Page 8 - Dictionnaire de la Bible J.A. Bost 1849
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théologie c'est le christianisme acquérant la conscience de lui-même; la théologie c'est l'étude des saintes
lettres, la contemplation de Dieu en Jésus-Christ.
Sans doute on pourra dire encore qu'en définitive la théologie n'est que de la théorie; mais ce que l'on ne
dira pas, c'est le mal qu'un semblable indifférentisme a fait à l'Église. Ce dédain pour la science
théologique est tout aussi légitime que le serait le mépris du voyageur pour celui dont les rêves ont
imaginé l'application de la vapeur à la mécanique. On peut se passer de la science théologique comme on
peut se passer des élucubrations astronomiques de tous ceux qui ont tracé et calculé la marche des astres;
ils ont travaillé dans le ciel, et les praticiens sont sur la terre. Comme science, la théologie n'est sans doute
pas le christianisme, mais elle en est à la fois l'avant-garde, et la sauvegarde. La théologie a souvent fait
fausse route, mais qui nous dira combien de fois l'ignorance s'est jetée dans les travers du mysticisme ou
de l'incrédulité? Qui nous dira les écueils contre lesquels sont venues se heurter des âmes simples et
sérieuses naviguant sans la connaissance des eaux? Qui nous dira combien de fois, en marchant sur cette
terre inconnue, à tâtons au milieu de précipices dont rien n'indiquait la présence, des âmes pieuses et des
Églises entières ont versé pour ne se relever qu'avec peine, ou ne point se relever, et compromis ainsi une
cause qu'elles voulaient servir avec zèle, mais sans connaissance? Qui nous dira jusqu'à quel point cette
ignorance n'a pas, de nos jours encore, fatalement influé sur la durée, la profondeur et la réalité du réveil
religieux, dont on avait pu concevoir tant et de si belles espérances! Pourquoi si peu de fruits après tant
de fleurs? Ah! sans doute, lorsque la foi est ce qu'elle doit être, vive, enfantine et pure, elle peut suppléer
à la connaissance, parce qu'elle est elle-même la démonstration des choses qu'on ne voit point. Mais elle
ne le peut qu'à la condition d'être entière et sans tache ni défaut. Elle ne le peut aussi que parce qu'il est
dans sa nature même de ne point rester incomplète, mais de s'agréger la connaissance, de s'approprier la
science, de croître en s'assimilant tous les éléments de la révélation. Elle ne veut perdre aucune des
paroles qui lui ont été données comme «propres à enseigner, à instruire, à convaincre, pour que l'homme
de Dieu soit accompli, et parfaitement instruit pour toute bonne œuvre.» Elle ne se contente pas de
connaître en partie, elle aspire à connaître parfaitement. Du jour où l'ignorance cesse de lui peser, c'est
que l'indifférence a commencé; c'est que la foi languit; alors cette plénitude de vie et de force qui la
soutenait au milieu des difficultés de la route l'abandonne; alors aussi cette connaissance qui était pour
elle un besoin intérieur, devient pour elle, bon gré mal gré, un besoin extérieur. La force qui lui manque
au-dedans, il faut qu'elle la retrouve au dehors; après comme avant, à la foi il faut ajouter la science. C'est
une nécessité pour l'individu comme pour l'Église.
Il suffirait d'ailleurs pour s'en convaincre de consulter l'état de nos paroisses, ou de lire quelques-uns de
ces pâles sermons, maigres, étiques, sans substance, dont on les repaît si habituellement en tant de lieux.
De la morale, de la dogmatique, délayée en trois points filandreux, de bons vœux, sans doute, parfois des
descriptions pathétiques, de touchants tableaux, mais le retour invincible aux lieux communs, au cadre
tout fait, au moule convenu, enfin l'horreur des questions élevées et précises, scientifiques et complètes;
voilà ce qui leur a valu depuis un certain nombre d'années cette réputation de somnolence dont ils auront
de la peine à se débarrasser. Et pour peu que cela continue quelque temps encore, nous n'aurons bientôt
plus grand chose à envier sous ce rapport aux prônes des curés de village; nous aurons même le
pittoresque de moins. Les paroisses de leur côté, ou plutôt les paroissiens, ne cessant d'entendre les
mêmes choses sous toutes les formes, et ne distinguant plus les sermons que par les textes, ne tardent pas
à s'imaginer qu'ils en savent aussi long que leurs conducteurs, et partant ils cessent d'étudier l'Écriture;
bientôt ils cessent même de la lire; ils ne fréquentent plus le culte, ou s'ils le fréquentent encore, ce n'est
que par accident. On a des anciens qui ne connaissent plus, même les éléments de la vérité religieuse, et
des catéchumènes dont l'unique préoccupation, puisqu'ils en savent autant que leurs pères, est d'avoir
vite expédié la formalité de l'instruction religieuse. Il en est sans doute autrement dans les grands centres,
où, sur le nombre, il s'est conservé un noyau vivant de ces chrétiens de la vieille roche qui veulent encore
que la Bible soit étudiée comme elle doit l'être, sérieusement et à fond; et ce qui prouve le mieux en
faveur de l'idée sur laquelle nous croyons devoir insister, c'est ce double fait que, partout, ceux qui ont la
foi cherchent à la nourrir et à la fortifier par l'étude de l'Écriture, partout aussi, ceux qui n'ont pas la foi
négligent jusqu'à la simple lecture de la Parole de Dieu.

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