Page 13 - Bible Ostervald 1744
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Discours préliminaire
providence, qui dispense les biens et les maux, qui les circonstances les hommes auraient pu mettre
protège les gens de bien, qui punit les méchants, des obstacles à l’exécution des desseins de Dieu,
que ce Dieu tout juste rendra à chacun selon ses à moins qu’il n’eût fait des miracles continuels et
œuvres et d’autres doctrines semblables qui sont changé l’ordre du monde. Ainsi, c’est avec une
proposées dans ces livres et particulièrement dans grande sagesse qu’il a répandu quelque obscurité
celui de Job et dans les Psaumes avec beaucoup sur les prophéties.
de clarté et soutenues par des exemples très instruc-
tifs. Ces livres contiennent d’admirables maximes de Il faut savoir après cela que ce qui était obscur est
morale et des préceptes fort utiles sur les principaux devenu clair par l’événement. La plupart des oracles
devoirs de la religion, sur la justice, sur la charité, qui regardaient la venue de Jésus-Christ, ses souf-
la pureté et la tempérance, sur la patience et sur frances, son règne, la réjection des Juifs et la voca-
les autres vertus. On y trouve, et surtout dans les tion des gentils sont maintenant faciles à entendre.
Psaumes, de beaux sentiments de piété et d’excel- Les prédictions qui se rapportaient aux Juifs et qui
lents modèles de dévotion. On y voit combien nous marquaient la ruine de Jérusalem et leur dispersion
devons être touchés de la grandeur de Dieu, avec qui devait arriver premièrement par les Assyriens
quel respect il faut adorer cet être suprême, avec et les Babyloniens et ensuite par les Romains peu
quelle attention et quel plaisir on doit méditer les après la venue de notre Seigneur, ces prédictions-
merveilleux ouvrages de la création et de la provi- là n’ont aucun embarras, l’événement les ayant par-
dence, avec quelle ardeur et quelle reconnaissance faitement éclaircies. Pour ce qui est de celles qui
nous devons célébrer ses perfections et le remercier concernaient les autres peuples et les empires du
de ses bienfaits, l’estime que nous devons faire des monde, telles que sont les prophéties d’Esaïe, de-
saintes lois du Seigneur et les avantages incompa- puis le chapitre XIII et les célèbres prédictions de
rables que la piété procure à ceux qui s’y adonnent. Daniel, elles sont plus difficiles à entendre parce
Nous y apprenons à nous confier en Dieu, à l’invo- que la plupart de ceux qui les lisent ne savent pas
quer dans l’adversité, à nous soumettre avec rési- l’histoire de ces peuples et de ces temps là, mais
gnation à sa volonté, à recourir à sa miséricorde par elles sont tout à fait claires pour ceux à qui cette his-
la repentance quand nous l’avons offensé. Ainsi, la toire est connue. Outre cette obscurité qui vient des
lecture de ces livres-là est très propre pour diriger et choses mêmes dont les prophètes parlent, il y en a
pour enflammer la dévotion. une autre qui naît du style de ces hommes divine-
ment inspirés. Ils s’exprimaient d’une manière figu-
Des livres prophétiques. rée. Ils employaient diverses images et des façons
Les livres prophétiques sont les écrits des pro- de parler fort éloignées de l’usage de notre temps.
phètes, depuis Esaïe jusqu’à Malachie. On les Mais avec quelque secours, tel qu’est celui qu’on a
nomme prophétiques parce qu’ils contiennent prin- tâché de donner dans cet ouvrage et dès qu’on est
cipalement des prophéties ou des prédictions. Ce un peu accoutumé au langage des prophètes, on
n’est qu’il n’y ait pas dans ces livres des histoires peut aisément voir ce qu’ils veulent dire. Après tout,
très remarquables, comme dans Jérémie, dans Da- s’il y a des endroits dans leurs écrits que l’on ne com-
niel et dans Jonas et qu’ils ne renferment aussi di- prenne pas bien, on peut sans préjudice de salut en
verses instructions morales, telles que sont les ex- ignorer le sens.
hortations et les remontrances des prophètes. Mais
les prophéties sont la principale partie de ces livres- Mais on a grand tort de négliger comme on fait la
là. Et ces prophéties sont de trois sortes. Il y en a qui lecture des prophéties.
regardent Jésus-Christ et l’église Chrétienne, il y en
a d’autres qui concernent les Juifs et il y en a enfin Si les chrétiens les lisaient et les méditaient, ils en
qui marquent ce qui doit arriver aux autres peuples verraient sortir une lumière qui les frapperait. Ils y
et dans les empires du monde. découvriraient des beautés qui leur sont inconnues
Quand on lit ces oracles des prophètes, on y et ils se sentiraient tout autrement pénétrés de la
trouve d’abord de l’obscurité, mais cela ne doit vérité et de l’excellence de la religion qu’ils ne le
pas surprendre. Il faut considérer premièrement que sont. En effet, on ne saurait rien imaginer qui puisse
toute prophétie doit être obscure, au moins à cer- nous convaincre avec plus d’évidence et avec plus
tains égards avant l’événement. Non seulement il de force qu’il y a un Dieu qui conduit toutes choses
n’était pas nécessaire pour le salut des fidèles de ce et qui nous parle dans les Écritures, que ces pro-
temps-là que les oracles fussent clairs pour eux et phéties si anciennes qui étaient déjà entre les mains
qu’ils les entendissent parfaitement, mais le sens en des Juifs telles que nous les avons plusieurs siècles
a dû être caché. La profonde sagesse de Dieu et les avant la venue de notre Seigneur et qui ont été
merveilles de sa Providence paraissent avec bien si exactement accomplies. C’est pourquoi l’apôtre
plus d’éclat quand on fait réflexion qu’il a accompli Pierre recommande aux chrétiens la lecture et la mé-
ses desseins et les prédictions des prophètes sans ditation des prophéties comme un moyen tout à fait
que les hommes le sussent et par des moyens aux- propre à affermir leur foi.
quels personne n’aurait pensé. D’ailleurs si ces pré-
dictions eussent été tout à fait claires dans toutes Nous avons ainsi la parole des prophètes qui est
très ferme, à laquelle vous faites bien de vous atta-
cher comme à une lampe qui éclairait dans un lieu
obscur en attendant que le jour vînt à luire et que
l’étoile du matin se levât dans vos cœurs 4.
XI