Page 144 - LES DEUX BABYLONES
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          enfant était souvent représenté avec un coeur à la main ou avec le fruit de Persée en forme de coeur (fig. 40).

          La gravure ci-dessus est tirée des "Pompéiens"; mais l'extrait suivant de la critique
          de John Bell sur les antiques de la galerie de peinture à Florence montre que le dieu
          enfant avait été représenté ailleurs de la même manière dans l'antiquité. Parlant d'une
          statue de Cupidon, il dit que c'est un bel enfant, épanoui, charmant, florissant, agile
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          et enjoué, et agitant un coeur . Ainsi le dieu enfant en vint à être regardé comme le
          dieu  du coeur, en d'autres termes, comme Cupidon ou le dieu de l'amour. Pour
          identifier ce dieu enfant à son père, le puissant chasseur, on l'équipait d'un arc et de
          flèches; et pour l'amusement du profane vulgaire, les poètes chantaient ce dieu enfant
          qui  lançait dans les coeurs  des flèches aux pointes dorées. Son  vrai caractère
          cependant, comme on le voit ci-dessus et comme nous avons eu des raisons de le
                                                                                                  Fig. 40
          conclure, était bien plus élevé, et d'une tout autre nature. Cet enfant était la semence
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          de la femme. Vénus et son fils Cupidon n'étaient pas autre chose que la Madone et l'enfant . Examinant le
          sujet à ce point de vue, nous comprendrons la véritable force et le sens du langage que Virgile met dans la
          bouche de Vénus, lorsqu'elle s'adresse au jeune Cupidon:



                                                  Mon fils, toi ma force,
                                            toi qui fais mon pouvoir suprême,
                                              Toi qui seul méprises les traits
                                              dont Jupiter foudroya Typhéé
                                                                                          11
                             C'est à toi que j'ai recours, et suppliante j'implore ta puissance .


          Nous avons déjà parlé du pouvoir et de la gloire de la déesse mère fondés entièrement sur le caractère divin
          de son fils, mais le lecteur s'en rendra mieux compte en voyant le Fils appelé la "Force de sa mère". Si le dieu
          enfant symbolisé dans un coeur était regardé comme le dieu de l'enfance, cela explique admirablement l'une
          des coutumes particulières à Rome. Kennett nous dit, dans ses Antiquités que les jeunes Romains dans leur
          plus tendre jeunesse, portaient un ornement doré suspendu à leur cou et appelé "bulla", en forme de coeur.
          Barker, dans son ouvrage sur la Cilicie, tout en admettant que la bulla des Romains avait la forme d'un
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          coeur , déclare en outre que c'était l'usage à la naissance d'un enfant de lui donner le nom de quelque divinité
          qui était censée le prendre sous sa protection, mais que ce nom n'était plus donné à l'enfant devenu jeune
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          homme quand il ne portait plus la bulla . Quel était donc ce dieu sous la garde duquel on mettait les enfants
          des Romains? N'était-ce pas le dieu même dont ils portaient le symbole formel sous l'un ou l'autre de ses noms
          différents, et qui tout en étant reconnu comme le grand et puissant dieu de la guerre, était aussi représenté sous
          la forme qu'il affectionnait, celle d'un petit enfant? Le culte du Sacré-Coeur semble aussi s'être répand jusque
          dans l'Inde. Dans ce pays, en effet, nous voyons Vichnou, le dieu Médiateur, atteint au pied d'une blessure






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                              BELL, L'Italie, p. 269. Edimbourg, 1825.
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                              Les lignes suivantes d'Ovide montrent qu'il identifiait distinctement Vénus et Cupidon avec la mère et
                              l'enfant de Babylone:
                                            Terribilem quondam fugiens Typhona Dione
                                              Tunc cum pro coelo Jupiter arma tulit,
                                            Venit ad Euphraten, comitata Cupidine parvo,
                                              Inque Palaestinae margine sedit aquae.
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                              Énéide,liv. I, y. 668-670.
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                              Lares et Pénates de la Cilicie, p. 147.
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                              ibid. p. 166.
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