ALLER A LA TABLE DES MATIERES DE FLAVIUS JOSEPHE

 

AVANT-PROPOS - LIVRE I - LIVRE II - LIVRE III - LIVRE IV - LIVRE V - LIVRE VI - LIVRE XI - LIVRE XII - LIVRE XIII - LIVRE XIV - LIVRE XV

texte numérisé et mis en page par François-Dominique FOURNIER

Flavius Josèphe

ANTIQUITES JUDAÏQUES

 

LIVRE 4

 

Chapitre premier

Les Hébreux contre l’avis de Moïse, engagent la bataille contre les Chananéens et sont vaincus.

1. Les Hébreux, révoltés contre Moïse, se préparent à lutter seuls avec les Chananéens. - 2. Échec des Hébreux. -3. Moïse les ramène dans le désert.

 

1[1]. La vie dans le désert fut si désagréable et si pénible aux Hébreux qu'elle les poussa, malgré la défense de Dieu, à faire une tentative contre les Chananéens. Car ils ne voulaient pas, dociles aux paroles de Moïse, se tenir en repos, et, croyant que, même en se passant de son initiative, ils pourraient vaincre leurs ennemis, ils se prirent à l'accuser, à le suspecter de faire tous ses efforts pour les laisser sans ressources, afin qu'ils eussent toujours besoin de son assistance, et ils s'élancèrent au combat contre les Chananéens, disant que ce n'était pas par faveur pour Moïse que Dieu les secourait, mais parce qu'en général, il prenait soin de leur peuple, en considération de leurs ancêtres qu'il avait pris sous sa tutelle. C'était pour leurs vertus que jadis il leur avait donné la liberté, et maintenant, s'ils voulaient faire effort, il serait toujours là pour combattre avec eux. D'ailleurs, ils prétendaient être suffisamment forts par eux-mêmes pour vaincre les nations, quand même Moïse voudrait leur aliéner la faveur de Dieu ; ils avaient tout intérêt à être leurs propres maîtres et non pas, après s’être réjouis d'avoir échappé aux violences des Egyptiens, à subir la tyrannie de Moïse et à vivre selon sa volonté. Il nous trompe, disaient-ils, en se prétendant le seul à qui la divinité, par bienveillance pour lui, dévoile notre sort futur, comme si nous n'étions pas tous de la race d'Abram et que Dieu lui eût donné à lui seul l'autorité nécessaire pour connaître l'avenir dont il l'instruirait. Ce serait faire preuve d'intelligence que de mépriser la jactance de Moïse et, en se confiant à Dieu, d'aspirer à conquérir ce pays qu'il leur avait promis, sans se soucier de l'homme qui, en alléguant ce prétexte, voudrait les en empêcher au nom de Dieu. Songeant donc à leur misère et à cette terre déserte qui la leur fait paraître plus cruelle encore, ils s'élancent au combat contre les Chananéens en se donnant Dieu pour chef et sans attendre aucun concours de la part du législateur.

 

2[2]. Ayant ainsi décidé que tel était le meilleur parti pour eux, ils marchèrent contre leurs ennemis ; ceux-ci, sans se laisser effrayer par leur agression ni par leur nombre, reçurent vaillamment le choc ; parmi les Hébreux, beaucoup périssent, et le reste de l'armée, une fois la phalange défaite, poursuivi par l'ennemi, s'enfuit en désordre vers le campement ; et, complètement découragés par cet échec inattendu, ils ne comptent plus désormais sur rien de bon, réfléchissant qu'ils doivent encore ce désastre à la colère de Dieu, pour être partis se battre à l'étourdie sans son assentiment.

 

3. Moïse, voyant les siens accablés par cette défaite et craignant qu'enhardis par la victoire, les ennemis, avides de plus grands succès, ne marchassent sur eux, estima qu'il fallait emmener l'armée bien loin des Chananéens vers le désert[3]. Et, comme le peuple s'en remettait de nouveau à lui - car ils comprenaient que, sans sa vigilance, ils ne pourraient mener leurs affaires à bien -, ayant levé le camp, il s'enfonça dans le désert, pensant qu'ils y trouveraient la tranquillité et n'en viendraient pas aux mains avec les Chananéens avant que Dieu leur en fit trouver une occasion favorable.

 

Chapitre II

Révolte de Coré et du peuple contre Moïse et son frère à propos du sacerdoce.

1. Indiscipline des Hébreux. - 2. Jalousie de Coré ; ses récriminations contre Moïse et Aaron. - 3. Succès de ses calomnies parmi le peuple. - 4. Discours de Moïse à l'assemblée.

 

1. Ainsi qu'il arrive aux grandes armées, surtout après des revers, de montrer de l'indiscipline et de l'indocilité, on vit ce fait se produire aussi chez les Juifs. Ces soixante myriades d'hommes qui, à cause de leur nombre, peut-être même dans la prospérité ne se seraient pas soumis aux meilleurs d'entre eux, à plus forte raison alors, sous l’empire de la misère et du malheur, s'emportaient les uns contre les autres et contre leur chef. C'est ainsi qu'une sédition, dont nous ne savons pas d'exemple ni chez les Grecs ni chez les Barbares, s'émut parmi eux ; elle leur fit courir à tous un danger mortel dont ils furent préservés par Moïse, qui ne leur garda pas rancune d’avoir été tout près de périr lapidé par eux. Dieu lui-même ne laissa pas de leur épargner un désastre terrible et, bien qu'ils eussent outragé leur législateur et les instructions que Dieu leur avait mandées lui-même par Moïse, il les sauva des malheurs que cette sédition leur eût attirés s'il n'y avait veillé. Cette sédition, ainsi que les mesures que prit ensuite Moïse, je la raconterai après avoir préalablement exposé le motif qui la fit naître.

 

2[4]. Coré[5] (Korés), un des plus éminents d'entre les Hébreux par la naissance et par les richesses[6], homme assez éloquent et fort capable de se faire écouter du peuple[7], voyant Moïse monté au faite des honneurs, conçut contre lui une ardente jalousie, car il était de la même tribu, et même son parent[8]. Il était plein de dépit, parce qu'il croyait avoir plus de droits à jouir de pareils honneurs, comme étant plus riche que Moïse, sans lui être inférieur par la naissance. Et il allait réclamant parmi les Lévites, qui étaient de sa tribu, et principalement parmi ses parents, criant qu’il était honteux de laisser insouciamment Moïse travailler à se préparer une gloire personnelle, l'acquérir par de coupables manœuvres en se réclamant de Dieu, contrevenir aux lois en donnant le sacerdoce à son frère Aaron, sans l'avis général du peuple, mais sur sa propre décision, et, à la manière d'un tyran, distribuant les honneurs à sa guise[9]. « La violence est chose bien moins grave qu’un préjudice causé en cachette, parce qu'alors ce n'est pas seulement contre le gré des gens, c'est sans qu'ils soupçonnent même la perfidie qu'on leur enlève le pouvoir. Quiconque, en effet, a conscience de mériter de recevoir les honneurs, tâche de les obtenir par persuasion, n'osant pas s'en emparer par force ; mais ceux qui n'ont aucun moyen d'arriver par leur mérite aux honneurs, sans doute n'emploient pas la violence, parce qu'ils tiennent à avoir l'air d'honnêtes gens, mais ils s'efforcent de parvenir à la puissance par des artifices pervers. Il est de l'intérêt du peuple de châtier de telles gens, pendant qu'ils croient encore nous échapper, et d'éviter qu'en les laissant arriver au pouvoir, on ne se fasse d'eux des ennemis déclarés. Car enfin, quelle raison pourrait donner Moïse d'avoir conféré le sacerdoce à Aaron et à ses fils ? Que si Dieu a décidé d'octroyer cette charge à quelqu'un de la tribu de Lévi, c'est moi qui y ai le plus de droits ; ma naissance me fait l'égal de Moïse ; ma fortune et mon âge me donnent l'avantage. Que si elle revient à la plus ancienne des tribus, il serait juste que ce fût celle de Roubel qui possédât la charge, entre les mains de Dathan(ès), d'Abiram(os) et de Phalaès[10], qui sont les plus âgés d'entre ceux de la tribu et puissants par d'abondantes richesses. »

 

3. Sans doute, Coré voulait par ces discours paraître veiller à l'intérêt général ; en réalité, il ne travaillait qu'à se faire décerner à lui-même cette charge par le peuple ; mais, s'il y avait de méchants desseins dans ce qu'il disait, c'était avec grâce qu'il parlait aux gens de sa tribu. Ces propos se propageant peu à peu parmi la foule, et ceux qui les écoutaient enchérissant encore sur les calomnies dirigées contre Aaron, toute l'armée en est bientôt envahie. Le nombre de ceux qui se joignirent à Coré était de deux cent cinquante grands, très ardents à vouloir dépouiller du sacerdoce le frère de Moïse et à déshonorer ce dernier lui-même. Mais le peuple était également excité et s'élançait pour jeter des pierres à Moïse[11]. Ils se réunirent tumultueusement en assemblée dans le trouble et le désordre. Debout devant le tabernacle de Dieu, ils criaient qu'on chasse le tyran et qu'on délivre le peuple asservi à un homme qui se réclamait de Dieu pour imposer ses commandements oppressifs. Dieu, en effet, si c'était lui qui avait choisi quelqu'un pour prêtre, aurait investi de ces fonctions le plus digne et n'aurait pas consenti a les attribuer à des hommes bien inférieurs à beaucoup d'autres, et, s'il avait décidé de les octroyer à Aaron, il les lui aurait fait conférer par le peuple et n'en aurait pas laissé le soin à son frère.

 

4[12]. Mais Moïse, qui avait prévu dès longtemps les calomnies de Coré, quoiqu’il vît le peuple très irrité, ne s'effraya pas ; au contraire, assuré d'avoir bien administré les affaires, et sachant que son frère devait au choix de Dieu d'avoir obtenu le sacerdoce, et non à son bon plaisir à lui, il vint à l'assemblée. Au peuple il ne tint aucun discours, mais, s'adressant à Coré et s'écriant de toutes ses forces, Moïse, qui, parmi tous ses talents, avait le don de se faire écouter du peuple : « A mon avis, dit-il, Coré, non seulement toi, mais chacun de ces hommes - il désignait les deux cent cinquante, - vous méritez les honneurs ; le peuple tout entier lui-même, je ne l'écarterais pas de ces mêmes honneurs[13], encore qu'il leur manque ce que vous avez, vous, en fait de richesses et autres distinctions. Si aujourd'hui Aaron est investi du sacerdoce, ce n'est pas pour l'avantage de la richesse - ne nous surpasses-tu pas l'un et l'autre par l'étendue de la fortune ? -, ni pour la noblesse de la naissance, - Dieu nous a faits égaux à cet égard en nous donnant le même ancêtre -, ni par amour fraternel que j'ai conféré à mon frère un honneur dont un autre aurait été plus digne. Aussi bien, si j'avais négligé Dieu et les lois en disposant de ces fonctions, je ne me serais pas oublié moi-même pour les conférer à un autre, car je suis bien plus proche parent de moi-même que mon frère et je suis lié plus étroitement à ma personne qu'à la tienne. Il eût été insensé, en effet, d'aller m'exposer aux dangers d’une illégalité pour en donner à un autre tout le bénéfice. Mais, d'abord, je suis au-dessus d'une vilenie, et Dieu n'eût pas permis qu'on l'outrageât ainsi, ni que vous ignorassiez ce qu'il vous fallait faire pour lui être agréable ; mais, comme il a choisi lui-même celui qui doit être son prêtre, il m'a dégagé de toute responsabilité à cet égard. Cependant, bien qu'Aaron doive ces fonctions, non à ma faveur, mais à une décision de Dieu, il vous les soumet publiquement et permet à qui veut de les revendiquer ; désormais, il entend qu'on ne les lui accorde que si on fait choix de lui et, pour le moment, qu'on lui permette de concourir pour les gagner : plutôt que de garder ce privilège, il préfère ne pas voir de dissensions parmi vous, bien qu'il le tienne de vos propres suffrages ; car, ce que Dieu a donné, nous ne nous trompons pas en croyant le recevoir aussi de vous. Et puis, récuser une dignité que Dieu offrait lui-même eût été impie ; en revanche, vouloir la garder pour toujours quand Dieu ne nous en garantit pas la jouissance assurée, ce serait manquer complètement de sens. Dieu désignera donc de nouveau lui-même celui qu'il veut voir lui offrir les sacrifices pour vous et présider au culte. Il est absurde, en effet, que Coré, qui convoite ces fonctions, enlève à Dieu la faculté de décider à qui il les accordera. Ainsi, mettez fin à cette querelle et aux troubles qu'elle entraîne, et demain, vous tous qui briguez le sacerdoce, apportez, chacun de chez vous, un encensoir avec des parfums et du feu et venez ici. Et quant à toi, Coré, laissant le jugement à Dieu, attends le suffrage qu'il portera sur cette question et ne te fais pas supérieur à Dieu ; tu viendras ici et l'on discutera ainsi tes droits aux honneurs. On ne trouvera rien à redire, j'imagine, à ce qu'Aaron soit reçu également à se mettre sur les rangs, lui qui est de la même famille et à qui on ne peut rien reprocher des actes de son pontificat. Vous brûlerez vos parfums, une fois réunis, en présence de tout le peuple ; et quand vous aurez fait ces fumigations, celui dont l'offrande agréera le plus à Dieu, celui-là sera déclaré votre prêtre ; et je serai à l'abri ainsi de cette calomnie selon laquelle j'aurais par faveur octroyé ces fonctions à mon frère. »

 

Chapitre III

1. Réunion de l’assemblée ; Moïse et la faction de Dathan. - 2. Moïse fait appel à l'intervention de Dieu. - 3. La terre engloutit les factieux. - 4. Coré et sa faction foudroyés par le feu céleste.

 

1[14]. Après ces paroles de Moïse, la foule cesse de s'agiter et de le suspecter, ils applaudirent à son discours, qui était excellent et qui parut tel au peuple. On mit fin alors au colloque, et, le lendemain, on vint se réunir en assemblée, pour assister au sacrifice et au jugement qui en résulterait au sujet de ceux qui se disputaient le sacerdoce. Il arriva que l'assemblée fut tumultueuse, le peuple étant en suspens dans l'attente des événements : les uns auraient pris plaisir à voir Moïse convaincu d'un crime, les autres, les gens réfléchis, à être débarrassés de ces tracas et de ces troubles ; car ils craignaient que, si la discorde gagnait du terrain, la belle harmonie de leur constitution ne vint à s'altérer davantage. Mais la masse du peuple, qui se plaît d'instinct à crier contre les gens en place et qui change d'opinion selon ce qu'elle entend dire, était en plein tumulte. Moïse, ayant envoyé des gens de service à Abiram et à Dathan[15], les pria de venir, ainsi qu'il était convenu, et d'attendre l'accomplissement du sacrifice. Mais, comme ils déclarèrent aux envoyés qu’ils n'obéiraient pas et qu'ils ne laisseraient pas la puissance de Moïse grandir contre le peuple grâce à de coupables manœuvres, Moïse, ayant appris leur réponse, après avoir demandé aux principaux conseillers de le suivre, s'en vint au-près de la faction de Dathan[16], ne pensant pas qu'il y eût grand danger à s'avancer vers ces insolents. Les conseillers le suivirent sans protester. Mais Dathan et les siens, informés que Moïse venait chez eux, accompagné des plus notables d'entre le peuple, s'avancèrent avec leurs femmes et leurs enfants devant leurs tentes, pour voir ce que Moïse se préparait à faire. Leurs serviteurs étaient aussi autour d'eux pour les défendre au cas où Moïse se porterait à quelque acte de violence.

 

2[17]. Mais lui, arrivé auprès d'eux, lève les mains au ciel et, d'une voix éclatante, de manière à se faire entendre de toute la foule : « Maître, dit-il, de tout ce qui est au ciel, sur terre et sur mer, puisqu'aussi bien pour toute ma conduite tu es le garant le plus digne de foi que j'ai tout fait selon ta volonté, et que dans notre détresse tu nous as procuré des ressources, toi qui as pris les Hébreux en pitié dans tous leurs périls, viens ici prêter l'oreille à mes paroles. A toi, en effet, rien de ce qui se fait ou se conçoit n'échappe ; aussi tu ne me refuseras pas de déclarer la vérité, en mettant en évidence l'ingratitude de ces hommes. Car les faits antérieurs à ma naissance, tu les sais par toi-même exactement, non pour les avoir appris par ouï-dire, mais pour les avoir vus se passer en ta présence ; et pour les faits ultérieurs, qu'ils connaissent parfaitement, mais qu'ils suspectent néanmoins sans raison, prête-moi là-dessus ton témoignage. Moi qui m'étais constitué une fortune sans souci, grâce à ma vaillance et à ta volonté ainsi qu'à la bienveillance de mon beau père Ragouël, abandonnant la jouissance de tout ce bonheur, je me suis voué aux tribulations pour ce peuple. D'abord ça été pour leur liberté, maintenant c'est pour leur salut que je me suis soumis à de dures épreuves, opposant à tous les dangers tout mon courage. Et maintenant que je suis soupçonné d'agir criminellement par des hommes qui doivent à mes efforts d'être encore en vie, c'est à bon droit que je t'invoque, toi, qui m'as fait voir ce feu sur le mont Sinaï et qui m'as permis alors d'entendre ta propre voix, toi qui m'as fait spectateur de tous ces prodiges que ce lieu m'a permis de contempler, toi qui m'ordonnas de faire route vers l'Égypte et de manifester ta volonté à ce peuple, toi qui as ébranlé la fortune des Egyptiens et nous as donné le moyen d'échapper à leur servitude, en diminuant la puissance de Pharaon devant moi, toi qui as changé pour nous, quand nous ne savions plus où marcher, la mer en terre ferme, et après l'avoir refoulée en arrière, as fait déborder ses flots des cadavres des Égyptiens, toi qui as donné à ceux qui en étaient dépourvus des armes pour leur sécurité, toi qui as fait jaillir pour nous des eaux potables de sources corrompues et, au fort de notre détresse, as trouvé moyen de nous tirer un breuvage des rochers, toi qui, dans notre pénurie d'aliments terrestres, nous as sauvés en nous nourrissant de substances marines, toi qui as fait tomber aussi du ciel pour nous une nourriture inconnue auparavant, toi qui as institué pour nous un plan de lois et une constitution politique : viens, maître de l'univers, juger ma cause et attester, témoin incorruptible, que je n'ai pas reçu de présent d'aucun Hébreu pour fausser la justice, que je n'ai pas condamné au profit de la richesse la pauvreté qui devait triompher, et qu'après avoir gouverné sans faire tort au bien public ; je suis sous le coup d'insinuations qui n'ont pas le moindre fondement dans ma conduite, comme si, sans ton ordre, j'avais donné le sacerdoce à Aaron, au gré de mon caprice. Établis donc à l'instant que tout est gouverné par ta providence et que rien ne se fait de soi-même, que c'est ta volonté qui décide et fait aboutir. Établis que tu prends souci de ceux qui peuvent rendre service aux Hébreux, en poursuivant de ta vengeance Abiram et Dathan, qui t'accusent de manquer de sens au point d'avoir cédé à mes artifices. Tu marqueras clairement ton jugement contre eux, ces insensés qui s'attaquent à ta gloire, en leur ôtant la vie, mais non à la manière vulgaire ; qu'ils ne paraissent pas, en périssant, s'en aller selon l'humaine loi, mais fais s'entrouvrir, pour les engloutir, eux avec leur famille et leurs biens, la terre qu'ils foulent. Voilà qui sera pour tout le monde une manifestation de ta puissance, et une leçon de modestie qui évitera un châtiment pareil à ceux qui ont à ton égard des sentiments irrespectueux. C'est ainsi qu'on pourra constater que je suis un fidèle ministre de tes prescriptions. Mais s'ils ont dit vrai en m'accusant, garde ces gens à l'abri de tout mal, et la destruction dont mes imprécations les menacent, fais-la moi subir. Puis, après avoir fait justice de celui qui voulait maltraiter ton peuple, établissant à l'avenir la concorde et la paix, fais le salut du peuple qui suit tes commandements, en le gardant de tout malheur et en ne l'impliquant pas dans le châtiment des criminels. Car tu sais bien qu'il n'est pas juste qu'à cause de la faute de ceux-là tous les Israélites ensemble subissent une punition. »

 

3[18]. Après ces paroles mêlées de larmes, soudain la terre s'ébranle ; il s'y produit un tremblement pareil à l'agitation des flots sous la poussée du vent, et tout le peuple s'effraye ; un bruit sec et éclatant s'étant fait entendre, le sol s'affaissa à l'endroit des tentes de ces hommes, et tout ce qui leur était précieux s'y engloutit. Quand ils eurent ainsi disparu avant qu'on eût pu s'y reconnaître, le sol, qui s'était ouvert autour d'eux, se referma et reprit sa consistance, au point que de la perturbation qu'on vient de raconter rien n'apparaissait plus visible. C'est ainsi qu'ils périrent, fournissant une preuve de la puissance de Dieu. Il y aurait lieu de les plaindre, non seulement d'une catastrophe par elle-même déjà digne d'émouvoir la pitié, mais encore parce que leurs parents se réjouirent de ce qu'ils eussent subi une pareille peine. Oublieux, en effet, du complot qui les unissaient ensemble, au spectacle de l'accident survenu, ils approuvèrent la sentence, et, jugeant que c'étaient en criminels qu'avaient péri Dathan et ses partisans, ils ne s'en affligèrent même point[19].

 

4[20]. Moise appela ceux qui contestaient au sujet du sacerdoce pour procéder au concours des prêtres, afin que celui dont le sacrifice serait accueilli avec le plus de faveur par Dieu fût déclaré élu. Et quand se furent réunis deux cent cinquante hommes, en honneur auprès du peuple tant pour les mérites de leurs ancêtres que pour leurs propres mérites, qui les mettaient encore plus haut que ces derniers. Aaron et Coré[21] s'avancèrent également et, se tenant devant le tabernacle, ils brûlèrent tous dans leurs encensoirs des parfums qu'ils y avaient apportés. Mais il jaillit soudain un feu[22] tel qu'on n'en avait jamais vu de semblable, qu'il fût l’œuvre des mains de l'homme, qu'il sortît de terre, d'une source profonde de chaleur, ou qu'il s'échappât spontanément de la matière agitée contre elle-même par la violence des vents, mais un feu comme il pouvait s'en allumer au commandement de Dieu, très brillant et d'une flamme très ardente. Sous ce feu qui s'élançait contre eux, tous les deux cent cinquante et Coré furent détruits, au point qu'on ne vit même plus leurs corps. Aaron seul survécut, sans avoir subi aucune atteinte de ce feu, parce que c'était Dieu qui l'avait envoyé pour consumer ceux qui méritaient le châtiment. Moïse[23], après la mort de ces hommes, voulant que leur punition restât dans la mémoire et que les générations futures en fussent instruites, ordonna à Éléazar, fils d'Aaron, de déposer leurs encensoirs auprès de l'autel d'airain, en souvenir, pour la postérité, du châtiment qu'ils avaient subi pour avoir cru qu'ils pouvaient se jouer de la puissance de Dieu. Et Aaron, qui ne paraissait plus maintenant devoir la dignité de grand-prêtre à la faveur de Moïse, mais à la décision de Dieu clairement manifestée, eut désormais avec ses fils la jouissance assurée de sa charge.

 

Chapitre IV

Aventures des Hébreux dans le désert durant trente-huit ans.

1. Prolongation de la sédition. -2. Miracle du bâton d’Aaron ; apaisement des esprits. - 3. Villes et dîmes lévitiques. - 4. Revenus des prêtres. - 5. Le roi des Iduméens refuse de laisser passer Moïse par ses États. - 6. Mort de Miriam ; purification par les cendres de la vache rousse. - 7. Mort d'Aaron.

 

1[24]. Cependant la sédition, même par ce moyen, n'arriva pas à s’apaiser ; elle ne fit que s'accroître bien davantage et devenir plus aiguë. Elle trouva même pour aller en empirant un motif tel qu'on pouvait croire que le mal ne cesserait jamais, mais se prolongerait indéfiniment. En effet, comme les hommes étaient convaincus désormais que rien ne se produisait sans la providence de Dieu, ils ne concevaient pas qu'il eût fait tout ce qui s'était passé sans vouloir favoriser Moïse, et ils accusaient ce dernier en prétendant que, si le courroux divin avait pris ces proportions, c'était moins à cause de l'iniquité de ceux qui avaient été châtiés qu'à la suite des machinations de Moïse. Les premiers avaient péri sans autre crime que d'avoir témoigné de leur zèle pour le culte de Dieu ; Moïse, lui, avait puni le peuple par la mort de ces personnages, tous de la plus grande distinction, afin de n'être plus exposé à aucune accusation et pour assurer à son frère la jouissance incontestée du sacerdoce. Nul autre, en effet, n'y ferait plus d'opposition, en voyant que les premiers eux-mêmes avaient péri misérablement. De plus, les parents des victimes sollicitaient souvent le peuple de réduire un peu les prétentions de Moïse ; il y allait, disaient-ils, de leur sécurité.

 

2[25]. Mais Moïse - depuis longtemps informé des troubles qui se fomentaient -, craignant quelque nouvelle révolution et qu'il ne se produisît de graves et fâcheux incidents, convoqua le peuple en assemblée ; les griefs qu'il a entendu articuler, il n'essaye pas de s'en disculper, afin de ne pas exaspérer le peuple ; il se borne à prescrire aux phylarques d'apporter les noms de leurs tribus gravés sur des bâtons : celui-là devait obtenir le sacerdoce, au bâton duquel Dieu ferait un signe. On approuve, et tous les apportent, y compris Aaron, qui avait inscrit Lévite sur son bâton[26]. Moïse les place tous dans le tabernacle de Dieu. Le jour suivant, il fit sortir les bâtons ; ils étaient reconnaissables, grâce à des signes qu'y avaient faits les hommes qui les avaient apportés, ainsi que le peuple. Or, tous ces bâtons, tels ils paraissaient quand Moïse les avaient reçus, tels on s'aperçut qu'ils étaient demeurés ; mais sur celui d'Aaron on vit que des bourgeons et des rameaux s'étaient développés, ainsi que des fruits mûrs, à savoir des amandes. Car c'était de bois d'amandier qu'était fait ce bâton. Stupéfaits de l'étrangeté de ce spectacle, si quelques-uns avaient de la haine pour Moïse et Aaron, ils y renoncèrent pour commencer d'admirer la sentence que Dieu avait portée à leur sujet, et, dorénavant, applaudissant aux décrets divins, ils permirent à Aaron de jouir heureusement du sacerdoce suprême. C'est ainsi que ce dernier, trois fois investi par Dieu, occupa en sécurité ses fonctions, et que la discorde des hébreux, après avoir régné longtemps, finit par se calmer.

 

3[27]. Comme la tribu des Lévites était dispensée de la guerre et du service dans l'armée pour se consacrer au service de Dieu, de peur que, par indigence et par souci de se procurer les choses nécessaires à la vie, ils ne négligeassent le ministre sacré, Moïse ordonna qu’après la conquête de la Chananée, accomplie selon la volonté de Dieu, les Hébreux assigneraient aux Lévites quarante-huit villes riches et belles, en leur laissant tout autour de ces villes un terrain de deux mille coudées à partir des remparts[28]. En outre[29], il établit que le peuple payerait la dîme des fruits de chaque année aux Lévites eux-mêmes et aux prêtres[30]. Voilà ce que cette tribu reçoit du peuple. Mais je crois nécessaire d'indiquer ce que les prêtres reçoivent en particulier de tous les fidèles.

 

4. D'abord des quarante-huit villes, il établit que les Lévites en céderaient aux prêtres treize[31], et que de la dîme qu'ils reçoivent du peuple tous les ans ils prélèveraient une dîme pour les prêtres[32]. En outre, il était établi par la loi que le peuple offrit à Dieu les prémices de tous les produits qui croissent du sol[33], et que des quadrupèdes[34] que la loi permet d'offrir en sacrifices, ils présentassent les premiers-nés, si c'étaient des mâles, aux prêtres pour les sacrifier, afin de les manger en famille dans la ville sainte. Quant à ceux qu'il leur est interdit de manger d'après les lois de leurs ancêtres[35], les propriétaires de premiers-nés de ces espèces devaient payer aux prêtres un sicle et demi[36] ; pour le premier-né de l'homme il fallait cinq sicles. A eux devaient revenir encore les prémices de la tonte des brebis[37] ; et quand on faisait cuire de la farine et qu'on fabriquait du pain, il fallait leur offrir quelques-uns des gâteaux cuits[38]. Ceux qui se consacrent eux-mêmes après avoir fait un vœu - on les appelle des Naziréens[39], ils laissent pousser leur chevelure et s'abstiennent de vin -, ces gens, lorsqu'ils consacrent leur chevelure et se présentent pour offrir un sacrifice, donnent leurs boucles de cheveux aux prêtres[40]. Ceux qui se déclarent eux-mêmes korbân à Dieu[41] - cela signifie dôron (don) en grec -, quand ils veulent se libérer de cette obligation, doivent payer de l'argent aux prêtres : pour une femme, c'est trente sicles, pour un homme, cinquante[42]. Quant à ceux dont les ressources sont inférieures aux dites sommes, les prêtres ont le droit de décider à leur égard comme ils veulent. On est aussi obligé[43], quand on immole chez soi en vue d'un repas et non pour le culte, d'apporter aux prêtres la caillette, la poitrine et le bras droit[44] de la victime. Tels sont les revenus abondants que Moïse destine aux prêtres, sans compter ce que dans les sacrifices expiatoires le peuple leur donnait comme nous l'avons indiqué dans le livre précédent[45]. A tous ces prélèvements attribués aux prêtres, il établit qu'auraient part aussi[46] leurs serviteurs, leurs filles et leurs femmes, à l'exception des sacrifices offerts pour les péchés ; ceux-là, en effet[47], seuls les prêtres mêmes les consommaient dans le sanctuaire et le jour même.

 

5[48]. Quand Moïse eut fait ces règlements après la sédition, ayant levé le camp avec toute l'armée, il arriva aux confins de l'Idumée, et, ayant envoyé des ambassadeurs au roi des Iduméens, il lui demanda de lui laisser libre passage, lui offrant toutes les garanties qu'il voudrait pour s'assurer qu'il ne recevrait aucun dommage et le priant d'ouvrir un marché à son armée, et de marquer le prix qu’elle aurait à lui payer pour l'eau. Mais ce roi n'agréa pas le message de Moïse, lui refusa le passage et mena ses troupes en armes à la rencontre de Moïse pour les arrêter s'ils tentaient de forcer le passage. Et Moïse, comme Dieu, pressenti, ne lui avait pas conseillé d'engager la lutte, ramena ses forces pour continuer son chemin à travers le désert en faisant un détour.

 

6[49]. Dans le même temps, la mort surprend sa sœur Mariamme, quarante années pleines après qu'elle avait quitté I'Égypte, à la néoménie, selon la lune, du mois de Xanthicos. On l'ensevelit aux frais publics en grande pompe sur une montagne qu'on appelle Sin[50]. Et quand le peuple l'eut pleurée trente jours, Moïse le purifia comme il suit[51]. Le grand-prêtre, après avoir conduit à une petite distance du camp, dans un endroit parfaitement pur, une génisse encore ignorante de la charrue et du labour, sans défaut, entièrement rousse, la sacrifia et, de son sang, fit sept aspersions avec son doigt en face du tabernacle de Dieu. Ensuite, pendant qu'on brûle la génisse telle quelle, en entier, y compris la peau et les entrailles, on jette du bois de cèdre au milieu du feu, ainsi que de l'hysope et de la laine écarlate. Puis, ayant recueilli toutes les cendres, un homme pur les dépose dans un endroit parfaitement propre. Ceux donc qui avaient été rendus impurs par un cadavre[52], après avoir jeté un peu de cette cendre dans un courant d'eau et y avoir trempé de l'hysope, on les en aspergeait le troisième et le septième jours, et, dès lors, ils étaient purs. C'est ce que Moïse leur prescrivit de faire aussi, une fois arrivés sur les terres que le sort leur assignerait.

 

7[53]. Après cette purification effectuée à cause du deuil de la sœur du chef, il emmena ses troupes à travers le désert et l'Arabie. Arrivé à l'endroit que les Arabes tiennent pour leur métropole, ville primitivement appelée Arcé[54], et qu'on nomme aujourd'hui Pétra, là, comme une haute montagne environnait ce lieu, Aaron la gravit, Moïse l'ayant prévenu qu'il y devait mourir, et, sous les yeux de toute l'armée - car le sol était on pente -, il ôte ses vêtements de grand-prêtre et, les ayant remis à Éléazar son fils, à qui revenait du droit de l'âge le grand pontificat, il meurt à la vue du peuple, s'éteignant la même année où il avait perdu sa sœur, après avoir vécu en tout cent vingt-trois ans. Il meurt à la néoménie, selon la lune, du mois que les Athéniens appellent Hécatombéon, les Macédoniens Lôos, et les Hébreux Abba[55].

 

Chapitre V

Moïse, ayant vaincu les rois amorrhéens, Sichon et Og, et détruit toute leur armée, partage leur pays entre deux tribus et demie des Hébreux

1. Sichon, roi des Amorrhéens, refuse le passage. - 2. Défaite des Amorrhéens ; conquête de leur pays. - 3. Lutte avec Og ; conquête de son royaume.

 

1[56]. Le peuple prit le deuil pour lui pendant trente jours, et ce deuil terminé, Moïse, emmenant de là son armée, arriva au fleuve Arnôn, qui, s'élançant des monts de l'Arabie et coulant à travers le désert, se jette dans le lac Asphaltite en formant la limite entre la Moabitide et l'Amôritide. Ce pays est fertile et peut nourrir de ses richesses une multitude d'hommes. Aussi Moise envoya vers Sichon, souverain de ce pays, un message pour demander le passage pour son armée sous les garanties qu'il lui plairait d'imposer, promettant de ne causer aucun préjudice ni à la terre, ni aux habitants que Sichon gouvernait, consentant à s'approvisionner sur leurs marchés au profit des Amorrhéens et même, s'ils le voulaient, en leur acheter l'eau. Mais Sichon refuse, arme ses troupes, et se montre tout prêt à empêcher les Hébreux de traverser l'Arnôn.

 

2[57]. Moïse, voyant les dispositions hostiles de l'Amorrhéen, ne crut pas devoir supporter cet affront, et, songeant à arracher les Hébreux à l'oisiveté et, avec elle, à cette misère qui, auparavant déjà, les avait fait tomber dans les dissensions et, aujourd'hui encore, les mettait de fâcheuse humeur, il demande à Dieu s'il l'autorise à combattre. Comme Dieu lui promet même la victoire, il se sent lui-même encouragé à la lutte, et il donne de l'élan à ses soldats, leur accordant maintenant de savourer le plaisir de la guerre, puisque la divinité leur permet de s'y livrer. En possession de cette faculté ardemment souhaitée, ils revêtirent leurs armures et marchèrent aussitôt au combat. L'Amorrhéen, devant leur attaque, n’est plus le même ; le roi est frappé de terreur en présence des Hébreux, et son armée, qui se donnait auparavant comme très valeureuse, parut positivement épouvantée. Ainsi, à ce premier choc, n'ayant pu résister et recevoir les Hébreux, ils tournent le dos, estimant que la fuite leur procurera le salut mieux que le combat. Ce qui les rassurait, c'étaient leurs villes, qui étaient fortes, mais qui ne devaient leur servir de rien quand on les y aurait pourchassés. Car les Hébreux, les voyant fléchir, fondent aussitôt sur eux et, jetant le désordre dans leurs rangs, les mettent en déroute. Tout défaits, ils se réfugient dans les villes, tandis que les autres ne se lassent pas de les poursuivre, mais se donnent à tâche d'ajouter à ces premiers revers encore d'autres désastres ; comme ils étaient d'excellents frondeurs et savaient fort bien se servir de tous les traits à longue portée, que leur armure bien proportionnée leur laissait la légèreté nécessaire pour poursuivre leurs ennemis, ils couraient sur les talons de ceux-ci, et tous ceux qui se trouvaient trop loin pour être pris, ils les frappaient de leurs frondes et de leurs flèches. Il se fait ainsi un grand carnage et les fuyards souffraient de graves blessures. Mais ils étaient accablés plus encore par la soif que par les engins de guerre ; on était, en effet, en plein été, et toute la foule que l'envie de boire jetait pêle-mêle vers le fleuve, toute la masse compacte des fuyards, on les entourait, on les frappait et on les tuait à coups de javelots et de flèches. Leur roi Sichon périt aussi. Les Hébreux dépouillèrent les cadavres et s'emparèrent du butin ; ils recueillirent aussi en abondance les produits du sol, qui se trouvait encore chargé de fruits. Puis les troupes allaient partout sans crainte en quête de fourrage, puisqu'on s'était emparé aussi des villes : car ils ne rencontraient plus aucun obstacle de la part des Amorrhéens, tout ce qui pouvait lutter ayant péri. Telle est la catastrophe qui frappa les Amorrhéens, lesquels manquèrent de force dans le jugement et de valeur dans l'action. Les Hébreux mirent la main sur leur pays. C'est une contrée située entre trois fleuves ; elle présente le caractère d'une île, l'Arnôn la bornant au midi, le Jobacchos bordant son flanc nord (il se jette dans le fleuve Jourdain et y perd son nom) ; enfin la partie occidentale de ce pays est environnée par le Jourdain.

 

3[58]. Les choses en étaient là, lorsque vient s'attaquer aux Israélites Og(ès), roi de la Galadène et de la Gaulanitide[59], à la tête d'une armée, avec la hâte d'un allié cherchant à secourir son ami Sichon, et, quoiqu'il trouvât ce dernier déjà anéanti, il n'en résolut pas moins d'entrer en lutte avec les Hébreux, croyant qu'il triompherait et voulant faire l'expérience de leur valeur. Mais, trompé dans son espoir, il mourut lui-même dans la bataille et son armée tout entière périt. Moïse, ayant traversé le fleuve Jobacchos, parcourut le royaume d'Og, détruisant les villes et mettant à mort tous les habitants, qui dépassaient en richesses toutes les populations de l'intérieur grâce à l'excellence du sol et à l'abondance de ses produits. Cet Og avait une stature et une beauté bien peu communes ; c'était aussi un homme au bras valeureux, de sorte qu'il tirait autant d'avantages de ses exploits que de sa haute taille et de sa belle prestance. Cette vigueur et cette taille, ils s'en firent une idée en s'emparant de son lit dans Rabâtha, la capitale de l'Ammonitide. Ce lit était en fer, de quatre coudées de large, et du double plus une de long. Cet homme abattu, ce ne fut pas seulement pour le présent que les affaires des Hébreux prospérèrent, mais dans l'avenir encore sa mort leur fut une source de bienfaits : en effet, ils prirent soixante villes magnifiquement fortifiées qui lui étaient soumises et ils recueillirent un grand butin, individuellement et tous ensemble.

 

Chapitre VI

1. Séjour des Israélites dans la plaine vis-à-vis de Jéricho. - 2. Craintes de Balac, roi de Moab ; il mande le devin Balaam pour venir maudire les Hébreux ; Balaam congédie les envoyés. - 3. Nouveau message ; départ de Balaam ; épisode de l'ânesse. - 4. Balaam prédit la grandeur future des Hébreux. - 5. Explications Balaam à Balac ; nouvelles bénédictions. - 6. Fureur de Balac ; conseil de Balaam. - 7. Séduction des jeunes gens hébreux par les femmes madianites. - 8. Conditions imposées par elles. - 9. Dérèglement des Hébreux. - 10. Apostasie de Zambrias ; remontrances de Moïse. - 11. Réplique de Zambrias. - 12. Phinéès le met à mort ; châtiment des coupables. - 13. Conservation par Moïse des prophéties de Balaam.

 

1[60]. Moïse s'en va installer son camp, après être descendu avec son armée vers le Jourdain, dans la grande plaine en face de Jéricho (Jérichous)[61]. C'est une ville prospère, très fertile en palmiers et riche en baume. Les Israélites commençaient à avoir une haute opinion d'eux-mêmes et leur ardeur guerrière se développait. Moïse, après avoir offert durant plusieurs jours des sacrifices d'actions de grâce à Dieu et donné des festins au peuple, envoie une partie de ses hommes ravager le pays des Madianites et s'emparer de leurs villes en les assiégeant. Mais, s'il leur fit la guerre, ce fut pour la raison suivante.

 

2[62]. Balac(os), le roi des Moabites, qu'une amitié et une alliance remontant à leurs aïeux unissaient aux Madianites, voyant à quel développement les Israélites étaient parvenus, conçut de vives inquiétudes pour ses intérêts personnels - il ne savait pas, en effet, que les Hébreux n'ambitionneraient pas d'autres pays, Dieu le leur ayant interdit, après avoir conquis celui des Chananéens -, et avec plus de célérité que de discernement, il résolut de s'opposer à eux …….[63] Combattre contre des hommes que leur fortune, succédant à leur misère, rendait plus hardis, il ne le jugea pas opportun ; il songeait seulement à les empêcher, s'il pouvait, de s'agrandir et à envoyer un message aux Madianites à leur sujet. Ceux-ci, comme il existait un certain Balam(os)[64], venu des pays de l'Euphrate, le meilleur devin de l'époque, qui était en relations d'amitié avec eux, envoient avec les messagers de Balac des hommes notables de chez eux pour inviter le devin à venir prononcer des malédictions pour la perte des Israélites. Quand les envoyés arrivent, Balam les reçoit avec hospitalité et bienveillance, et, après le repas, il demande à Dieu ce qu'il pense de l'objet pour lequel les Madianites l'appellent. Comme Dieu marque de l'opposition, il revient vers les envoyés, leur manifeste son désir et son empressement personnels[65] à consentir à leur requête, mais leur révèle que Dieu contrecarre son dessein, ce Dieu qui l'a conduit à sa haute renommée en lui inspirant la vérité et en la lui faisant prédire. C'est qu'en effet, l'armée contre laquelle ils l'invitent à venir prononcer des imprécations est en possession de la faveur de Dieu. Et il leur conseille pour cette raison de s'en retourner chez eux en renonçant à leur haine contre les Israélites. Après ces paroles, il congédie donc les envoyés.

 

3[66]. Mais les Madianites, sur les vives instances de Balac et les incessantes sollicitations qu'il leur adressaient, envoient de nouveau vers Balam. Ce dernier, voulant faire quelque plaisir à ces gens, consulte Dieu. Dieu, à qui cette tentative même déplaisait, lui or-donne de ne contredire en rien les envoyés. Et Balam, sans comprendre que c'était par artifice que Dieu lui avait donné cet ordre, s'en va on compagnie des envoyés. Mais, en route, un ange divin se présentant à lui dans un endroit resserré, environné d'une double haie de ronces, l'ânesse qui portait Balam, sentant en face d'elle le souffle divin, entraîne Balam vers l'une des clôtures, insensible aux coups dont la frappait le devin gêné d'être ainsi pressé contre la haie. Mais comme, l'ange étant tout près d'elle, l'ânesse s'était accroupie sous les coups, la volonté divine lui fit prendre une voix humaine et elle reprocha à Balam l'injustice avec laquelle, sans avoir à se plaindre de ses services passés, il l'accablait de coups, faute de comprendre qu'aujourd'hui, c'était le dessein de Dieu qui l'éloignait de ceux auxquels il avait hâte d'aller prêter son ministère. Tandis qu'il est tout troublé d'entendre l'ânesse proférer une voix humaine, l'ange, lui apparaissant soudain en personne, lui reproche ses coups, car la bête n'était pas en faute ; c'était lui-même qui entravait un voyage entrepris contre la volonté divine. Tout tremblant, Balam se montrait disposé à rebrousser chemin, mais Dieu le poussa à marcher droit en avant, lui prescrivant de révéler ce que Dieu lui mettrait dans l'esprit.

 

4[67]. Après ces recommandations de Dieu, il arrive chez Balac, et, le roi l'ayant reçu magnifiquement, il demande qu'on le mène sur quelque hauteur afin de voir la disposition du camp des Hébreux. Balac s'en va lui-même conduire le devin, au milieu de tous les honneurs, avec l'escorte royale sur une colline qui se trouvait au-dessus d'eux et à soixante stades de distance du camp. Quand il vit les Hébreux, il invita le roi à construire sept autels et à faire amener autant de taureaux ainsi que de béliers. Le roi s’en étant acquitté sur-le-champ, il brûle en holocauste les victimes égorgées. Comme il y vit le signe d'une fuite : « Ce peuple, dit-il, est bien heureux, lui que Dieu va mettre en possession de biens innombrables et à qui il accorde pour toujours comme alliée et comme guide sa providence. Certes, il n'est pas de race humaine sur laquelle votre vertu et votre passion pour les occupations les plus nobles et les plus pures de crime ne vous donnent la précellence, et c'est à des enfants supérieurs encore que vous laisserez cet héritage, Dieu n'ayant de regards que pour vous parmi les hommes et vous donnant largement de quoi devenir le peuple le plus fortuné sous le soleil. Ainsi ce pays vers lequel il vous envoie lui-même, vous l'occuperez ; il sera toujours soumis à vos enfants et de leur renommée se rempliront toute la terre et la mer. Vous suffirez au monde en fournissant chaque pays des habitants issus de votre race. Admirez donc[68], armée bienheureuse, d'être cette grande progéniture d'un unique ancêtre. Mais c'est la petite partie d'entre vous que contiendra maintenant la terre chananéenne ; le monde entier, sachez-le, s'étend devant vous comme une habitation éternelle. La plupart, vous irez vivre dans les îles comme sur le continent, plus nombreux même que les astres au ciel. Mais, si nombreux que vous soyez, la divinité ne se lassera pas de vous donner en abondance les biens les plus variés pendant la paix, la victoire et le triomphe dans la guerre. Que les enfants de vos ennemis soient saisis[69] du désir de vous faire la guerre, qu'ils s'enhardissent à prendre les armes et à en venir aux mains avec vous. Car nul ne s'en retournera vainqueur ou en mesure de réjouir ses enfants et ses femmes. Tel est le degré de valeur où vous élèvera la providence divine, qui a le pouvoir d'amoindrir ce qui est de trop et de suppléer à ce qui manque. »

 

5[70]. Voilà ce qu'il prédit dans une inspiration divine ; il n'était plus maître de lui, c'était le souffle divin qui lui dictait ses paroles. Mais comme Balac s'indignait et l'accusait de transgresser les conventions en vertu desquelles il l'avait fait venir de chez ses alliés en échange de grands présents, - venu, en effet, pour maudire ses ennemis, voilà qu'il les célébrait et les désignait comme les plus heureux des hommes - : « Balac, dit-il, as-tu réfléchi sur toutes choses et crois-tu qu'il nous appartienne de taire ou de dire quoi que ce soit sur de tels sujets, quand nous sommes envahis par l'esprit de Dieu ? Mais cet esprit fait entendre les mots et les paroles qu'il lui plait et nous n'en savons rien. Pour moi, je me souviens bien sous l'empire de quel besoin vous m'avez fait venir ici, toi et les Madianites avec tant d'empressement, et pourquoi aussi je vous ai fait cette visite, et mon vœu était de ne mécontenter en rien ton désir. Mais Dieu est plus fort que ma résolution de t'être agréable. Ceux-là, en effet, sont tout à fait impuissants qui prétendent prédire les affaires humaines en ne prenant conseil que d'eux-mêmes, au point de ne pas exprimer ce que la divinité leur suggère, et de violer son dessein. Car rien en nous, une fois qu'elle commence à nous inspirer, ne nous appartient plus. Ainsi moi, je n’avais pas l'intention de faire l'éloge de cette armée ou de raconter quels bienfaits Dieu ménage à leur race ; c'est parce qu'il leur est propice et s'empresse de leur procurer une vie de félicité et une gloire éternelle qu'il m'a inspiré et m'a fait prononcer ces paroles. Mais à présent, comme j'ai à cœur d'être agréable à toi et aux Madianites, dont il ne convient pas de repousser la requête, allons édifier encore d'autres autels et offrons des sacrifices pareils aux précédents ; peut-être pourrai-je persuader Dieu de me laisser vouer ces hommes aux malédictions ». Comme Balac y consent, il sacrifie pour la seconde fois[71], mais sans que la divinité lui accorde de proférer des malédictions contre les Israélites ; et il eut beau sacrifier une troisième fois[72], après avoir fait dresser encore d’autres autels, même alors, il ne prononça pas d'imprécations contre les Israélites ; mais, étant tombé sur sa face, il prédit[73] les malheurs qu'éprouveraient les rois et les villes les plus célèbres, dont quelques-unes n’avaient pas seulement commencé encore d'être habitées, et tout ce qui devait arriver aux hommes dans la suite des temps sur terre et sur mer jusqu'à l’époque où je vis ; et, parce que tout s'est effectué comme il l'annonçait, on pourrait conjecturer qu'il en sera de même à l'avenir.

 

6. Balac, furieux que les Israélites n'eussent pas été maudits, congédia Balam sans lui témoigner aucun honneur. Celui-ci s'en allait déjà et il était sur le point de franchir l'Euphrate, quand faisant venir Balac et les chefs des Madianites : « Balac, dit-il, et vous, Madianites ici présents - car il faut qu'en dépit de la volonté divine je vous donne satisfaction -, sans doute, la race des Hébreux ne périra jamais complètement, ni par la guerre, ni par la peste, ni par la disette des fruits de la terre, et aucune autre cause imprévue ne l'anéantira. Dieu, en effet, prend soin d'eux pour les préserver de tout mal et ne jamais laisser s'abattre sur eux une catastrophe qui les fasse tous périr. Il pourra bien leur arriver quelques désastres de moindre importance et de moindre durée, mais ils ne paraîtront abaissés ainsi que pour refleurir ensuite à la terreur de ceux qui leur auront causé ces dommages. Quant à vous, si vous désirez gagner pendant quelque temps un peu d'avantage sur eux, voici, pour y arriver, ce qu'il vous faudra faire[74]. Celles de vos filles qui ont le plus d'attraits extérieurs et sont le plus capables par leur beauté de contraindre et de vaincre la chasteté de ceux qui les regardent, après avoir paré leurs charmes pour leur ajouter le plus d'agrément possible, envoyez les à proximité du campement des Hébreux, et donnez-leur l'ordre de s'offrir aux jeunes gens qui les désireront. Lorsqu'elles les verront sous l'empire de leurs passions, qu'elles les quittent et, s'ils les supplient de rester, qu'elles ne consentent pas avant de les avoir persuadés de renoncer aux lois de leurs pères et au Dieu qui les leur a imposées, et d'aller servir les dieux des Madianites et des Moabites. C'est ainsi que Dieu s'enflammera de courroux contre eux[75]. »

 

7. Après leur avoir suggéré ce plan, il s'en va. Les Madianites ayant envoyé leurs filles selon ses conseils, les jeunes Hébreux se laissent prendre aux charmes de leurs traits et, liant conversation avec elles, les prient de ne pas leur refuser de jouir de leur beauté et d'avoir commerce avec elles. Celles-ci, ayant accueilli avec joie leurs paroles, se prêtent à leur désir. Mais, après les avoir enchaînés par l'amour qu'elles leur inspirent, au moment où leur désir atteignait toute sa force, elles se disposent à se séparer d'eux. Une profonde tristesse les envahit à cause du départ de ces femmes ; ils les supplient instamment de ne pas les abandonner, mais de demeurer là pour devenir leurs épouses et être désignées comme les maîtresses de tout ce qu’ils possédaient. Et cela, ils le déclarent avec serments, prenant Dieu pour arbitre de leurs promesses, et s'efforçant par leurs larmes et de toutes les manières d'exciter la pitié de ces femmes. Celles-ci, quand elles les jugèrent bien subjugués et complètement liés par cette intimité, commencèrent à leur parler ainsi :

 

8. « Nous avons, ô les plus nobles des jeunes gens, des maisons paternelles, des biens en abondance, la bienveillance et l'affection de nos parents et des nôtres. Et ce n'est faute de rien de tout cela que nous sommes venues ici nous mettre en relations avec vous, ce n'est pas pour trafiquer du printemps de notre corps que nous nous sommes laissé adresser vos vœux ; c'est parce que nous vous croyons honnêtes et justes que nous avons consenti à honorer vos prières de cet accueil hospitalier. Et maintenant, puisque vous dites avoir des sentiments d'amitié pour nous et être chagrinés de notre prochain départ, nous ne repoussons pas, quant à nous, votre requête. Mais c'est après avoir reçu de vous le seul gage d'affection qui nous paraisse avoir de la valeur, que nous consentirons à achever notre vie avec vous en qualité d'épouses. Car il est à craindre qu'ayant pris le dégoût de notre commerce, vous ne nous fassiez ensuite outrage et ne nous renvoyiez déshonorées chez nos parents ». Ils croient devoir acquiescer à ces réserves. Et, comme ils consentent à leur donner ce gage qu'elles exigent, sans élever aucune objection, tant ils ont de passion pour elles : « Puisque, disent-elles, ces conditions vous agréent, mais que vous avez des coutumes et un genre de vie absolument étrangers à tout le monde, au point de vous nourrir d'une façon spéciale et de ne pas boire comme les autres, il est nécessaire, si vous voulez demeurer avec nous, de révérer aussi nos dieux[76] ; il ne saurait y avoir d'autre preuve de cette affection que vous dites avoir actuellement pour nous et que vous aurez par la suite, sinon d'adorer les mêmes dieux que nous. Nul ne saurait vous faire un grief d'adopter les dieux particuliers au pays où vous venez, surtout quand nos dieux sont communs à tous les hommes, tandis que le vôtre est étranger à tous ». Il leur fallait donc, disaient-elles, ou avoir les mêmes opinions que tous les hommes ou chercher un autre monde, où ils pussent vivre seuls, selon leurs propres lois.

 

9. Ceux-ci, sous l'empire de leur amour pour elles, tenant ces discours pour excellents et s'étant soumis à leurs avis, transgressèrent les lois paternelles, acceptant la croyance qu'il est plusieurs dieux, et, s'étant décidés à leur sacrifier selon le rite des gens du pays, ils prirent plaisir aux mets étrangers et ne cessèrent, pour être agréables à ces femmes, de faire le contraire de ce que la loi leur ordonnait ; bientôt dans toute l'armée se propage[77] cette désobéissance des jeunes gens et une sédition bien plus grave que la précédente s'abat sur eux, avec le danger d'une ruine complète de leurs institutions propres. Car la jeunesse, une fois qu'elle avait goûté aux mœurs étrangères, s'en grisait avec une ardeur insatiable. Et même ceux des grands, que les vertus de leurs ancêtres mettaient en vue, succombaient à la contagion.

 

10[78]. Zambrias[79], le chef de la tribu de Siméon, qui eut commerce avec Chosbie[80] la Madianite, fille de Sour(os), un des princes de ce pays, invité par cette femme à préférer aux décrets de Moïse son bon plaisir à elle, se mit à sa dévotion, en cessant de sacrifier selon les lois paternelles et en contractant un mariage étranger. Les choses en étaient là, quand Moïse, de crainte de pires événements, réunit le peuple en assemblée ; il s'abstint d'accuser personne nommément pour ne pas réduire au désespoir ceux qui, à la faveur du mystère, pouvaient revenir à d'autres sentiments, mais il leur dit[81] qu'ils avaient agi d'une manière indigne d'eux et de leurs parents en préférant la volupté à Dieu et à une vie conforme à sa loi, qu'il convenait, pour que tout allât de nouveau bien, qu'ils se repentissent, en se persuadant que le courage ne consiste pas à violer les lois, mais à résister à ses passions. En outre, il déclara qu'il n'était pas raisonnable, après avoir montré de la retenue pendant qu'ils étaient dans le désert, de se livrer maintenant, dans la prospérité, au dérèglement, et ainsi de perdre par l'abondance ce qu'ils avaient acquis par la misère. Moïse, en leur tenant ce langage, tentait de redresser les jeunes gens et de les amener à se repentir de leur conduite.

 

11. Mais Zambrias s'étant levé après lui : « Moïse, dit-il, pour ta part, observe ces lois auxquelles tu as donné tes soins, et dont tu as assuré la stabilité en les fondant sur la naïveté de ces hommes, car, s'ils n'avaient pas ce caractère, tu aurais déjà éprouvé par maints châtiments qu'il n'est pas facile d'en imposer aux Hébreux. Mais, quant à moi, tu ne me feras pas suivre tes ordonnances tyranniques ; car tu n'as fait autre chose jusque maintenant, sous prétexte de lois et de culte divin, que de nous asservir et de te donner le pouvoir par tes méchants artifices, en nous privant des agréments et des franchises de la vie qui appartiennent aux hommes libres et sans maître. Ce serait, de ta part, montrer plus de dureté pour les Hébreux que les Egyptiens, que de prétendre châtier au nom des lois ce que chacun entend faire pour son agrément personnel. C'est bien plutôt toi qui mériterais une punition, pour avoir projeté d'annuler ce que, d'un commun accord, tout le monde a trouvé excellent et pour avoir essayé de faire prévaloir contre l'avis général tes propres extravagances. Pour moi, on m'arracherait à bon droit à ma condition actuelle, si, après avoir jugé ma conduite honnête, j'hésitais néanmoins, ensuite, à dire publiquement mon sentiment à ce sujet. Oui, c'est une femme étrangère, comme tu dis, que j'ai épousée - c'est de moi que tu apprends mes actes, c'est d'un homme libre ; aussi bien ne pensé-je point m'en cacher -, et je sacrifie aux dieux à qui je crois devoir sacrifier, croyant bien faire en empruntant au grand nombre les éléments de la vérité et en ne vivant pas comme dans une tyrannie, en faisant dépendre d'un seul tout l'espoir de ma vie entière. Et nul ne pourra se vanter de se montrer plus maître de mes actions que ma propre volonté. »

 

12. Quand Zambrias eut ainsi parlé au sujet de sa faute et de celle de quelques autres, le peuple garda le silence, anxieux de ce qui allait se passer et voyant que le législateur ne voulait pas exciter outre mesure la folle témérité de cet homme par une discussion violente. Il craignait, en effet, que l'insolence de son langage ne trouvât beaucoup d'imitateurs qui jetteraient le trouble parmi le peuple. Là-dessus l'assemblée prit fin. Et peut-être que ces coupables tentatives se fussent propagées davantage, si Zambrias n'eût péri promptement dans les circonstances suivantes[82]. Phinéès(ès)[83], un homme qui, par toutes sortes de mérites, surpassait les autres jeunes gens et qui, grâce au rang de son père, l'emportait de beaucoup sur ceux de son âge - car il était fils du grand-prêtre Eléazar et avait Moïse pour grand-oncle paternel -, dans la douleur que lui causaient les forfaits de Zambrias et avant que son insolence ne se fortifiât grâce à l'impunité, décidé à lui faire subir de ses mains le châtiment et à empêcher que la rébellion ne gagnât plus de gens encore si les premiers n'étaient frappés, doué d'ailleurs d'une hardiesse d'âme et d'une valeur corporelles si éminentes qu'aux prises avec quelque danger, il ne s'en allait pas avant d'avoir gagné l'avantage et remporté la victoire, Phinéès se rendit dans la tente de Zambrias, et le tua d'un coup de lance ainsi que Chosbie. Et tous les jeunes gens qui voulaient faire preuve de vertu et d'amour du bien, imitant l'acte hardi de Phinéès, mirent à mort tous ceux qui s'étaient rendus coupables des mêmes crimes que Zambrias. Il périt ainsi, grâce à leur virile énergie, beaucoup de ceux qui avaient enfreint les lois, le reste fut détruit par la peste, car Dieu leur envoya cette maladie. Et tous ceux de leurs parents, qui, au lieu de les retenir, les avaient poussés à ces actes, considérés par Dieu comme leurs complices, périrent. Ainsi les hommes qui moururent dans leurs rangs ne furent pas moins de vingt-quatre mille[84].

 

13. Irrité par cet événement, Moïse envoya l'armée pour exterminer les Madianites ; nous reviendrons bientôt à cette expédition quand nous aurons raconté, au préalable, un fait que nous avions omis. Car il convient en cette circonstance de ne pas laisser sans éloges l'attitude du législateur. Ce Balam, en effet, qui avait été invité par les Madianites à prononcer des malédictions contre les Hébreux et qui en avait été empêché par la providence divine, mais qui suggéra un avis tel que, les ennemis s'y étant conformés, peu s'en fallut que le peuple des Hébreux ne fut corrompu dans ses mœurs et qu'un fléau se répandit parmi quelques-uns, Moïse lui fit le grand honneur de consigner par écrit ses prophéties[85]. Et, alors qu'il lui était loisible de s'en attribuer la gloire et de la revendiquer pour lui, aucun témoin ne pouvant se produire pour l'en reprendre, c’est à Balam qu'il a laissé ce témoignage et il a daigné perpétuer son souvenir.

On peut d'ailleurs considérer tout cela comme on voudra.

 

Chapitre VII

1. Expédition contre les Madianites ; victoire des Hébreux ; partage du butin. - 2. Moïse désigne Josué pour son successeur. - 3. Attribution de l’Amôritide aux tribus de Ruben et de Gad et à la demi-tribu de Manassé. - 4. Les villes de refuge. - 5. Règlement sur les héritages.

 

1[86]. Moise, pour les motifs que j'ai dits précédemment, envoya vers le pays des Madianites une armée de douze mille hommes en tout, choisis à nombre égal dans chaque tribu. Pour chef, il leur désigna ce Phinéès dont nous venons justement d'indiquer comment il conserva aux Hébreux leurs lois et châtia Zambrias de les avoir transgressées. Les Madianites, prévenus que l'armée marche sur eux et que sous peu elle sera là, rassemblent leurs troupes, et, après avoir fortifié les passages par où ils allaient recevoir les ennemis, ils les attendent. Ceux-ci arrivés et le combat engagé, il tombe dans les rangs des Madianites une multitude inimaginable et défiant le calcul, et avec eux tous leurs rois[87]. Ils étaient cinq, Oéos et Sourès, puis Robéès et Ourès, et, en cinquième lieu, Rékem(os)[88] : la ville qui porte son nom est la plus renommée du pays des Arabes et, aujourd'hui encore, tous les Arabes l'appellent, du nom du roi qui l'a fondée, Rékémé[89] ; c'est la Pétra des Grecs. Une fois les ennemis en déroute, les Hébreux pillèrent leur pays, et, après avoir pris force butin et fait périr les habitants avec leurs femmes, ils ne laissent que les jeunes filles, comme Moïse l'avait recommandé à Phinéès. Celui-ci revient avec l'armée intacte et un butin abondant ; des bœufs au nombre de 52.000[90], 675.000 brebis, 60.000 ânes[91], et une quantité infinie d'ustensiles d'or et d'argent qu'on employait à l'usage domestique ; car la prospérité les avait rendus fort luxueux. Il emmenait aussi les vierges, au nombre de 32.000 environ. Moïse, ayant partagé le butin, donne un cinquantième de la première moitié[92] à Éléazar et aux prêtres, un cinquantième de l'autre aux Lévites, et le reste, il le partage entre le peuple. Ils vécurent par la suite dans la prospérité, car cette abondance de biens, ils la devaient à leur courage, et rien de fâcheux ne vint les empêcher d'en jouir.

 

2[93]. Moïse, déjà avancé en âge, désigne Josué pour lui succéder dans ses fonctions de prophète et pour conduire l'armée quand il le faudrait : Dieu lui-même avait ordonné de lui confier le gouvernement des affaires. Josué s'était instruit d'une façon complète dans les lois et les choses divines sous l'enseignement de Moïse.

 

3[94]. En ce même temps, les deux tribus de Gad et de Roubel et la demi-tribu de Manassé, qui possédaient de grandes quantités de bétail et toutes sortes d'autres richesses, après s'être entendues, prièrent Moïse de leur donner, à titre de prélèvement, l'Amôritide, qu'on avait conquise à la guerre ; car elle était excellente pour l'élève des troupeaux. Mais lui, croyant que c'était la crainte d'aller se battre contre les Chananéens qui leur avait fait trouver ce beau prétexte du soin des troupeaux, les traite de lâches, les accusant d'avoir imaginé une habile excuse à leur pusillanimité, parce qu'ils désiraient couler mollement une vie exempte de fatigues, quand tout le monde s'était donné de la peine pour conquérir ce pays qu'ils réclamaient : ils ne voulaient pas, prenant leur part des luttes qui restaient à soutenir, occuper le pays que Dieu avait promis de livrer à ceux qui auraient franchi le Jourdain, « après avoir triomphé, dit-il, de ceux qu'il nous a désignés comme ennemis ». Ceux-ci, voyant sa colère, et jugeant qu'il avait raison de s'irriter de leur requête, se disculpent en disant que ce n'était ni par crainte des périls ni par paresse au travail qu’ils avaient fait leur demande ; c'était pour que, en laissant leur butin en un endroit convenable, ils pussent marcher bien alertes aux luttes et aux combats. Ils se disaient prêts, une fois qu'ils auraient fondé des villes pour y mettre en sûreté leurs femmes, leurs enfants et leurs biens avec son consentement, à partir avec l'armée. Moïse[95], satisfait de ce langage, après avoir appelé Éléazar le grand-prêtre et Josué et tous les magistrats, accorde à ces tribus l'Amôritide, à la condition de combattre avec leurs frères jusqu'à ce que la conquête soit complète. Ayant ainsi reçu à ces conditions ce territoire et ayant fondé des villes fortes, ils y laissèrent enfants, femmes et, enfin, tout ce qui, s'ils avaient dû l'emmener avec eux, eût été une entrave à leur activité.

 

4[96]. Moïse bâtit aussi les dix villes qui devaient entrer dans le compte des quarante-huit ; il en attribua trois à ceux qui fuiraient pour un meurtre involontaire et il établit que l'exil durerait le temps de la vie du grand-prêtre à l'époque duquel le meurtrier aurait fui ; après la mort du grand-prêtre, il lui permettait le retour, les parents de la victime ayant, d'ailleurs, le droit de le tuer, s'ils surprenaient le meurtrier hors des limites de la ville où il s'était réfugié ; mais il ne donnait ce droit à aucun autre. Les villes, désignées pour servir de refuges, étaient les suivantes : Bosora[97] sur les confins de l'Arabie, Arimanon[98] du pays des Galadéniens et Gaulanâ dans la Batanée. Mais, après qu'ils auraient conquis le pays des Chananéens, trois autres villes des Lévites devaient être réservées aux fugitifs comme résidence, selon les recommandations de Moïse.

 

5[99]. Moïse, comme les premiers de la tribu de Manassé s'approchaient de lui et l'informaient qu'il était mort un personnage de marque de leur tribu du nom d'Holophantès, lequel n'avait pas laissé d'enfants mâles, mais des filles, et comme ils demandaient si l'héritage reviendrait à celles-ci, leur répond que, si elles veulent s'unir à des gens de leur tribu, elles iraient à eux avec leur lot d'héritage, mais si elles contractaient mariage dans une autre tribu, elles devraient laisser leur lot dans la tribu de leur père. Et alors il établit que le lot de chacun demeurerait dans sa tribu[100].

 

Chapitre VIII

Constitution de Moïse et comment il disparut du milieu des hommes.

1. Convocation d'une assemblée. - 2. Moise, avant de mourir, exhorte son peuple et lui donne une constitution. - 3. Regrets des Hébreux - 4. Considérations sur la rédaction des lois. - 5. La ville sainte et le Temple. - 6. Lois sur le blasphème. - 7. Pèlerinage triennal au Temple. - 8. Dîme des fruits. - 9. Argent inutilisable pour l'offrande de sacrifices. - 10. Défenses relatives aux cultes étrangers. - 11. Défense relative au mélange de la laine et du lin. - 12. Lecture septennale de la législation. - 13. Prières quotidiennes. - 14. Administration de la justice. - 15. Les témoignages. - 16. Meurtres dont l'auteur reste inconnu. - 17. Devoirs des rois. - 18. Respect des limites. - 19. Plants de la quatrième année. - 20. Défenses relatives aux plantes et aux animaux hétérogènes. - 21. Droits des pauvres, des bêtes et des passants sur les produits du sol ; peine de la flagellation. - 22. Dîme triennale des veuves et des orphelins ; déclaration après l'acquittement des redevances. - 23. Lois matrimoniales. - 24. Lois sur la rébellion des enfants. – 25. Le prêt à intérêt. - 26. La restitution des gages. - 27. Lois sur le vol. - 28. Lois sur l'esclavage. - 29. La restitution des objets trouvés. - 30. Assistance aux bêtes en détresse. - 31. Obligation de renseigner les personnes égarées. - 32. Défense de médire des sourds et des muets. - 33. Lois sur les rixes. - 34. Lois sur les poisons. - 35. Lois sur l'estropiement. - 36. Le bœuf heurteur. - 37. Prescriptions concernant les puits et les terrasses. - 38. Les dépôts ; défense de retenir les salaires. - 39. Responsabilité individuelle. - 40. Éloignement des eunuques et des castrats. - 41. Vœux de Moïse ; manière d'engager les guerres. - 42. Sièges et représailles. - 43. Décence dans le costume. - 44. Remise par Moïse des lois et des écrits saints ; bénédictions et malédictions. - 45. Exhortation au peuple. - 46. Prédictions de Moïse ; sa fin. - 47. Ses dernières paroles. - 48. Émotion du peuple. - 49. Éloge de Moïse.

 

1[101]. Quand les quarante années furent accomplies, à trente jours près, Moïse, ayant convoqué une assemblée près du Jourdain, là où se trouve aujourd'hui la ville d'Abilé[102] - c'est une localité où abondent les palmiers -, le peuple tout entier réuni, leur adressa ces paroles :

 

2[103]. « O mes compagnons d’armes, vous qui avez partagé avec moi ces longues misères, puisque, Dieu l'ayant décidé désormais et ma vieillesse ayant atteint l'âge de cent-vingt ans, il faut que je quitte la vie, et que dans vos campagnes au-delà du Jourdain je ne serai pas là pour vous secourir et combattre avec vous, car Dieu m'en empêche, j'ai cru bien faire de ne pas renoncer cependant encore à mon zèle pour votre bonheur, mais de procurer à vous la jouissance perpétuelle de vos biens et à moi un monument impérissable comme à l'auteur de votre prospérité. Eh bien donc, c'est après vous avoir indiqué le moyen d'arriver au bonheur et de laisser vos enfants en possession d'une abondance perpétuelle que je quitterai la vie. Je suis digne de confiance, en raison même des luttes que j'ai soutenues précédemment dans votre intérêt et parce que les âmes arrivées au terme de l'existence s'expriment avec une vertu parfaite.

 

« O fils d'Israël[104], il n'est pour tous les hommes qu'une seule source de prospérité, c'est un Dieu propice : lui seul a le pouvoir de donner le bonheur à ceux qui en sont dignes et de l'enlever à ceux qui ont péché contre lui ; si vous vous montrez à ce Dieu tels qu'il le désire, lui, et tels que moi, qui connais sa pensée clairement, je vous y exhorte, vous ne cesserez d'être heureux et d'exciter l'envie de tous, et ces biens que vous avez déjà actuellement, la possession vous en demeurera assurée, et ceux qui vous manquent, vous les aurez bientôt entre vos mains. Pourvu seulement que vous obéissiez à ces lois que Dieu veut que vous suiviez, que vous ne préfériez pas à votre législation présente une autre constitution et qu'au mépris des sentiments de piété que vous témoignez aujourd'hui à Dieu, vous ne vous laissiez aller à d'autres mœurs. Mais, en agissant comme vous le devez, vous serez les plus forts de tous dans les combats, et vous ne vous ferez prendre par aucun ennemi. Car, si Dieu est à vos côtés pour vous secourir, vous pourrez raisonnablement les mépriser tous. A votre vertu sont proposées de grandes récompenses, si vous la conservez pendant toute votre vie ; elle est elle-même d'abord le plus précieux des biens, et puis elle vous procure les autres en abondance, ensuite que, si vous la pratiquez entre vous, elle vous assurera une vie de félicité, vous rendra plus illustres que les peuples étrangers et vous préparera une renommée incontestée auprès des générations futures. Or ces biens, vous y pourrez atteindre, si vous écoutez et observez les lois que j'ai composées sous la dictée de Dieu et si vous vous exercez à les comprendre. Je me sépare de vous, heureux moi-même de votre bonheur, après vous avoir confiés à la sagesse des lois, au bon ordre de la constitution et aux vertus des chefs qui auront soin de vos intérêts. Et Dieu, qui jusque maintenant vous a gouvernés, et par la volonté duquel j'ai pu moi-même vous être utile, ne bornera pas ici l'action de sa providence, mais tout le temps que vous désirerez avoir sa protection, en restant attachés à des occupations vertueuses, vous pourrez compter sur sa sollicitude. En outre, les doctrines les meilleures, à l'obéissance desquelles vous devrez la félicité, vous seront exposées par Éléazar le grand-prêtre et Josué, ainsi que par le Conseil des Anciens et les magistrats des tribus : écoutez-les sans mauvaise grâce, en comprenant que ceux qui savent bien obéir sauront aussi gouverner eux-mêmes, s'ils arrivent à en avoir le pouvoir, et croyez que la liberté ne consiste pas à vous indigner contre ce que vos chefs prétendent que vous accomplissiez. Maintenant, en effet, c'est dans la faculté d'injurier vos bienfaiteurs que vous mettez votre franc-parler : si à l'avenir vous vous en gardez, les choses en iront mieux pour vous. N'ayez jamais contre ces chefs de colère pareille à celle que vous avez osé si souvent manifester contre moi : car vous savez que j'ai plus souvent risqué de périr par vous que par les ennemis. Si je vous présente ces observations, ce n'est pas pour vous accabler de reproches - au sortir de la vie, je n'ai pas l'intention de vous laisser affligés en remuant ces souvenirs, moi qui, même au moment où j’ai subi tout cela, n'ai point ressenti de colère -, c'est pour que cette pensée même serve à l'avenir à vous modérer et que vous ne vous livriez contre ceux qui seront à votre tête à aucune violence, cédant à l'entraînement de la richesse qui vous viendra quand vous aurez passé le Jourdain et conquis la Chananée ; car si vous vous laissez entraîner par elle à du mépris et à de l'indifférence pour la vertu[105], vous perdrez même la faveur que Dieu vous témoigne. Or, si vous vous attirez son hostilité, d'abord, le pays que vous posséderez, vaincus par les armes de vos ennemis, vous le perdrez à votre tour de la façon la plus déshonorante, et, dispersés par toute la terre habitée, vous remplirez le monde entier et la mer de votre servitude. Mais quand vous subirez cette épreuve, inutile sera le repentir et le souvenir des lois que vous n'aurez point observées. Par conséquent, si vous voulez que vos lois vous restent, ne laissez subsister aucun de vos ennemis quand vous les aurez vaincus et croyez qu'il importe pour vous que tous périssent, de peur que, s'ils vivaient, ayant pris goût à leurs mœurs, vous ne viciiez les institutions paternelles. En outre, je vous exhorte à abattre les autels, les bois sacrés et tous les temples qu'ils pourront avoir[106] et à abolir par le feu leur race et leur souvenir ; c'est ainsi seulement que vous aurez en toute sécurité la jouissance de vos biens à vous. Mais, de peur que, par ignorance du mieux, votre naturel ne vous entraîne au pire, je vous ai composé des lois que Dieu m'a dictées et une constitution telle que, si vous en respectez l'harmonie, vous serez considérés comme les plus heureux du monde. »

 

3. Ayant ainsi parlé, il leur donne, consignées dans un livre, ces lois et cette constitution. Ceux-ci fondent en larmes et témoignent d'ardents regrets à l'égard de leur général, se souvenant des périls qu'il avait courus et de l'énergie qu'il avait déployée pour les sauver, et augurant mal de l'avenir en songeant qu'ils n'auront plus jamais un pareil chef et que Dieu veillera moins sur eux, puisque Moïse ne sera plus là pour intercéder en leur faveur. Et tous les sentiments, inspirés par la colère, qu'ils lui avaient témoignés pendant le séjour du désert, ils s'en repentaient maintenant en s'affligeant, si bien que tout le peuple, s'abandonnant à ses larmes, ressentait à cause de lui une émotion trop forte pour que des paroles pussent la calmer. Moïse cependant les consolait, et, les détournant de croire qu'il méritait ces larmes, les invitait à mettre en pratique leur constitution. C'est ainsi qu'ils se séparèrent alors.

 

4. Mais je veux d'abord décrire cette constitution conforme à la réputation de vertu de Moïse et faire connaître par elle à ceux qui me liront quelles furent nos institutions originaires, après quoi je poursuivrai le reste de mon récit. J'ai tout écrit tel que lui nous l'a consigné, je n'y ai ajouté aucun ornement ni rien que n'ait laissé Moise[107]. Ce qui est nouveau chez nous, c'est le classement des matières, sujet par sujet ; car il les a laissées écrites à bâtons rompus, au fur et à mesure des instructions partielles qu'il recevait de Dieu[108]. Voilà pourquoi j'ai estimé nécessaire de commencer par ces explications, de crainte que ceux de notre race qui liront cet ouvrage, puissent nous reprocher de nous être trompé. Voici l'ordre de nos lois touchant notre constitution politique. Quant à celles qu'il nous a laissées et qui nous concernent tous dans nos rapports mutuels, je les réserve pour un commentaire qui traitera des coutumes et de leurs raisons d'être et que nous nous sommes proposé, si Dieu seconde notre entreprise, de composer après le présent ouvrage[109].

 

5[110]. Quand, une fois que vous aurez conquis le pays des Chananéens et que vous aurez le loisir de jouir de vos biens, vous déciderez dès lors de fonder des villes, voici ce que vous devrez faire pour agir d'une manière agréable à Dieu et posséder une félicité assurée. Vous aurez une ville sainte sur la terre des Chananéens dans l'endroit le plus beau et le plus remarquable pour ses qualités, une ville que Dieu se choisira pour lui-même par une prophétie. Vous aurez un temple unique bâti dans cette ville avec un seul autel de pierres non travaillées[111], mais accumulées avec choix, et qui, enduites de chaux, aient belle apparence et présentent un aspect bien net. La montée vers l'autel se fera non par des degrés, mais par un remblai qu'on y adossera en pente douce. Dans aucune autre ville vous n'aurez ni autel, ni temple ; car Dieu est un et la race des Hébreux est une.

 

6[112]. Quiconque aura osé blasphémer Dieu sera lapidé, puis pendu durant toute la journée[113], et on l'ensevelira sans honneur et obscurément[114].

 

7[115]. On devra venir ensemble dans la ville où l'on aura établi le temple, trois fois par an, des extrémités du pays dont les Hébreux se seront emparés, afin de rendre grâce à Dieu de ses bienfaits et de le prier de les continuer à l'avenir, et afin d'entretenir par ces réunions et des festins célébrés en commun des sentiments d'amitié mutuelle. Car il est bon qu'ils ne s’ignorent pas les uns les autres, étant de la même race et ayant des institutions communes. Et c'est à quoi serviront des relations de ce genre ; en se voyant et en se fréquentant, ils se souviendront d'eux-mêmes, car s'ils demeuraient sans commerce réciproque, on les jugerait absolument étrangers entre eux[116].

 

8[117]. Vous aurez aussi à prélever la dîme des fruits, indépendamment de celle que j'ai établi qu'on donnerait aux prêtres et aux Lévites[118] ; cette dîme sera vendue dans vos villes respectives et elle sera affectée à des repas[119] et à des sacrifices qui se feront dans la ville sainte : il est juste, en effet, que ces produits de la terre dont Dieu nous a procuré la propriété, vous en jouissiez en l'honneur de celui qui vous en a fait don.

 

9[120]. Le salaire d'une femme prostituée ne doit pas servir à accomplir un sacrifice ; car rien de ce qui provient du déshonneur ne plaît à la divinité ; or, il ne peut rien y avoir de pire que la honte résultant de la prostitution. De même, si pour la saillie d'un chien[121], soit d'un chien de chasse, soit d'un gardien de troupeaux, on a reçu un salaire, il ne faut pas l'employer en sacrifice à Dieu.

 

10[122]. Que nul ne blasphème les dieux que d'autres cités révèrent[123]. Il ne faut pas piller les temples étrangers, ni s'emparer de trésors consacrés à quelque divinité[124].

 

11[125]. Que personne de vous ne porte de vêtement tissé de laine et de lin ; car cela est réservé aux prêtres seuls[126].

 

12[127]. Quand le peuple se sera réuni dans la ville sainte pour les sacrifices septennaux, à l'époque de la fête de la construction des tabernacles, le grand-prêtre[128], debout sur une estrade élevée d'où il puisse se faire entendre, devra lire les lois[129] pour tout le monde : ni femmes, ni enfants ne seront exclus de cette audition et non pas même les esclaves. Car il est bon que ces lois, une fois gravées dans les cœurs, soient ainsi conservées par la mémoire, de façon à ne pouvoir jamais s'effacer. De la sorte, ils ne feront aucun péché, ne pouvant alléguer leur ignorance des prescriptions édictées par les lois. Et ces lois auront pleine autorité contre les délinquants, en ce qu'elles les préviendront de ce qu'ils auront à subir et graveront dans les âmes, grâce à cette audition, tout ce qu'elles prescrivent, de façon que pour toujours ils portent la doctrine de leur peuple en eux[130] : s'ils la dédaignent, ils seront coupables et deviendront les propres auteurs de leur châtiment. Que les enfants aussi commencent par apprendre les lois ; c’est l'étude la plus belle et la source de la félicité.

 

13. Deux fois par jour, au commencement de la journée et quand vient l'heure de se livrer au sommeil, ils devront rendre témoignage à Dieu des bienfaits qu'il leur a accordés au sortir du pays des Égyptiens : la reconnaissance se justifie par la nature et, en la témoignant, ils remercieront à la fois Dieu de ses bienfaits passés et se concilieront sa bienveillance future. Ils inscriront aussi sur leurs portes les plus grands bienfaits qu'ils ont reçus de Dieu, et chacun devra les porter visiblement sur les bras ; et tout ce qui peut attester la puissance de Dieu ainsi que sa bonté à leur égard, ils en porteront la mention écrite sur la tête et sur le bras[131], afin qu'on puisse voir de toutes parts la vive sollicitude dont Dieu les entoure.

 

14[132]. Qu'il y ait à la tête de chaque ville sept hommes[133] habitués à pratiquer la vertu et à rechercher la justice ; qu'à chacune de ces magistratures soient adjoints à titre de serviteurs deux hommes de la tribu des Lévites[134]. Que ceux qui seront appelés à rendre la justice dans les villes soient tenus en grand honneur, de façon que nul ne se permette en leur présence d'injurier ou de tenir des propos insolents ; le respect envers ceux qui sont revêtus d'une dignité inspirera tant de modestie qu'on ne méprisera pas Dieu. Les juges seront maîtres de prononcer selon leur sentiment, à moins qu'on ne vienne les dénoncer comme ayant reçu de l’argent pour fausser la justice, ou qu'on allègue une autre raison pour les accuser de n'avoir pas bien prononcé. Car il ne faut pas, par amour du lucre ou des puissances, faire mauvaise justice ; on doit placer le bon droit au-dessus de toutes choses. Dieu, sans cela, paraîtrait méprisé et plus faible que ceux à qui, par peur de la force, on déciderait d'accorder son suffrage. En effet, c'est de la puissance de Dieu que procède la justice. Si donc on favorise ceux qui occupent un haut rang, on les met au-dessus de Dieu. Que si les juges ne savent pas prononcer sur les faits qui leur sont soumis - pareil cas se présente souvent parmi les hommes -, qu'ils adressent la cause intégralement à la ville sainte, et que, réunis ensemble, le grand-prêtre et le prophète et le conseil des Anciens fassent connaître leur décision[135].

 

15[136]. On ne se fiera pas à un témoin unique ; il en faut trois ou au moins deux dont le témoignage sera garanti par leur vie passée. Les femmes ne rendront pas de témoignage[137], à cause de la légèreté et de la témérité de leur sexe. Les esclaves non plus ne doivent pas témoigner[138], à cause de la bassesse de leur âme ; car il est naturel que soit la cupidité, soit la crainte les empêche de témoigner selon la vérité. Si quelqu'un est accusé d'avoir fait un faux témoignage[139], il subira, s'il en est convaincu, la même peine[140] que devait subir celui contre lequel il aura témoigné.

 

16[141]. Si, lorsqu'un meurtre aura été commis dans un endroit, on n'en trouve pas l'auteur, et que nul ne soit soupçonné d'avoir tué par haine, il faudra chercher ce meurtrier avec beaucoup de soin, en proposant une récompense au dénonciateur[142] ; mais si personne ne fait de dénonciation, les magistrats des villes à proximité de l'endroit où le meurtre a été commis et le conseil des Anciens, se réunissant[143], mesureront le terrain depuis la place où gît le cadavre. Et les autorités de la ville qui en sera la plus rapprochée achèteront une génisse et, après l'avoir conduite dans un ravin[144] et dans un endroit impropre au labour et aux plantations, devront trancher les muscles du cou de la génisse, puis, après avoir fait une libation d'eau sur la tête de l'animal, les prêtres, les lévites et les Anciens de cette ville proclameront qu’ils ont les mains pures de ce meurtre, qu'ils be l'ont ni commis, ni vu commettre, et ils prieront pour se rendre Dieu propice et pour qu'un terrible malheur de ce genre n'arrive plus au pays.

 

17[145]. Le gouvernement des meilleurs est ce qu'il y a de mieux, ainsi que la vie qu'on mène sous ce régime ; ne vous prenez pas à soupirer après une autre forme de gouvernement, mais soyez satisfaits de celle-là, ayant vos lois pour maîtres et faisant tout d'après elles. Car Dieu suffit à vous guider. Mais si vous venez à désirer un roi, qu'il soit de votre race et qu'il ait toujours souci de la justice ainsi que des autres vertus. Qu'il confie aux lois et à Dieu les desseins les plus importants[146], et qu'il ne fasse rien sans le grand-prêtre et sans l'avis des Anciens[147] ; qu'il ne prenne pas beaucoup de femmes, qu'il ne cherche pas quantité de richesses et de chevaux, car si tout cela vient à lui, il en arrivera à regarder de haut les lois. Qu'on l’empêche donc, s'il montrait trop de goût pour ces choses, de devenir plus puissant que votre intérêt ne le comporte.

 

18[148]. Ne vous permettez pas de déplacer les bornes ni de votre terre, ni de la terre de ceux avec lesquels vous êtes en paix ; qu'on se garde de les supprimer, qu'on les considère comme une pierre solide posée par Dieu pour l'éternité. Car des guerres et des querelles naissent de ce que les gens cupides veulent aller au-delà de leurs limites. Ils ne sont pas loin, en effet, de transgresser les lois ceux qui déplacent les limites.

 

19[149]. Quand on plante une terre, si ces plants produisent des fruits avant quatre ans, on n’en prélèvera pas de prémices pour Dieu et on n'en jouira pas soi-même ; car à ce moment, ils n’ont pu venir tout seuls et, comme la nature a été forcée prématurément[150], ils ne peuvent convenir à Dieu, ni servir au propriétaire lui-même. Mais la quatrième année, il doit récolter tout ce qui a poussé, le moment est alors opportun, et, après l'avoir réuni, il l'apportera dans la ville sainte[151] et en y joignant la dîme des autres fruits, il l'emploiera à faire des festins avec ses amis, ainsi qu'avec les orphelins et les veuves. La cinquième année, il sera maître de faire pour lui la récolte de ses plantations.

 

20[152]. Un terrain planté de vignes, on ne doit pas l'ensemencer ; car il a assez à nourrir ce genre de plants et doit être exempt des travaux de labour. On labourera la terre avec des bœufs, sans leur adjoindre sous le joug aucune des autres espèces animales ; celles-ci aussi, on doit les employer séparément pour le labour. Les semences doivent être pures et sans mélanges et il ne faut pas ensemencer deux espèces ou trois en même temps. Car la nature[153] ne se plaît pas à la réunion des choses dissemblables. Il ne faut pas accoupler des bestiaux d'espèces différentes : car il est à craindre qu'en commençant par là, on ne finisse, même quand il s'agit d'hommes, par manquer d'égard à ceux de sa race ; c'est à cela que peuvent mener des fautes commises sur des sujets insignifiants. Il ne faut rien concéder de ce qui pourrait par imitation engendrer quelque perturbation dans l'Etat ; il faut que même les choses les plus ordinaires n'échappent pas à la vigilance des lois, qui doivent savoir se prémunir elles-mêmes contre tout reproche.

 

21[154]. En moissonnant et en enlevant les récoltes on ne glanera pas, mais on abandonnera même un peu de gerbes à ceux qui n'ont rien à manger, comme une aubaine qui servira à leur subsistance. Pareillement, dans la vendange, il faut laisser les grappillons aux pauvres ; il faut aussi oublier un peu des fruits de l'olivier pour les laisser ramasser par ceux qui n'en ont pas à cueillir chez eux. Car une cueillette minutieuse ne donnera pas autant de richesse aux propriétaires que cet abandon ne leur vaudra de reconnaissance de la part des indigents ; d'ailleurs, la divinité rendra la terre plus ardente à faire croître des fruits, si l'on ne songe pas seulement à son intérêt personnel, mais qu'on se soucie aussi de nourrir autrui. Les bœufs même[155], quand ils fouleront les épis, on ne les musellera pas dans l'aire ; car il n'est pas juste de priver du fruit nos collaborateurs qui ont peiné pour le produire. Quand les fruits des arbres sont mûrs, il ne faut pas empêcher les passants d'y toucher en chemin[156], mais, comme s'ils leur appartenaient, leur permettre de s'en rassasier, qu'ils soient indigènes ou étrangers, en se réjouissant de leur fournir le moyen d'avoir leur part de ces fruits mûrs. Mais il ne leur sera pas permis d'en rien emporter. Et les vendangeurs n'empêcheront pas ceux qu'ils rencontreront de goûter de ce qu'ils apportent aux pressoirs ; il n'est pas juste, en effet, que ces bonnes choses qui nous arrivent de par la volonté de Dieu pour notre subsistance, on les refuse à ceux qui en souhaitent une part, alors que l'époque de leur maturité est venue et va bientôt passer ; il est même agréable à Dieu qu'on invite à en prendre tous ceux qui, par réserve, hésiteraient à y toucher, les Israélites d'abord, qui ont comme un droit de participation et de propriété en vertu de leur commune origine, et aussi les gens venus d'ailleurs, à qui on permettra de profiter, en qualité d'hôtes, de ces fruits que Dieu a fait venir à maturité. Il ne faut pas envisager comme des dépenses ce que par libéralité on laisse prendre aux hommes : si Dieu nous procure cette abondance de biens, ce n'est pas pour nous en réserver la récolte, c'est pour en céder aussi généreusement à autrui, et il veut de cette façon que la bonté qu'il témoigne spécialement au peuple israélite et le soin qu'il prend de sa prospérité soient manifestés encore aux autres, grâce à tout le superflu dont ils font profiter ces derniers eux-mêmes[157]. Celui qui agira à l'encontre de ces règles[158] recevra trente-neuf coups du cuir public[159], peine très infamante qu'il subira, lui, un homme libre, parce que, esclave de l'intérêt, il a outragé sa dignité. Il vous sied[160], en effet, après les souffrances que vous avez éprouvées en Égypte et dans le désert, de montrer de la sollicitude pour ceux qui sont dans une situation analogue et, après avoir reçu tant de biens de la pitié et de la providence de Dieu, d'en distribuer une partie aux nécessiteux par un sentiment semblable.

 

22[161]. En outre des deux dîmes que j'ai déjà dit de consacrer chaque année, l'une aux Lévites et l'autre aux festins, il faut en prélever une troisième tous les trois ans[162], afin de distribuer ce qui leur manque aux femmes veuves et aux enfants orphelins. Les premiers fruits mûrs que chacun aura recueillis[163], il les apportera dans le temple et, après avoir remercié Dieu pour la terre qui les a portés et qu'il leur a donnée en propriété, après avoir accompli les sacrifices que la loi ordonne d'offrir, on donnera les prémices de ces fruits aux prêtres. Et lorsqu'une personne[164], après avoir fait tout cela, après avoir offert les dîmes de tout, pour les Lévites et pour les festins avec les prémices, sera sur le point de s'en retourner chez elle, debout en face de l'enceinte du temple, elle remerciera d'abord Dieu de leur avoir donné, après les avoir soustraits aux violences des Égyptiens, un pays fertile et étendu pour jouir de ses fruits ; puis, attestant qu'elle a payé les dîmes et le reste, conformément aux lois de Moïse, elle priera Dieu de lui être toujours bienveillant et propice et de demeurer tel en général pour tous les Hébreux, en leur conservant ce qu'il leur a donné de biens, et en y ajoutant tous ceux dont il peut les gratifier.

 

23[165]. On devra épouser, une fois en âge de se marier, une vierge libre et née de parents honnêtes. Celui qui n'épouse point de vierge ne devra point s'unir à une femme qui vit avec un autre homme, en la corrompant, ou en l'enlevant à son premier mari. Des femmes esclaves ne pourront être épousées par des hommes libres[166], même si on y est vivement poussé par amour ; mais les bienséances et le souci de la dignité doivent triompher de la passion. En outre[167], il ne peut se faire de mariage avec une prostituée[168], car, comme elle a déshonoré son corps, Dieu n'agréerait pas les sacrifices offerts à l'occasion de ce mariage. La condition pour que les enfants aient des sentiments d'homme libre et dirigés vers la vertu, c'est qu'ils ne soient pas le fruit d'une union honteuse[169] ou d'une passion illégitime. Si quelqu'un[170], après avoir épousé une femme qu'il croyait vierge, s'aperçoit par la suite qu'elle n'est point telle, il intentera un procès, en appuyant l'accusation sur tels indices qu'il aura, et la défense sera présentée par le père de la jeune fille ou son frère ou celui qui après eux paraîtra son plus proche parent[171]. Si la jeune fille est déclarée innocente, elle cohabitera avec son accusateur, sans qu'il ait le moindre droit de la congédier, à moins qu'elle ne lui en fournisse de graves raisons et telles qu'elle n'y puisse rien contredire. Et pour avoir témérairement et inconsidérément porté contre elle une accusation calomnieuse[172], il aura à subir une double peine, en recevant trente-neuf coups et en payant cinquante sicles au père[173]. Mais au cas où il prouverait le déshonneur de la jeune fille, si c'est une femme du peuple, pour n'avoir pas veillé honnêtement sur sa virginité jusqu'à son mariage légitime, elle sera lapidée ; si elle est de race pontificale, elle sera brûlée vive[174]. Si quelqu'un a deux femmes[175], dont l'une est tenue particulièrement en estime et en affection, soit par amour, soit pour sa beauté, soit pour quelque autre motif, et dont l'autre est moins bien traitée, si le fils de la femme aimée, plus jeune que celui de l'autre, prétend, en vertu de l'affection que son père porte à sa mère, s'attribuer le droit d'aînesse de façon à recevoir une double part de la fortune paternelle, - car c'est là ce que j'ai établi dans les lois[176] -, on ne le lui accordera pas. Il est injuste, en effet, que le plus ancien des deux par la naissance, parce que sa mère tient moins de place dans l'affection de son père, soit privé de ce qui lui est dû. Celui qui aura déshonoré une jeune fille promise à un autre[177], s'il l'a persuadée et rendue consentante à la faute, mourra avec elle, car ils sont également coupables tous les deux, lui pour avoir persuadé la jeune fille de subir volontairement la pire des hontes et de la préférer à un mariage honnête, elle, pour avoir consenti à s'offrir par plaisir ou par cupidité à cet outrage. Mais s'il l'a rencontrée seule[178] et a abusé d'elle, sans qu'il y eut personne pour la secourir, il mourra seul. Celui qui déshonore une vierge qui n'est pas encore promise[179] devra l'épouser lui-même ; mais s'il ne plaît pas au père de la jeune fille qu'elle vive avec lui, il aura à lui payer cinquante sicles en réparation de l'outrage[180]. Celui qui veut se séparer[181] de la femme qui habite avec lui pour un motif quelconque[182] - les hommes en ont souvent de ce genre -, devra certifier par écrit qu'il n'aura plus de relations avec elle. C'est ainsi que la femme acquerra la faculté d'aller vivre avec un autre ; car auparavant, on ne doit pas le lui permettre. Que si elle est maltraitée aussi chez cet autre ou qu'à sa mort le premier désire l'épouser, on ne lui permettra pas de retourner chez lui. Quand[183] une femme n'a pas d'enfants[184] à la mort de son mari, le frère de ce dernier doit l'épouser, et le fils qui naîtra, il l'appellera du nom du défunt, et l'élèvera comme héritier de son patrimoine ; un tel acte, en effet, sera avantageux même à la chose publique, les familles ne s'éteignant pas et la fortune restant aux parents ; et pour les femmes, ce sera un soulagement à leur infortune de vivre avec l'homme le plus proche de leur premier mari. Mais si le frère ne veut pas l'épouser, la femme viendra devant les Anciens et attestera que, tandis qu'elle désirait demeurer dans cette maison et avoir de lui des enfants, il a refusé de l'accueillir, faisant ainsi injure à la mémoire de son frère défunt. Et quand les Anciens lui demanderont pour quelle raison il se montre hostile à ce mariage, qu'il en allègue une futile ou une sérieuse, le résultat sera le même : la femme de son frère, après lui avoir défait ses sandales et lui avoir craché au visage, s'écriera qu'il mérite de subir ce traitement de sa part pour avoir outragé la mémoire du défunt. Et lui s'en ira alors du conseil des Anciens avec cet affront, qu'il gardera toute sa vie, tandis qu'elle pourra se remarier au prétendant qui lui plaira. Quand quelqu'un aura fait prisonnière[185] une vierge ou même une femme qui aurait déjà été mariée[186], s'il veut cohabiter avec elle, il ne pourra approcher sa couche et s'unir à elle avant que, les cheveux coupés, et vêtue d'habits de deuil, elle n'ait pleuré ses parents et ses amis morts dans le combat, afin qu'elle satisfasse au chagrin que lui cause leur perte, avant de se livrer aux festins et à la joie du mariage. Il est noble, en effet, et légitime que celui qui prend une femme pour en avoir des enfants défère à ses désirs, et il ne faut pas qu'en ne recherchant que son propre plaisir, il néglige ce qui peut être agréable à elle-même. Mais après trente jours passés dans le deuil - ce temps suffit aux gens raisonnables pour pleurer ceux qui leur sont le plus chers - elle peut alors accomplir le mariage. Que si, sa passion satisfaite, il dédaigne de la garder pour épouse, il n'aura plus la faculté d'en faire une esclave ; elle s'en ira où elle voudra, elle en a la liberté.

 

24[187]. Les jeunes gens qui mépriseront leurs parents et ne leur témoigneront pas d'égards, qu'ils leur aient fait outrage soit par impudence (?), soit par irréflexion[188], d'abord leurs parents les réprimanderont par de simples paroles[189], car ils ont autorité de juges sur leurs enfants[190], en leur disant que le but de l'union conjugale n'est pas le plaisir, ni l'accroissement de la fortune, par la mise en commun de ce qu'ont les époux de part et d'autre, mais c'est d'avoir des enfants qui prennent soin des parents dans leur vieillesse et qui reçoivent d'eux tout ce dont ils ont besoin. « Quand tu es né, diront-ils, nous t'avons pris, remplis de joie et de reconnaissance envers Dieu, et nous avons mis nos soins à t'élever, sans rien épargner de ce qui paraissait utile à ta santé et à ta parfaite éducation. Maintenant - puisqu'il faut accorder de l'indulgence aux fautes des jeunes gens -, cesse-là tes manques d'égard envers nous et reviens à une plus sage conduite, en réfléchissant que Dieu lui-même s'irrite des témérités commises contre un père, car il est lui-même le père de toute la race des hommes et paraît partager le sentiment de l'injure avec ceux qui ont le même titre que lui, quand ils n'obtiennent pas de leurs enfants la déférence qui leur est due. Et la loi réprime ces fautes inexorablement ; n'aie pas à en faire l'expérience ». Si par ce moyen se corrige la présomption des jeunes gens, on leur épargnera tout autre reproche pour leur péché d'ignorance ; car ainsi le législateur fera preuve de bonté et les parents seront heureux de ne point livrer un fils ou une fille[191] au châtiment. Mais celui à qui ces paroles, avec la leçon de bienséance qu'elles renferment, paraîtront ne point produire d'effet et qui se fera d'implacables ennemies des lois par ses incessantes audaces à l'égard de ses parents, conduit par eux-mêmes hors de la ville avec la foule derrière eux, il sera lapidé[192], et, après être demeuré toute la journée exposé à tous regards, il sera enseveli pendant la nuit[193]. Il en sera ainsi de tous ceux, en général, que les lois auront condamnés à mort[194]. On ensevelira aussi les ennemis ; et pas un cadavre ne restera sans sépulture, car il subirait plus que sa juste peine.

 

25[195]. On n'aura le droit de prêter à intérêt à aucun Hébreu, ni aliment, ni boisson ; car il n'est pas juste de tirer un revenu de l'infortune d'un compatriote ; mais il faut, en secourant sa détresse, considérer comme un profit la reconnaissance de cet homme et la rémunération que Dieu réserve à cet acte de générosité.

 

26[196]. Ceux qui auront emprunté soit de l'argent, soit des fruits, liquides ou solides, si leurs affaires, grâce à Dieu, marchent à souhait, ils viendront les rendre avec joie à leurs prêteurs, comme s'ils les avaient reçus en dépôt pour mettre avec leur propre bien à charge de les rapporter le jour où l'on en aurait besoin. Mais s'ils négligent impudemment cette restitution, on ne pourra pénétrer dans leur maison[197] pour y saisir un gage avant qu'un jugement n'intervienne à ce sujet, et l'on réclamera le gage du dehors ; et le débiteur l'apportera de lui-même sans rien opposer à celui qui vient contre lui avec le secours de la loi. Si celui à qui on a pris le gage est riche, le prêteur en restera nanti jusqu'à la restitution ; mais s'il est pauvre[198], le prêteur devra le rendre avant le coucher du soleil, surtout si le gage consiste en un manteau, afin qu'il l'ait pour dormir, Dieu accordant naturellement sa pitié aux pauvres. Mais une meule[199] et tous les ustensiles qu'elle comporte, on n'aura pas le droit de les saisir pour gage, afin que les pauvres ne soient pas privés même de leur gagne-pain[200] et que leur indigence ne leur fasse pas souffrir les pires misères.

 

27[201]. Celui qui volera un homme sera puni de mort[202]. Quiconque aura dérobé de l'or ou de l'argent en payera le double. Celui qui aura tué un voleur avec effraction ne sera pas puni. Même s'il l'a trouvé encore occupé à percer son mur[203]. Celui qui aura volé[204] une tête de bétail[205] en payera quatre fois le prix comme amende[206], sauf s'il s'agit d'un bœuf ; en ce cas, il en payera cinq fois la valeur. Celui qui n’aura pas le moyen de payer l'amende infligée deviendra l'esclave de ceux qui l'ont fait condamner[207].

 

28[208]. Un hébreu vendu à un autre hébreu le servira pendant six ans ; la septième année on le laissera libre. Mais si, ayant eu des enfants d'une esclave chez celui qui l'a acheté, il désire continuer à le servir à cause de la bonté et de l'affection qu'il porte aux siens, vienne l'année du jubilé - qui revient tous les cinquante ans -, il sera mis en liberté et emmènera ses enfants et sa femme également libres.

 

29[209]. Si l'on trouve de l'or ou de l'argent en chemin, après avoir cherché celui qui l'a perdu et fait proclamer l'endroit où on l'a trouvé[210], on devra le restituer en estimant que le profil tiré de la perte d'autrui n'est pas honnête. Il en est de même des bêtes qu'on rencontrera errant dans un endroit solitaire ; si le maître n'en est pas trouvé sur-le-champ, on devra les garder chez soi, en prenant Dieu à témoin qu'on ne détourne pas le bien d'autrui.

 

30[211]. Il n'est pas permis de passer outre quand des bêtes de somme, maltraitées par la tempête, sont tombées dans la boue ; il faut aider le maître à les secourir et lui prêter son appui comme si on travaillait pour soi.

 

31[212]. Il faut indiquer le chemin à qui l'ignore et éviter, pour le plaisir de rire soi-même, de léser les intérêts d'autrui[213] en l'induisant en erreur.

 

32. Pareillement il ne faut pas se moquer d'un muet ou d'un idiot.

 

33[214]. Dans une rixe où l'on n'a pas employé de fer, si quelqu'un est frappé, meurt-il sur-le-champ, il sera vengé par la mise à mort de son meurtrier. Mais si, transporté chez lui, il reste malade pendant quelques jours avant de mourir, l'homme qui l'a frappé ne sera pas puni[215]. S'il recouvre la santé et qu'il ait beaucoup dépensé pour sa guérison, l'autre devra payer tous les frais qu'il aura eus durant le temps où il est resté alité et tout ce qu'il aura donné aux médecins[216]. Celui qui aura donné un coup de pied à une femme enceinte[217], si la femme avorte, sera condamné par les juges à une amende, pour avoir, en détruisant le fruit de ses entrailles, diminué la population, et il payera aussi une amende[218] au mari de cette femme. Si elle meurt du coup[219], lui aussi mourra, car la loi trouve juste de réclamer vie pour vie.

 

34. Les poisons mortels, ou ceux qu'on fabrique pour d'autres espèces de maléfice, aucun Israélite n'en possédera. Si l'on prend quelqu'un à en avoir, il mourra, subissant ainsi le sort qui menaçait ceux à qui le poison était destiné[220].

 

35[221]. Quiconque aura estropié quelqu'un subira le même sort : on le privera de ce dont il a privé l'autre, à moins que l'estropié ne veuille accepter de l'argent[222] ; c'est à la victime que la loi laisse le droit d'évaluer le dommage qui lui est arrivé ; elle fait cette concession, au cas où il ne veut pas se montrer trop sévère.

 

36[223]. Quand un bœuf heurte avec ses cornes, son maître doit l'immoler[224]. Si dans une aire il tue quelqu'un en le heurtant, il sera tué lui-même par lapidation, et sa chair ne pourra même servir à la consommation ; mais quand le maître même sera convaincu d'avoir connu antérieurement ses instincts et de ne pas l'avoir surveillé, il mourra lui aussi[225], parce qu'il est dès lors responsable de la mort causée par le bœuf. Si c'est un esclave[226] ou une servante que le bœuf a tué, il sera lapidé et le propriétaire du bœuf payera trente sicles au maître de la victime. Si c'est un bœuf[227] a qui est tué d'un heurt de ce genre, on vendra et la bête morte et la bête qui a heurté, et les propriétaires se partageront la valeur des deux bêtes[228].

 

37[229]. Quand on aura creusé un puits ou une citerne, on prendra soin, en posant des planches par dessus, de les tenir bien clos, non pas pour empêcher qu'on n'y puise de l'eau, mais pour éviter tout danger d'y choir. Si quelqu'un a une fosse de ce genre non close, et qu'une bête y tombe et y périsse, il en payera la valeur au propriétaire. On devra mettre autour des toits[230] une enceinte en forme de mur, pour empêcher qu'on ne fasse une chute mortelle[231].

 

38[232]. Quand on aura reçu un dépôt, on devra y veiller comme sur un objet sacré et divin, et nul n'aura l'audace d'en frustrer celui qui le lui aura commis, ni homme, ni femme, même s'il devait en retirer une grande quantité d'or avec l'assurance que nul ne viendra le confondre. Car le devoir absolu de chacun, c'est de bien faire, avec le sentiment de sa propre conscience, et, en se contentant de son propre témoignage, d'accomplir tout ce qui peut lui attirer les louanges d'autrui et de songer surtout à Dieu, à qui nul criminel n'échappe. Mais si, sans aucun acte frauduleux, le dépositaire perd le dépôt, il viendra devant les sept juges[233] attester Dieu qu'il n'a rien perdu de son propre gré et criminellement, qu'il n'en a pas pris la moindre parcelle pour son usage, et, ainsi disculpé, il se retirera. Mais s'il a usé de la moindre part de ce qu'on lui a confié et qu'il se trouve ensuite l'avoir perdu, il sera condamné à payer tout le reste de ce qu'il a reçu. De même qu'en cas de dépôt[234], si quelqu'un prive de son salaire ceux qui travaillent de leurs corps, qu'il soit exécré, car il ne faut pas priver de son salaire un homme pauvre, quand on sait qu'au lieu d'un champ ou d'autres possessions, c'est là tout ce que Dieu lui a dispensé. Bien plus, il n'en faut pas différer le payement, mais s'en acquitter le jour même, car Dieu ne veut pas qu'on prive le travailleur de jouir du fruit de son labeur.

 

39[235]. On ne punira pas les enfants pour la faute des parents, mais eu égard à leur mérite propre... on doit plutôt leur témoigner de la pitié de ce qu'ils soient nés de parents pervers que de la haine pour l'indignité de leur extraction[236]. Mais il ne faut pas non plus compter aux pères le péché des fils, parce que les jeunes gens se permettent beaucoup d'infractions à notre discipline, dans leur dédain de se laisser instruire,

 

40[237]. Il faut éviter les eunuques et fuir tout commerce avec ceux qui se sont privés de leur virilité et du fruit de la génération que Dieu a donné aux hommes afin de multiplier notre espèce. Il faut les chasser comme des meurtriers d'enfants[238], et qui ont de plus anéanti en eux la faculté de les procréer. Il est clair, en effet, que c'est parce que leur âme s'est efféminée, que leur corps a comme changé de sexe. On traitera de même tout ce qui apparaîtra aux regards comme monstrueux. On ne fera point de castrats ni parmi les hommes, ni parmi les autres animaux[239].

 

41. Telle sera pour vous en temps de paix la constitution légale de votre Etat, et Dieu dans sa bonté fera que l'harmonie n’en sera pas troublée. Qu'aucune époque n'y vienne rien changer en établissant le contraire à sa place. Mais comme nécessairement le genre humain est précipité dans des troubles et des périls soit involontaires, soit prémédités, il faut bien que sur ce sujet j'établisse encore quelques brèves ordonnances, pour que, prévenus de la conduite à observer, vous ayez, quand il le faudra, tous les moyens de vous sauver, et pour éviter, qu'à ces moments, en cherchant quelle conduite suivre, vous ne tombiez désarmés à la merci des circonstances.

 

Cette contrée que vous avez reçue de Dieu, insoucieux des fatigues et l'âme formée au courage puisse-t-il en rendre l'occupation paisible à ses conquérants, sans que des étrangers marchent contre elle pour la dévaster, et sans que vous soyez aux prises avec les discordes intestines, qui vous entraîneraient à une conduite opposée celle de vos pères et à détruire les institutions qu'ils ont établies. Puissiez-vous observer sans cesse les lois que Dieu vous transmet après en avoir éprouvé la bonté. Mais s'il advient que vous ayez une guerre à entreprendre, soit vous actuellement, soit plus tard vos enfants, puisse cette guerre se faire hors de vos frontières. Quand vous serez sur le point de guerroyer[240], envoyez une ambassade et des hérauts aux ennemis qui prennent l'offensive ; car, avant de prendre les armes, il est bon d'entrer en pourparlers avec eux, de leur représenter que, bien que munis d’une grande armée, de cavaliers et d'armes, et avant tout forts de la bienveillance de Dieu et de son appui, vous aimez mieux cependant ne pas être contraints de leur faire la guerre et, en leur enlevant leurs biens, tirer d'eux encore un profit involontaire. S'ils se laissent convaincre, il convient que vous respectiez la paix ; mais si, confiants de leur supériorité, ils prétendent vous nuire, conduisez une armée contre eux en prenant Dieu pour chef suprême, et en élisant pour commander sous lui l'homme que ses mérites auront distingué ; car la pluralité des chefs, outre qu'elle est un obstacle à ceux qui ont à agir avec promptitude, est de nature à nuire même à ceux qui la pratiquent. Il faut conduire une armée choisie[241], faite de tous ceux qui se distinguent par leur vigueur corporelle et la hardiesse de leur âme, en rejeter l'élément lâche, de peur qu'en pleine affaire il ne se mette à fuir à l'avantage des ennemis. Et tous ceux qui viennent d’inaugurer[242] une maison, et qui n'ont pu en jouir encore pendant la durée d'un an, ceux qui ont planté sans avoir encore recueilli de fruits, il faut les laisser au pays, ainsi que les fiancés et les jeunes mariés[243], de peur que le regret de tout cela, en leur faisant ménager leur vie et se garder eux-mêmes pour en jouir encore, ne les amène à se laisser battre volontairement.

 

42[244]. Quand vous établirez votre camp, veillez à ne rien commettre de trop odieux. Pendant le siège d'une ville, si vous êtes en peine de bois pour la fabrication de vos machines, ne tondez pas le sol en coupant les arbres domestiques ; épargnez-les, au contraire, en songeant que c'est pour rendre service aux hommes qu'ils sont créés et que, s'ils étaient doués de la voix, ils plaideraient leur cause auprès de vous, et diraient qu'ils ne sont point responsables de la guerre, qu’on les maltraite indûment et que, s'ils en avaient le pouvoir, ils émigreraient et passeraient dans un autre pays. Après avoir gagné la bataille, tuez ceux qui vous ont résisté[245] ; les autres, laissez-les en vie pour qu'ils vous payent tribut, excepté le peuple des Chananéens ; ceux-là, il faut les anéantir entièrement[246].

 

43[247]. Prenez garde, surtout pendant la guerre[248], qu'aucune femme ne prenne de vêtement d'homme, et qu'aucun homme ne s'habille en femme.

 

44. Telle est la constitution que Moïse laissa ; il transmit aussi les lois qu'il avait écrites quarante ans auparavant et dont nous parlerons dans un autre livre[249]. Les jours suivants[250] - car on tenait continuellement assemblée -, il leur adresse des bénédictions et prononce des malédictions contre ceux qui ne vivraient pas selon les lois, mais transgresseraient les prescriptions qu'elles renferment.

 

Ensuite il leur lut un poème en vers hexamètres[251] qu'il a laissé dans le livre saint, et qui contient une prédiction des événements futurs selon laquelle tout s'est réalisé et se réalise encore, car il n'a rien dit qui ne soit conforme à la vérité. Tous ces livres, il les remet aux prêtres[252] ainsi que l'arche où il avait placé aussi les dix paroles gravées sur deux tables, et le tabernacle. Et il recommande au peuple[253], une fois qu'il se sera emparé du pays et qu'il s'y sera installé, de ne pas oublier l'injure des Amalécites et de diriger une expédition contre eux pour tirer vengeance du mal qu'ils leur avaient fait quand ils se trouvaient dans le désert. Après avoir conquis de vive force le pays des Chananéens[254] et détruit toute sa population comme il convenait, ils érigeront l'autel en le tournant du côté du soleil levant non loin de la ville des Sichémites (Sikimites) entre deux monts[255], le Garizéen à droite et celui qu'on appelle Gibalon à gauche, et l'armée, divisée en deux portions de six tribus chaque, se portera sur ces deux monts et avec eux les Lévites et les prêtres. Et tout d'abord, ceux qui seront sur le mont Garizim feront les souhaits les plus heureux pour ceux qui marqueront du zèle dans le culte de Dieu et l'observation des lois et qui ne rejetteront pas les prescriptions de Moïse ; puis les autres tribus leur ré-pondront par des murmures favorables, et quand celles-là feront des vœux à leur tour, les premières approuveront. Ensuite, dans le même ordre, elles lanceront des malédictions contre ceux qui transgresseront les lois, en s'acclamant mutuellement pour sanctionner leurs paroles. Il mit lui-même par écrit les bénédictions et les malédictions, de manière que jamais le temps n'en abolit l'enseignement, et il finit par les inscrire sur l'autel de chaque côté, et ordonna que le peuple (à cette occasion) s'en approcher pour y offrir des sacrifices et des holocaustes, mais après ce jour-là de ne plus y apporter aucune victime, car ce n'était pas conforme à la loi[256]. Voilà ce que Moïse institua et la nation des Hébreux continue d'agir conformément à ces préceptes.

 

45[257]. Le lendemain, après avoir convoqué le peuple, y compris les femmes et les enfants, à une assemblée où il voulut même que les esclaves fussent présents, il leur fit jurer d'avoir toujours le respect des lois, et, en se rendant compte exactement de la pensée divine, de ne jamais les transgresser, ni en faisant des concessions illicites en faveur de la parenté, ni en cédant à la crainte, ni en s'imaginant qu'une autre raison quelconque pût être plus impérieuse que le respect des lois ; que si quelqu'un[258] de leur sang ou même une ville tentait de bouleverser et de dissoudre les institutions de leur État, il faudrait les combattre d'un commun accord et chacun pour son compte, et, une fois vainqueurs, les exterminer complètement et ne pas laisser même de vestige de leur égarement, s'il était possible ; mais s'ils n'étaient pas assez forts pour leur infliger une punition, ils témoigneraient par leur résistance même que tout s'était passé sans leur aveu[259].

 

46[260]. Le peuple prêta serment et il leur enseigna comment leurs sacrifices seraient le plus agréables à Dieu et comment les troupes se mettraient en campagne en consultant les pierres, comme je l'ai indiqué précédemment[261]. Et Josué prophétisa aussi en présence de Moïse. Puis énumérant[262] tous les efforts qu'il avait faits pour le salut du peuple dans la guerre et dans la paix, en composant des lois et en donnant une constitution bien ordonnée, Moïse prédit, selon ce que lui inspirait la divinité, que, s'ils violaient son culte, ils éprouveraient des malheurs, comme l'envahissement de leur pays par les armes ennemies et la destruction de leurs villes et l'embrasement du temple ; qu'ils seraient vendus comme esclaves à des gens qui n'auraient nulle pitié de leurs infortunes, et que leur repentir ne leur servirait à rien dans ces souffrances. « Dieu, cependant, dit-il, qui a fondé votre empire, rendra les villes à leurs habitants ainsi que le temple[263]. Mais il arrivera qu'ils les perdront non pas une fois, mais bien souvent ».

 

47[264]. Après avoir exhorté Josué à conduire une expédition contre les Chananéens, Dieu devant l'assister dans ses entreprises, et après avoir adressé de bonnes paroles à tout le peuple : « Comme, dit-il, je m'en vais retrouver nos ancêtres et que c'est aujourd'hui que Dieu a décidé que je les rejoindrai, encore vivant et à vos côtés je déclare[265] que je lui sais gré de la vigilance qu'il vous a témoignée non seulement en vous délivrant de vos maux, mais en vous comblant des plus grands bienfaits, et puis de ce que, dans mes efforts et dans toutes les préoccupations où me jetait le souci d'améliorer votre condition, il m'a prêté assistance, et s'est montré propice à vous tous. Que dis-je ? c'était plutôt lui qui vous prenait sous sa direction et vous donnait le succès ; je ne lui servais que de subalterne et de ministre des bienfaits dont il voulait favoriser notre nation. En retour, j'ai pensé qu'il convenait, en m'en allant, d'exalter la puissance de Dieu qui prendra encore soin de vous dans l'avenir, en lui témoignant moi-même cette reconnaissance qui lui est due, et en laissant dans votre souvenir la pensée qu'il vous appartient de le vénérer et de l'honorer et d'observer les lois, ce don le plus précieux de tout ce qu'il vous a accordé et de ce que, dans sa permanente bonté, il vous accordera encore ; car si c’est déjà un terrible ennemi qu'un législateur humain quand ses lois sont violées et demeurent sans effet, lorsqu'il s'agit de Dieu, prenez garde d'éprouver son indignation pour ses lois négligées, ces lois qu'il a créées et vous a données lui-même. »

 

48[266]. Quand Moïse eut ainsi parlé au terme de sa vie et, au milieu de bénédictions, prophétisé l'avenir de chacune des tribus, la foule fondit en larmes, si bien que les femmes même, se frappant la poitrine, manifestaient la douleur que leur causait sa mort prochaine. Et les enfants, plus éplorés encore, car ils étaient trop faibles pour surmonter leur chagrin, témoignaient qu'ils avaient conscience, plus qu'on ne fait à leur âge, de ses vertus et de la grandeur de son oeuvre. Quant aux jeunes gens et aux hommes d'un âge avancé, qui réfléchissaient, c'était à qui s'affligerait davantage. Les uns, sachant de quel guide ils étaient privés, se lamentaient, en songeant à l'avenir ; pour les autres, outre ce motif-là, ce qui les affligeait, c'est que, avant d'avoir pu apprécier convenablement ses mérites, ils allaient être abandonnés par lui. Cette extraordinaire explosion de pleurs et de gémissements parmi le peuple, on en trouverait un témoignage dans ce qui advint au législateur. Lui qui, de tout temps, avait eu la conviction qu'il ne fallait pas s'attrister quand approchait la fin, parce qu'on subissait ce sort selon la volonté de Dieu    et la loi de la nature, cependant la conduite du peuple lui arracha des larmes. Tandis qu'il s'avançait vers l'endroit d'où il allait disparaître[267], tout le monde le suivait en larmes. Moïse, d'un signe de la main, ordonnait à ceux qui étaient loin de demeurer en repos, et exhortait ceux qui étaient plus près de lui, leur disant de ne pas lui faire un départ plein de larmes en suivant ses pas. Ceux-ci, se décidant à lui céder encore sur ce point, à lui permettre de quitter la vie à sa guise, s'arrêtent en pleurant ensemble. Seuls les Anciens l'accompagnèrent ainsi qu'Éléazar, le grand-prêtre, et Josué, le chef de l'armée. Mais lorsqu'il arriva sur la montagne qu'on appelle Abaris[268] - c'est une hauteur située en face de Jéricho, qui permet d'apercevoir, quand on l'a gravie, la plus belle contrée des Chananéens sur une large étendue -, il congédia les Anciens. Et pendant qu'il embrasse Éléazar et Josué et qu'il s'entretient encore avec eux[269], une nuée soudain s'étant posée sur lui, il disparaît dans un ravin[270]. Mais il a écrit lui-même dans les Livres saints qu'il était mort[271], de crainte que, par excès d'affection pour lui, on n'osât prétendre qu'il était allé rejoindre la divinité.

 

49[272]. Il vécut en tout cent vingt ans ; il fut au pouvoir pendant tout le dernier tiers de sa vie, à un mois près. Il mourut dans le dernier mois de l'année, celui que les Macédoniens appellent Dystros, et nous Adar[273], à la néoménie, après avoir surpassé par son intelligence tout ce qu'il y a jamais eu d'hommes, et fait un usage excellent du fruit de ses méditations. Il sut plaire au peuple dans ses discours et ses entretiens avec lui par bien des qualités, et notamment parce qu'il était si maître de ses passions, qu’il semblait qu'il n'y avait place pour aucune d'elles en son âme, et qu'il n'en connût le nom que parce qu'il les apercevait chez les autres plutôt que chez lui. Ce fut un chef d'armée comme il y en eut peu, et un prophète comme il n'y en eut pas d'autre, et tel que dans tout ce qu 'il disait on croyait entendre parler Dieu lui-même. Le peuple le pleura pendant trente jours et aucun deuil n'accabla les Hébreux aussi fortement que celui qui suivit la mort de Moïse. Il ne fut pas seulement regretté de ceux qui l'avait connu à l'épreuve, mais tous ceux qui prenaient connaissance de ses lois ont ressenti de vifs regrets de lui, parce qu'elles leur faisaient concevoir toute l'excellence de ses vertus.

 

Voilà ce que nous avons cru devoir relater touchant la fin de Moïse.

 


[1] Nombres, XIV, 40.

[2] Nombres, XIV, 44.

[3] Dans la Bible (Nombres, XIV, 25), c'est Dieu qui, à la fin du discours où il condamne la génération du désert, invite Moïse à changer de direction et à partir dans le désert, du côté de la mer des Joncs. La tentative infructueuse des Hébreux contre les Chananéens est racontée ensuite.

[4] Nombres, XVI, 1.

[5] En hébreu : Korah.

[6] La tradition parle aussi des richesses de Coré (Sanhédrin, 110 a ; Pesahim, 119 a) : R. Siméon ben Lakisch (IIIe siècle) voit dans le mot de l'Ecclésiaste (v, 12) : « la richesse conservée pour le malheur de son détenteur », une allusion à la richesse de Coré. Un autre Amora, R. Lévi, raconte que Coré avait trois cents mules blanches pour porter les clefs de ses trésors, et R. Hama bar Hanina parle de trois trésors enfouis par Joseph en Égypte, dont l'un aurait été découvert par Coré.

[7] Dans Tanhouma sur Nombres, XVI. 1, Coré est représenté de même comme un homme important, d'une grande science et qui tient des discours insidieux au peuple pour prouver que Moïse et Aaron occupent arbitrairement leurs charges ; le Midrash se fonde sur le mot hébraïque (Nombres, XVI, 1), qu'il rend par « il séduisit ».

[8] Coré, d'après Exode, VI, 16 et Nombres, XVI, 1, était le cousin-germain de Moïse.

[9] Dans le Midrash (Tanhouma, ibid.), Coré se plaint de la nomination d'Eliçaphan aux fonctions de phylarque, ce qui aurait constitué un passe-droit, car Ouziel, père de ce personnage, était, selon Exode, VI, 16, le plus jeune des fils de Kehat.

[10] Exode, VI, 14.

[11] Ceci se trouve également dans Tanhouma (ibid.).

[12] Nombres, XVI, 8.

[13] Cp. Nombres, XI, 29, où Moïse, dans l’épisode d'Eldad et Médad (non rapporté par Josèphe), s'écrie : « Plût à Dieu que tout le peuple se composât de prophètes ».

[14] Nombres, XVI, 20.

[15] Ibid., 16. Josèphe ne parle pas d'un autre personnage de la faction. On, fils de Pélet, mentionné dans la Bible (Nombres, XVI, 1) : c'est qu'il n'est plus question de lui par la suite. La tradition, pour expliquer cette singularité, raconte que, sous l'influence de sa femme, il était revenu à de meilleurs sentiments (Sanhédrin, 109 a ; Nombres Rabba, XVIII).

[16] Nombres, XVI, 25.

[17] Ibid. 15.

[18] Nombres, XVI, 31.

[19] La Bible ne dit rien de tel.

[20] Ibid., XVI, 4-7 ; 16-19.

[21] D’après la Bible (Nombres, XVI, 24-fin et surtout XXVI, 10), Coré paraît avoir été victime de la même catastrophe que Dathan et Abiram. Le feu, ensuite, foudroie les deux cent cinquante hommes. L'opinion de Josèphe, qui réunit Coré aux deux cent cinquante, reflète peut-être une tradition rabbinique. Car le passage de l’Écriture précité prête à la controverse. Dans le Talmud (Sanhédrin, 110a), on examine précisément la question de savoir comment Coré a péri. Les textes en main, R. Yohanan prétend qu'il n'était ni parmi les engloutis, ni parmi les foudroyés ; un autre estime, au contraire, qu'il a dû subir les deux châtiments à la fois.

[22] Nombres, XVI, 35.

[23] Ibid., XVII, 1.

[24] Nombres, XVII, 6.

[25] Josèphe passe sous silence l'épisode, rapporté dans Nombres, XVII, 6-15, des 14.700 hommes victimes d'une peste occasionnée par de nouvelles récriminations.

[26] D'après Nombres, XVIII, 18, c'était le nom d'Aaron, non celui de Lévi qui était gravé sur le bâton.

[27] Nombres, XVIII, 1 ; XXXV, 1.

[28] Josèphe paraît lire ici, comme les LXX, mot hébreu pour un autre (Nombres, XXXV, 4), ce qui supprime la contradiction que présentent le verset 4 et les suivants. Philon a la même leçon (De praem. sacerd., II, M., p. 236).

[29] Nombres, XVII, 21.

[30] Voir plus loin chapitre VIII, 8 et 22

[31] Cette disposition ne se trouve nulle part dans le Pentateuque ; il n'en est question que dans Josué (XXI, 4-20), qui énumère ces villes.

[32] Nombres, XVIII, 26.

[33] Ibid. 13.

[34] Ibid. 15.

[35] Exode, XXXIV, 20 ; Lévitique, XXVII, 5, 11, 25.

[36] La prescription édictée, Nombres, XVIII, 15 : « Tu rachèteras le premier-né de la bête impure », parait, en effet, comme le croit Josèphe, s'appliquer à toutes les espèces impures, sans distinction. Mais la Halacha (Sifré, p. 38 b ; Bechorot, 5 b) explique, en se fondant sur Exode, XXXIV, 20, que, seul, le premier-né de l'âne doit être racheté. Cependant la question a été controversée et le Talmud rapporte des discussions à propos de cette loi ; Josèphe est peut-être l'écho d'une opinion qui prévalait de son temps. D'ailleurs, Philon (II, M., p. 233) étend également la loi du rachat aux chevaux, chameaux, etc. Quant à la somme à payer, Josèphe paraît avoir confondu ce qui est dit dans les Nombres (XVIII, 16), à savoir qu'on doit payer cinq sicles tant pour le premier-né de l'homme que pour celui de la bête impure, avec les règles du Lévitique (XXVII) relatives aux estimations en général. D'après les versets 11-13 de ce dernier chapitre, c'était au prêtre à estimer la valeur de la bête impure qu'on voulait offrir : cependant dans le Talmud (Bechorot, 10 b, 11 a) on n'applique pas la règle édictée dans Nombres, XVIII, 16, au premier-né de l'âne et l'on rapporte que Rabbi Yehouda Nesîa envoya demander à R. Tarfon ce qu'il devait donner au prêtre pour racheter le premier-né de son âne ; Rabbi Tarfon lui cita en réponse le mot suivant : « la bonne mesure, c'est un séla ; la mauvaise, c'est un sékel (sicle) ; la moyenne, c'est un ragia ; » or le ragia valait 3 zouz, ce qui concorde avec le sicle et demi dont parle Josèphe (V. Zuckermann, Ueber talmudishe Münzen, p. 27) ; et le Talmud ajoute que tel était bien l'usage, dans le cas où on allait consulter le prêtre.

[37] Deutéronome, XVIII, 4.

[38] Nombres, XV, 15.

[39] Ibid., VI, 2.

[40] L'Écriture dit seulement que, l'époque venue, le naziréen se rasait et jetait sa chevelure sur le feu (Nombres, VI, 19).

[41] Lévitique, XXVII, 1.

[42] Josèphe laisse de côté les règles complémentaires énumérées dans le même chapitre (V, 5-8).

[43] Lévitique, VI, 22 ; Nombres, XVIII, 10.

[44] Lévitique, VII, 34 ; X, 14.

[45] Antiquités livre III, IX, 3.

[46] Nombres, XX, 14.

[47] L'Écriture dit seulement l'épaule, ou plutôt le bras : mais la tradition explique qu'il s'agit de l'épaule droite (baraïta dans Houllin, 134 b).

[48] Deutéronome, XVIII, 3.

[49] Nombres, XX, 1.

[50] La Bible ne parle pas d'une montagne, mais d'un désert de Sin, et elle donne pour lieu de sépulture à Miriam la ville de Kadès.

[51] Nombres, XIX, 1. Dans l'Écriture, la loi de la vache rousse se lit avant le récit de la mort de Miriam et n'y est nullement rattachée. Le Midrash pourtant recherche pourquoi les deux passages se trouvent voisins (Moed Katan, 28 a), jamais il n’en donne pas la même raison que Josèphe.

[52] Nombres, XIX, 11, 18.

[53] Ibid., XX, 22.

[54] La Bible ne fait pas mention de cette ville ; en revanche, la montagne dont parle Josèphe est nommée dans l'Écriture : c'est le mont Hor. Cette ville d'Arcé, Josèphe l'appelle plus loin (chap. VII, 1) Rékémé ; et, comme il dérive ce nom de celui du roi Rékem, le nom d'Arcé donné ici parait suspect, d'autant plus que le même nom est donné par Josèphe à deux autres localités (Antiquités, liv. I, VI, 2 et liv. V, I, 22 [voir la note]). Josèphe ajoute que cette Arcé est la même ville qui s'est appelée plus tard Pétra. Il y avait sans doute une tradition à ce sujet. Saint Jérôme dit aussi que le mont Hor avoisinait Pétra (Onomast., s. v. Beeroth).

[55] Forme araméenne de l'hébreu ab. C'est le 5e mois de l'année. L'Écriture dit (Nombres, XXXIII, 38) qu'Aaron est mort la quarantième année, le premier jour du cinquième mois.

[56] Nombres, XXI, 13 ; Deutéronome, II, 26.

[57] Nombres, XXI, 24 ; Deutéronome, II, 31.

[58] Nombres, XXI, 33 ; Deutéronome, III, 1.

[59] La Bible donne Og pour roi de Basan.

[60] Nombres, XXI, 1 ; XXXI, 1.

[61] En hébreu : Yeréhô.

[62] Nombres, XXII, 2.

[63] Nous ne comprenons pas mots qui suivent.

[64] En hébreu : Bile’am.

[65] Le Midrash indique aussi que Balam ne demandait pas mieux que de maudire les Israélites (Nombres Rabba, XX ; Tanhouma sur Nombres, XXII, 20).

[66] Nombres, XXII, 15.

[67] Nombres, XXII, 35.

[68] Nombres, XXIII, 10.

[69] On s’attendrait plutôt à la négative.

[70] Nombres, XXIII, 13.

[71] Nombres, XXIII, 14.

[72] Ibid., 30.

[73] Ibid., XXIV, 14.

[74] Nombres, XXV, 1.

[75] Cet épisode est étranger à l'Ecriture, mais il rappelle certains traits du Midrash (Sanhédrin, 106 a ; Tanhouma sur Nombres, XXIV, 25, Nombres Rabba, XX). C'est ainsi que le Midrash s'appuie sur Nombres, XXIV, 14, pour raire de Balaam l'instigateur de la séduction tentée par les femmes moabites sur les Hébreux. Balaam dit, en effet, dans ce verset : « Voici que je vais retourner chez mon peuple ; viens, que je t’indique ce que ce peuple fera à ton peuple dans l'avenir » : les mots soulignés ne traduisent pas exactement l'hébreu qui, proprement, signifie « je veux te donner un conseil ». Le Midrash a voulu justifier l'emploi de ce terme, inattendu dans la phrase. Quant au plan de la séduction, le Talmud a des détails assez analogues à ceux de Josèphe. Les femmes sont chargées d'attirer les Israélites au marché, de les faire boire du vin et s'enivrer, de les engager à adorer leurs idoles et à renoncer à la loi de Moïse.

[76] Nombres, XXV, 2.

[77] Ibid., 4.

[78] Ibid., 6, 14.

[79] En hébreu : Zimri.

[80] En hébreu : Khosbi.

[81] Tout ce discours, ainsi que celui de Zimri est imaginé par Josèphe. On trouve cependant quelques propos du même genre dans les passages midrashiques cités plus haut.

[82] Nombres, XXV, 7, 5.

[83] En hébreu : Pinehass.

[84] Nombres, XXV, 9.

[85] Cf. la baraïta de Baba Batra, 14 b : « Moïse a écrit son livre et la Parascha de Bileam ». Il parait en résulter que les prophéties de Balam formaient primitivement un opuscule séparé.

[86] Nombres, XXV, 16 ; XXXI, 1.

[87] Ibid., XXXI, 8 ; Josué, XIII, 21.

[88] En hébreu : Évi, Rékem, Çour, Hour et Réba.

[89] Josèphe l'appelle plus haut Arcé.

[90] Hébreu et LXX 72.000.

[91] Hébreu et LXX 61.000.

[92] D'après Nombres, XXXI, 28, c'est 1/500, non 1/50, qui revenait aux prêtres.

[93] Nombres, XXVII, 18.

[94] Ibid., XXXII, 1.

[95] Nombres, XXXII, 28.

[96] Ibid., XXXV, 9-34 ; Deutéronome, IV, 41 ; XIX, 1 ; Josué, IX, 8.

[97] En hébreu : Béçer.

[98] En hébreu : Ramot. Josèphe l'appelle lui-même ailleurs : Aramatha ou Ramatha (Ant., VIII, XV, 3 ; IX, VI, 1).

[99] Nombres, XXVI, 33 ; XXVII, 1 ; XXXVI, 1 ; Josué, XVII, 3-6.

[100] D'après le Talmud, cette loi ne valait que pour l'époque où elle était promulguée (Baba Batra, 120 a ; Taanit, 30 b).

[101] Deutéronome, I, 1.

[102] C’est sans doute l’Abel haschittim de Nombres, XXXIII, 49, qui est donnée comme la dernière étape où arrivent les Israélites avant de franchir le Jourdain. D’après ce que Josèphe dit plus loin (liv. V, I, 1), Abilé était à 60 stades de distance du Jourdain. La même ville est appelée Abila dans le Bellum (IV, VII, 6). Abilé est mentionnée par Stéphane de Byzance.

[103] Deutéronome, XXXI, 2.

[104] Deutéronome, passim.

[105] Deutéronome, IV, 26.

[106] Exode, XXIII, 24 ; XXXIV, 13 ; Deutéronome, VII, 5 XII, 2-3.

[107] On a déjà vu par les livres précédents et on verra plus loin quelle valeur on peut attacher à ces affirmations. Josèphe omet de parler de certaines lois qui rentraient cependant dans son plan, par exemple la législation touchant les esclaves (Exode, XXI, 20-21 ; 26-27 ; voir sur cette lacune Ritter, Philo und die Halacha, p 55), les successions (Nombres, XXVII, 6-11), etc. En revanche, il introduit assez souvent des dispositions inconnues à la loi mosaïque : voir plus loin.

[108] Ceci ressemble à l'opinion curieuse de Rabbi Banaa (fin du IIe siècle), rapportée par R. Yohanan (Guittin, 60 a), à savoir que la loi a été donnée à Moïse rouleau par rouleau, c'est-à-dire qu'il inscrivait au fur et à mesure les instructions divines (Cp. le Coran). L'opinion adverse (de R. Simon ben Lakisch) est que la Tora a été donnée scellée, c'est-à-dire en bloc, au complet.

[109] Voir supra, Antiquités, liv. III, VIII,10 et note.

[110] Deutéronome, XII, 4 ; cf. C. Apion, II, § 193.

[111] Exode, XX, 25.

[112] Lévitique, XXIX, 15.

[113] Deutéronome, XXI, 22.

[114] Josèphe paraît d'accord avec la tradition (Sifré, p. 114 b, Sanhédrin, VI, 6), qui restreint au blasphémateur le supplice de la lapidation suivie de pendaison ; mais, selon la Mishna, le corps n'était pendu qu'aux approches de la nuit ; on l'attachait sur une poutre, et on le détachait immédiatement après. On ne l'y laissait donc pas, comme le prétend Josèphe, durant toute la journée. Il y avait aussi, selon la Mishna, des sépultures spéciales pour les suppliciés (Sanhédrin, VI, 7).

[115] Deutéronome, XIX, 11-17 ; XVI, 16.

[116] Ces motifs ne sont pas donnés dans l'Écriture.

[117] Deutéronome, XIV, 22.

[118] Plus haut chap. IV, 3. Dans ce même chapitre (§ 22), Josèphe attribuera cette dîme (maaser rischon dans la Mishna) aux Lévites seuls. Le manque de précision est le défaut habituel de Josèphe ; dans ce passage, l'incertitude s'explique peut-être, comme on l'a remarqué, parce que, depuis longtemps déjà, à l’époque de Josèphe, la déclaration du propriétaire, relativement à la dîme, n'existait plus (Maazer Schèni, V, 15) et l'on ne discutait plus que théoriquement sur les règles à observer, selon qu’il s'agissait des classes sacerdotales ou des Lévites (v. Sota, 47a-48 a, Mishna).

[119] Josèphe généralise les mots du Deutéronome, XIV, 24-26 : « si le chemin est trop long... » De même, le Sifré (p. 96 a), s'appuyant sur les mots : « Si tu ne peux les porter (les fruits) », admet qu'à toute distance de Jérusalem on pouvait les échanger contre de l'argent, qu'on dépensait ensuite dans la ville sainte.

[120] Deutéronome, XXIII, 18, 19.

[121] L'Écriture dit : mehir kéleb, « rançon d'un chien » ; l'interprétation que la Mishna donne de ces mots énigmatiques est toute différente de celle de Josèphe. D'après Temoura, 30 a, il s'agirait d'une bête pure, un agneau, par exemple, qu'on voudrait consacrer en échange d'un chien. Rappelons que les commentateurs modernes s'accordent à voir plutôt, dans le kéleb de l'Écriture, le prostitué sacré ; cette interprétation est justifiée par le contexte ; et les prostitués sacrés sont désignés sous ce nom de chiens dans l'inscription de Larnaca (C. I. Sem., 86) : voir Revue des Études juives, t. III, p. 200.

[122] Cf. C. Apion, II, § 237 ; Deutéronome, VII, 25.

[123] Cette explication du verset de l'Exode est tout à fait différente de celle de la tradition, qui entend par Elohim les juges, acception que ce mot à dans d'autres passages et qui semble ici confirmée par le contexte. Mais il est à remarquer que Josèphe est d'accord avec les LXX et peut-être aussi avec Philon qui déclare (II, p. 166 et 219), à propos du passage du Deutéronome, VII, 25, qu'il ne faut pas prononcer le nom des divinités étrangères pour ne pas s'habituer à blasphémer (cf. Freudenthal, Hellen. Stud., p. 218). Le véritable sens paraît être qu'il est défendu aux Hébreux, sous peine de blasphème, d'invoquer les noms des divinités étrangères ; il est curieux de constater que, d'après Théophraste (ap. Josèphe, C. Apion, I, 22), une défense exactement analogue existait dans les lois tyriennes, et que parmi les serments prohibés figurait précisément celui qui était en usage chez les Juifs. Voir Textes relatifs aux Juifs, n° 6 [T. R.]

[124] Josèphe s'inspire ici du verset Deutéronome, VII, 25, qui recommande de ne pas convoiter et prendre l'or et l'argent des idoles mais il semble donner à cette prescription plus de portée que ne fait la Bible, qui insiste surtout à maintes reprises sur l'obligation d'anéantir les lieux de culte païens. On sent dans Josèphe le souci de ménager les Romains. En effet, la loi était sévère pour les « sacrilège ». D'après un texte de Philon (II, M., p. 640, ex. Eus., Præp. ev., VIII, 14), la loi condamnait le « convoiteur » à être précipité, noyé, ou brûlé.

[125] Lévitique, XIX, 19, et Deutéronome, XXII, 11.

[126] La Mishna (Kilaïm, IX, 1) ne fait que le constater, sans dire que ce soit là la raison de l'interdiction pour les laïques de porter des étoffes de laine et de lin.

[127] Deutéronome, XXXI, 10.

[128] La Bible n'indique pas expressément qui doit faire la lecture septennale. Le verset dit (Deutéronome, XXXI, 10-11) : « Moïse leur prescrivit ceci (aux prêtres et aux anciens mentionnés dans le verset précédent) : A la fin de chaque septième année... tu feras lecture de cette Tora en présence de tout Israël ». La tradition (Sota, VII, 8) admet qu'il s'agit de la lecture du Deutéronome, et en particulier du passage relatif à la royauté (Deutéronome, XVII, 14-20), lecture faite, en conséquence, par le roi ; elle rapporte à l'appui l'histoire d'une lecture de ce genre effectuée par Agrippa. Le rapprochement de cette tradition avec notre texte de Josèphe a beaucoup exercé les commentateurs. S'agit-il dans la Mishna d'Agrippa II, contemporain de Josèphe, comment ce dernier ignorait-il les usages au point d'attribuer au grand-prêtre une prérogative du roi ? Aussi l'opinion de beaucoup d'auteurs est que la Mishna veut parler du pieux Agrippa Ier, qui régna de 42 à 45. Le grand-prêtre aurait repris ultérieurement un rôle qui était plutôt dans ses attributions. Récemment, M. A. Büchler (Die Priester und der Cultus im letzten Jahrzehnte des jerusalemuchen Tempels, Vienne, 1895, p. 11 et suiv.) est revenu, avec des arguments ingénieux, à l'opinion, également ancienne, de ceux qui persistent à reconnaître Agrippa II dans le texte de la Mishna. Le témoignage divergent de Josèphe s'expliquerait par ce fait qu'il ne connaît les usages de Jérusalem que jusqu'en l'année 62. Avant cette époque, c'était bien le grand-prêtre qui faisait la lecture septennale. Mais en 62-63 une révolution importante eut lieu. Avec la déposition du grand-prêtre Anan ben Anan, le parti sadducéen dut céder la place au parti pharisien, qui, une fois au pouvoir, diminua beaucoup les prérogatives des prêtres et fit prévaloir certains usages, comme d'attribuer au roi la présidence de la cérémonie septennale. Josèphe n'en aurait rien su. Ni l’une, ni l'autre de ces opinions n'a pour elle d'arguments bien décisifs. D’ailleurs, le dire de Josèphe n'a peut-être pas ici la valeur d'un témoignage qu'on puisse confronter avec celui de la Mishna. Malgré l'habitude qu'à Josèphe de regarder le passé à travers le présent, il semble qu'il n’ait fait ici que suivre d'une façon plus ou moins libre le texte même du Deutéronome.

[129] Quelles lois ? La Mishna de Sota en donne la liste suivante : Deutéronome, I. 1-IV, 9 ; XI, 13-19 ; XIV, 22 ; XXVI, 12-19 ; XVII, 14-20 ; XXVIII. Josèphe semble, bien qu'il s'exprime en termes assez vagues, indiquer une lecture plus étendue et renfermant plus de lois proprement dites, ce qui se rapprocherait de l'opinion de Maimonide, qui croyait savoir qu'on lisait sans interruption de XIV, 22, à XXVIII, 69.

[130] Deutéronome, VI, 6 ; XI, 18.

[131] Josèphe admet, comme la tradition pharisienne, l'origine mosaïque de l'obligation de la prière quotidienne, en particulier de la récitation du Schema (Deutéronome, VI, 4-9 ; XI, 13-19; Nombres, XV, 37-41 ; cf. Berachot, 11 a) et du port des phylactères (Menahot, 34 b).

[132] Deutéronome, XVI, 18.

[133] L'Écriture ne précise pas et dit seulement : « Tu institueras des juges et des magistrats ». Cette magistrature composée de sept personnes, assistées de deux Lévites, Josèphe l'a vue fonctionner. Il a lui-même institué en Galilée, dans chaque ville, des magistratures de sept membres (Bellum, II, XX, 5). Cependant le Talmud paraît à peine connaître cette institution et n'en parle qu'une fois, dans Meguila, 26 a, fin : il est question dans ce passage, mais en termes vagues, des sept notabilités de la ville ; cf. aussi Maimonide (M. Tora, H. Sanhédrin, I, 9 ; II, 3), qui a consigné une tradition analogue. Schürer (Geschichte des jüdischen Volkes, 3e édit., t. II, p. 178) croit que Josèphe, tout en rapportant faussement à Moïse une institution plus récente, n'en est pas l'inventeur et n'a fait en Galilée que régulariser la coutume.

[134] La Bible attribue aussi généralement des fonctions juridiques aux Lévites. Voir, entre autres, Deutéronome, XXI, 5.

[135] Deutéronome, XVII, 8. La Bible parle seulement des prêtres lévites et du juge (v. 9).

[136] Deutéronome, XVII, 6 ; XIX, 15.

[137] L'Écriture ne le dit pas ; mais Josèphe est d'accord avec la tradition : le Talmud (Schebouot, 30 a) enseigne que les femmes ne peuvent témoigner, règle qu'on déduit de Deutéronome, XIX, 17, en alléguant de plus la coutume fondée sur un verset des Psaumes (XLV, 14).

[138] Le Talmud le déduit a fortiori de la règle précédente dans Baba Kamma, 88 a. Les raisons morales sont imaginées par Josèphe.

[139] Deutéronome, XIX, 18.

[140] Josèphe donne à cette loi un caractère général ; le Talmud (Makkot, 5 b) la restreint au cas où les témoins seraient convaincus par d'autres témoins de n'avoir pas été présents au moment où le crime a été commis ; quant au crime lui-même, il s'agit d'un meurtre.

[141] Deutéronome, XXI, 1.

[142] Ce détail est étranger au texte de l'Écriture.

[143] D'après la Mishna de Sota, IX, 1, les anciens sortaient au nombre de trois, ou de cinq, suivant l'opinion de Rabbi Ychouda. D'ailleurs la même Mishna dit plus loin (47 a) que depuis une certaine époque où les meurtres étaient devenus nombreux, cette procédure était abolie.

[144] La tradition voit plutôt dans le nahal éthan de la Bible un cours d'eau impétueux qu'un ravin (Sota. IX. 3).

[145] Deutéronome, XVII, 14.

[146] Texte altéré.

[147] D'après le Talmud (Sanhédrin, 20 b), le roi doit prendre conseil du tribunal de 71 membres pour engager une guerre « facultative » (c'est-à-dire avec tout autre peuple que les Amalécites ou les sept peuplades chananéennes).

[148] Deutéronome, XIX, 14 ; XXVII, 17.

[149] Lévitique, XIX, 23.

[150] La Bible ne donne aucun motif de ce genre.

[151] Cf. Sifra (ad loc.); Mishna de Péa, VII, 6; Maaser Schèni, V, 1-5 ; Edouyot, IV, 5 ; Baba Kamma, 69 b : la tradition assimile également les plantes de la quatrième année à la dîme seconde, au point de vue de la faculté de rachat, tandis que la Bible dit seulement que ces produits de la quatrième année sont consacrés à Dieu.

[152] Lévitique, XIX, 19 ; Deutéronome, XXII, 9.

[153] Ici, comme plus haut, Josèphe s’ingénie à trouver des raisons aux lois données sans commentaire dans l'Écriture.

[154] Lévitique, XIX, 9 ; Deutéronome, XXIV, 19.

[155] Deutéronome, XXV, 4.

[156] Ibid., XXIII, 25.

[157] On remarquera combien Josèphe insiste sur ces dispositions qui sont de nature à rehausser la charité de la loi juive aux yeux des lecteurs païens. C'est dans le même esprit qu'il rattache à ces lois charitables cette partie du paragraphe (Deutéronome, XXV, 3), qui, en réalité, a une portée beaucoup plus générale [T. R.]

[158] Deutéronome, XXV, 2-3.

[159] Selon la Bible, le nombre de coups est de 40. Mais la tradition le réduisait à 39 ; en effet, le Talmud (sur Makkot, III, 6) rapproche le mot hébreu qui finit le verset 2 du ch. XXV, du mot qui commence le verset 3, et il explique qu'il s'agit du nombre proche de 40, c'est-à-dire 39. La véritable raison était peut-être au fond, comme on l'a dit quelquefois, qu'on avait peur d'enfreindre la défense de dépasser le nombre de 40 et qu'on estimait, en conséquence, plus prudent de ne pas l'atteindre. Quoi qu'il en soit, la tradition est confirmée par Josèphe et aussi par l'apôtre Paul (II Cor., XI, 24). Mais, d'après la tradition, on appliquait, en général, la flagellation à quiconque violait un précepte négatif, lorsque la violation de ce précepte n'entraînait pas une pénalité plus grave. Josèphe restreint l'application de la peine de la flagellation à la transgression des lois énumérées immédiatement avant et après dans le Deutéronome (XXIV, 19-22; XXV, 4) ; voir aussi la note qui précède celle ci dessus.

[160] Deutéronome, X, 19 ; XXIV, 18, 22.

[161] Ibid., XIV, 28 ; XXVI, 12.

[162] C'est le maaser ani de la Mishna. D'après Josèphe, il semblerait que la troisième année il fallut payer trois dîmes : celle des Lévites (maaser rischon), celle des festins (m. schèni) et celle des pauvres. Si telle était son opinion, elle serait contredite formellement par la tradition, qui établit (Rosch Haschana, 12 b, baraïta confirmée par la Mishna de Maaser Schèni, V, 9) qu'on ne donnait chaque année que deux dîmes ; la troisième année, on avait à payer la dîme des pauvres et celle des Lévites, qu'on payait toujours (aux Lévites et aux prêtres) ; mais les termes de Josèphe ne sont pas assez précis pour qu'on y voie une doctrine différente. cf. Olitzki (op. cit.), p.16 sqq. Schürer a essayé de démontrer que Josèphe et la Mishna étaient d'accord (Theologische Litteraturzeitung, 1886, p. 122 sqq.).

[163] Deutéronome, XXVI, 2.

[164] Ibid., XXVI, 13.

[165] Cf. C. Apion, II, § 200 et suiv. ; Deutéronome, XXII, 22.

[166] Cette disposition, pas plus que la suivante, n'est tirée de l'Écriture ; Josèphe parle simplement en moraliste, et d'après l'usage de son temps.

[167] Lévitique, XXI, 7.

[168] Cette défense ne s'applique, d'après la loi, qu'aux prêtres et Josèphe, chose singulière, en a déjà parlé auparavant (Antiquités, liv. III, XII, 2).

[169] Le Talmud (Kiddouschïn, 70 a) exprime une pensée analogue : « Quiconque épouse une femme par intérêt en aura des enfants indignes » ; cf. aussi Yebamot, 63 b.

[170] Deutéronome, XXII, 13.

[171] L'Écriture dit « son père et sa mère ».

[172] Deutéronome, XXV, 3.

[173] Cent pièces d'argent selon l'Écriture ; mais la Halacha (Ketoubôt, 45 b) précise et parle de 100 sélas or le séla est un demi-sicle (cf. Zuckermann, op. cit., p.24)

[174] Josèphe est ici contraire à la Halacha (Sanhédrin, 50 b), qui établit qu'une fille de prêtre n'est condamnée à être brûlée que si elle manqué à ses devoirs une fois mariée : avant le mariage, elle subit la loi commune. Quant au supplice même, selon la Mishna de Sanhédrin, VII, 2, la coupable n'était pas « brûlée vive » ; on lui versait du plomb fondu dans la bouche. R. Eliezer ben Zadok (Ier siècle de l'ère chrétienne) rapporte à la fin de ce texte qu'un jour on érigea un bûcher pour brûler une fille de prêtre ; mais le tribunal n'aurait agi alors que par méconnaissance de la loi.

[175] Deutéronome, XXI, 15.

[176] Ce principe n'apparaît dans le Pentateuque qu'à ce propos.

[177] Deutéronome, XXII, 23 ; cf. C. Apion, II, § 215.

[178] Ibid., 25.

[179] Ibid., 28.

[180] La Halacha (Sifré, 118 b ; Ketoubot, 39 b) décide également que l'amende est payée au cas seulement où le mariage ne s'effectue pas. Cf. Philon, II, 312 ; Ritter, op. cit., p. 85 sqq.

[181] Deutéronome, XXIV, 1.

[182] C'est l'opinion de Hillel (Ie siècle av. J.-C.) dans la fameuse discussion qu'il soutient avec Schammaï a propos du divorce (Guittin, 90 a), discussion provoquée par les mots du verset. Schammaï en déduit qu'il faut l'inconduite de la femme pour que le mari puisse la répudier ; Hillel l'y autorise même pour un motif insignifiant. Il semble que cette dernière opinion ait prévalu d'après Antiquités, XVI, § 198 ; Vita, § 426 ; cf. Marc, X, 2 ; Luc, XVIII, 29 ; Matthieu, XIX, 4.

[183] Deutéronome, XXV, 5.

[184] L'Écriture dit seulement « pas de fils » ; Josèphe est conforme à la tradition (Baba Batra, 109 a) ; on a remarqué que Philon ne parlait pas de la loi du lévirat.

[185] Deutéronome, XXI, 10.

[186] Le texte de l'Écriture n’a pas cette précision ; mais la tradition (Sifré, 112 b, 113 a ; Kiddouchin, 22 b) permet également au vainqueur d'épouser une captive antérieurement mariée (à un païen, s'entend) sous les conditions prescrites, préférant réglementer ainsi des licences qu’une loi restrictive ne ferait que favoriser. Philon (II, p. 393) ne parle que d'une union avec une vierge.

[187] Deutéronome, XXX, 18 ; cf. C. Apion, II, § 217.

[188] Texte altéré. - D'après la Halacha, il faut que l'enfant se soit adonné à des excès de nourriture et de boisson pour être déclaré ben sorer oumoré, c'est-à-dire rebelle (Sanhédrin, VIII, 2).

[189] Le texte hébreu dit « ils le châtieront ». D'après la tradition, l'enfant insoumis subit d'abord une flagellation devant un tribunal de trois personnes (ibid., 5).

[190] Cf. Philon (De par. col., éd. Richter, p. 53).

[191] D'après la tradition, la loi ne s’applique qu'aux fils (Sifré, 114 a).

[192] La Mishna (Sanhédrin, VIII, 5) exige un jugement du tribunal de 23 membres, dont doivent faire partie les trois personnes qui ont infligé la première punition (flagellation).

[193] Voir plus haut chap. VIII, 6 la note.

[194] Deutéronome, XXI, 22.

[195] Exode, XXII, 24 ; Lévitique, XXV, 36 ; Deutéronome, XXIII, 20.

[196] Exode, XXII, 25.

[197] Deutéronome, XXIV, 10.

[198] Ibid., 12.

[199] Ibid., 6.

[200] La Bible dit : « car c'est la vie qu'il prend en gage ». En parlant de gagne-pain, Josèphe étend la loi implicitement à tout ce qui fait vivre ; cf. Sifré, 123 a ; Baba Mecia, 115 a (Mishna). Philon, II, 333, dit « les instruments de la vie ».

[201] Exode, XXI, 16 ; XXII, 1.

[202] Josèphe ne dit pas qu'il y ait de différence entre le vol d'un Israélite ordinaire (crime puni de mort) et le vol d'un enfant ou d'un esclave, distinction qu'on trouve dans la Mishna de Sanhédrin (X, 3) et dans Philon, II, M., p. 338.

[203] Josèphe ne parle pas du cas prévu par Exode, XXII, 3, « Si le soleil luit sur le voleur, etc. », expression que la Halacha (Sanhédrin, 72 a, fin) prend au figuré comme le Pseudo-Jonathan en l'expliquant ainsi « S'il est clair comme la lumière du jour que cet homme n'avait point d'intentions criminelles contre toi, épargne sa vie », et que Philon explique à la lettre (II, p. 336).

[204] Exode, XXII, 1

[205] Un agneau ou un chevreau () selon l'Écriture. Les LXX sont plus précis que Josèphe.

[206] Josèphe oublie de dire que cette amende quadruple ou quintuple n'est exigible que si le voleur a immolé ou vendu la bête en question.

[207] Cf. Antiquités, liv. XVI, I, 1. Philon dit la même chose, II, M., p. 336, ainsi que la Halacha (Mechilta sur Exode, XXI, 1). La Bible ne parle de vendre le voleur insolvable qu'à propos du cas d'effraction (Exode, XXII, 3).

[208] Exode, XXI, 2 ; Deutéronome, XV, 12. Josèphe omet de parler de la pratique du poinçon avec lequel on marquait à l'oreille l'esclave qui ne voulait pas quitter son maître au bout des six années (Exode, XXI, 6 ; Deutéronome, XV, 17).

[209] Deutéronome, XXII, 1

[210] Cet usage n'est pas indiqué dans l'Écriture, mais on voit par le Talmud qu'il était pratiqué (Baba Meçia, 28 b; Taanit, 19 a). Il y avait même une pierre à Jérusalem où se rendaient celui qui avait trouve un objet et celui qui l'avait perdu ; l'un faisait sa déclaration, l'autre décrivait l'objet.

[211] Deutéronome, XXIX, 4.

[212] Lévitique, XIX, 14 ; Deutéronome, XXVII, 18.

[213] Ce précepte est une interprétation très large des deux versets de la Bible cités : on dirait que Josèphe a voulu réfuter d'avance ceux qui, avec Juvénal, accusaient la loi mosaïque d'interdire aux Juifs de montrer le chemin à d'autres qu'à leurs coreligionnaires (Juvénal, XIV, 103) : Non monstrare vias eadem nisi sacra colenti. [T. R.]

[214] Exode, XXI, 18.

[215] Josèphe a confondu les dispositions des versets 18-19 d'une part et 20-21 de l'autre. La loi n'exempte de peine que le maître qui a frappé un esclave si celui-ci survit quelques jours aux coups. Elle ne dit rien de pareil pour le cas d'un homme libre [T. R.]

[216] Ces développements sont conformes à la Halacha (Mechilta, 89 b, 90 a), Philon (II, p. 317) s'en écarte.

[217] Exode, XXI, 22.

[218] D'après la Halacha (Mechilta, 90 a, et Pseudo-Jonathan, sur Exode, XXI, 22), le coupable n'a d'amende à payer qu'au mari c'est par erreur que Josèphe semble ici supposer deux amendes.

[219] Cette explication est celle de la Halacha et de presque tous les commentateurs. Philon, II, p. 317, entend par le mot ason le fœtus déjà tout formé ; de même les LXX.

[220] Cette loi ne se trouve nulle part dans le Pentateuque. Le seul passage qui ait quelque rapport avec elle est celui d'Exode, XXII, 18 : « une sorcière, tu ne la laisseras pas vivre » (cf. Deutéronome, XVIII, 10, 13). Mais il n'est jamais question de poison. La tradition elle-même ne connaît que les meurtres commis directement (Sanhédrin, 76 b, 77 a). Une seule baraïta (Baba Kamma, 47 b, 56 a) envisage le cas où l'on aurait donné du poison, mais à une bête. Il est probable que Josèphe a emprunté cette loi à Philon (II, M., p. 315-317), mais en l'aggravant, car Philon ne dit pas que le simple recel de poison entraîne la peine capitale (cf. Ritter, op. cit., p. 28).

[221] Exode, XXI, 24 ; Lévitique, XXIV, 19.

[222] C'est a peu près l'interprétation pharisienne de la loi dite du talion, qu'on trouve formulée dans l'Ecriture : « oeil pour oeil, dent pour dent, etc. » La différence entre Josèphe et la tradition (Baba Kamma, 83 b), c'est que, selon celle-ci, il n'y a même pas d'alternative : la réparation ne saurait consister qu'en une amende et cette amende est fixée, non par l'individu lésé, mais par le tribunal compétent. Philon (voir Ritter, p. 20) semble prendre à la lettre la loi du talion : il adopterait donc la doctrine des Sadducéens, dont le code pénal était très rigoureux et conforme, sans doute, à la lettre même de la loi écrite. On sait que ce code fut abrogé sous le règne de la reine Salomé Alexandra (78-69 av. J.-C.) et qu'on fêta l'anniversaire de cette abrogation, le 14 Tammouz (v. Schol. Meguillat Taanit, IV).

[223] Exode, XXI, 28.

[224] L'Écriture ne dit pas cela. D'après le verset 28 du ch. XXI. reproduit, d'ailleurs, par Josèphe, un bœuf heurteur n'est mis à mort qu'au cas où, insuffisamment surveillé, il aurait causé un malheur. Cependant, il y a une opinion talmudique qui ressemble à l'assertion de Josèphe. Dans la Mechilta (93 a) et dans Baba Kamma (45 b), R. Eliezer dit : « la meilleure surveillance, c'est un couteau » ; en d'autres termes, il vaut mieux immoler l'animal dangereux (cf. Josèphe). Les LXX paraissent avoir eu une tradition analogue, car ils traduisent les mots : « s'il ne le surveille pas » (v. 29) par « et qu'il ne l'ait pas l'ait disparaître ».

[225] Josèphe ne tient pas compte du verset 30 (ch. XXI) et parait en contradiction avec la Halacha (Mechilta, 93 a), qui déclare que le propriétaire du bœuf heurteur encourt seulement le châtiment céleste (Mita bidè schamaïm), les mots et son propriétaire mourra  ne devant pas être pris à la lettre. Selon Philon (II, M., p. 323), c'est aux juges à déterminer s'il mourra ou devra payer une amende.

[226] Exode, XXI, 32.

[227] Ibid., 35.

[228] D'après le texte de la Bible, il semble qu'on ne partage que le prix du bœuf vivant et que le bœuf mort se partage en nature. Josèphe n'a pas tenu compte non plus du verset 36, qui dispose que, si le maître du bœuf heurteur est en faute, il livrera son animal au maître lésé en gardant pour lui le bœuf mort [T. R.]

[229] Exode, XXI, 33.

[230] Deutéronome, XXII, 8.

[231] Josèphe s'est peut-être inspiré ici de Philon (II, p. 324) en réunissant comme lui ces deux lois sur les puits et les terrasses des maisons, lesquelles ne se trouvent jointes ensemble ni dans l'Ecriture ni dans la tradition (v. Ritter, p. 52).

[232] Exode, XXII, 6 ; cf. C. Apion, II, § 162.

[233] Voir plus haut chap. VIII, 14. La Halacha (Mechilta, 98 a) tire de cette loi sur les dépôts la règle que les affaires d'argent se traitent devant un tribunal de trois juges, ou de cinq, selon l'opinion dissidente de B. Mëir. Nulle part il n'est question de sept juges.

[234] Cette disposition ressort du verset 10 (ch. XXII). Quant à la loi dans son ensemble, Josèphe la résume sans précision. Il ne semble guère envisager que le cas du dépositaire bénévole (Schomer hinnam) ; la tradition tire des mêmes textes une foule de circonstances et de cas divers (dépositaire salarié, locataire, emprunteur ; v. Mechilta, p. 97 a - 100). On trouve chez Philon (II, M., p. 340 sqq.) des développements analogues à ceux de Josèphe sur le caractère sacré du dépôt.

[235] Deutéronome, XXIV, 16.

[236] Le texte paraît profondément altéré.

[237] Deutéronome, XXIII, 2.

[238] Cette idée est exprimée également dans le Talmud, mais à propos du célibat des hommes. R. Eliezer dit (Yebamot, 63 a) : « Tout Juif qui ne se conforme pas au précepte : “Croissez et multipliez-vous” ressemble à un meurtrier » Cf. aussi Nidda, 13 a.

[239] Il est singulier que Strabon dans plusieurs textes (XIV, 2, 37 ; XVI, 4, 9 ; XVII, 2, 5) attribue, au contraire, aux Juifs cette pratique, appliquée, il est vrai, selon lui, aux femmes (cf. Textes relatifs au judaïsme, p. 102). Il est, d'ailleurs, peu croyable que la castration n'ait pas été permise à l'égard des espèces ovine et bovine. [T. R.]

[240] Deutéronome, XX, 10.

[241] Ibid., 3.

[242] Ibid., 5.

[243] Ibid., XXIV, 5.

[244] Ibid., XX, 19.

[245] Josèphe laisse de côté les prescriptions relatives aux Ammonites, Moabites, Iduméens ou Égyptiens (Deutéronome, XXIII, 4-10).

[246] Deutéronome, XX, 13.

[247] Ibid., XXII, 5.

[248] Ces mots ne sont pas dans l'Écriture ; mais ils rappellent une opinion rabbinique (Mechilta, p. 115 b ; Nazir, 59 a) : R. Eliezer ben Yakob (Ier siècle de l'ère chrétienne) se demande d'où vient qu'une femme ne doit pas porter d'armes, ni aller à la guerre ; il trouve le fondement de cet usage dans les mots : « Une femme ne portera point d'attirail viril », le mot keli pouvant signifier des armes aussi bien que des vêtements.

[249] Voir Antiquités, Liv. III, VIII, 10, et note.

[250] Deutéronome, XXVIII, 1-68.

[251] Ibid., XXXI, 30 - XXXII, 1-42. Cf. Antiquités, II. Il serait téméraire de conclure de cet anachronisme que Josèphe connaissait des traductions en hexamètres grecs de ces passages poétiques.

[252] Deutéronome, XXXI, 9.

[253] Ibid., XXV, 17.

[254] Ibid., XXVII, 1, 4 ; Josué, VIII, 30.

[255] Deutéronome,  XXVII, 12.

[256] D'après Josèphe, Moïse inscrit lui-même les bénédictions et malédictions sur l'autel. D'après l'Écriture (Deutéronome, XXVII, 3), c'est le peuple qui doit graver, non ses paroles, mais les lois sur l'autel de l'Ebal. On peut soupçonner que le texte est altéré. Quant aux sacrifices et holocaustes, ils sont bien mentionnés (Josué, VIII, 31 et Deutéronome, XXVII, 7), mais il n'est nullement question d'une interdiction de sacrifices futurs ; cette interdiction n'aurait pas eu de raison d'être, puisque le temple n'était pas encore bâti. Josèphe est ici plus loyaliste que la loi. [T. H.]

[257] Deutéronome, XXIX, 1.

[258] Ibid., XIII, 7, 13.

[259] Ces derniers mots, qui ne correspondent à rien dans la Bible, paraissent incompréhensibles [T. R.]

[260] Nombres, XXVIII, 1.

[261] Antiquités, liv. III, VIII, 9.

[262] Deutéronome, XXVIII, passim ; XXX, 17.

[263] Josèphe a ajouté la conclusion renfermée dans ce dernier paragraphe, et qui échappait nécessairement au rédacteur du Deutéronome. [T. R.]

[264] Deutéronome, XXXI, 7.

[265] Ibid., XXXII, passim.

[266] Deutéronome, XXXIII, 1.

[267] Ibid., XXXIV, 1.

[268] En hébreu : Abarim. Josèphe ne mentionne pas le mont Nebo, qui est donné (Deutéronome, XXXIV, 1) comme l'endroit précis où Moïse mourut.

[269] Deutéronome, XXXIV, 5.

[270] Le verset dit : « Et il l'enterra dans la vallée ». Le mot Gaï est considéré par les LXX comme un nom propre. Josèphe semble ne pas l'avoir traduit comme tel.

[271] La tradition discute la question de savoir si Moïse a écrit ou non le récit de sa mort, alors que tout le reste du Pentateuque est de sa main. Dans le Sifré sur Deutéronome, XXXIV, 5, l'un des opinants (anonyme) dit que les huit derniers versets du Deutéronome ont été écrits par Josué ; H. Méir (Tanna du IIe siècle) pense, au contraire, en se fondant sur Deutéronome, XXXI, 24, que Moïse écrivit toute la Tora sous la dictée de Dieu, y compris le récit de sa mort, comme Baruch écrivit sous la dictée de Jérémie (Jérémie, XXXVI, 4). Dans la célèbre baraïta de Baba Batra, 15 a (Menahot, 30 a), R. Juda ou, selon une autre version, R. Néhémia (fin du IIe siècle) déclare que les huit derniers versets du Deutéronome sont de Josué ; mais R, Siméon ben Yohaï, réplique : « Est-il possible qu'il manquât une lettre à la Tora ? Moïse a tout écrit sous la dictée de Dieu, même le récit de sa mort, qu'il a écrit en pleurant ». L'opinion de Josèphe, abstraction faite de son caractère rationaliste, rappelle, comme on voit, cette tradition, retenue par R. Méir et plus tard par R. Siméon ben Yohaï, à savoir que le Pentateuque était intégralement l’œuvre de Moïse. Philon dit aussi que Moïse a écrit prophétiquement le récit de sa mort (De vita Mos., III, 39).

[272] Deutéronome, XXXIV, 7.

[273] La tradition date également la mort de Moïse du mois d'Adar, mais du 7 de ce mois (Kiddouschin, 38 a ; Meguilla, 13 b).