Page 141 - LES DEUX BABYLONES
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          La feuille était évidemment un symbole d'une grande importance chez les anciens Persans;
          ainsi nous lisons dans Hérodote, à propos de la description des rites des anciens mages: "Si
          un  Persan veut offrir un sacrifice à un dieu, il mène l'animal à un endroit sacré. Alors,
          partageant la victime en morceaux, il fait bouillir la chair et la dépose sur les herbes les plus
          tendres,  et surtout sur le trèfle. Cela fait,  un mage (sans mage on ne peut faire aucun
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          sacrifice) chante un hymne sacré ." En Grèce, le trèfle ou luzerne, sous une forme ou une
          autre, occupait aussi une place importante; le bâton de Mercure, en effet, le conducteur des
          âmes,  à qui on attribuait tant  de puissance, s'appelait "Triptelos", ou le bâton aux trois
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          feuilles . Chez les Druides de la Grande-Bretagne, la feuille du trèfle blanc était en grande
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          estime; c'était l'emblème de leur triple dieu  et elle venait de la même origine Babylonienne
          que  le reste de leur religion. Le Mélilot, ou couronne de trèfle qui  enveloppait la tête
          d'Osiris,  était donc la couronne  de la Trinité (la couronne placée  sur sa tête comme
          représentant l'Éternel), la couronne de toute la terre, d'accord avec la voix divine qui dit à
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          sa naissance: "le Seigneur de la terre est né". Or, comme cette guirlande de Mélilot, cette
          couronne de la domination universelle, tomba de sa tête avant sa mort, quand il se releva pour vivre de
          nouveau, la couronne dut lui être remise sur la tête et son pouvoir universel solennellement déclaré. Voilà
          donc l'origine de ce couronnement solennel des statues du grand dieu, et aussi du dépôt du chapelet sur son
          autel, comme un trophée de son pouvoir reconquis. Mais si le grand dieu fut couronné, il fallait aussi que la
          grande déesse reçût le même honneur. Aussi, quand Bacchus emmena dans le ciel sa femme Ariadne, il lui
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          mit, dit-on, une couronne sur la tête  en signe de la haute dignité qui lui était conférée, et le souvenir du
          couronnement de la femme du dieu Babylonien est rappelé par la figure bien connue de la sphère appelée
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          Ariadnasa corona  ou  couronne d'Ariadne. C'est là, incontestablement, la vraie source de la cérémonie papale
          du couronnement de la Vierge.


          Si la couronne de Mélilot occupait une place si importante dans le mythe d'Osiris, si on posait un chapelet
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          sur son autel, et que sa tombe fut couronnée de fleurs , c'est là l'origine de cette coutume si générale dans le
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          paganisme, d'orner les autels des dieux de chapelets et de fleurs de toutes sortes .

          C'est aussi pour une autre raison qu'on décorait ainsi les autels. Lorsque "dans ce beau champ de l'Enna,
          Proserpine cueillant des fleurs, elle-même, fleur plus belle encore, fut cueillie par le terrible Pluton", toutes
          les fleurs qu'elle avait ramassées se perdirent, et, non seulement elle pleura en songeant à la perte qu'elle
          venait de faire, mais elle fut pleurée, dans les Mystères, comme étant une perte d'une gravité exceptionnelle.
          C'était une perte qui, non seulement la dépouillait de sa gloire spirituelle, mais encore portait atteinte à la
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          fertilité et à la beauté de la terre elle-même . Cependant, cette perte, la femme de Nemrod sous le nom
          d'Astarté ou Vénus, fit, dit-on, plus que la réparer.

          Aussi lorsque le chapelet sacré du dieu découronné fut placé de nouveau en triomphe sur sa tête et sur ses
          autels, les fleurs perdues par Proserpine furent retrouvées et admises aussi à côté du chapelet sur ses autels,



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                              Histoires, liv. I, p. 62-63.
                       18     HOMÈRE, Hymne à Mercure, v. 526.
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                              DAVIES, Les Druides, p. 418.
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                              OVIDE, Fastes, liv. III, vol. III, v. 513, p. 184.
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                              MANILIUS, liv. v, v. 21,P. 164.
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                              WILKINSON, vol. IV, p. 345.
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                              ibid. vol. V, p. 368.
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                              OVIDE, Métamorphoses, liv. V, fab. 6, 8. Ovide parle des larmes que répandit Proserpine quand, de sa
                              robe déchirée du haut en bas, tombèrent à terre toutes les fleurs quelle avait ramassées; cela montrait tout
                              simplement la naïveté d'un esprit enfantin. Mais ceci est évidemment pour les non-initiés. Les
                              lamentations de Gérés, intimement rattachées à la perte de ces fleurs, et la malédiction de la terre qui
                              s'ensuivit bientôt, indiquent quelque chose d'entièrement différent.
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