. Mais si on considère que la
          croix Bouddhiste, comme celle de Babylone, était l'emblème certain de Tammuz, qui était connu comme la
          branche de gui, ou celui qui guérit tout, il est facile de voir pourquoi l'initiale sacrée est couverte de feuilles,
          et pourquoi Rome, en l'adoptant, l'appelle, le "remède qui maintient la santé, guérit les maladies et fait ce que
          le pouvoir seul de l'homme ne pourrait jamais faire". Or ce symbole païen paraît s'être introduit tout d'abord
          dans l'Église chrétienne d'Égypte et dans l'Afrique entière. Une déclaration de Tertullien vers le milieu du IIIe
                                                                                       13
          siècle montre à quel point l'Église de Carthage était alors infectée du vieux levain . L'Égypte en particulier,
          qui n'a jamais été entièrement évangélisée, semble avoir, la première, introduit ce symbole païen. La première
          forme  de ce qu'on appelle la croix chrétienne, découverte en Égypte sur des monuments chrétiens, est
          évidemment le Tau païen, ou signe de vie égyptien. Que le lecteur lise avec soin ce passage de Wilkinson:



          "On peut citer un fait bien plus curieux concernant ce caractère hiéroglyphique (le Tau), c'est que les premiers
          chrétiens  l'ont adopté au  lieu de la croix, qui, plus tard, lui fut substituée; ils le mettaient en tête des
          inscriptions comme on le fit plus tard pour la croix. Car, bien que le docteur Young ait des scrupules à croire
          les déclarations de Sir A. Edmonstone, d'après lequel on la trouve aussi dans les sépulcres de la grande oasis,
          je puis affirmer que ce dernier a raison et que beaucoup d'inscriptions avec un Tau en tête sont conservées
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          encore aujourd'hui sur les premiers monuments chrétiens ." Voici évidemment ce qu'il faut conclure de cette
          déclaration: en Égypte, la première forme de ce que plus tard on appela la croix, n'était autre chose que la
          Crux Ansata, ou le signe de la vie, porté par Osiris et tous les autres dieux égyptiens; que l'anse ou manche
          fut plus tard mis de côté et devint le simple Tau ou la croix ordinaire comme on l'a aujourd'hui et que, en la
          mettant sur les tombes, on n'avait nullement l'intention de rappeler la crucifixion du Nazaréen, mais c'était
          simplement le résultat d'un profond attachement aux anciens symboles païens, attachement toujours puissant,
          chez ceux qui, malgré le nom et la profession de chrétiens, sont encore, dans une large mesure, païens de
          coeur et de sentiments... C'est là et là seulement l'origine de l'adoration de la croix.


          Cela  paraîtra sans doute bien étrange  et bien incroyable à ceux qui ont lu  l'histoire de l'Église, comme
          beaucoup  le font, même parmi les protestants,  à travers des lunettes romaines; cela semblera surtout
          incroyable à ceux qui se rappellent la fameuse histoire de la croix apparaissant miraculeusement à Constantin.











                                                   O crux, lignum triumphale
                                                    Mundi vera salus, vale,
                                                    Inter ligna nullum tale
                                                    Fronde, flore, germine


                              Cette hymne mise en vers par les Romanistes de l'Église anglaise a été publiée avec d'autres de la même
                              origine dans un volume intitulé Dévotion de la Passion. Les Annales de Londres, avril 1842, donnent le
                              spécimen suivant de ces dévotions présentées par ces loups en vêtements de brebis aux membres de
                              l'Église d'Angleterre:
                                                Ô croix fidèle, arbre incomparable,
                                            Aucun arbre ne produit des feuilles, des fleurs,
                                                Des boutons semblables aux tiens.
                                                Doux est le bois, doux est le poids,
                                               Doux sont les clous qui te traversent,
                                                       Bois délicieux!

                       13     TERTULLIEN, De corona militis, tome II, ch. III, p. 80.
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                              WILKINSON, tome X, p. 283-284.
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