Page 55 - La Guerre Sainte par John Bunyan
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lorsqu'il avait l'une de ces crises de repentir (et il en avait de ter-
ribles), il rugissait comme un lion et ses puissantes harangues fai-
saient trembler toute la Ville de l'Âme.
Aussi Diabolus le craignait. Ses paroles, comme je viens de l'expli-
quer, éclataient sur la ville comme le font de soudains orages, et
avaient une violence comparable à celle des coups de tonnerre. Ré-
fléchissant qu'il ne pouvait se l'attacher parfaitement et faire de lui
sa créature, le Géant décida de le débaucher autant que faire se
pouvait: il essaya de stupéfiants sur la pensée, et d'endurcir le cœur
en l'entraînant sur les chemins de la vanité. Ici encore Diabolus
réussit partiellement. Peu à peu, il l'entraîna dans le mal et la mé-
chanceté, à ce point que M. Conscience perdit à peu près complè-
tement le sentiment du péché. Ne pouvant obtenir davantage, Dia-
bolus décida d'essayer de persuader aux habitants de la Cité que M.
Conscience était devenu fou; inutile donc de s'inquiéter de lui. À ce
propos, il rappela les terribles crises de M. Conscience: S'il est alors
lui-même, dit l'Usurpateur, pourquoi n'est-il pas ainsi toujours ? La
vérité, c'est que tous les fous ont des crises dangereuses, et comme
il est fou, il a les siennes. C'est de cette façon et par plusieurs
autres de cette nature que Diabolus conduisit Âme d'Homme à ou-
blier, à négliger et même à mépriser ce que pouvait dire M. Cons-
cience. Quand Diabolus réussissait à étourdir celui-ci, il ne manquait
pas de lui faire nier ce qu'il affirmait lorsqu'il avait ses terribles ré-
veils, de telle sorte qu'il le disqualifiait chaque jour davantage aux
yeux des habitants. Désormais ce n'était plus librement qu'il élevait
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