Page 204 - LES DEUX BABYLONES
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Ainsi, par voie de pure induction, nous avons été amenés de degré en degré à découvrir que le nombre
mystique 666 est marqué d'une manière incontestable et indélébile sur son propre front, et à trouver que celui
qui a son siège sur les sept collines de Rome a des titres exclusifs et incontestables à être regardé comme la
tête visible de la bête. Le lecteur cependant doit avoir remarqué, s'il a soigneusement observé le passage qui
parle du nom et du nombre de la bête de l'Apocalypse, que dans les expressions qui décrivent ce nom et ce
nombre, il y a encore une énigme qu'il ne faut pas négliger. Voici ces paroles: "Que celui qui a de
l'intelligence compte le nombre de la bête, car c'est le nombre d'un homme." (Apocalypse XIII, 18). Que
signifie cette parole: le nombre de la bête est le nombre d'un homme? Cela veut-il dire simplement qu'il a été
appelé d'un nom porté déjà par un homme? C'est du moins ainsi qu'on l'a compris d'ordinaire. Mais cela ne
serait assurément rien de bien distinctif, rien qui ne pût également s'appliquer à une foule de noms.
Mais rapprochez ce langage des faits que nous avons établis, et vous verrez quelle lumière divine jaillit
aussitôt de cette expression. Saturne, le dieu caché, le dieu des mystères représenté par le pape, et dont les
secrets étaient révélés seulement aux initiés, était identique à Janus, connu publiquement à Rome par les
initiés et les profanes comme étant le grand Médiateur, celui qui ouvre et qui ferme, et qui a la clef du monde
invisible. Mais que signifie ce nom de Janus? Ainsi que le montre Cornificius dans Macrobe, c'était à
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proprement parler "E-anush ", mot qui dans l'ancien Chaldéen signifie l'homme. La bête Babylonienne qui
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sort de la mer était désignée par ce même nom quand elle fit sa première apparition . Le nom de E-anush ou
l'homme était donné au Messie Babylonien pour l'identifier à la semence promise à la femme. Le nom
d'Homme, appliqué à un dieu, devait le désigner comme le dieu homme. Nous avons vu que dans l'Inde, les
Hindous Shasters déclarent que pour donner aux dieux le pouvoir de renverser leurs ennemis, il fallait que
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le Soleil, la divinité suprême, s'incarnât et naquit d'une femme Les nations classiques avaient une légende
d'une nature exactement semblable. Il y avait dans le ciel une tradition courante, dit Apollodore, d'après
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laquelle les géants ne pourraient jamais être conquis que par un homme . Cet homme qui, dit-on, avait
conquis les adversaires des dieux, était Janus le dieu homme. Par suite de ce caractère et de ces exploits, Janus
fut investi de grands pouvoirs, devint le gardien des portes du ciel, et l'arbitre de la destinée éternelle des
hommes. Le pape, comme nous l'avons vu, est le représentant légitime de ce Janus, l'homme babylonien; il
porte donc la clef de Janus, et en même temps celle de Cybèle, sa femme-mère; et aujourd'hui il s'arroge les
mêmes titres blasphématoires de ce dieu. Si donc le pape fonde sa prétention à l'hommage universel sur la
possession des clefs du ciel et cela dans un sens qui lui donne contrairement à tous les principes du
christianisme, le pouvoir d'ouvrir et de fermer les portes de gloire suivant son plaisir et sa volonté souveraine,
c'est là une preuve nouvelle et frappante qu'il est chef de cette bête de la mer, dont le nombre, identifié à
Janus, est le nombre d'un homme et correspond exactement à 666.
Mais il y a autre chose encore dans le nom de Janus ou Eanus. Janus, tout en étant ouvertement adoré comme
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Messie ou dieu-homme, était aussi honoré comme principium deorum , le principe et la source de tous les
dieux païens. Nous l'avons déjà fait remonter, sous ce caractère, par Cush, jusqu'à Noé, mais pour expliquer
les prétentions à un si haut caractère dans leur entière plénitude, il faut le faire remonter encore plus haut. À
l'époque où les mystères étaient en formation, du temps de Sem et de ses frères qui par le déluge étaient passés
du vieux monde dans le nouveau, les païens ne pouvaient guère ignorer l'histoire d'Adam; aussi pour
permettre que l'humanité fût divinisée, il fallait que l'on connût cette dignité supérieure, ce titre de "père des
dieux et des hommes". On le connaissait en effet. Les mystères étaient remplis de ses exploits et de ses
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Saturnalia, liv. I, ch. 9, p. 54. G.
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Le nom grec est Oannes mais c'est précisément la forme de He-anesh, 1'homme, en grec. Hensiri, en
grec, devient Osiris; de même He-anesh devient Oannes. Barker (Lares et Pénates, p. 224) prend Oannes
dans le sens de l'homme-dieu. La conversion du H' en O' existe chez les Irlandais. O'Brien et O'Connell
étaient primitivement H'Brien et H'Connell (Esquisses de l'Histoire Irlandaise, p. 72).
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Voir p. 144.
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Bibliothèque, liv. I, dans PARKHURST, sub voce, "aaz" n/ 5. Voir aussi MACRORE. Saturnales, liv. I,
ch. 20, à propos de l'homme-hercule.
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TERENTIANUS MAURUS dans BRYANT, vol. m, p. 82.