Page 15 - Bible Ostervald 1744
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Discours préliminaire
pureté des mœurs et de munir les fidèles contre les tant lire à la fois, quoi que pourtant il y ait quelque
erreurs que diverses personnes sorties d’entre les différence à faire à cet égard. Quand on lit des his-
Juifs ou d’entre les païens s’efforçaient de répandre toires, on peut lire davantage et aller plus vite. Une
et par lesquelles elles corrompaient la doctrine et histoire est plus liée, elle ne transporte pas l’esprit
la morale de l’Évangile. Le grand but des apôtres d’un sujet à un autre, la suite de la narration attache,
dans toutes les Épîtres est de porter les chrétiens à elle soutient l’attention et l’on retient aussi mieux ce
persévérer dans la foi et dans une vie sainte. Elles qu’on a lu. Mais lors qu’on lit des chapitres de doc-
finissent toutes par des exhortations à la pratique trine ou de morale, comme dans le livre de Job, dans
des vertus et des devoirs de la religion. Il y en a les Proverbes et dans les Épîtres, on ne peut pas
même qui n’ont été écrites que dans cette vue, telles faire de si longues lectures parce que chaque ver-
sont particulièrement les Épîtres qu’on appelle ca- set demande une considération particulière, ainsi il
tholiques, dans lesquelles, à la réserve de certains faut lire moins et plus lentement.
endroits où les apôtres touchent quelques articles
de doctrine, on ne trouve que des préceptes de mo- Avec assiduité.
rale et des exhortations à la sainteté. On doit lire fréquemment et assidûment. Ce n’est
que par une lecture fréquente qu’on peut se rendre
III - Avec quelles dispositions il faut lire l’Écriture. l’Écriture familière et en acquérir une connaissance
On voit par ce qui vient d’être dit que la lecture suffisante. En la lisant souvent et régulièrement, on
du Vieux et du Nouveau Testament est une source a occasion de la méditer toujours davantage. Mais
abondante d’instruction et d’édification. Mais pour ceux qui ne la lisent que rarement ne se rempliront
en tirer cette utilité, il faut que l’esprit et le cœur jamais l’esprit et moins encore le cœur de ce qui est
soient bien disposés quand on les lit. On pourrait contenu dans les livres sacrés. Outre cela, une lec-
lire l’Écriture, même avec assiduité et le faire cepen- ture assidue et exacte donne toujours plus de goût
dant sans aucun fruit si on ne lisait que pour lire et pour la parole de Dieu, étant certain que plus on la
par besoin d’acquit seulement. Il en est de la lecture lit, plus on la médite et plus on y trouve d’onction et
comme de la prière et des autres actes de la religion de beauté, plus elle éclaire l’esprit, plus elle réjouit et
qui ne servent de rien et qui tournent même en pé- sanctifie le cœur. Un chrétien doit donc faire de cette
ché lors qu’on n’y apporte pas les dispositions qui divine parole son étude ordinaire, la méditer jour et
doivent les accompagner. nuit et comme il prend tous les jours la nourriture du
corps, il doit aussi donner chaque jour à son âme la
Avec attention. nourriture céleste qui fait vivre éternellement.
La première est l’attention. C’est-à-dire que quand
on lit, il faut que l’esprit soit libre, tranquille et vide Avec discernement.
d’autres pensées. On doit surtout prendre garde que Il faut lire avec discernement, et cela, tant pour
le cœur ne soit pas possédé par les passions, car bien entendre le sens de l’Écriture que pour en com-
c’est principalement du cœur et des passions que prendre l’usage. Autrement on la lirait sans fruit et
procèdent les distractions et le manque d’attention on pourrait même se tromper dangereusement. Pre-
dans la lecture, aussi bien que dans la prière, l’es- mièrement, on a besoin de discernement pour bien
prit revenant toujours aux choses dont le cœur est juger comment et en quel sens ce qu’on lit est la
occupé. À cause de cela, il est bon de choisir pour parole de Dieu. Tout de même qu’il y a des ac-
la lecture un temps où l’on ne soit pas occupé par tions qui sont récitées dans l’Écriture, non pour que
d’autres choses et particulièrement le matin. Il im- nous les imitions, mais plutôt pour nous en donner
porte aussi de se recueillir avant que de commen- de l’horreur ; aussi on y trouve bien des choses qui
cer la lecture et de s’exciter à l’attention en pensant n’ont pas été mises par écrit pour servir de règle à
sérieusement à ce qu’on va faire et en considérant nos sentiments et à notre conduite. Les auteurs sa-
que, quand nous lisons l’Écriture, Dieu nous parle et crés rapportent quelquefois les discours et les senti-
que c’est par le moyen de sa parole qu’il veut nous ments des méchants. On trouve dans Malachie ces
conduire à la vie éternelle et nous rendre heureux. paroles :
Outre cela, pour lire avec attention, il faut lire à C’est en vain qu’on sert Dieu et que gagne-t-on à
loisir. Certaines personnes se piquent de lire beau- garder ce qu’il a commandé ? 11
coup et de parcourir les livres de l’Écriture en peu Et on lit dans une des Épîtres de Paul, cette
de temps, mais la lecture ne devient profitable que maxime des profanes et des gens sensuels :
par l’attention qu’on y donne, par la méditation et par Mangeons et buvons, car nous mourrons demain.
les réflexions qu’on y fait. Il en est de la lecture, qui Mais quand on lit ces endroits-là et d’autres sem-
est la nourriture de l’âme, comme de la nourriture blables, il faut se souvenir, que ce sont des impies
du corps qui ne peut conserver la vie et les forces, à qui parlent de la sorte. Les personnes mêmes dont
moins qu’elle ne soit mâchée et digérée. la piété est louée dans l’Écriture n’ont pas toujours
Ainsi, il faut éviter la précipitation, ne rien faire à parlé et agi d’une manière conforme à la piété. Ainsi,
la hâte et se donner le loisir de bien considérer et de quand on lit que David jura d’exterminer la maison
bien peser ce qu’on lit. Pour cet effet, les lectures ne de Nabal 12, il faut penser qu’il pécha en cela. Les
doivent pas être trop longues et il vaut mieux ne pas discours des amis de Job 13, quoique très beaux et
très instructifs, ne sont pas à approuver en tout, car
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