Page 209 - LES DEUX BABYLONES
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         comme divinité. Or, le lecteur a déjà vu qu'une autre forme du dieu soleil
         ou  Teitan à Rome, était le serpent d'Epidaure adoré sous le nom
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         d'Esculape, c'est-à-dire le serpent qui instruit l'homme . Ici donc nous
         voyons  qu'à Rome, Teitan ou Satan était identifié avec le serpent qui
         instruisit l'humanité, qui lui ouvrit les yeux (quand elle était aveugle) et
          lui donna la connaissance du bien et du mal. À Pergame et dans toute              Fig. 59
          l'Asie Mineure, d'oùRome tira directement sa connaissance des mystères,
          il en était de même. À Pergame surtout, où se trouvait d'une manière spéciale le siège de Satan, le dieu soleil
          on le sait, était adoré sous la forme d'un serpent, et sous le nom d'Esculape, le serpent instructeur de l'homme.
          Suivant la doctrine fondamentale des mystères tels qu'ils furent apportés de Pergame à Rome, le soleil était
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          la seule divinité . Teitan ou Satan était donc ainsi reconnu comme le seul dieu. Tammuz ou Janus, sous son
          caractère  de fils ou de semence de la femme, était une incarnation de ce dieu unique. Ici, nous voyons
          clairement le grand secret de l'empire Romain, c'est-à-dire le nom réel de la divinité tutélaire de Rome. Ce
          secret était gardé avec le plus grand soin, à ce point que Valerius Soranus, un homme du rang le plus élevé,
          et d'après Cicéron, le plus instruit de tous les Romains, l'ayant divulgué par mégarde, fut mis à mort sans pitié
          pour avoir fait une pareille révélation. Mais cependant ce secret est aujourd'hui entièrement révélé. Une
          représentation  symbolique du culte du peuple Romain, d'après les Pompéiens,  confirme fortement cette
          déduction, par une preuve qui s'adresse directement aux sens. Que le lecteur jette les yeux sur la gravure de
          la figure 59. Nous avons déjà vu qu'il est admis par l'auteur des "Pompéiens", à propos d'une autre figure, que
          les serpents du plan inférieur sont une autre manière de représenter les divinités ténébreuses du plan supérieur.
          Admettons ici le même principe; il s'ensuit que les hirondelles, ou les oiseaux poursuivant les mouches,
          représentent le même sujet que les serpents qui sont au-dessous. Mais le serpent dont nous avons une double
          représentation est évidemment le serpent d'Esculape.



          L'hirondelle, qui détruit les mouches, doit donc représenter la même divinité. Or, chacun sait quel était le nom
          qu'on donnait au seigneur de la mouche ou au dieu destructeur des mouches du monde oriental; c'était Beel-
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          Zebub . Ce nom signifiant le maître de la mouche pour le profane, signifiait seulement le pouvoir qui détruit
          les essaims d'abeilles quand elles devenaient, chose fréquente dans les pays chauds, un tourment pour les
          peuples chez lesquels elles faisaient invasion. Mais ce nom, identifié avec le serpent, apparaît clairement
          comme   un des noms distinctifs de Satan. Et comme ce nom est bien approprié si on en pénètre  le sens
          mystique ou ésotérique! Quel est en effet le vrai sens de ce nom? Beel-Zebub signifie "le Seigneur qui ne se
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          repose pas , ce malheureux qui va et vient sur la terre, qui monte et descend, qui va dans les lieux secs pour
          y chercher le repos, et qui ne peut l'y trouver." De tout ceci il faut forcément conclure que Satan, sous son
          propre  nom, doit avoir été le grand dieu de ce culte secret et mystérieux, et ceci explique le mystère
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          extraordinaire observé sur ce sujet . Quand donc Gratien abolit à Rome les mesures temporaires du support
          du culte du feu et du culte du serpent, nous voyons dans cet acte l'accomplissement exact de la prédiction



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                              Ais-shkul-apé, de aish, homme, shkul, instruire, et Aphé ou Apé, serpent. La forme grecque, Asclepios,
                              signifie simplement le serpent qui instruit et vient de A, le, skl, enseigner, et hefï, serpent, les mots
                              chaldéens étant ainsi modifiés en Égypte. Mais Asclepios est susceptible d'un autre sens, comme dérivé
                              d'Aaz, force et Khlep, renouveler. Dès lors dans la doctrine ésotérique, Asclepios était simplement connu
                              comme celui qui restaure la force ou le dieu qui guérit. Identifié avec le serpent, le vrai sens du nom
                              paraît être celui que nous avons tout d'abord indiqué. Macrobe, dans un récit de la doctrine mystique des
                              anciens, dit qu'Esculape était cette influence bienfaisante du soleil qui se répand dans les âmes (Sat., liv.
                              it ch. 28). Or, le serpent était un symbole du soleil qui illumine.
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                              MACROBE, Saturnales, liv. I, ch. 17, 23, p. 65, O et 72, 1-2.
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                              KITTO, Commentaire illustré, vol. II, p. 317.
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                              Voir CLAVIS STOCKII, sub voce Zebub. Le mot Zebub vient d'une racine arabe, qui veut dire aller
                              d'un lieu à un autre, comme les mouches, sans se reposer. Baal-zebub signifie dans son sens secret: le
                              Seigneur qui se remue sans cesse.
                       42     Lactance (De Orig. err, liv. II, ch. 16, p. 108) conclut que le serpent d'Esculape symbolisait Satan: "C'est
                              là que fut introduit le prince des démons; ceux qui étaient envoyés pour cela ramenèrent avec eux un
                              dragon d'une proportion extraordinaire."
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