ALLER A LA TABLE DES MATIERES DE FLAVIUS JOSEPHE

 

AVANT-PROPOS - LIVRE I - LIVRE II - LIVRE III - LIVRE IV - LIVRE VLIVRE VI - LIVRE VII -

LIVRE XI - LIVRE XII - LIVRE XIII - LIVRE XIV - LIVRE XV

texte numérisé et mis en page par François-Dominique FOURNIER

le texte grec a été vérifié et remis en UNICODE (F.-D. F)

ANTIQUITES JUDAÏQUES

Flavius Josèphe

 

LIVRE XIII

 

I

1. Jonathan choisi pour général des Juifs insurgés. - 2. Jonathan dans le désert. Massacre de son frère Jean par les Nabatéens. - 3. Combat des bouches du Jourdain. Forteresses élevées par Bacchidés. - 4. Vengeance de Jonathan et de Simon sur les Nabatéens. - 5. Trêve de deux ans. Bacchidés vient assiéger Béthalaga. - 6. Traité entre Jonathan et Bacchidés.

 

1[1]. Comment le peuple juif, réduit en servitude par les Macédoniens, recouvra sa liberté ; après combien de combats et de quelle importance leur général Judas mourut en luttant pour eux, c'est ce que nous avons raconté dans le livre précédent. Après la mort de Judas, tout ce qu'il y avait encore de renégats, tous ceux qui avaient transgressé les lois nationales, surgirent de nouveau contre les Juifs et, foisonnant de tous côtés, les persécutèrent. À leur perversité s'ajouta la famine, qui s'abattit sur le pays, si bien que beaucoup, à cause de la disette de vivres et de l'impossibilité où ils étaient de résister ensemble à la famine et à leurs ennemis, passèrent aux Macédoniens. Bacchidès rassembla ceux des Juifs qui avaient renié leurs coutumes nationales et choisi le genre de vie des autres peuples, et leur confia l'administration du pays ; ils s'emparèrent des amis de Judas et de ses partisans et les livrèrent à Bacchidès. Celui-ci les fit périr après des tortures et des mauvais traitements qu'il leur infligea par plaisir. Devant une semblable calamité, telle que les Juifs n'en avaient pas éprouvé depuis le retour de Babylone, ceux qui restaient des compagnons de Judas, voyant que le peuple périssait misérablement, allèrent trouver son frère Jonathas et le supplièrent d'imiter l'exemple de son frère et sa sollicitude pour ses compatriotes, qu'il avait poussée jusqu'à mourir pour la liberté commune; il ne pouvait laisser le peuple sans défenseur dans un moment où le malheur s'abattait sur lui. Jonathas répondit qu'il était prêt à mourir pour eux, et comme on ne le jugeait en rien inférieur à son frère, il fut élu général des Juifs.

 

2[2]. Bacchidès, à cette nouvelle, craignant que Jonathas ne créât des difficultés au roi et aux Macédoniens comme auparavant Judas, chercha à s'en débarrasser par ruse. Mais il ne put cacher son dessein à Jonathas et à son frère Simon, qui, l'ayant appris, s'enfuirent en toute hâte, avec tous leurs compagnons, dans le désert le plus rapproché de la ville[3] ; arrivés sur les bords de l'eau qu'on appelle la citerne d'Asphar[4], ils s'y établirent. Bacchidès, quand il sut qu’ils étaient partis et se trouvaient en cet endroit, marcha contre eux avec toutes ses forces, et arrivé au delà du Jourdain[5], campa pour faire reposer ses troupes. Jonathas, à la nouvelle que Bacchidès marchait sur lui, envoya son frère Jean, appelé aussi Gaddin, aux Arabes Nabatéens pour déposer chez eux les bagages de l'armée jusqu'à ce qu'il eut fini de combattre Bacchidès : ces Arabes étaient, en effet, ses amis. Mais comme Jean se rendait chez les Nabatéens, les fils d'Amaraios[6] lui dressèrent une embuscade au sortir de la ville de Médaba, s'emparèrent de lui et de son escorte, et après avoir pillé le convoi, tuèrent Jean et tous ses compagnons. Cependant les frères de leur victime leur infligèrent bientôt le châtiment qu'ils méritaient, comme nous le raconterons.

 

3[7]. Bacchidès, à la nouvelle que Jonathas campait dans les marais du Jourdain, choisit le jour du Sabbat pour l'attaquer, persuadé qu'il ne combattrait pas ce jour-là, pour obéir à la loi. Mais Jonathas, après avoir exhorté ses compagnons et leur avoir dit qu'il y allait de leur vie, puisque, pris entre le fleuve et l'ennemi[8], ils ne pouvaient fuir (car l'ennemi était devant eux et le fleuve derrière), pria Dieu de lui accorder la victoire et engagea la bataille. Il avait déjà tué beaucoup d'ennemis, quand il vit Bacchidès se précipiter furieusement sur lui ; il étendit alors la main droite comme pour le frapper. Mais Bacchidès aperçut le geste et évita le coup ; Jonathas sauta dans le fleuve avec ses compagnons, le traversa à la nage, et se mit ainsi en sûreté au delà du Jourdain ; les ennemis ne traversèrent plus le fleuve et Bacchidès revint aussitôt à la citadelle de Jérusalem. Cette bataille lui coûta environ deux mille hommes de son armée[9]. Bacchidès se rendit ensuite maître de plusieurs villes de Judée et les fortifia Jéricho, Emmaüs, Béthoron, Bethèla, Thamnatha, Pharatho, Tochoa[10], Gazara ; il construisit dans chacune d'elles des tours, bâtit une enceinte de murailles hautes et solides, et y établit des garnisons destinées à faire des sorties pour dévaster le territoire juif. Il fortifia surtout la citadelle de Jérusalem. Et prenant comme otages les enfants des premiers de la Judée, il les enferma dans la citadelle et la garda ainsi.

 

4[11]. Vers ce même temps un messager vint annoncer à Jonathas et à son frère Simon que les fils d'Amaraios allaient célébrer un mariage, et amener de la ville de Nabatha[12] la fiancée, fille d'un haut personnage arabe ; le cortège de la jeune fille serait riche et brillant. Jonathas et Simon jugèrent qu'une occasion favorable se présentait de venger leur frère, et qu'ils auraient là toutes les facilités pour tirer des fils d'Amaraios le châtiment de la mort de Jean ; ils marchèrent sur Médaba, et, s'embusquant dans la montagne, attendirent leurs ennemis. Quand ils les virent arriver conduisant la jeune fille et le fiancé, accompagnés du cortège d'amis usité dans les noces, ils s'élancèrent de leur embuscade, les tuèrent tous et s'en retournèrent après avoir pris toutes les parures et fait main basse sur tout le bagage des hommes. Telle fut la vengeance qu'ils tirèrent des fils d'Amaraios pour le meurtre de leur frère Jean : les coupables eux-mêmes, les amis qui les accompagnaient, leurs femmes et leurs enfants, périrent, au nombre d'environ quatre cents[13].

 

5[14]. Simon et Jonathas retournèrent aux marais du Jourdain et y demeurèrent. Bacchidès, après avoir assuré la tranquillité de la Judée en mettant partout des garnisons, retourna auprès de roi. Et pendant deux ans les Juifs eurent la paix. Les transfuges et les renégats, voyant que Jonathas et ses compagnons parcouraient le pays en toute liberté, à la faveur de la paix, firent demander à Démétrius de leur envoyer Bacchidès pour s'emparer de Jonathas ; ils assuraient que cette capture serait facile, et qu'en tombant une nuit sur eux sans qu'ils s'y attendissent, on les tuerait tous. Le roi envoya donc Bacchidès ; celui-ci, aussitôt arrivé en Judée, écrivit à tous ses amis, aux Juifs, à ses alliés, de lui livrer Jonathas. Tous essayèrent de s'emparer de Jonathas, mais en vain, car il se gardait bien, se doutant du complot tramé contre lui. Bacchidès entra alors dans une violente colère contre les Juifs transfuges, prétendant qu>ils l'avaient trompé, lui et le roi, et s'emparant de cinquante des plus importants d'entre eux, il les mit à mort[15]. Jonathas avec son frère et ses compagnons se retira à Béthalaga, bourg du désert[16], par crainte de Bacchidès ; il y construisit des tours et une enceinte de murailles, et s'y tint en sûreté, sous bonne garde. Bacchidès, à cette nouvelle, marcha contre Jonathas, avec ses troupes et ceux des Juifs qui étaient ses alliés, vint attaquer ses retranchements et l'assiégea pendant de longs jours. Mais Jonathas ne céda pas à l'effort du siège. Après une vigoureuse résistance, il laissa son frère Simon dans la place pour tenir tête à Bacchidès, et lui-même gagna secrètement la campagne, réunit une troupe considérable de ses partisans, tomba pendant la nuit sur le camp de Bacchidès, et lui tua beaucoup de monde, en sorte que son frère Simon sut bientôt lui-même qu'il avait attaqué les ennemis. Comprenant que c'était Jonathas qui les massacrait, Simon fit une sortie contre eux, brûla les machines de siège des Macédoniens et en fit un assez grand carnage. Quand Bacchidès se vit cerné par ses adversaires et attaqué de front et à revers il tomba dans le découragement et l'indécision, consterné de la façon imprévue dont se dénouait le siège. Il tourna donc sa fureur contre les Juifs transfuges qui avaient prié le roi de l'envoyer, les accusant de l'avoir trompé, et ne songea plus qu'à terminer le siège sans trop de déshonneur et à rentrer chez lui.

 

6[17]. Jonathas, ayant eu connaissance de ses dispositions, lui envoya proposer un traité de paix et d'amitié, et l'échange des prisonniers faits de part et d'autre[18]. Bacchidès, trouvant que c'était là une retraite très honorable, fit amitié avec Jonathas, échangea avec lui le serment qu'ils ne marcheraient plus l'un contre le territoire de l'autre, puis, après avoir rendu les prisonniers juifs et recouvré les siens, il rentra à Antioche auprès du roi ; une fois de retour, il n'envahit plus jamais la Judée. Jonathas, désormais libre, s'établit dans la ville de Machma[19], où il jugea la population et purgea la nation des méchants et renégats en les châtiant.

 

II

1-3. Invasion d'Alexandre Bala. Concessions des deux prétendants aux Juifs ; Jonathan grand-prêtre. - 4. Défaite et mort de Démétrius.

 

1[20]. La cent soixantième année[21], Alexandre, fils d'Antiochus Épiphane[22], remonta en Svrie et s'empara de Ptolémaïs grâce à la trahison des soldats de la garnison, qui en voulaient à Démétrius de sa fierté et de la difficulté qu'il y avait à l'aborder. Il s'était, en effet, enfermé dans un palais défendu par quatre tours, qu'il s'était fait bâtir non loin d'Antioche, et ne laissait approcher de lui personne ; il était de plus négligent et insouciant des affaires, ce qui redoublait la haine de ses sujets, comme nous l'avons déjà raconté ailleurs[23]. A la nouvelle de l'entrée d’Alexandre dans Ptolémaïs, Démétrius marcha contre lui avec toute ses forces. Il envoya aussi à Jonathas des messagers pour faire avec lui alliance et amitié ; il voulait devancer Alexandre, de peur que celui-ci ne le prévint et n'obtint l'aide de Jonathas, car il avait lieu de craindre que Jonathas, se souvenant du mal que Démétrius avait fait, ne se laissât facilement persuader de se déclarer contre lui. Il l'invita donc à réunir ses forces, à préparer ses armes, et à reprendre les otages prélevés sur les Juifs et enfermés par Bacchidès dans la citadelle de Jérusalem. Jonathas1 au reçu de ces ouvertures de la part de Démétrius, se rendit à Jérusalem, et lut la lettre du roi en présence du peuple et des soldats qui gardaient la citadelle. A cette lecture, les Juifs transfuges et apostats de la citadelle furent saisis de crainte, voyant que le roi permettait à Jonathas de réunir une armée et de reprendre les otages. Jonathas rendit chacun de ceux-ci à leurs parents. Et c'est ainsi qu'il se fixa à Jérusalem ; il fit d'importants remaniements dans la ville et régla tout à sa volonté. Il fit construire notamment les murailles de la ville[24] en pierres carrées pour qu'elles résistassent mieux aux attaques de l'ennemie. En présence de ces faits, les soldats des garnisons de Judée abandonnèrent tous leur poste et s'enfuirent à Antioche, à l'exception de ceux de Bethsoura et de la citadelle de Jérusalem[25] : ceux-ci étaient, en effet, pour la plus grande partie des Juifs transfuges et apostats ; c'est pour cela qu'ils n'abandonnèrent pas leurs garnisons.

 

2[26]. Alexandre, ayant su les promesses faites par Démétrius et Jonathas, et ayant appris la vaillance de celui-ci, les exploits qu'il avait accomplis en luttant contre les Macédoniens, tout ce qu'il avait eu à souffrir de Démétrius et de Bacchidès, le général de Démétrius, déclara à ses amis qu'il ne pouvait, dans les circonstances présentes, trouver un meilleur allié que ce Jonathas, si courageux contre l'ennemi et nourrissant une haine personnelle contre Démétrius qui lui avait fait et avait éprouvé de lui beaucoup de mal. Si donc ils étaient d'avis de se l'attacher contre Démétrius, rien ne pouvait être plus utile que de solliciter maintenant son alliance[27]. Ses amis et lui décidèrent donc d'envoyer un messager à Jonathas et lui écrivirent en ces termes : « Le roi Alexandre à Jonathas, son frère, salut. Nous avons entendu depuis longtemps vanter ta valeur et ta fidélité, et c'est pourquoi nous t'envoyons demander ton amitié et ton alliance. Nous te nommons dès aujourd'hui grand-prêtre des Juifs et te donnons le titre de notre ami. Je t'envoie en présent un habit de pourpre et une couronne d'or, et je te prie d'avoir pour nous la considération que nous avons pour toi. »

 

3[28]. Jonathas, au reçu de cette lettre, revêtit l'habit de grand-prêtre, à l'occasion de la fête des Tabernacles, quatre ans[29] après la mort de son frère Judas : pendant ces quatre années il n'y avait pas eu de grand prêtre. Il réunit une armée considérable et forgea une grande quantité d'armes. Quand Démétrius apprit ces faits, il en fut vivement contrarié ; il se reprocha sa lenteur et de n'avoir pas gagné par de bons procédés Jonathas, et devancé ainsi Alexandre, au lieu de lui laisser le temps d'agir. Il écrivit donc lui aussi une lettre à Jonathas et au peuple, ainsi conçue : « Le roi Démétrius à Jonathas et au peuple juif, salut. Puisque vous avez conservé votre amitié pour nous et que vous n'avez pas passé à nos ennemis, malgré leurs tentatives pour vous débaucher, je loue votre fidélité et vous prie de rester dans les mêmes sentiments, dont vous recueillerez de notre part fruit et récompense. Je vous libérerai, en effet, de la plupart des tributs et des redevances que vous payiez aux rois mes prédécesseurs et à moi-même, et dès maintenant je vous exempte des tributs permanents. Outre cela, je vous fais la remise du sel et des couronnes que vous m'apportiez ; la part qui me revenait en remplacement du tiers de la moisson et de la moitié de la récolte des arbres fruitiers[30], je vous l'abandonne, à dater de ce jour. Je vous exempte également à partir d'aujourd'hui et pour toujours de la taxe que devaient me payer par tête les habitants de la Judée et des trois toparchies annexes, Samarie, Galilée et Pérée[31]. Je veux que la ville de Jérusalem soit sacrée, inviolable, et exempte, jusqu'à ses limites, de la dîme et des droits de douane. Je remets la citadelle aux mains de votre grand-prêtre Jonathas il pourra y placer, comme garnison, ceux de ses fidèles et amis qu’il voudra, qui la garderont pour nous. Je remets en liberté tous les Juifs prisonniers et esclaves sur notre territoire. J'interdis la réquisition des bêtes de somme des Juifs ; ceux-ci seront exempts de toutes corvées les jours de Sabbat ou de fête, et trois jours avant[32] chaque fête. De même, je renvoie libres et indemnes de tout dommage tous les Juifs habitant mon royaume, et j'autorise ceux qui le désirent à entrer dans mon armée, jusqu'à concurrence de trente mille ; et partout où ils iront, ils recevront la même solde que mes propres soldats. J'en placerai une partie dans les garnisons, quelques-uns dans ma garde personnelle, et je leur donnerai des commandements à ma cour. Je vous[33] permets aussi d'observer et de conserver vos lois nationales, et de réduire à votre obéissance les trois préfectures annexées à la Judée ; j'autorise le grand-prêtre à veiller à ce qu'aucun Juif n'ait d'autre temple où adorer Dieu, que le Temple de Jérusalem[34]. Je donnerai sur mon trésor chaque année, pour les frais des sacrifices, cent cinquante mille (drachmes)[35], et je veux que tout l'excédent des sommes[36] vous appartienne. Quant aux dix mille drachmes[37] que les rois retiraient du Temple, je vous en fais la remise parce qu'elles reviennent aux prêtres qui desservent le Temple. Et tous ceux qui se réfugieront dans le Temple de Jérusalem ou dans ses dépendances, soit parce qu'ils devaient de l'argent au trésor royal, soit pour toute autre cause, seront libérés et n'auront rien a craindre pour leurs biens. Je permets aussi de restaurer le Temple et de le rebâtir à mes frais ; j'autorise la reconstruction des murailles de la ville, et l'édification de tours élevées, également à mes frais, et s'il est quelque place forte qu'il importe à la sécurité du territoire des Juifs de fortifier, que ces travaux soient faits à ma charge. »

 

4[38]. Telles furent les promesses et les marques de bienveillance que Démétrius prodigua aux Juifs dans sa lettre. Le roi Alexandre de son côté réunit une armée considérable de mercenaires et des troupes de Syrie qui s'étaient ralliées à lui et marcha contre Démétrius. La bataille s'engagea ; l'aile gauche de Démétrius mit en fuite ses adversaires, les poursuivit fort loin, en tua un grand nombre et pilla leur camp ; mais l'aile droite, où se trouvait Démétrius, fut vaincue. Tous les soldats s'enfuirent ; Démétrius combattit bravement, tua beaucoup d'ennemis, et se mit à la poursuite des autres ; mais il se lança dans un marais profond et difficile à traverser ; son cheval étant tombé, il ne put s'enfuir et fut tué : les ennemis, en effet, à la vue de sa chute, firent volte-face, l'entourèrent et l'accablèrent de leurs javelots. Démétrius, quoique démonté, résista courageusement ; mais enfin, couvert de blessures, incapable de tenir davantage, il tomba. Telle fut la fin de Démétrius ; il avait régné onze ans, comme nous l'avons raconté ailleurs[39].

 

III

1-3. Onias fonde le temple de Léontopolis en Égypte. - 4. Querelle des Juifs et des Samaritains à Alexandrie.

 

1[40]. Cependant le fils du grand-prêtre Onias, qui portait le même nom que son père, et qui s'était réfugié à Alexandrie, où il vivait auprès du roi Ptolémée, surnommé Philométor, comme nous l'avons dit plus haut[41], voyant la Judée maltraitée par les Macédoniens et leurs rois, et désireux de s'acquérir une gloire et une renommée impérissables, fit demander au roi Ptolémée et à la reine Cléopâtre la permission de construire en Egypte un temple semblable à celui de Jérusalem, et d'y installer des Lévites et des prêtres de la race voulue. Il s'appuyait surtout dans son dessein sur une prophétie du prophète Esaïe, qui vivait plus de six cents ans auparavant et avait prédit qu'il fallait absolument qu'un temple fût bâti en Egypte au Dieu tout-puissant par un Juif[42]. Onias, enflammé par cette prophétie, écrivît la lettre suivante à Ptolémée et à Cléopâtre : « Après vous avoir rendu de nombreux et importants services à la guerre, avec l'aide de Dieu[43], après avoir parcouru la Cœlé-Syrie et la Phénicie, je suis arrivé avec les Juifs à Léontopolis, dans le nome d'Héliopolis[44], et en divers autre lieux habités par notre peuple ; j'ai trouvé presque partout des sanctuaires élevés contre toute convenance, ce qui indispose les fidèles les uns contre les autres[45] ; c'est ce qui est arrivé aussi aux Egyptiens, parce qu'ils ont trop de temples et ne s'entendent pas sur le culte. Ayant donc rencontré, dans la forteresse qui porte le nom de la Boubastis Sauvage, un endroit à souhait, foisonnant de bois de toutes sortes, plein d'animaux sacrés, je vous prie de me permettre de nettoyer et purifier le temple abandonné et écroulé qui s'y trouve, et de le relever en l'honneur du Dieu tout-puissant, à l'image de celui de Jérusalem et sur les mêmes mesures, sous l'invocation de toi, de ta femme et de tes enfants ; de cette façon, les Juifs qui habitent l'Egypte, trouvant là un lieu où ils pourront se réunir dans une mutuelle concorde1 serviront tes intérêts. Car le prophète Esaïe a prédit ceci : il y aura en Egypte un autel de sacrifices consacré au Dieu notre maître ; et cet endroit lui a inspiré beaucoup d'autres prophéties pareilles. »

 

2. Voilà ce qu'écrivit Onias à Ptolémée. On jugera de la piété du roi ainsi que de sa sœur et épouse Cléopâtre d'après la lettre qu'ils lui répondirent : ils rejetèrent, en effet, sur la tête d'Onias la faute et la violation de la loi ; voici leur réponse:

 

« Le roi Ptolémée et la reine Cléopâtre à Onias, salut. Nous avons lu la supplique par laquelle tu nous demandes la permission de relever à Léontopolis, dans le nome d'Héliopolis, un temple ruiné, appelé temple de Boubastis Sauvage. Nous nous demandons si ce temple bâti dans un lieu impur et plein d'animaux sacrés sera agréable à Dieu. Mais puisque tu dis que le prophète Esaïe a prédit cet événement depuis longtemps, nous te donnons cette permission, si elle ne doit avoir rien de contraire à la loi : car nous ne voulons paraître coupables d'aucune faute envers Dieu. »

 

3. Onias prit donc possession de ce lieu, et y construisit à Dieu un temple et un autel semblable à celui de Jérusalem, mais plus petit et moins riche. Je ne crois pas utile d'en décrire ici les dimensions et le mobilier, car je l'ai fait dans mon septième livre des Guerres des Juifs[46]. Onias trouva, de plus, des Juifs semblables à lui, des prêtres et des lévites pour célébrer le culte. Mais ces détails suffisent au sujet de ce temple.

 

4[47]. Il arriva que la division se mit à Alexandrie entre les Juifs et les Samaritains, qui honoraient le temple du mont Garizim, bâti du temps d'Alexandre ; ils portèrent leur différend au sujet de leurs temples devant Ptolémée lui-même, les Juifs prétendant que le temple construit suivant les lois de Moïse était le Temple de Jérusalem, les Samaritains celui du mont Garizim. Ils prièrent le roi de tenir un conseil avec ses amis pour y écouter leurs discours sur ce point, et de punir de mort ceux qui auraient le dessous. Sabbaios parla pour les Samaritains, avec Théodosios ; Andronicos, fils de Messalamos, pour les habitants de Jérusalem et les Juifs. Ils jurèrent par Dieu et par le roi de donner des preuves tirées de la loi, et prièrent Ptolémée, si l'un d’eux était pris à violer son serment, de le faire mourir. Le roi réunit donc en conseil un grand nombre de ses amis et prit place pour entendre les orateurs. Les Juifs qui se trouvaient à Alexandrie s'agitaient fort au sujet des hommes qui attaquaient le temple de Jérusalem[48] ; car il leur aurait été pénible que l'on détruisit ce Temple si ancien, le plus illustre de toute la terre. Sabbaios et Théodosios cédèrent à Andronicos le droit de parler en premier. Celui-ci commença à tirer ses arguments de la loi, et de l'ordre de succession des grands-prêtres, qui de père en fils s'étaient transmis la charge et l'administration du Temple ; il rappela que tous les rois d'Asie avaient honoré le Temple d'offrandes et de dons magnifiques, tandis que, pour ce qui était du temple de Garizim, personne n'en avait pris souci ni cure, comme s'il n'existait même pas. Par ces arguments et bien d'autres du même genre, Andronicos persuada le roi de décider que le temple construit suivant la loi de Moïse était le Temple de Jérusalem, et de faire mettre à mort Sabbaios et Théodosios. Telles furent les événements relatifs aux Juifs d'Alexandrie qui se passèrent sous Ptolémée Philométor.

 

IV

1. Alexandre Bala épouse la fille du roi d'Égypte. - 2. Faveur de Jonathan auprès de lui. - 3-4. Invasion de Démétrius Nicator. Victoire de Jonathan sur Apollonios à Azot. – 5-7. Conquête de la Syrie par Ptolémée Philométor. - 8. Mort d'Alexandre et de Ptolémée. - 9. Démétrius roi ; son rescrit en faveur des Juifs.

 

1[49]. Après la mort de Démétrius, tué dans la bataille, comme nous l'avons raconté plus haut[50], Alexandre, devenu maître du royaume de Syrie, écrivit à Ptolémée Philométor pour lui demander sa fille en mariage ; il était juste, disait-il, que Ptolémée s'alliât ainsi à un prince qui avait recouvré le pouvoir paternel, guidé par la protection divine, qui avait vaincu Démétrius, et qui ne serait d'ailleurs nullement indigne d'une alliance avec lui. Ptolémée accueillit favorablement sa proposition ; il répondit qu'il était heureux de le voir recouvrer une puissance qui avait appartenu à son père et promit de lui donner sa fille ; il le priait de venir au devant de lui jusqu’à Ptolémaïs, où il allait la conduire lui-même ; il l'accompagnerait, en effet, d'Égypte jusqu'à cette ville et là l'unirait à Alexandre. Après avoir écrit cette lettre, Ptolémée s'empressa de se rendre à Ptolémaïs en emmenant sa fille Cléopâtre. Il y trouva Alexandre qui était venu à sa rencontre, suivant ses instructions, et lui donna sa fille avec une dot en argent et en or, digne d'un roi.

 

2[51]. Pendant les fêtes du mariage, Alexandre écrivit au grand-prêtre Jonathas pour l'inviter à venir à Ptolémaïs. Jonathas se rendit auprès des souverains, leur offrit des présents magnifiques et fut traité par tous deux avec la plus grande distinction. Alexandre l'obligea à quitter son vêtement habituel pour en prendre un de pourpre, puis après l'avoir fait asseoir à ses côtés sur l'estrade, il ordonna à ses officiers d'aller avec lui dans la ville et de faire déclarer par un héraut défense de parler contre lui, de lui susciter des difficultés. Les officiers accomplirent leur mission ; et, quand on vit les honneurs rendus publiquement à Jonathas par ordre du roi, tous ceux qui s'apprêtaient à porter des accusations coutre lui ou qui le haïssaient s'enfuirent, dans la crainte d'être eux-mêmes victimes de quelque malheur. Et le roi Alexandre poussa la bienveillance pour Jonathas jusqu'à l'inscrire parmi ses « premiers amis[52] ».

 

3[53]. La cent soixante-cinquième année[54], Démétrius, fils de Démétrius, avec un nombre considérable de mercenaires que lui fournit Lasthénès le Crétois, s'embarqua en Crète pour la Cilicie[55]. Cette nouvelle jeta dans l'inquiétude et le trouble Alexandre, qui rentra précipitamment de Phénicie à Antioche afin d'y prendre toutes les mesures de sûreté avant l'arrivée de Démétrius. Il laissa, pour gouverner la Cœlé-Syrie, Apollonios Daos[56]. Celui-ci, à la tête d'une armée importante, vint à Iamnée et fit dire au grand-prêtre Jonathas qu'il était injuste que seul il vécut en pleine sécurité et à sa guise, sans obéir au roi; que de tous côtés on lui reprochait de ne pas se soumettre au roi. « Tranquillement établi dans les montagnes, ajoutait-il, ne te fais pas l'illusion de te croire fort ; si tu as confiance en ta puissance, descends donc dans la plaine, viens te mesurer avec notre armée et la victoire montrera quel est le plus courageux. Sache cependant que les meilleurs de chaque ville sont dans mon armée ; et ce sont les hommes qui ont toujours vaincu tes ancêtres. Viens donc te battre avec nous sur un terrain où l'on puisse lutter non à coups de pierres, mais avec les armes, et où le vaincu n'ait pas de retraite. »

 

4[57]. Cette provocation irrita Jonathas, qui prit dix mille soldats d'élite et partit de Jérusalem avec son frère Simon. Arrivé à Jopé, il campa hors de la ville, les habitants lui ayant fermé leurs portes ; car ils avaient une garnison établie par Apollonios. Comme Jonathas se disposait à les assiéger, effrayés à l'idée que leur ville pourrait être prise de force, ils lui ouvrirent les portes. Apollonios, à la nouvelle que Jopé était tombé au pouvoir de Jonathas, vint à Azotos, à la tête de trois mille cavaliers et huit mille hommes d'infanterie[58], et de là continua sa route tranquillement et lentement ; arrivé près de Jopé, il attira par une feinte retraite Jonathas dans la plaine, plein d'une confiance aveugle dans sa cavalerie sur laquelle reposaient toutes ses espérances de victoire. Jonathas s'avança et poursuivit Apollonios jusqu'à Azotos. Celui-ci, dès que l'ennemi se trouva en plaine, fit volte-face et l'attaqua. Il avait disposé mille cavaliers en embuscade dans un ravin pour se montrer sur les derrières de l'ennemi ; Jonathas s'en aperçut et ne se laissa pas effrayer. Il fit former le carré par son armée et prit ses dispositions pour recevoir l'ennemi des deux côtés, prêt à résister aux assaillants qui se présenteraient de front et à revers. Le combat se prolongea jusqu'au soir. Jonathas donna alors à son frère Simon une partie de ses troupes avec ordre d'attaquer la phalange des ennemis ; lui-même ordonna à ses gens de se retrancher sous leurs armures et d'y recevoir les traits lancés par les cavaliers. Les soldats exécutèrent cet ordre ; les cavaliers ennemis lancèrent sur eux leurs traits, jusqu'au dernier, sans leur faire aucun mal, car les traits n'atteignaient pas les hommes ; ceux-ci protégés par leurs boucliers fortement unis, grâce à cette épaisse carapace arrêtaient facilement les projectiles qui retombaient inoffensifs. Lorsque les ennemis eurent passé la journée depuis le matin jusqu'an soir à cribler de traits les troupes juives, Simon profita de leur fatigue pour attaquer la phalange, et grâce à l'ardeur de ses soldats, milles ennemis en fuite. Les cavaliers, voyant fuir l'infanterie, lâchèrent pied à leur tour, et, harassés pour avoir combattu jusqu'à la nuit, perdant d'autre part tout espoir de secours du côté de l'infanterie, ils s'enfuirent en désordre, les rangs mêlés, et se dispersèrent, débandés, à travers toute la plaine. Jonathas les poursuivit jusqu'à Azotos, en tua un grand nombre et força les autres, désespérant de se sauver, à se réfugier dans le temple de Dagon, qui était à Azotos. Il emporta la ville d'assaut et l'incendia ainsi que les villages environnants. Il n'épargna même pas le temple de Dagon, auquel il mit le feu, faisant ainsi périr ceux qui s'y étaient réfugiés. Les ennemis tombés dans le combat et brûlés dans le temple étaient, au total, au nombre de huit mille. Après avoir vaincu des forces aussi importantes, Jonathas partit d'Azotos pour Ascalon ; comme il campait en dehors de la ville, les habitants vinrent à sa rencontre portant les présents d'hospitalité et  lui rendant honneur. Jonathas les remercia de leurs bonnes dispositions, et de là retourna à Jérusalem avec un butin considérable, fruit de sa victoire sur les ennemis. Alexandre, à la nouvelle que son général Apollonios avait été battu, feignit de s'en réjouir, parce que celui-ci avait attaqué contre sa volonté Jonathas qui était son ami et son allié[59] ; il envoya à Jonathas l'assurance de sa satisfaction, et le combla d'honneurs et de présents, entre autres une agrafe d'or, comme il est coutume d'en donner aux parents du roi ; enfin il lui concéda Accaron[60] à titre héréditaire avec la toparchie qui en dépend.

 

5[61]. A ce même moment, le roi Ptolémée, surnommé Philométor, arriva en Syrie avec une flotte et des troupes pour prêter assistance à Alexandre, qui était son gendre. Sur l'ordre d'Alexandre, toutes les villes le reçurent avec empressement et lui firent escorte jusqu'à la ville d'Azotos ; là tous l'assaillirent de leurs réclamations au sujet de l'incendie du temple de Dagon ; ils accusaient Jonathas qui avait détruit ce temple, ravagé le pays et tué un grand nombre des leurs. Ptolémée ne se laissa pas troubler par ces plaintes ; et Jonathas, venu à sa rencontre à Jopé, reçut de lui de riches présents et toutes sortes d'honneurs[62]. Après avoir accompagné le roi jusqu'au fleuve appelé Éleuthéros[63], il revint à Jérusalem.

 

6[64]. Arrivé à Ptolémaïs, Ptolémée, contre toute attente, faillit périr victime des embûches d'Alexandre, de la main d'Ammonios, ami de celui-ci. Le complot ayant été découvert, Ptolémée écrivit à Alexandre pour demander qu'on lui livrât Ammonios, disant que celui-ci avait conspiré contre lui, et qu'en conséquence, il méritait un châtiment. Alexandre refusant de le livrer, Ptolémée comprit qu'il était lui-même l'auteur du complot, et fut vivement irrité contre lui. Déjà auparavant Alexandre était mal vu des habitants d'Antioche à cause d'Ammonios, qui les avait souvent maltraités. Ammonios porta cependant la peine de ses méfaits et fut égorgé honteusement comme une femme, car il essaya de se cacher sous des vêtements féminins, comme nous l’avons raconté ailleurs[65].

 

7[66]. Ptolémée, se reprochant d'avoir uni sa fille à Alexandre et de s'être allié à lui contre Démétrius, rompit ses liens de parenté avec ce prince. Il lui enleva sa fille, et écrivit aussitôt à Démétrius pour faire avec lui alliance et amitié, promettant de lui donner sa fille en mariage et de le rétablir dans le pouvoir paternel. Démétrius, heureux de ces offres, accepta l'alliance et le mariage. Il restait à Ptolémée à persuader les gens d'Antioche de recevoir Démétrius, qu'ils haïssaient à cause de toutes les injustices commises envers eux par son père Démétrius. Il réussit dans cette tâche ; car les gens d'Antioche détestaient Alexandre, à cause d'Ammonios, comme je l'ai raconté, et le chassèrent de leur ville sans se faire prier. Alexandre, expulsé d'Antioche, passa en Cilicie. Ptolémée, à son arrivée à Antioche, fut choisi comme roi par les habitants et l'armée, et, malgré lui, ceignit deux couronnes, celle d'Asie et celle d'Égypte. Mais honnête et juste de nature, nullement désireux de s'emparer du bien d'autrui, et, de plus, capable de prévoir l'avenir, il résolut d'éviter de donner prise à la jalousie des Romains. Il réunit donc les habitants d'Antioche en assemblée et leur persuada de recevoir Démétrius, alléguant que celui-ci, bien accueilli, ne leur garderait pas rancune de ce qu'ils avaient fait à son père ; lui-même, Ptolémée, proposait d'être son maître et son guide dans la voie du bien, et promettait de ne pas le laisser commettre de mauvaises actions ; quant à lui, le royaume d'Égypte lui suffirait. Par ce discours il décida les habitants d'Antioche à recevoir Démétrius.

 

8[67]. Cependant Alexandre, avec une armée considérable et un matériel important, repassa de Cilicie en Syrie et vint incendier et piller le territoire d'Antioche ; Ptolémée marcha contre lui avec son gendre Démétrius ; il avait, en effet, déjà donné à celui-ci sa fille en mariage. Ils battirent Alexandre et le mirent en fuite. Alexandre se réfugia en Arabie. Dans le combat, le cheval de Ptolémée, effrayé par le barrissement d'un éléphant, se cabra et désarçonna le roi ; les ennemis, s'en étant aperçus, se précipitèrent sur lui, lui firent de nombreuses blessures à la tête et le mirent en danger de mort ; arraché de leurs mains par ses gardes du corps, Ptolémée était dans un état si grave que pendant quatre jours il ne recouvra ni la con  naissance ni la parole. Le prince des Arabes, Zabélos[68], coupa la tête d'Alexandre et l'envoya à Ptolémée, qui, revenant de ses blessures le cinquième jour et recouvrant ses sens, jouit d'un récit et d'un spectacle réconfortants : la nouvelle de la mort d'Alexandre et la vue de sa tête. Il mourut lui-même peu après, plein de joie de savoir Alexandre mort. Alexandre surnommé Balas avait régné sur l'Asie cinq années, comme nous l'avons dit ailleurs[69].

 

9[70]. Démétrius, surnommé Nicanor[71], devenu maître du pouvoir, commença, dans sa méchanceté, par détruire les troupes de Ptolémée[72], oubliant que ce roi lui avait porté secours et était devenu son beau-père et son parent, par le mariage de Démétrius avec Cléopâtre. Les soldats, pour échapper à ses mauvais desseins, s'enfuirent à, Alexandrie, mais Démétrius resta maître des éléphants. Cependant le grand-prêtre Jonathas leva une armée dans la Judée entière et alla mettre le siège devant la citadelle de Jérusalem, occupée par une garnison macédonienne et par quelques-uns des juifs apostats qui avaient abandonné les coutumes de leurs pères. Les assiégés tout d'abord méprisèrent les machines que dressait Jonathas pour s’emparer de la citadelle, confiants qu'ils étaient dans la force des lieux ; quelques-uns de ces misérables s'échappèrent de nuit et vinrent rejoindre Démétrius, auquel ils annoncèrent le siège de la citadelle. Démétrius, irrité par cette information, partit d'Antioche avec ses troupes contre Jonathas. Arrivé à Ptolémaïs, il lui manda de se rendre aussitôt auprès de lui dans cette ville. Jonathas n'interrompit pas le siège, mais à la tête des anciens du peuple et des prêtres, chargé d'or, d'argent, de vêtements et de nombreux présents, il se rendit auprès de Démétrius, et grâce à ces cadeaux apaisa si bien la colère du roi, que celui-ci l'honora et lui confirma la sûre possession de la grande prêtrise telle qu'il la tenait des rois ses prédécesseurs. Démétrius n'ajouta aucune foi aux accusations portées contre lui par les transfuges ; tout au contraire, sur la proposition que lui fit Jonathas de payer trois cents talents pour la Judée tout entière et les trois toparchies de Samarie, Pérée et Galilée[73], Démétrius lui donna à ce sujet une lettre dont voici le contenu : « Le roi Démétrius à son frère Jonathas et au peuple juif, salut. Nous vous envoyons copie de la lettre que j'ai écrite à Lasthénès notre parent, afin que vous en preniez connaissance. - Le roi Démétrius à Lasthénès son père, salut. J'ai résolu de reconnaître la bienveillance du peuple juif, qui est mon ami et qui respecte à mon égard la justice. Je leur abandonne avec leurs dépendances les trois districts d'Aphereima, de Lydda, et de Rhamatha[74], qui furent détachés de la province de Samarie pour être réunis à la Judée ; je leur fais, de plus, remise de toutes les taxes que les rois mes prédécesseurs prélevaient sur les sacrifices offerts à Jérusalem, de toutes les redevances sur les fruits de la terre ou des arbres ou autres produits, des marais salants, des couronnes qu'on nous apportait ; à dater de ce jour et à l'avenir ils ne seront plus contraints à payer aucune de ces taxes. Veille donc à ce qu'une copie de cette lettre soit faite, remise à Jonathan, et déposée à une place d'honneur dans le Temple saint. » Telle était cette lettre. Puis Démétrius, voyant que la paix régnait et qu'il n'y avait ni danger ni crainte de guerre, licencia son armée et diminua la solde, ne payant plus que les troupes étrangères qui étaient venues avec lui de Crête et des autres îles. Il s'attira ainsi l'inimitié et la haine des soldats auxquels il ne donnait plus rien, tandis que les rois ses prédécesseurs les payaient même en temps de paix afin de s’assurer leur fidélité et leur dévouement dans les combats, si jamais il était nécessaire.

 

V

1. Complot de Tryphon. - 2-3. Jonathan aide Démétrius à réprimer la révolte d'Antioche. Défaite de Démétrius par Tryphon. - 4. Jonathan s'allie avec Antiochus Dionysos. - 5-6. Il soumet Gaza et s'empare de Bethsoura. - 7. Sa victoire sur les généraux de Démétrius à Asor. - 8. Renouvellement de l’alliance avec Rome et Sparte. - 9. Sectes juives. - 10. Nouvelle victoire de Jonathan. Prise de Jopé. - 11. Restauration des murs de Jérusalem. Captivité de Démétrius.

 

1[75]. Ces mauvaises dispositions des soldats contre Démétrius furent aperçues par un ancien général d'Alexandre, Diodotos, d'Apamée, surnommé Tryphon. Il se rendit auprès de l'Arabe Malchos[76], qui élevait le fils d'Alexandre, Antiochus, révéla à ce chef le mécontentement de l'armée a' l'égard de Démétrius, et le pressa de lui confier Antiochus, voulant, disait-il, le faire roi et lui rendre le trône de son père. Malchos résista d’abord, par défiance ; beaucoup plus tard, sur les insistances prolongées de Tryphon, il se laissa convaincre et amener à ce que celui-ci lui demandait. Tels étaient les mouvements de ce côté.

 

2[77]. Cependant le grand-prêtre Jonathas, désireux d'expulser les soldats établis dans la citadelle de Jérusalem avec les Juifs transfuges et apostats, et de chasser toutes les garnisons du pays, envoya à Démétrius des ambassadeurs chargés de présents pour lui demander de retirer les troupes des places fortes de Judée. Démétrius lui promit non seulement ce retrait des troupes, mais de bien plus importantes faveurs encore, une fois terminée la guerre où il était engagé[78] ; car celle-ci absorbait en ce moment ses loisirs. Il lui demanda, en outre, de lui envoyer du renfort, lui révélant la défection de ses soldats ; et Jonathas lui envoya trois mille hommes de choix.

 

3[79]. Les habitants d'Antioche, qui détestaient Démétrius pour tout ce qu'ils avaient souffert de sa part, et lui en voulaient, de plus, de toutes les injustices commises à leur égard par son père Démétrius, guettaient l'occasion de l'attaquer. A la nouvelle de l'arrivée des renforts que lui envoyait Jonathas, ils comprirent que le roi allait réunir une armée considérable s'ils ne se hâtaient de le prévenir ; ils prirent donc les armes, cernèrent son palais comme dans un siège, et, maîtres des issues, cherchèrent à s'emparer de sa personne. Démétrius, voyant le peuple d'Antioche insurgé contre lui et sous les armes, rassembla ses mercenaires et les Juifs envoyés par Jonathas et attaqua les habitants ; mais il fut accablé par le nombre - il y en avait plusieurs myriades - et vaincu. Quand les Juifs virent que les habitants d'Antioche l'emportaient, ils montèrent sur les toits du palais, d'où ils tirèrent sur eux ; hors d'atteinte eux-mêmes en raison de leur position, ils firent beaucoup de mal à leurs adversaires, qu'ils attaquaient d'en haut, et les repoussèrent des maisons voisines. Aussitôt ils mirent le feu à celles-ci, et la flamme s'étendant sur toute la ville, où les maisons étaient très serrées et pour la plupart bâties en bois, la ravagea tout entière. Les habitants d'Antioche, ne pouvant organiser des secours ni se rendre maîtres du feu, prirent la fuite. Les Juifs en sautant de maison en maison les poursuivirent de la façon la plus singulière. Le roi, quand il vit les habitants occupés à sauver leurs enfants et leurs femmes et pour cette raison rompant le combat, les rejoignit par d'autres ruelles, les attaqua, en tua un grand nombre et finit par les obliger à jeter leurs armes et à se rendre. Puis leur ayant pardonné leur audacieuse agression, il arrêta la révolte. Après avoir récompensé les Juifs avec le produit du butin et les avoir remerciés comme les principaux auteurs de sa victoire, il les renvoya vers Jonathas, à Jérusalem, avec ses remerciements pour l'aide reçue. Plus tard cependant il se montra fourbe à l'égard du grand-prêtre, manqua à ses promesses et le menaça de la guerre s'il ne s'acquittait de tous les tributs que le peuple juif payait aux premiers rois. Et il aurait accompli sa menace si Tryphon ne l'en avait empêché en l'obligeant de consacrer à sa propre sûreté les préparatifs faits contre Jonathas. Revenu, en effet, d'Arabie en Syrie avec le jeune Antiochus, qui était encore un enfant, il lui fit ceindre le diadème. Toutes les troupes qui avaient abandonné Démétrius, parce qu'il ne payait pas de solde, se rallièrent à Tryphon ; il fit la guerre à Démétrius, l'attaqua, le vainquit en bataille rangée et s'empara de ses éléphants ainsi que de la ville d'Antioche.

 

4[80]. Démétrius battu se retira en Cilicie[81]. Le jeune Antiochus envoya à Jonathas des ambassadeurs avec une lettre, en fit son ami et son allié, lui confirma la grande-prêtrise et évacua quatre districts[82] qui avaient été réunis au territoire des Juifs. Il envoya encore à Jonathas, en lui permettant de s'en servir, des vases d'or, des coupes, un vêtement de pourpre, lui fit présent d'une agrafe d'or et l'autorisa à se compter parmi ses premiers amis, Il nomma Simon, frère de Jonathas, gouverneur de la côte depuis l'échelle des Tyriens[83] jusqu'à l’Égypte. Jonathas, heureux des avances que lui faisait Antiochus, lui envoya, ainsi qu'à Tryphon, des ambassadeurs, se déclara son ami et son allié, prêt à combattre avec lui contre Démétrius ; il rappela que celui-ci ne lui avait pas su gré de tous les services qu'il avait reçus de lui dans le besoin, et n'avait répondu que par l'injustice aux bienfaits.

 

5[84]. Antiochus l'ayant autorisé à lever une armée considérable en Syrie et en Phénicie pour combattre les généraux de Démétrius, Jonathas marcha sans tarder sur les villes de ces provinces. Elles le reçurent magnifiquement, mais ne lui donnèrent pas de troupes[85]. De là, il se rendit à Ascalon, et les habitants étant venus à sa rencontre avec des démonstrations d’amitié et des présents, il les exhorta, ainsi que chacune des villes de Cœlé-Syrie, à quitter Démétrius pour se rallier à Antiochus et combattre avec lui afin d'essayer de se venger sur Démétrius des injustices qu'il leur avait faites ; car elles avaient bien des raisons pour prendre ce parti. Après avoir décidé les villes[86] à convenir de s'allier à Antiochus, il se rendit à Gaza pour gagner aussi les habitants à la cause d’Antiochus. Mais il les trouva beaucoup plus hostiles qu'il ne s'y attendait : ils lui fermèrent leurs portes, et, tout en abandonnant Démétrius, refusèrent de se rallier à Antiochus. Cette attitude détermina Jonathas à faire le siège de la ville et à ravager le territoire ayant donc établi une partie de ses troupes autour de Gaza, il alla lui-même avec le reste dévaster et incendier la campagne. Les habitants de Gaza voyant les maux dont ils souffraient sans qu'aucun secours leur vint de Démétrius, considérant d'ailleurs que les inconvénients de leur attitude étaient bien actuels tandis que le profit en était fort éloigné et incertain, jugèrent sage de renoncer au rêve pour remédier à la réalité. Ils envoyèrent donc assurer Jonathas de leur amitié et de leur alliance ; car les hommes, avant d'avoir fait l'expérience du malheur, ne comprennent pas leur intérêt ; puis lorsqu'ils se trouvent dans une mauvaise situation, changeant d'avis, ils prennent, une fois éprouvés, le parti auquel ils auraient pu, sans ressentir le moindre dommage, s'arrêter d'abord. Jonathas fit donc amitié avec les habitants de Gaza et prit des otages qu'il envoya à Jérusalem ; lui-même s'enfonça dans le pays jusqu'à Damas.

 

6[87]. Il apprit bientôt que les généraux de Démétrius s'avançaient avec une nombreuse armée vers Kédasa, ville située entre le territoire de Tyr et la Galilée[88] ; ils pensaient, en effet, l'attirer de Syrie en Galilée pour secourir cette province, persuadés qu'il ne resterait pas indifférent à une attaque contre les Galiléens qui dépendaient de lui[89]. Il marcha à leur rencontre, laissant en Judée son frère Simon. Celui-ci leva aussi dans le pays une armée aussi forte que possible et alla mettre le siège devant Bethsoura, place très forte de Judée qu'occupait une garnison de Démétrius, comme nous l'avons dit plus haut[90]. Simon éleva des terrassements, dressa des machines, et mena si énergiquement les préparatifs du siège de Bethsoura que la garnison craignant, si le bourg était enlevé de force, d'être passée au fil de l'épée, lui fit proposer, moyennant le serment de ne pas être inquiétée, d'abandonner la place et de se retirer auprès de Démétrius. Simon leur donna l'assurance demandée, les fit sortir de la ville et y plaça lui-même une garnison.

 

7[91]. Jonathas, parti de Galilée, des bords du lac dit de Génésara, où il campait alors, s'avança jusqu'à la plaine nommée Asôr[92], ignorant que les ennemis s'y trouvaient. Informés, un jour à l'avance, que Jonathas allait marcher de leur côté, les généraux de Démétrius placèrent une embuscade dans la montagne, et eux-mêmes avec leur armée vinrent à sa rencontre dans la plaine. Jonathan les voyant prêts au combat prépara, comme il put, ses propres soldats à la bataille. Mais les troupes postées en embuscade par les généraux de Démétrius survinrent sur les derrières des Juifs, et ceux-ci, dans la crainte de périr enveloppés, prirent la fuite. Presque tous abandonnèrent Jonathas ; quelques-uns seulement, au nombre d'environ cinquante[93], restèrent, avec Mattathias, fils d'Absalomos, et Judas, fils de Chapsaios[94], qui étaient les chefs de toute l'armée ; avec l'intrépidité et l'audace du désespoir, ils s'élancèrent sur les ennemis, les effrayèrent par leur hardiesse, et par leur vigueur les mirent en fuite. Lorsque les soldats de Jonathas qui avaient fait retraite virent l'ennemi en déroute, ils se rallièrent, se mirent à sa poursuite et poussèrent ainsi jusqu'à Kédasa, où se trouvait le camp des ennemis. Jonathas, après cette brillante victoire où il tua deux mille[95] ennemis, revint à Jérusalem.

 

8[96]. Voyant que, par la providence divine, tout lui réussissait, il envoya des ambassadeurs aux Romains pour renouveler l'amitié que son peuple avait faite auparavant avec eux. Il ordonna à ces mêmes ambassadeurs, en revenant de Rome, de se rendre auprès des Spartiates et de leur rappeler l'amitié et la parenté qui les liaient aux Juifs. Les ambassadeurs, arrivés à Rome, se présentèrent devant le Sénat et déclarèrent qu'ils venaient de la part du grand-prêtre Jonathas, pour resserrer l'alliance ancienne ; le Sénat confirma ses décisions précédentes relatives à l'amitié avec les Juifs, et leur donna des lettres pour tous les rois d'Asie et d'Europe et pour les magistrats des villes, qui devaient leur servir de sauf-conduit jusqu'à leur patrie. Ils repartirent donc et allèrent à Sparte, où ils remirent la lettre que leur avait donnée Jonathas. En voici la copie : « Jonathas, grand-prêtre du peuple des Juifs, l'assemblée des anciens et la communauté juive[97], aux éphores, à la gérousie et au peuple des Lacédémoniens, leurs frères, salut. Si vous êtes en bonne santé, si vos affaires publiques et privées vont à votre gré, c'est tout ce que nous souhaitons ; nous-mêmes nous allons bien. Jadis, quand Démotélès apporta à notre grand-prêtre Onias de la part de votre roi Areios une lettre sur la parenté qui nous unit à vous, - lettre dont la copie se trouve ci-dessous[98] - nous l'avons reçue avec joie et avons témoigné nos bonnes dispositions à Démotélès et à Areios ; nous n'avions cependant pas besoin de cette démonstration, car le fait nous était appris par nos livres saints[99]. Nous n'avons pas voulu prendre l'initiative de cette reconnaissance, pour ne pas paraître courir après la gloire que nous recevrions de vous. Bien des années se sont écoulées depuis le jour où fut proclamée à nouveau (?) la parenté qui nous unit dès l'origine[100], et toujours, dans nos fêtes sacrées et nos anniversaires, en offrant à Dieu des sacrifices, nous le prions pour qu'il vous donne la sécurité et la victoire. Nous avons eu à soutenir bien des guerres nées de la convoitise de nos voisins ; mais nous n’avons voulu être un embarras ni pour vous ni pour aucun de nos parents. Cependant après avoir battu nos ennemis, comme nous envoyions aux Romains Nouménios, fils d'Antiochus, et Antipater, fils de Jason, qui sont des hommes honorés appartenant à notre Sénat, nous leur avons aussi donné des lettres pour vous, afin de renouveler l'amitié qui nous unit ensemble. Vous ferez donc bien de nous écrire de votre côté et de nous mander ce que vous pourriez désirer, assurés que nous sommes prêts à agir conformément à vos souhaits. » Les Lacédémoniens firent un cordial accueil aux envoyés, rendirent un décret d'alliance et d'amitié, et l'envoyèrent aux Juifs[101].

 

9[102]. A cette époque, il y avait parmi les Juifs trois sectes qui professaient chacune une doctrine différente sur les affaires humaines : l'une était celle des Pharisiens, l'autre celle des Sadducéens, la troisième celle des Esséniens. Les Pharisiens disent que certaines choses, mais non pas toutes, sont fixées par le destin et que l'accomplissement ou le non accomplissement de certaines autres dépend de notre propre volonté. Les Esséniens déclarent que le destin est maître de tout et que rien n'arrive aux hommes qui n'ait été décrété par lui. Les Sadducéens mettent de côté le destin, estimant qu'il n'existe pas et qu'il ne joue aucun rôle dans les affaires humaines, que tout dépend de nous-mêmes, en sorte que nous sommes la cause du bien qui nous arrive, et que, pour les maux, notre seule imprudence nous les attire. Mais sur ce sujet j'ai donné d'assez exacts éclaircissements dans le second livre de mon histoire judaïque[103].

 

10[104]. Les généraux de Démétrius, voulant prendre leur revanche de leur défaite, rassemblèrent une armée plus considérable que la première et marchèrent contre Jonathas. Lorsque celui-ci apprit leur approche, il se porta rapidement à leur rencontre dans le pays d'Hamath[105] ; il ne voulait pas en effet leur laisser le temps d'envahir la Judée. Il campa à cinquante stades des ennemis, et envoya des éclaireurs pour reconnaître leur situation et comment ils étaient campés. Ces éclaireurs lui donnèrent tous les renseignements et firent des prisonniers qui avouèrent que l'ennemi devait pendant la nuit[106] attaquer les Juifs. Jonathas prévenu se tint sur ses gardes, mit des avant-postes hors du camp et tint tous ses soldats sous les armes pendant la nuit entière ; il les exhorta à se montrer courageux et à se tenir prêts à combattre au besoin de nuit, afin que le projet de l'ennemi ne les surprit pas. Les généraux de Démétrius, ayant su que Jonathas connaissait leur dessein, perdirent leur assurance, et furent troublés à la pensée qu'ils avaient été déjoués par l'ennemi ; il n'y avait plus à espérer de pouvoir le vaincre d'une autre manière, leur ruse ayant échoué ; car en bataille rangée, ils ne croyaient pas être de force à lutter contre Jonathas. Ils résolurent donc de s'enfuir, et, après avoir allumé de nombreux feux, dont la vue persuaderait à l'ennemi qu'ils étaient toujours là, ils battirent en retraite. Jonathas vers le matin, s'étant approché de leur camp et le trouvant désert, comprit qu'ils fuyaient et se mit à leur poursuite. Mais il ne put les atteindre, car ils avaient déjà traversé le fleuve Eleuthéros[107] et se trouvaient en sûreté. Il revint donc sur ses pas jusqu'en Arabie, guerroya contre les Nabatéens[108], fit sur eux un butin considérable et des prisonniers, et alla à Damas où il vendit tout[109]. Pendant ce temps, son frère Simon parcourut toute la Judée et la Palestine[110] jusqu'à Ascalon, assurant la défense des places qu'il renforça par des travaux et l'établissement de postes ; il marcha ensuite sur Jopé, l'occupa et y plaça une forte garnison ; il avait appris, en effet, que les habitants voulaient livrer la ville aux généraux de Démétrius.

 

11[111]. Après ces opérations, Simon et Jonathas revinrent à Jérusalem. Jonathas réunit tout le peuple dans le Temple, et mit en délibération le projet de restaurer les murailles de Jérusalem, de reconstruire la partie détruite de l'enceinte du Temple, et d'en défendre les abords par des tours élevées ; de plus, il proposa de construire un autre mur au milieu de la ville, pour couper les arrivages à la garnison de la citadelle, et l'empêcher ainsi de se ravitailler ; enfin, de fortifier les postes du pays et de les rendre beaucoup plus sûrs encore qu’ils ne l'étaient. Le peuple approuva ces plans ; Jonathas s'occupa alors lui-même des constructions dans la ville, et envoya Simon pour fortifier les places de la campagne. Démétrius cependant, ayant traversé (l'Euphrate), vint en Mésopotamie avec l'intention de s'en emparer ainsi que de Babylone, et, une fois maître des satrapies de l'intérieur, de partir de là pour recouvrer tout son royaume. En effet, les Grecs et les Macédoniens qui habitaient ces contrées lui envoyaient constamment des ambassades, promettant, s'il venait chez eux, de lui faire leur soumission, et de combattre avec lui Arsace, roi des Parthes. Exalté par ces espérances, il se dirigea de leur côté, dans l'intention, s'il battait les Parthes et réunissait des forces suffisantes, de s'attaquer à Tryphon et de le chasser de Syrie. Reçu avec empressement par les habitants du pays, il réunit des troupes et attaqua Arsace ; mais il perdit toute son armée et fut lui-même pris vivant, comme on l'a raconté ailleurs[112].

 

VI

1-2. Tryphon s'empare par trahison de Jonathan. - 3-4. Simon prend le commandement des Juifs et chasse les habitants de Jopé. - 5. Négociations avec Tryphon. - 6. Mort de Jonathan. Mausolée de Modéïn. - 7. Simon grand-prêtre. Prise de la citadelle de Jérusalem.

 

1[113]. Tryphon, quand il eut appris le sort de Démétrius, cessa d'être fidèle à Antiochus et médita de le tuer pour s'emparer lui-même de la royauté. Mais il était arrêté dans ses projets par la peur que lui inspirait Jonathas, ami d'Antiochus ; aussi résolut-il de se débarrasser d'abord de Jonathas avant de s'en prendre à Antiochus. Il décida de se défaire de Jonathas par surprise et par ruse. A cet effet il se rendit d'Antioche à Bethsané, ville que les Grecs appellent Scythopolis, et près de laquelle Jonathas vint à sa rencontre avec quarante mille hommes de troupes choisies, car il soupçonnait que Tryphon venait pour l'attaquer. Tryphon, voyant Jonathas prêt pour le combat, le circonvint par des présents et des protestations et ordonna à ses propres généraux de lui obéir, espérant par ces moyens le persuader de ses bonnes dispositions et écarter tout soupçon, puis de s'emparer de lui sans qu'il fût sur ses gardes et à l'improviste. Il l'engagea à licencier son armée, amenée, disait-il, sans nécessité, puisqu'on n'était pas en guerre et que la paix régnait partout ; il le pria de garder cependant quelques troupes avec lui et de l'accompagner à Ptolémaïs : il voulait, en effet, lui livrer la ville et lui remettre tous les forts qui se trouvaient dans le pays ; il était venu dans ce dessein.

 

2[114]. Jonathas, sans aucun soupçon, convaincu que Tryphon lui donnait ces conseils dans de bonnes intentions et avec une entière bonne foi, licencia son armée, ne garda que trois mille hommes en tout, dont il laissa deux mille en Galilée, et partit avec les mille autres pour Ptolémaïs, en compagnie de Tryphon. Mais les habitants de Ptolémaïs fermèrent leurs portes, sur un ordre donné par Tryphon, et celui-ci s'empara de Jonathas vivant et massacra tous ses compagnons. Il envoya ensuite des troupes contre les deux mille hommes laissés en Galilée avec ordre de les faire aussi périr ; mais ceux-ci, informés par la rumeur publique du sort de Jonathas, eurent le temps, en se couvrant de leurs armes, de quitter le pays avant l'arrivée des soldats envoyés par Tryphon. Et les troupes détachées contre eux, les voyant prêts à défendre chèrement leur vie, revinrent auprès de Tryphon sans les avoir inquiétés.

 

3[115]. Les habitants de Jérusalem, à la nouvelle de la capture de Jonathas et du massacre des soldats qui l'accompagnaient, déplorèrent vivement son sort et furent dans l'angoisse à son sujet ; de plus ils furent tourmentés par la crainte justifiée que, les voyant privés de ce chef vaillant et prudent, les peuples voisins qui les détestaient et que la crainte seule de Jonathas maintenait en paix, ne se soulevassent contre eux, les engageant ainsi dans une guerre qui les mettrait dans le plus extrême péril. Ce qu'ils redoutaient leur arriva en effet ; car au bruit de la mort de Jonathas ces peuples commencèrent à guerroyer contre les Juifs, qu'ils croyaient sans chef ; et Tryphon lui-même, ayant réuni ses troupes, médita de marcher sur la Judée et d'en attaquer les habitants. Mais Simon, quand il vit les habitants de Jérusalem effrayés de ces préparatifs, voulant leur parler et leur rendre courage pour soutenir vaillamment l'attaque de Tryphon, réunit le peuple dans le Temple, et se mit à l'exhorter en ces termes : « Vous n'ignorez pas, chers compatriotes, avec quelle joie mon père, mes frères et moi nous avons risqué notre vie pour votre liberté. Les grands exemples que j'ai sous les yeux, ma conviction que la destinée des membres de notre famille est de périr pour la défense du nos lois et de notre religion[116] font que nulle crainte ne sera capable de chasser de mon âme cette résolution, et de l'y remplacer par l'amour de la vie et le mépris de la gloire. Ne croyez donc pas qu'il vous manque un chef capable de supporter pour vous et de faire de grandes choses, mais suivez-moi avec ardeur contre qui je vous conduirai ; car je ne suis ni meilleur que mes frères, pour vouloir épargner ma vie, ni pire pour vouloir fuir et refuser l'honneur qu'ils ont regardé comme le plus grand, celui de mourir pour nos lois et pour le culte de notre Dieu. Ce qu'il faut faire pour montrer que je suis bien leur frère, je le ferai. J'ai bon espoir de tirer vengeance de l'ennemi, de vous arracher vous tous, vos femmes et vos enfants à leurs outrages, de préserver, avec l'aide de Dieu, le Temple de tout pillage. Car je vois que les nations, pleines de mépris pour vous, parce qu'elles vous croient sans chef, se préparent à vous faire la guerre. »

 

4[117]. Ce discours de Simon rendit courage au peuple ; abattu naguère par la crainte, il reprit alors bon espoir ; d'une seule voix il décerna par acclamation le commandement à Simon et le prit comme chef, pour remplacer ses frères Judas et Jonathas ; tous promirent d'être dociles à ses ordres. Simon ayant donc réuni tous ceux de la nation qui étaient en état de combattre, hâta la reconstruction des murs de la ville, la fortifia de tours élevées et solides, et envoya un de ses amis, Jonathas, fils d'Absalomos[118], à la tête d'une armée à Jopé, avec ordre d'en chasser les habitants il craignait en effet que ceux-ci ne livrassent leur ville à Tryphon. Lui-même resta pour garder Jérusalem[119].

 

5[120]. Tryphon, parti de Ptolémaïs avec une armée nombreuse, arriva en Judée amenant son prisonnier Jonathas. Simon, à la tête de ses troupes, vint à sa rencontre à Addida[121], ville située sur la hauteur et au pied de laquelle s'étend la plaine de Judée. Tryphon, à la nouvelle que les Juifs avaient pris pour chef Simon, lui envoya des messagers, espérant le circonvenir lui aussi par surprise et par ruse ; il lui faisait dire, s'il voulait délivrer son frère Jonathas, d'envoyer cent talents d'argent, et deux des fils de Jonathas, comme otages, afin qu'une fois relâché celui-ci ne soulevât pas la Judée contre le roi ; car s'il était retenu prisonnier, c'était à cause des sommes qu'il avait empruntées au roi[122] et lui devait encore. Simon ne fut pas dupe de l'artifice de Tryphon ; comprenant bien qu'il perdrait son argent sans obtenir pour cela la délivrance de son frère, et qu'il aurait avec celui-ci livré à l'ennemi ses fils, mais craignant d'autre part d'être accusé auprès du peuple d'avoir causé la mort de son frère, pour n'avoir voulu donner en échange ni de l'argent, ni les fils de Jonathas, il réunit son armée et lui fit part du message de Tryphon ; il ajouta que ce message cachait un piège et une trahison ; que cependant il croyait préférable d'envoyer l'argent et les enfants plutôt que de s'exposer, en refusant d'écouter les propositions de Tryphon, à l'accusation de n'avoir pas voulu sauver son frère[123]. Il envoya donc les fils de Jonathas et l'argent. Tryphon prit le tout, mais ne tint pas sa parole et ne délivra pas Jonathas ; au contraire, à la tête de son armée, il contourna le pays, et résolut de remonter par l'Idumée pour gagner finalement Jérusalem ; il partit donc et vint à Adôra[124], ville d'Idumée. Simon, avec son armée, se porta à sa rencontre, et campa constamment en face de lui.

 

6[125]. La garnison de la citadelle ayant fait parvenir un message à Tryphon pour le prier de venir en hâte à leur secours et de leur envoyer des vivres, il fit préparer sa cavalerie comme s'il devait être la nuit même à Jérusalem. Mais pendant la nuit la neige tomba en abondance, cachant les chemins et rendant, à cause de son épaisseur, la route impraticable pour les chevaux. Tryphon fut par suite empêché d'aller à Jérusalem. Il leva donc le camp, arriva en Cœlé-Syrie, envahit rapidement la Galaaditide, et là fit mettre à mort et ensevelir Jonathas, puis il rentra à Antioche. Simon envoya à Basca[126] chercher les restes de son frère et les ensevelit à Modéï sa patrie ; le peuple entier fit pour lui de grandes démonstrations de deuil. Simon construisit à son père et à ses frères un vaste monument de marbre blanc et poli. Il lui donna une hauteur remarquable, l'entoura de portiques, et y dressa des colonnes monolithes, d'un admirable aspect ; il éleva de plus sept pyramides, une pour chacun de ses parents et de ses frères, étonnantes par leur hauteur et leur beauté, et qui existent encore aujourd'hui[127]. On voit donc le soin qu'apporta Simon à la sépulture de Jonathas et à l'érection des monuments consacrés aux siens. Jonathas mourut après avoir été grand-prêtre pendant [dix] ans et chef de la nation [pendant dix-huit][128].

 

7[129]. Telle fut la fin de Jonathas. Simon, nommé grand-prêtre par le peuple, délivra les Juifs, dès la première année de sa grande- prêtrise, de la servitude des Macédoniens et de l'obligation de leur payer des tributs. La liberté et l'exemption des tributs furent acquises aux Juifs la cent soixante-dixième année du règne des Assyriens[130] à compter du jour où Séleucus, surnommé Nicator, s'empara de la Syrie. Et telle était la considération du peuple pour Simon, qu'on datait les contrats privés et les actes publics de la première année de Simon, bienfaiteur des Juifs et ethnarque. Ils furent, en effet, très heureux sous son gouvernement et vainquirent les ennemis qui les environnaient. Simon détruisit la ville de Gazara, Jopé et Iamnée ; puis, ayant assiégé et pris la citadelle de Jérusalem, il la rasa jusqu'au sol afin qu'elle ne redevint pas pour les ennemis, s'ils s'en emparaient de nouveau, une place d'armes d'où ils pourraient les molester comme autrefois. Après quoi, il jugea bon et utile de niveler la colline elle-même sur laquelle la citadelle se trouvait, afin que le Temple la dominât. Il convoqua le peuple en assemblée et l'amena à son projet en lui rappelant tout ce qu'ils avaient souffert de la garnison et des Juifs transfuges, et en démontrant tout ce qu'ils auraient à souffrir si quelque étranger s'emparait encore du pouvoir et plaçait là une garnison. Par ces arguments il convainquît le peuple dans l'intérêt duquel il parlait. Tous se mirent à l'ouvrage pour abaisser la colline et, sans s'interrompre ni nuit ni jour, en trois ans, la rasèrent jusqu'à la base et jusqu'au niveau de la plaine. Désormais le Temple domina toute la ville, la citadelle et la colline sur laquelle elle était bâtie ayant été détruite. Tels furent les actes du gouvernement de Simon.

 

VII[131]

1. Usurpation de Tryphon. - 2-3. Antiochus Sidétès et Simon. - 4. Mort de Simon.

 

1. Peu après que Démétrius eut été fait prisonnier, Tryphon mit à mort son pupille, le fils d'Alexandre, Antiochus, surnommé Théos, qui avait régné quatre ans[132]. Il raconta que ce prince était mort des suites d'une opération ; puis il envoya ses amis et ses familiers auprès des soldats, pour leur promettre de leur donner beaucoup d'argent s'ils l’élisaient roi : Démétrius, disait-il, était prisonnier des Parthes, et son frère Antiochus, s'il parvenait au pouvoir, les traiterait durement, pour se venger de leur défection. Les soldats, dans l'espoir de vivre grassement s'ils donnaient la royauté à Tryphon, le proclamèrent souverain. Mais Tryphon, dès qu'il fut le maître, laissa voir son naturel pervers. Simple particulier, il flattait la foule, feignait la modération et amenait par ce moyen le peuple à ses fins ; une fois roi, il jeta le masque et fut le véritable Tryphon. Par là il renforça ses ennemis : l'armée, en haine de lui, se rangea du côté de Cléopâtre, femme de Démétrius, alors enfermée à Séleucie avec ses enfants. Et comme le frère de Démétrius, Antiochus, surnommé Sôter[133], errait sans qu'aucune ville le reçut, à cause de Tryphon, Cléopâtre l'appela auprès d'elle en lui offrant sa main et la royauté. Elle faisait à Antiochus ces propositions en partie sur le conseil de ses amis, en partie dans la crainte que quelques habitants de Séleucie ne livrassent la ville à Tryphon.

 

2. Antiochus, arrivé à Séleucie, vit ses forces augmenter de jour en jour. Il partit donc en guerre contre Tryphon, le vainquit dans un combat, le chassa de la haute Syrie en Phénicie, et l'ayant poursuivi jusque là, l'assiégea dans Dôra, place forte difficile à prendre, où il s'était réfugié. Il envoya aussi des ambassadeurs à Simon, le grand-prêtre des Juifs, pour faire alliance et amitié avec lui. Simon accueillit avec joie ses propositions, et, après avoir rendu une ambassade à Antiochus, envoya force argent et vivres aux troupes assiégeant Dôra, de manière à leur assurer l'abondance. Aussi fut-il pendant quelque temps compté parmi les plus intimes amis d'Antiochus[134]. Tryphon s'enfuit de Dôra à Apamée, y fut assiégé, pris et mis à mort après avoir régné trois ans[135].

 

3. Antiochus, par avarice et méchanceté, oublia les secours que lui avait apportés Simon dans des circonstances difficiles. Il donna une armée à l'un de ses amis, Kendebaios, et l'envoya piller la Judée et s'emparer de Simon[136]. Simon, à la nouvelle de la déloyauté d'Antiochus, bien qu'il fût déjà vieux, s'indigna cependant de l'injustice d'Antiochus à son égard ; montrant une résolution qu'on n'eut pas attendue de son âge, il entreprit la guerre avec l'ardeur d'un jeune général[137]. Il envoya en avant ses fils avec les plus intrépides de ses soldats, et lui-même s'avança d'un autre côté avec le gros de l'armée ; il plaça de nombreux détachements en embuscade dans les défilés des montagnes, et, sans avoir jamais éprouvé d'échec, battit l'ennemi sur toute la ligne ; il put ainsi finir sa vie en paix, après avoir, lui aussi, fait alliance avec les Romains[138].

 

4. Il gouverna les Juifs huit années en tout[139], et mourut dans un banquet, victime d'un complot ourdi contre lui par son gendre Ptolémée ; celui-ci s'empara aussi de la femme de Simon et de deux de ses fils, qu'il jeta dans les fers ; puis, il envoya contre le troisième, Jean, qu'on appelait aussi Hyrcan, des émissaires chargés de le tuer. Mais le jeune homme, prévenu de leur arrivée, put échapper au danger dont ils le menaçaient, et se réfugier dans la ville, se fiant à la reconnaissance du peuple pour les services rendus par son père et à l'impopularité de Ptolémée. Et le peuple, après avoir reçu Hyrcan, repoussa Ptolémée qui essayait d'entrer par une autre porte.

 

VIII

1. Avènement de Jean Hyrcan ; sa lutte contre son beau-frère Ptolémée. - 2-3. Siége et prise de Jérusalem par Antiochus Sidétès. - 4. Hyrcan l'accompagne contre les Parthes.

 

1. Ptolémée se retira dans une des forteresses situées au-dessus de Jéricho, appelée Dagôn[140]. Hyrcan, qui avait hérité de la charge de grand-prêtre que remplissait son père, offrit d'abord à Dieu des sacrifices, puis marcha contre Ptolémée, et mit le siège devant la place. Il avait sur tous les points l'avantage, mais sa piété pour sa mère et ses frères le paralysait, car Ptolémée les faisait amener sur le rempart et les maltraitait à la vue de tous, menaçant de les précipiter des murailles si Hyrcan ne levait pas le siège. Hyrcan, pensant que moins on mettrait de hâte à la prise de la place, plus il épargnerait de souffrances à ceux qu'il aimait le plus, se relâcha un peu de son ardeur. Cependant sa mère, lui tendant les mains, le suppliait de ne pas fléchir à cause d'elle ; tout au contraire, donnant un bien plus libre cours à sa colère, il devait hâter la prise de la forteresse et venger, une fois maître de son ennemi, ses plus chers parents : elle-même trouverait douce la mort dans les supplices Si l'ennemi, coupable envers eux d'une telle perfidie, en subissait la peine. Hyrcan, quand sa mère parlait ainsi, se sentait plein d'ardeur pour la prise de la place ; mais lorsqu'il la voyait frappée et déchirée, il faiblissait et se laissait vaincre par la pitié que lui inspiraient ses souffrances. Le siège traîna ainsi en longueur, et l'on arriva à l'année pendant laquelle les Juifs doivent rester inactifs : c'est en effet leur coutume tous les sept ans, comme tous les sept jours[141]. Ptolémée, profitant de la suspension de la guerre qui en résulta, fit mettre à mort les frères et la mère d'Hyrcan, et ce meurtre accompli, s'enfuit auprès de Zénon, surnommé Cotylos, tyran de la ville de Philadelphie[142].

 

2. Cependant Antiochus, vivement irrité des échecs que lui avait infligés Simon, envahit la Judée la quatrième année de son règne, qui était la première du gouvernement d'Hyrcan, dans la cent soixante-deuxième Olympiade[143]. Après avoir ravagé le pays, il enferma Hyrcan dans Jérusalem même, qu'il entoura de sept camps. Tout d'abord il ne fit aucun progrès, tant à cause de la solidité des murailles, que de la valeur des assiégés et du manque d'eau, auquel remédia cependant une pluie abondante qui tomba au coucher des Pléiades[144]. Du côté du mur nord, au pied duquel le terrain était plat, il éleva cent tours à trois étages, dans lesquelles il plaça des détachements de soldats. Il livra des assauts journaliers, et ayant creusé un double fossé d'une grande largeur, il bloqua les habitants. Ceux-ci de leur côté firent des sorties nombreuses ; quand ils pouvaient sur quelque point tomber à l'improviste sur l'ennemi, ils le maltraitaient fort ; s'ils le trouvaient sur ses gardes, ils se retiraient facilement. Mais lorsque Hyrcan s'aperçut que l'excès de population était nuisible, que les vivres se consommaient trop rapidement, et que, comme de juste, tant de mains gâtaient la besogne, il renvoya, après avoir fait son choix, toutes les bouches inutiles et ne garda que les hommes d'âge et de force à combattre. Antiochus empêcha le départ des expulsés, et nombre de ces malheureux, errant entre les deux lignes fortifiées, épuisés par la faim, périrent misérablement. Enfin, à l'approche de la fête des Tabernacles[145], les assiégés pris de pitié les firent rentrer. Hyrcan cependant ayant fait demander à Antiochus une trêve de sept jours pour célébrer la fête, Antiochus, par respect pour la divinité, l'accorda et envoya de plus un magnifique sacrifice, des taureaux aux cornes dorées et des coupes d'or et d'argent pleines de parfums de toutes sortes. Les gardiens des portes reçurent cette offrande des mains de ceux qui l'apportaient et la conduisirent au Temple; Antiochus pendant ce temps donna un festin à son armée[146], bien différent d'Antiochus Epiphane, qui, après avoir pris la ville, sacrifia des porcs sur l'autel et arrosa le Temple de leur graisse, au mépris des coutumes des Juifs et de leur religion nationale, sacrilège qui poussa le peuple à la guerre et le rendit intraitable. Cet Antiochus au contraire, pour son extrême piété, fut surnommé par tous Eusébès (le Pieux)[147].

 

3. Hyrcan, charmé de l'équité d'Antiochus et ayant appris son zèle à l'égard de la divinité, lui envoya une ambassade pour lui demander de rendre aux Juifs leur constitution nationale. Antiochus repoussa sans examen le conseil de ceux qui le poussaient à exterminer ce peuple, comme refusant de partager le genre de vie des autres[148] ; et résolu de conformer tous ses actes à sa piété, il répondit aux envoyés qu'il mettrait fin à la guerre aux conditions suivantes : les assiégés livreraient leurs armes, paieraient un tribut pour Jopé et les autres villes limitrophes de la Judée qu'ils occupaient, et recevraient une garnison. Les Juifs acceptèrent toutes ces conditions, à l'exception de la garnison, repoussant tout commerce avec d'autres peuples. ils offraient en compensation des otages et cinq cents talents d'argent; le roi ayant consenti, ils payèrent aussitôt trois cents talents et remirent les otages, parmi lesquels était le frère[149] d’Hyrcan. Antiochus détruisit de plus l'enceinte de la ville[150]. A ces conditions il leva le siège et se retira.

 

4. Hyrcan ayant ouvert le tombeau de David, qui surpassait en richesses tous les rois d'autrefois, en retira trois mille talents d'argent, et, grâce à ces ressources, se mit, ce que n'avait encore jamais fait un Juif, à entretenir des mercenaires[151]. Il fit amitié et alliance avec Antiochus, le reçut dans la ville, et fournit abondamment et généreusement à tous les besoins de son armée. Et quand Antiochus fit son expédition contre les Parthes[152], Hyrcan l'accompagna. Nous en avons également pour garant Nicolas de Damas, qui raconte le fait suivant[153] : « Antiochus, après avoir dressé un trophée sur les bords du fleuve Lycos, en souvenir de sa victoire sur Indatès, général des Parthes, y demeura deux jours à la demande d'Hyrcan le juif, à cause d'une fête nationale pendant laquelle la loi interdisait aux Juifs de marcher. » Nicolas ne dit là rien que de vrai : car la fête de la Pentecôte devait être célébrée le jour après le Sabbat[154], et il ne nous est pas permis de cheminer ni le jour du Sabbat ni les jours de fête. Antiochus livra bataille au Parthe Arsace, perdit une grande partie de son armée et périt lui-même. Le royaume de Syrie passa aux mains de son frère Démétrius, qu'Arsace avait délivré de captivité au moment où Antiochus envahit le pays des Parthes on l'a raconté ailleurs[155].

 

IX

1. Conquêtes d'Hyrcan. Ruine du temple du Garizim. Conversion forcée des Iduméens. - 2. Senatusconsulte romain en faveur des Juifs. - 3. Mort de Démétrius II. Usurpation et mort d'Alexandre Zébina.

 

1. Hyrcan, à la nouvelle de la mort d'Antiochus, marcha aussitôt sur les villes de Syrie, pensant les trouver, ce qui était exact, dépourvues de combattants et de défenseurs. Après six mois de siège il s'empara de Médaba au prix de dures fatigues supportées par son armée ; ensuite il occupa Samega[156] et les localités voisines, puis Sikima[157], Garizim et le pays des Chouthéens ; ceux-ci habitaient autour du temple bâti à l'image de celui de Jérusalem, et qu'Alexandre avait permis au gouverneur Sanaballétès de construire pour son gendre Manassès, frère du grand-prêtre Jaddous, comme nous l'avons raconté plus haut[158]. Ce Temple fut dévasté après deux cents ans d'existence. Hyrcan prit aussi les villes d'Idumée, Adora et Marissa[159], soumit tous les Iduméens et leur permit de rester dans le pays à la condition d'adopter la circoncision et les lois des Juifs. Par attachement au sol natal, ils acceptèrent de se circoncire et de conformer leur genre de vie à celui des Juifs. C'est à partir de cette époque qu'ils ont été des Juifs véritables.

 

2[160]. Le grand-prêtre Hyrcan, désirant renouveler l'amitié qui liait son peuple aux Romains, leur envoya une ambassade. Le Sénat reçut sa lettre et fit amitié avec lui dans les termes suivants : « … Fannius, fils de Marcus, préteur a réuni le Sénat au Comitium le huit avant les ides de février[161], étant présents Lucius Manlius, fils de Lucius, de la tribu Mentina, Caïus Sempronius, fils de Cnæus, de la tribu Falerna,.... pour délibérer sur l'objet de l'ambassade de Simon, fils de Dosithéos, d’Apollonios, fils d'Alexandre, et de Diodore, fils de Jason, hommes de bien envoyés par le peuple des Juifs. Ceux-ci nous ont entretenus de l'amitié et de l'alliance qui existe entre eux et les Romains, et de leurs affaires publiques ; ils ont demandé que Jopé, les ports[162], Gazara, Pegæ[163], et toutes les autres villes et places leur appartenant et qu'Antiochus a prises de force contrairement au décret du Sénat, leur fussent restitués ; qu'il fût interdit aux soldats du roi de traverser leur territoire et celui de leurs sujets ; que toutes les mesures prises par Antiochus pendant cette guerre, à l'encontre du décret du Sénat, fussent infirmées ; que les Romains envoyassent des commissaires chargés de faire rendre aux Juifs tout ce que leur a enlevé Antiochus et d'estimer les ravages faits pendant la guerre ; qu'enfin on donnât aux envoyés juifs des lettres pour les rois et les peuples libres, assurant la sécurité de leur retour dans leur patrie.          Sur ces points voici ce qui a été décidé : renouveler l'amitié et l'alliance avec des hommes de bien, envoyés par un peuple honnête et ami.[164] » Quant aux lettres(?)[165], les Romains répondirent qu'ils en délibéreraient lorsque leurs affaires particulières laisseraient du loisir au Sénat[166] ; qu’ils prendraient soin à l'avenir que les Juifs ne fussent plus en butte à des injustices de ce genre ; et que le préteur Fannius donnerait aux envoyés, sur le trésor public, l'argent nécessaire pour leur retour. Fannius renvoya ainsi les ambassadeurs des Juifs après leur avoir donné de l'argent, sur le trésor public, et remis le décret du Sénat, à l'adresse de ceux qui devaient les escorter et assurer leur retour en Judée.

 

3. Telle était la situation du grand-prêtre Hyrcan. Le roi Démétrius désirait faire une expédition contre lui, mais il n'en eut ni l'occasion ni le moyen, car les Syriens et ses soldats, qui le détestaient à cause de sa méchanceté, envoyèrent des ambassadeurs à Ptolémée surnommé Physcon[167], pour lui demander de leur donner quelqu'un de la race de Séleucus qui pût prendre la couronne. Ptolémée envoya Alexandre, surnommé Zébinas1 à la tête d'une armée ; celui-ci livra bataille à Démétrius, qui, vaincu, s'enfuit à Ptolémaïs au près de sa femme Cléopâtre ; mais sa femme ayant refusé de le recevoir, il partit pour Tyr, fut pris et mourut après de longues souffrances que lui firent subir ses ennemis[168]. Alexandre, devenu maître du pouvoir, lit amitié avec le grand-prêtre Hyrcan. Puis, attaqué par Antiochus, fils de Démétrius, surnommé Grypos, il fut battu et périt dans le combat[169].

 

X

1. Rivalité d'Antiochus Grypos et d'Antiochus Cyzicène. - 2-3. Conquête de Samarie et de Scythopolis. - 4. Cheikias et Ananias généraux de Cléopâtre. - 5-6. Brouille d'Hyrcan avec les Pharisiens. - 7. Sa mort, son caractère.

 

1. Antiochus, devenu ainsi roi de Syrie, s'apprêtait à marcher vers la Judée, quand il apprit que son frère utérin, qui s'appelait aussi Antiochus, rassemblait contre lui une armée[170]. Il resta donc sur son propre territoire, et résolut de se préparer à soutenir l'invasion de son frère, qui avait été surnommé Antiochus Cyzicène parce qu’il avait été élevé à Cyzique, et qui avait pour père Antiochus, surnommé Sôter[171], mort chez les Parthes, et frère lui-même de Démétrius, père de Grypos. Les deux frères avaient épousé successivement la même femme, Cléopâtre, comme nous l’avons raconté ailleurs[172]. Antiochus de Cyzique, arrivé en Syrie, fit pendant plusieurs années la guerre à son frère. Hyrcan passa tout ce temps en paix[173]. Après la mort d'Antiochus[174], il s'était, en effet, lui aussi détaché des Macédoniens, ne se conduisant avec eux ni en sujet, ni en ami. Sous Alexandre Zébinas et surtout sous les deux frères, ses affaires progressèrent et prospérèrent de plus en plus : la guerre qu'ils se faisaient entre eux lui donna le loisir d'exploiter la Judée en toute sécurité et d'amasser d'énormes sommes d'argent. Cependant quand Antiochus Cyzicène dévasta ouvertement son territoire[175], Hyrcan montra lui aussi ses intentions[176] ; et comme il voyait Antiochus privé de ses alliés d'Égypte, et l'un et l'autre frère souffrir beaucoup dans les combats qu'ils se livraient, il les méprisait également tous deux.

 

2. Il fit une expédition contre Samarie, ville extrêmement forte ; nous dirons ailleurs comment elle porte maintenant le nom de Sébasté, ayant été rebâtie par Hérode. Il l'attaqua et l'assiégea avec vigueur, plein de ressentiment contre les Samaritains, pour tout le mal qu’ils avaient fait, à l'instigation des rois de Syrie, aux gens de Marissa, colons et alliés des Juifs[177]. Il entoura donc de tous côtés la ville d'un fossé et d'un double mur, d'un développement d'environ quatre-vingts stades, et confia les opérations à ses fils Antigone et Aristobule. Pressés par ceux-ci, les Samaritains furent réduits par la famine à une telle extrémité, qu'ils durent se nourrir des aliments les plus insolites et appeler à leur secours Antiochus Cyzicène[178]. Antiochus se porta volontiers à leur aide, mais vaincu par Aristobule, il dut s'enfuir, poursuivi jusqu'à Scythopolis par les deux frères. Ceux-ci, revenant contre les Samaritains, les bloquèrent de nouveau dans leurs murailles, et les réduisirent à appeler une seconde fois à leur secours ce même Antiochus. Antiochus fit demander environ six mille hommes à Ptolémée Lathouros[179] : celui-ci les lui envoya malgré sa mère, qui faillit le détrôner. Avec ces troupes égyptiennes, Antiochus envahit d'abord le territoire d'Hyrcan et se mit à le ravager comme un brigand, n'osant pas, à cause de l'insuffisance de ses forces, attaquer Hyrcan en face, mais dans l'espoir qu'en dévastant le pays, il le forcerait à lever le siège de Samarie. Cependant, quand il eut perdu beaucoup d’hommes dans les embuscades, il se retira à Tripolis, après avoir confié à Callimandros et à Epicratès la conduite de la guerre contre les Juifs.

 

3. Callimandros, s'étant porté avec trop de hardiesse contre les ennemis, fut mis en déroute et périt aussitôt. Epicratès, par avidité, livra ouvertement aux Juifs Scythopolis et d'autres places[180], mais ne put faire lever le siège de Samarie. Hyrcan, au bout d'un an de siège s'empara de la ville, et non content de ce succès la détruisit entièrement en l'inondant à l'aide des torrents : par des affouillements il la fit ébouler dans des ravines et disparaître toutes traces indiquant qu'une ville s'élevait jadis en cet endroit. - On raconte aussi du grand-prêtre Hyrcan un fait extraordinaire, comment Dieu eut un entretien avec lui. On dit que le jour où ses fils livrèrent bataille à Antiochus Cyzicène, comme il faisait lui-même seul brûler de l'encens dans le sanctuaire, le grand-prêtre entendit une voix lui disant que ses enfants venaient de vaincre Antiochus. Sortant du Temple, il annonça à tout le peuple la nouvelle, que l'événement confirma[181]. Telles étaient les affaires d'Hyrcan.

 

4. En ce temps là, la fortune ne souriait pas seulement aux Juifs de Jérusalem et de son territoire, mais encore à ceux qui habitaient Alexandrie, l'Egypte et Chypre. En effet la reine Cléopâtre étant en lutte avec son fils Ptolémée, surnommé Lathouros, prit pour généraux Chelkias et Ananias, fils de cet Onias qui avait construit dans le nome d'Héliopolis un temple semblable à celui de Jérusalem, comme nous l'avons raconté plus haut[182]. Cléopâtre leur confia le commandement de son armée et ne fit rien sans prendre leur avis, comme en témoigne le passage suivant de Strabon de Cappadoce : « La plupart de ceux qui vinrent alors et de ceux qui furent ensuite envoyés à Chypre par Cléopâtre faisaient aussitôt défection pour se rallier à Ptolémée ; seuls les Juifs du pays dit d'Onias restèrent fidèles, à cause de la grande faveur dont jouissaient auprès de la reine leurs compatriotes Chelkias et Ananias. » Voilà ce que dit Strabon[183].

 

5. Les succès d'Hyrcan et de ses fils excitèrent l'envie chez les Juifs ; il était surtout mal vu des Pharisiens, l'une des sectes des Juifs, comme nous l'avons dit plus haut[184]. Ces hommes ont une telle influence sur le peuple, que même s'ils parlent contre le roi ou le grand-prêtre, ils trouvent aussitôt créance[185]. Hyrcan avait cependant été leur disciple et était très aimé d'eux. Un jour il les invita à un banquet et les festoya magnifiquement ; quand il les vit dans de bonnes dispositions, il se mit à leur parler, disant qu'ils connaissaient sa volonté d'être juste et ses efforts pour être agréable à Dieu et à eux-mêmes : les Pharisiens, en effet, se piquent de philosophie. Il les priait donc, s'ils voyaient quelque chose à reprendre dans sa conduite et qui fût hors de la bonne voie, de l'y ramener et de le redresser. L'assemblée le proclama vertueux en tout point, et il se réjouit de leurs louanges ; mais l'un des convives, nommé Éléazar, homme d'un naturel méchant et séditieux, prit la parole en ces termes : « Puisque tu désires connaître la vérité, renonce, si tu veux être juste, à la grande-prêtrise et contente-toi de gouverner le peuple. » Hyrcan lui demanda pourquoi il devait dépose la grande-prêtrise. « Parce que, dit l'autre, nous avons appris de nos anciens que ta mère fut esclave sous le règne d'Antiochus Epiphane. » C'était un mensonge, Hyrcan fut vivement irrité contre lui, et tous les Pharisiens fort indignés.

 

6. Mais un homme de la secte des Sadducéens - qui ont des idées opposées à celles des Pharisiens, - un certain Jonathas, qui était des meilleurs amis d'Hyrcan, prétendit qu'Eléazar n'avait insulté celui-ci que de l'assentiment général des Pharisiens : Hyrcan s’en convaincrait facilement s'il leur demandait quel châtiment Eléazar avait mérité par ses paroles. Hyrcan invita donc les Pharisiens à lui dire quelle punition avait méritée Eléazar ; il reconnaîtrait que cette injure ne lui avait pas été faite de leur aveu, s'ils fixaient la peine à la mesure de l'offense. Ceux-ci répondirent : « les coups et les chaînes », car une insulte ne leur paraissait pas mériter la mort ; et d'ailleurs les Pharisiens sont par caractère indulgents dans l'application des peines. Hyrcan fut très irrité de leur sentence et conclut que le coupable l'avait insulté d'accord avec eux. Jonathas surtout l'excita vivement et l'amena à passer à la secte des Sadducéens, abandonnant celle des Pharisiens ; il abrogea les pratiques imposées au peuple par ceux-ci et punit ceux qui les observaient. De là vint la haine du peuple contre lui et ses fils. Mais nous reviendrons sur ce point[186]. Je veux maintenant dire simplement que les Pharisiens avaient introduit dans le peuple beaucoup de coutumes qu'ils tenaient des anciens, mais qui n'étaient pas inscrites dans les lois de Moïse, et que, pour cette raison, la secte des Sadducéens rejetait, soutenant qu'on devait ne considérer comme lois que ce qui était écrit, et ne pas observer ce qui était seulement transmis par la tradition. Sur cette question s'élevèrent des controverses et de grandes disputes, les Sadducéens ne parvenant à convaincre que les riches et n'étant pas suivis par le peuple, les Pharisiens, au contraire, ayant la multitude avec eux. Mais de ces deux sectes et de celle des Esséniens il a été longuement parlé dans le second livre de mes Judaica[187].

 

7. Hyrcan, après avoir apaisé la sédition[188], vécut heureux ; il occupa le pouvoir avec le plus grand succès pendant trente et un an[189] et mourut, laissant cinq fils. Il avait été jugé par Dieu digne des trois plus hautes faveurs le pouvoir sur le peuple, la charge de grand-prêtre, le don de prophétie. L'esprit divin, en effet, était en lui et lui permit de connaître et d'annoncer l'avenir, si bien qu'il prédit de ses deux fils aînés qu'ils ne resteraient pas longtemps maîtres du pouvoir[190]. Il nous faut raconter leur chute, qui nous apprendra combien ils ont été loin du bonheur de leur père.

 

XI

1-2. Aristobule, grand-prêtre, prend le titre de roi. Meurtre de sa mère et de son frère Antigone. - 3. Remords et mort d'Aristobule. Conquête de l'Iturée.

 

1. Après la mort de leur père, l'aîné, Aristobule jugea à propos de transformer de sa propre autorité le pouvoir en royauté, et le premier ceignit le diadème quatre cent quatre-vingt-un ans et trois mois après le retour du peuple, délivré de la captivité de Babylone[191]. De ses frères, il n'aimait que son puîné Antigone, qu'il jugea digne de partager ses honneurs ; quant aux autres, il les jeta dans les fers. Il mit aussi en prison sa mère, qui lui disputait le pouvoir, car Hyrcan l'avait laissée maîtresse de tout ; et il poussa la cruauté jusqu'à la laisser mourir de faim dans des chaînes. Puis il fit subir le même sort à son frère Antigone, qu'il paraissait aimer tendrement et qu'il avait associé à sa royauté. Il fut éloigné de lui par des accusations, auxquelles il ne crut pas tout d'abord, soit que son affection l'empêchât d'y prêter attention, soit qu'il supposât ces calomnies inspirées par la jalousie. Mais un jour qu'Antigone était revenu couvert de gloire d'une expédition militaire, à l'époque de la fête dans laquelle on dresse des tentes en l'honneur de Dieu, il arriva qu'Aristobule tomba malade. Antigone, pour célébrer la fête, monta au Temple, en brillant équipage, entouré de ses hommes d'armes, et fit les plus ardentes prières pour le salut de son frère. Les méchants, qui désiraient détruire la concorde régnant entre les deux frères, saisirent l'occasion que leur fournissaient l'éclat du cortège d'Antigone et ses succès. Ils se rendirent auprès du roi, exagérant dans de mauvaises intentions la pompe déployée par Antigone pendant la fête, prétendant que chacun de ses actes, loin d'être d'un simple particulier, révélait des visées à la royauté ; sans doute, à la tête d'une troupe en armes, il allait venir mettre à mort son frère, pensant qu'il serait sot, pouvant être roi, de se croire suffisamment avantagé par le simple partage des honneurs souverains[192].

 

2. Aristobule, entendant ces propos et persuadé contre son gré, désireux à la fois de ne pas éveiller les soupçons de son frère et d'assurer son propre salut, plaça ses gardes du corps dans un souterrain obscur - il couchait dans la forteresse appelée d'abord Bans, plus tard Antonia[193], - avec ordre de ne pas toucher Antigone s'il se présentait sans armes, mais de le tuer s'il voulait pénétrer armé auprès de lui. Il envoya cependant lui-même un messager à Antigone pour le prier de venir sans armes. Mais la reine et ceux qui avec elle conspiraient contre Antigone persuadèrent l'envoyé de dire le contraire, à savoir que son frère, ayant appris qu'il s'était fait faire une belle armure et un appareil de guerre[194], le priait de se rendre auprès de lui tout armé, afin de voir son équipage. Antigone, sans soupçonner rien de mal, confiant dans les bonnes dispositions de son frère, se rendit dans l'accoutrement où il se trouvait, revêtu de son armure, auprès d’Aristobule, pour lui montrer ses armes. Mais lorsqu'il arriva au pied de la tour dite de Straton, où le passage était très obscur, les gardes du corps le tuèrent. Sa mort prouva bien que rien n'est plus fort que la haine et la calomnie, et que rien n'est plus propre que ces passions à détruire la bienveillance et les affections naturelles. Il arriva à ce sujet une chose étonnante à un certain Judas, de race essénienne, dont les prédictions avaient toujours été conformes à la vérité. Cet homme, voyant Antigone passer près du Temple, s'écria au milieu de ses compagnons et des familiers, qui l'entouraient comme des élèves pour apprendre à prédire l'avenir : « Je mérite de mourir pour avoir menti puisqu'Antigone est vivant » : il avait annoncé, en effet, qu'Antigone mourrait ce jour même à l'endroit appelé tour de Straton ; or, il le voyait passer sous ses yeux, alors que le lieu où, selon sa prédiction, devait être commis le meurtre était éloigné d'environ six cents stades, et que le jour était déjà fort avancé[195] ; il y avait donc chance que sa prédiction fût fausse. Comme il parlait ainsi, tout confus, on annonça qu'Antigone venait d'être tué dans le souterrain, qui s'appelait aussi tour de Straton, comme la ville maritime de Césarée. Le devin en fut bouleversé.

 

3. Aristobule, pris de remords du meurtre de son frère, en devint malade, l'esprit torturé par la pensée de son crime, au point que, la violence de la douleur ayant corrompu ses organes, il vomit du sang. Un des pages qui le servaient, - et je pense qu'il faut voir là le doigt de Dieu - emportant ce sang, glissa à l'endroit même où se trouvaient encore les traces du sang d'Antigone égorgé, et répandit son fardeau. Les spectateurs se récrièrent que l'esclave l'avait fait exprès. Aristobule, les ayant entendus, demanda la cause de ce bruit, et, comme on ne lui répondait pas, brûla plus encore de la connaître, car les hommes en semblable circonstance sont portés à soupçonner que ce qu'on leur tait est pire que la réalité. Et lorsque, devant ses menaces et contraints par la terreur, ils lui eurent dit la vérité, écrasé par la conscience de ses crimes, il versa d'abondantes larmes, et, avec de profonds gémissements, s'écria : « Je ne pouvais donc cacher à Dieu des actions si impies et scélérates ; le châtiment du meurtre de mon frère est vite survenu. Jusqu'à quand, Ô corps misérable, retiendras-tu une âme due aux mânes[196] de mon frère et de ma mère ? Pourquoi ne pas la rendre tout d'un coup au lieu de répandre goutte à goutte mon sang en libations à mes victimes ? » Il mourut en prononçant ces paroles mêmes, après un an de règne[197]. On l'appelait Philhellène, et il avait rendu de grands services à sa patrie : il avait fait la guerre aux Ituréens[198], et annexé une partie considérable de leur territoire à la Judée, forçant les habitants, s'ils voulaient demeurer dans le pays, à se circoncire et à vivre suivant les lois des Juifs. Il était d'un naturel équitable et très modeste, comme en témoigne Strabon, d'après Timagène : « C'était un homme équitable, et qui fut d'une grande utilité aux Juifs ; il agrandit, en effet, leur territoire, et leur annexa une partie du peuple des Ituréens, qu'il leur unit par le lien de la circoncision[199]. ».

 

XII

1. Avènement d'Alexandre Jannée. - 2. Ptolémaïs assiégée appelle Ptolémée Lathyre. - 3-4. Campagne de Ptolémée en Palestine - 5-6. Bataille d'Asophon.

 

1. Après la mort d'Aristobule, Salomé, sa femme, que les Grecs appelaient Alexandra, délivra les frères d'Aristobule, que celui-ci avait emprisonnés, comme nous l'avons dit plus haut, et donna la royauté à Jannée, appelé aussi Alexandre, l'aîné et le plus modéré[200]. Jannée, dès sa naissance, était devenu un objet de haine pour son père, lequel jusqu'à sa mort refusa de le voir. La cause de cette haine était, dit-on la suivante : Hyrcan qui, de ses enfants, aimait surtout les deux aînés, Antigone et Aristobule, demanda à Dieu qui lui était apparu en songe lequel de ses enfants serait son successeur. Dieu lui ayant tracé les lettres du nom[201] de Jannée, Hyrcan, affligé à l'idée qu'il serait l’héritier de tous ses biens, le fit élever en Galilée. Dieu ne l'avait cependant pas trompé. Jannée ayant pris le pouvoir après la mort d'Aristobule, fit périr l'un de ses frères qui aspirait à la royauté, et traita avec honneur l’autre, qui préférait vivre sans se mêler aux affaires[202].

 

2. Après avoir constitué le pouvoir de la manière qu'il pensait la plus utile, il marcha contre Ptolémaïs ; il remporta la victoire et enferma les vaincus dans la ville, dont il fit le siège. Sur toute la côte il ne lui restait alors à soumettre que Ptolémaïs, Gaza, et le tyran Zoïle, qui occupait la Tour de Straton et Dora. Antiochus Philométor[203] et son frère Antiochus surnommé Cyzicène combattant l'un contre l'autre et détruisant ainsi leurs propres forces, il n'y avait, pour les habitants de Ptolémaïs, aucune aide à attendre d'eux. Eprouvés par le siège, ils obtinrent cependant un faible secours de Zoïle, qui occupait la Tour de Straton et Dora, entretenait un corps de troupes et aspirait à profiter des discordes des rois pour s'emparer de la tyrannie. Car les rois n'étaient pas assez bien disposés à leur égard pour qu'on pût rien espérer d'eux : ils étaient, en effet, tous deux comme des athlètes qui, leurs forces épuisées, mais retenus par la honte de céder, retardaient, dans l'inaction et le repos, la reprise du combat. Il ne restait aux habitants d'autre espoir que dans les souverains d'Égypte et dans Ptolémée Lathouros, qui occupait Chypre, où, chassé du pouvoir par sa mère Cléopâtre, il s'était réfugié. Les habitants de Ptolémaïs envoyèrent donc auprès de lui, le suppliant de s'allier à eux pour les arracher des mains d'Alexandre, où ils risquaient de tomber. Les envoyés lui firent espérer que, s'il passait en Syrie, il trouverait comme alliés, avec les gens de Ptolémaïs, ceux de Gaza et Zoïle ; les Sidoniens et bien d'autres se joindraient à lui. Soulevé par ces assurances, il se hâta d'apprêter sa flotte pour le départ.

 

3. Pendant ce temps Démainètos, qui avait alors la confiance des habitants de Ptolémaïs et gouvernait le peuple, les fit changer d'avis, en leur remontrant qu'il était préférable de courir le risque d'une lutte incertaine contre les Juifs, plutôt que d'accepter une servitude assurée en se donnant un maître ; que par surcroît ils s'attireraient ainsi, outre la guerre présente, une guerre beaucoup plus grave, de la part de l'Égypte. Cléopâtre, en effet, ne verrait pas d'un oeil indifférent Ptolémée rassembler des forces chez ses voisins ; elle marcherait contre eux avec une armée considérable, car elle s'efforçait de chasser son fils de Chypre même. Ptolémée, si les choses tournaient contrairement à ses espérances, aurait encore Chypre comme refuge ; eux-mêmes, au contraire, seraient réduits à la dernière extrémité. Ptolémée apprit pendant la traversée le changement d'attitude des habitants de Ptolémaïs ; il n'en continua pas moins sa navigation, et ayant abordé à l'endroit appelé Sycaminos[204], il y débarqua ses troupes. Son armée comptait au total, infanterie et cavalerie, environ trente mille hommes ; il la conduisit sous les murs de Ptolémaïs, et campa en cet endroit, fort soucieux, car les habitants refusaient de recevoir ses envoyés et d'écouter ses propositions.

 

4. Cependant Zoïle et les habitants de Gaza vinrent solliciter son alliance, car leur territoire était ravagé par les Juifs et Alexandre. Celui-ci, craignant Ptolémée, leva alors le siège, ramena l'armée dans ses foyers et désormais eut recours à la ruse, appelant secrètement Cléopâtre contre Ptolémée, tandis qu'il proposait ouvertement à ce roi son amitié et son alliance. Il lui promit même quatre cents talents d'argent, s'il voulait faire disparaître le tyran Zoïle et attribuer ses possessions aux Juifs. Ptolémée conclut volontiers amitié avec Alexandre et s'empara de Zoïle ; mais ayant par la suite appris les négociations secrètes d'Alexandre avec sa mère Cléopâtre, il rompit les serments échangés avec lui et alla mettre le siège devant Ptolémaïs, qui avait refusé de le recevoir. Laissant pour faire le siège ses généraux et une partie de ses forces, il se tourna lui-même avec le reste vers la Judée qu'il envahit. Alexandre, à la nouvelle des projets de Ptolémée, rassembla de son côté environ cinquante mille des habitants du pays – quatre-vingt mille même, suivant quelques historiens - et à la tête de ces troupes se porta à la rencontre de Ptolémée. Ptolémée étant tombé à l'improviste sur Asôchis, ville de Galilée[205], un jour de sabbat, s'en empara par la force, et fit environ dix mille prisonniers et un riche butin.

 

5. Il fit aussi une tentative sur Sepphoris, située non loin de la ville qu'il venait de dévaster ; mais il y perdit un grand nombre de soldats. De là, il partit pour aller combattre Alexandre. Alexandre vint à sa rencontre sur les bords du Jourdain, en un lieu appelé Asophôn[206], non loin du fleuve, et planta son camp près des ennemis. Il avait comme combattants de première ligne, huit mille hommes, qu'il appelait « champions de cent hommes », armés de boucliers recouverts d'airain. Les soldats de première ligne de Ptolémée avaient aussi des boucliers pareils; mais inférieurs sur tous les autres points, les soldats de Ptolémée allaient au danger plus timidement. Cependant le tacticien Philostéphanos leur inspira une grande confiance en leur faisant traverser le fleuve qui séparait les deux camps[207]. Alexandre ne jugea pas à propos de s'opposer à leur passage : il pensait, en effet, que, s’ils avaient le fleuve à dos, il écraserait plus facilement les ennemis, qui auraient la retraite coupée. Quand on en vint aux mains, au commencement, mêmes exploits des deux côtés, même ardeur ; les deux armées éprouvaient de grandes pertes ; puis les soldats d'Alexandre ayant pris le dessus, Philostéphanos, divisant habilement ses troupes, vint renforcer les rangs qui faiblissaient. Comme personne ne vint au secours du corps juif ébranlé, il finit par prendre la fuite, sans trouver d'aide dans les troupes voisines qu'il entraîna au contraire dans sa déroute. Les soldats de Ptolémée firent tout le contraire : ils se mirent à la poursuite des Juifs, qu'ils taillèrent en pièces, puis, enfin, ayant mis en déroute l'armée entière, ils les pourchassèrent et les massacrèrent jusqu'à ce que leurs épées fussent émoussées et leurs mains lasses de tuer. On dit qu'il périt trente mille juifs, cinquante mille d'après Timagène[208] ; les autres furent pris ou se sauvèrent dans leurs bourgades respectives.

 

6. Ptolémée, après la victoire, parcourut le pays et, le soir venu, s’arrêta dans certains villages de Judée ; il les trouva pleins de femmes et d'enfants, qu'il ordonna à ses soldats d'égorger, de couper en morceaux, et de jeter ainsi démembrés dans des marmites d'eau bouillante, avant de partir. Il donna ces ordres pour que les Juifs échappés au combat qui rentreraient chez eux s'imaginassent que les ennemis se nourrissaient de chair humaine et fussent, à ce spectacle, encore plus terrifiés. Strabon et Nicolas rapportent que les soldats de Ptolémée exécutèrent l'ordre que je viens de raconter. Il prit ensuite de force Ptolémaïs, comme je l'ai dit ailleurs[209].

 

XIII

1-2. Lutte de Ptolémée Lathyre et de Cléopâtre. - 3. Alexandre Jannée conquiert Gaza. - 4. Discordes des derniers Séleucides. 5. Séditions en Judée.

 

1. Cléopâtre, voyant que son fils avait accru ses forces, qu'il ravageait la Judée à son gré, et avait assujetti la ville de Gaza, ne put rester indifférente en le sentant aux portes de son royaume et convoitant de reprendre l'empire de l'Egypte[210]. Aussi, sans tarder, réunissant des forces de terre et de mer, dirigea-t-elle contre lui une expédition dont elle donna le commandement en chef aux Juifs Chelkias et Ananias ; en même temps elle envoya à Cos en dépôt la plus grande partie de ses richesses, ses petits-fils et son testament. Après avoir donné à son fils Alexandre l'ordre de faire voile pour la Phénicie avec une flotte considérable, elle vint elle-même à la tête de toutes ses forces, à Ptolémaïs, et, les habitants ayant refusé de la recevoir, assiégea la ville. Ptolémée, partant de Syrie, se dirigea en toute hâte sur l'Égypte, pensant la trouver dégarnie de troupes et s'en emparer par surprise. Mais son espoir fut déçu. Vers le même temps, Chelkias, l'un des deux généraux de Cléopâtre, mourut en Cœlé-Syrie en poursuivant Ptolémée.

 

2. Cléopâtre, à la nouvelle de la tentative de son fils et de la déconvenue qu'il avait éprouvée en Egypte, envoya une partie de ses troupes pour le chasser du pays. Ptolémée, se retirant d'Egypte, passa l'hiver à Gaza, Cléopâtre, pendant ce temps, s'empara, après un siège en règle, de la garnison de Ptolémaïs et de la ville elle-même. Alexandre se présenta à elle avec des cadeaux et des flatteries qui convenaient à un homme maltraité par Ptolémée et n'ayant plus d'autre refuge ; quelques-uns des amis de la reine lui conseillèrent d'accepter tout, puis d'envahir le pays, de s'en emparer, et de ne pas souffrir que tant de richesses appartinssent à un seul homme[211]. Mais Ananias lui donna un conseil contraire, disant que ce serait une injustice que de déposséder de son bien un allié, « et de plus notre compatriote, ajouta-t-il, car je ne veux pas que tu ignores que si tu commets cette injustice à son égard, tu feras de nous tous, Juifs, tes ennemis. » Ces représentations d'Ananias détournèrent Cléopâtre de faire aucun tort à Alexandre ; elle fit même, au contraire, alliance avec lui à Scythopolis, en Cœlé-Syrie.

 

3. Alexandre, délivré de la crainte de Ptolémée, marcha aussitôt sur la Cœlé-Syrie. Il s'empara de Gadara[212], après un siège de dix mois, et prit Amathonte[213], le grand boulevard des populations au delà du Jourdain, où Théodore, fils de Zénon, avait enfermé ses richesses les plus grandes et les plus précieuses. Mais Théodore tomba à l'improviste sur les Juifs, leur tua dix mille hommes et pilla les bagages d'Alexandre[214]. Cet échec ne troubla nullement Alexandre, qui alla guerroyer contre les villes maritimes, Raphia et Anthédon[215] - plus tard dénommée Agrippias par le roi Hérode - et dont il s’empara par force. Puis voyant que Ptolémée était retourné de Gaza à Chypre et sa mère Cléopâtre en Égypte, plein de colère contre les habitants de Gaza qui avaient appelé Ptolémée à leur aide, il mit le siège devant leur ville et pilla leur territoire. Apollodotos, général des Gazéens, à la tête de deux mille mercenaires et de dix mille citoyens[216], attaqua de nuit le camp des Juifs ; tant que dura l'obscurité, il conserva la supériorité, donnant à l'ennemi l'illusion que c'était Ptolémée qui était revenu à la charge ; mais le jour venu et l'illusion dissipée, les Juifs, avertis de la réalité, se rallièrent, attaquèrent les troupes de Gaza et leur tuèrent environ mille hommes. Les habitants de Gaza résistèrent sans se laisser abattre par les privations ou le nombre des morts, prêts à tout supporter plutôt que de subir la domination ennemie ; leur courage fut encore soutenu par l'espoir qu'Arétas, roi des Arabes, allait arriver à leur secours. Mais la mort d'Apollodotos survint auparavant : son frère Lysimaque, en effet, jaloux de sa popularité auprès de ses concitoyens, l'assassina, réunit un corps de troupes et livra la ville à Alexandre. Celui-ci, une fois entré, se conduisit d'abord avec douceur, puis il lâcha ses soldats sur les habitants en leur permettant de se venger. Les soldats, se répandant de tous côtés, massacrèrent les gens de Gaza. Les habitants, qui n'étaient point lâches, se défendirent avec ce qui leur tombait sous la main et tuèrent autant de Juifs qu'ils étaient eux-mêmes. Quelques-uns, à bout de ressources, incendièrent leurs maisons pour que l'ennemi ne pût faire sur eux aucun butin. D'autres mirent à mort de leur propre main leurs enfants et leurs femmes, réduits à cette extrémité pour les soustraire à l'esclavage. Les sénateurs, au nombre de cinq cents en tout, s'étaient réfugiés dans le temple d'Apollon : la prise de la ville les avait surpris en séance. Alexandre les mit à mort, et les ensevelit sous les ruines de leur ville ; puis il revint à Jérusalem. Le siège avait duré un an.

 

4. Vers ce même temps, Antiochus, surnommé Grypos, mourut assassiné par Héracléon, à l'âge de quarante-cinq ans, après vingt neuf ans de règne[217]. Son fils Séleucus, qui lui succéda sur le trône, eut à combattre le frère de son père, Antiochus, surnommé Cyzicène ; il le vainquit, le fit prisonnier, et le mit à mort[218]. Peu après, le fils d'Antiochus Cyzicène, Antiochus surnommé Eusèbe, vint à Arados et ceignit le diadème ; il déclara la guerre à Séleucus, le vainquit, et le chassa de toute la Syrie. Séleucus s'enfuit en Cilicie. Arrivé à Mopsueste il recommença à extorquer de l'argent. Le peuple de Mopsueste irrité incendia son palais et le tua avec ses amis. Antiochus, fils d'Antiochus Cyzicène, continua à régner en Syrie. Antiochus[219], frère de Séleucus, l'attaqua, mais fut vaincu et périt avec son armée. Après lui, son frère Philippe prit la couronne et régna sur une partie de la Syrie. Mais Ptolémée Lathouros ayant fait venir de Cnide son quatrième[220] frère, Démétrius, appelé l'Intempestif (Acairos)[221], l'établit roi à Damas. Antiochus résista énergiquement à ces deux frères, mais mourut peu après : étant allé porter secours à Laodice, reine des Saméniens[222], en guerre contre les Parthes, il tomba en combattant courageusement[223]. Les deux frères Démétrius et Philippe régnèrent en Syrie, comme on l'a raconté ailleurs[224].

 

5. Cependant Alexandre vit ses compatriotes se révolter contre lui ; le peuple se souleva pendant la fête (des Tabernacles) ; comme le roi était devant l'autel, sur le point de sacrifier, il fut assailli de citrons : c'est, en effet, la coutume chez les Juifs que le jour de la fête des Tabernacles chacun porte un thyrse composé de rameaux de palmiers et de citrons ; c'est ce que nous avons déjà exposé ailleurs[225]. Ils l'injurièrent, lui reprochant d'être issu de captifs[226], et indigne de l'honneur d'offrir les sacrifices[227]. Alexandre, irrité, en massacra environ six mille; puis il entoura l'autel et le sanctuaire jusqu'au chaperon d'une barrière de bois que les prêtres seuls avaient le droit de franchir[228], et il empêcha ainsi l'accès du peuple jusqu'à lui. Il entretint, en outre, des mercenaires de Pisidie et de Cilicie ; il ne se servait pas, en effet, de Syriens, étant en guerre avec eux. Après avoir vaincu les populations arabes de Moab[229] et de Galaad, qu'il contraignit à payer un tribut, il détruisit de fond en comble Amathonte, sans que Théodore osât l'attaquer[230]. Mais ayant engagé le combat contre Obédas, roi des Arabes, il tomba dans une embuscade, en un lieu escarpé et d'accès difficile ; précipité par un encombrement de chameaux dans un ravin profond, près de Garada[231], bourg de la Gaulanitide, il s'en tira à grand'peine, et s'enfuit de là à Jérusalem. Cet échec lui ayant attiré l'hostilité du peuple, il le combattit pendant six ans et ne tua pas moins de cinquante mille Juifs. Il pria alors ses compatriotes de mettre un terme à leur malveillance à son égard ; mais leur haine, au contraire, n'avait fait que croître à la suite de tout ce qui s’était passé ; comme il leur demandait ce qu'ils voulaient, ils répondirent d'une seule voix : « Ta mort » et envoyèrent des députés à Démétrius l'Intempestif pour solliciter son alliance.

 

XIV

1. Alexandre battu à Sichem par Démétrius Acairos. - 2. Cruelle répression des séditions. - 3. Guerre civile de Démétrius et de Philippe.

 

1. Démétrius avec son armée, grossie de ceux qui l'avaient appelé, vint camper aux environs de la ville de Sichem. Alexandre, à la tête de dix mille deux cents mercenaires et d'environ vingt mille Juifs de son parti[232], vint à sa rencontre. Démétrius avait trois mille hommes de cavalerie et quarante mille d'infanterie. Les deux adversaires firent chacun des tentatives pour essayer de provoquer la défection, l'un, des mercenaires d'Alexandre en leur qualité de Grecs, l'autre, des Juifs qui s'étaient joints à Démétrius. Ils ne purent réussir ni l'un ni l'autre, et durent engager le combat. Démétrius fut vainqueur ; tous les mercenaires d'Alexandre périrent, donnant un bel exemple de fidélité et de courage ; beaucoup de soldats de Démétrius furent aussi tués.

 

2. Alexandre s'enfuit dans la montagne, et dix mille Juifs environ se réunirent autour de lui par compassion pour ce changement de fortune. Démétrius alors prit peur et se retira. Les Juifs, après son départ, continuèrent la lutte contre Alexandre, mais furent vaincus et périrent en grand nombre dans les combats. Alexandre enferma les plus puissants d'entre eux dans la ville de Béthomé[233] et l'assiégea. Devenu maître de la ville et de ses ennemis, il les ramena à Jérusalem ou il les traita de la manière la plus cruelle : dans un banquet qu'il donna à la vue de tous, avec ses concubines, il fit mettre en croix environ huit cents d'entre eux, puis, pendant qu'ils vivaient encore, fit égorger sous leurs yeux leurs femmes et leurs enfants. C'était se venger de tout le mal qu'ou lui avait fait, mais une vengeance trop inhumaine, même pour un homme qui avait été poussé à bout par les guerres qu'il avait soutenues et qui avait couru les plus grands dangers de perdre la vie et son royaume; car ses ennemis, non contents de le combattre avec leurs propres forces, avaient fait appel à l'étranger et l'avaient finalement réduit à la nécessité d'abandonner au roi des Arabes, pour qu'il ne s'alliât pas à eux dans la guerre dirigée contre lui, ses conquêtes de Galaad et de Moab et les places fortes de cette région ; en outre, ils l'avaient abreuvé d'outrages et de calomnies de toute sorte. Il semble bien cependant qu'il n'agit pas en ceci conformément à ses intérêts, et l'excès de sa cruauté lui valut de la part des Juifs le surnom de Thracidas[234]. La masse des rebelles, au nombre d'environ huit mille, s'enfuirent dans la nuit et restèrent en exil tant que vécut Alexandre. Celui-ci, délivré de tout souci de leur côté, termina son règne en paix.

3. Démétrius, ayant quitté la Judée pour Béroia, y assiégea son frère Philippe, à la tête de dix mille hommes d'infanterie et mille de cavalerie. Straton, tyran de Béroia et allié de Philippe, appela à son aide Azizos[235], chef d'une tribu arabe, et Mithridate Sinacès, gouverneur parthe[236]. Ils arrivèrent avec des forces considérables et assiégèrent Démétrius dans ses retranchements, où ils le continrent par une pluie de flèches; enfin, par la soif, ils forcèrent son armée à se rendre. Après avoir pillé la région et pris Démétrius, ils envoyèrent leur prisonnier à Mithridate, alors roi des Parthes, et rendirent sans rançon aux habitants d'Antioche tous les captifs qui se trouvaient être leurs concitoyens. Mithridate, roi des Parthes, témoigna à Démétrius les plus grands égards, jusqu’au jour ou celui-ci mourut, emporté par une maladie. Philippe, aussitôt après le combat, marcha sur Antioche, s'en empara, et régna sur la Svrie.

 

XV

1. Antiochus Dionysos en Palestine. - 2. Alexandre Jannée battu par Arétas. - 3. Ses conquêtes dans la Pérée. - 4. Étendue des possessions d'Alexandre. - 5. Sa mort et ses derniers conseils.

 

1. Peu après, son frère Antiochus, surnommé Dionysos, aspirant au pouvoir, vint à Damas, et, s'en étant rendu maître, prit le titre de roi. Comme il faisait une expédition contre les Arabes, son frère Philippe, informé de son absence, marcha sur Damas. Milésios, à qui avait été laissée la garde de la citadelle et des habitants, lui livra la ville ; mais Philippe se montra ingrat à l'égard du traître et ne lui donna rien de ce qu'il avait espéré pour prix de son accueil  il voulait faire croire qu'il s'était emparé de la ville par la crainte qu'il inspirait et non par les bons offices de Milésios, ce qui serait arrivé s’il les avait récompensés selon leur du. Devenu suspect, il fut de nouveau chassé de Damas : un jour qu'il était sorti pour aller à l'hippodrome, Milésios ferma les portes et garda Damas à Antiochus. Celui-ci, informé de la tentative de Philippe, revint d'Arabie ; il se remit aussitôt en campagne vers la Judée avec huit mille hoplites et huit cents cavaliers[237]. Alexandre, dans la crainte de cette invasion, creusa un large fossé, depuis Chabarzaba, qu'on appelle aujourd'hui Antipatris[238], jusqu'au bord de la mer, à Jopé, seul point où l'attaque fût facile ; puis il éleva un mur, des tours de bois reliées par des courtines sur une longueur de cent cinquante[239] stades, et attendit Antiochus. Mais celui-ci incendia tous ces ouvrages et fit par cette brèche passer ses troupes en Arabie. Le roi des Arabes se retira d'abord, puis reparut tout à coup avec dix mille cavaliers. Antiochus marcha à leur rencontre et combattit courageusement ; vainqueur, il fut tué en se portant au secours d'une partie de son armée qui faiblissait. Antiochus mort, ses soldats se réfugièrent dans le bourg de Cana, où le plus grand nombre moururent de faim.

 

2. Après lui régna en Cœlé-Syrie Arétas[240], appelé au pouvoir par ceux qui occupaient Damas, en haine de Ptolémée, fils de Mennaios[241]. De là Arétas marcha sur la Judée, vainquit Alexandre aux environs de la place forte d'Addida[242], et se retira de Judée, après avoir traité.

 

3. Alexandre marcha de nouveau sur la ville de Dion[243], et s'en empara, puis se dirigea sur Gerasa[244], où se trouvaient les richesses les plus précieuses de Zénon, entoura la place d'un triple mur et la prit sans combat. Il se tourna ensuite vers Gaulana et Séleucie. Il s'empara également de ces villes, et réduisit encore le « ravin d'Antiochus » et la forteresse de Gamala. Comme il avait à se plaindre de Démétrius, gouverneur de ces localités, il le dépouilla[245]. Après cette expédition, qui dura trois longues années, il revint à Jérusalem où les Juifs, à cause de ses succès,, le reçurent avec empressement.

 

4[246]. A ce moment tes Juifs possédaient les villes suivantes de Syrie, d'Idumée et de Phénicie. Sur la mer, la Tour de Straton, Apollonia, Jopé, Iamnée, Azotos, Gaza, Anthédon, Raphia, Rhinocoroura. Dans l'intérieur : en Idumée, Adora et Marisa, l’Idumée entière ; Samarie, le mont Carmel, le mont Itabyrion, Scythopolis, Gadara ; en Gaulanitide, Séleucie et Gamala ; en Moabitide, Hesbon, Médaba, Lemba, Oronas[247], Telithon, Zara, le val des Ciliciens. Pella, qui fut détruite parce que les habitants refusaient d'adopter les coutumes nationales des Juifs ; nombre d'autres villes parmi les plus importantes de Syrie leur furent soumises.

 

5. Après tous ses succès, le roi Alexandre tomba malade des suites d’une ivresse. Pendant trois années, bien que souffrant de la fièvre quarte, il ne renonça pas à ses expéditions, jusqu'au jour où, épuisé par les fatigues, il mourut, dans le territoire de Gérasa, en assiégeant la place forte de Ragaba[248], au delà du Jourdain. Quand la reine le vit sur le point de mourir, sans qu'aucun espoir subsistât de le sauver, elle se mit à verser des larmes et à se frapper la poitrine, gémissant sur l'isolement où elle allait rester avec ses enfants. « A quel sort nous laisses-tu ainsi, lui disait-elle, moi et ces enfants qui ont besoin du secours d'autrui ? Tu sais combien le peuple est mal disposé pour toi. » Alexandre lui conseilla d'obéir à ses recommandations pour conserver avec ses enfants le pouvoir en toute sécurité : il fallait cacher sa mort aux soldats jusqu'à la prise de la place ; puis, comme au retour d'une brillante victoire, elle rentrerait à Jérusalem et donnerait aux Pharisiens une part au pouvoir ; ceux-ci la loueraient de ces égards, et en retour lui concilieraient la bienveillance du peuple ; c'était, dit-il, des hommes influents auprès des Juifs, capables de nuire à ceux qu'ils haïssaient et de servir ceux qu'ils aimaient ; ils rencontraient grand crédit auprès de la foule, même pour les calomnies que leur dictait l'envie ; lui-même, s'il avait été mal avec le peuple, c'était, dit-il, parce que les Pharisiens, outragés par lui, l'avaient noirci. « Quand donc tu seras à Jérusalem, dit-il, fais venir leurs chefs, et leur montrant mon cadavre, permets-leur, en toute sincérité, de le traiter à leur guise : soit qu'ils veuillent, pour tout ce qu'ils ont souffert de ma part, faire à mes restes l'insulte de les laisser sans sépulture, soit que leur colère leur inspire contre ma dépouille quelque autre injurieux traitement. Promets-leur enfin de ne rien faire dans le royaume sans demander leur avis. Quand tu leur auras tenu ce discours, ils me feront de plus somptueuses funérailles que tu n'aurais fait toi-même, car dés qu'ils auront le pouvoir de maltraiter mon cadavre, ils ne voudront pas en user, et toi tu régneras en toute sécurité. » Après avoir donné ces conseils à sa femme, il mourut, ayant régné vingt-sept ans[249], et âgé de quarante-neuf.

 

XVI

1. Avènement d'Alexandra. Caractère de ses fils. - 2-3. Domination et excès des Pharisiens. Sédition des grands. - 4. Ambassade des Juifs à Tigrane. - 4-5. Révolte d'Aristobule. Fin d'Alexandra.

 

1. Alexandra, après s'être emparée de la place, suivant les recommandations de son mari, parla aux Pharisiens et leur laissa toute liberté pour disposer du cadavre et de la royauté ; elle apaisa ainsi leur colère contre Alexandre et se concilia leur bienveillance et leur amitié. Ils se répandirent dans la foule, discoururent en public, passant en revue les actes d'Alexandre, disant qu'ils avaient perdu un roi juste ; ils amenèrent ainsi par leurs éloges le peuple au deuil et aux regrets, si bien qu'on fit à Alexandre des funérailles plus somptueuses qu'à aucun des rois qui l'avaient précédé. Alexandre cependant laissa deux fils, Hyrcan et Aristobule ; mais il avait légué la couronne à Alexandra. De ces deux fils, l'un, Hyrcan, était peu capable de gouverner et préférait une vie paisible ; le plus jeune, Aristobule, était actif et entreprenant. La reine était aimée du peuple, parce qu'elle paraissait déplorer les fautes qu'avait commises son mari[250].

 

2. Elle nomma grand-prêtre Hyrcan, parce qu'il était l'aîné, mais surtout à cause de son indifférence pour les affaires, et elle donna tout le pouvoir aux Pharisiens ; elle ordonna au peuple de leur obéir, et rétablit toutes les coutumes que les Pharisiens avaient introduites d'après la tradition des ancêtres et qui avaient été supprimées par son beau-père Hyrcan. Elle eut en titre la royauté, mais en fait les Pharisiens en eurent l'exercice. Ils rappelaient les exilés, délivraient les prisonniers, bref, agissaient en tout comme s'ils avaient été les maîtres. La reine aussi cependant s'occupait du royaume. Elle rassembla de nombreux mercenaires, et accrut du double ses forces, en sorte qu'elle effraya les tyrans voisins et reçut d'eux des otages. Dans le pays, tout était tranquille, à l'exception des Pharisiens : ceux-ci, en effet, tourmentaient la reine pour obtenir qu'elle fît mettre à mort ceux qui avaient conseillé [à Alexandre] de tuer les huit cents. Ils commencèrent par égorger eux-mêmes un de ces conseillers, Diogène, puis d’autres et d'autres encore, tant qu'un jour les grands se rendirent au palais, en compagnie d'Aristobule, qui semblait désapprouver ce qui se passait et qui, visiblement, si l'occasion se présentait, ne laisserait pas faire sa mère. Là ils rappelèrent au prix de quels dangers ils avaient autrefois remporté des succès, montrant ainsi combien avait été inébranlable leur fidélité à leur maître, qui les avait, en retour, jugés dignes des plus hautes récompenses. Ils demandaient qu'on ne les frustrent pas à tout jamais de leurs espérances : échappés aux dangers du côté des ennemis publics, ils étaient maintenant massacrés chez eux par leurs ennemis privés, comme des bestiaux, sans aucun secours. Ils ajoutaient que si leurs adversaires se contentaient des meurtres déjà commis, eux-mêmes, par loyauté à l'égard de leurs maîtres, se résigneraient à ce qui s'était passé mais que si les mêmes faits devaient se reproduire, ils suppliaient la reine de leur rendre leur liberté, car ils n'étaient pas hommes à accepter aucun moyen de salut qui ne leur vint pas d'elle et ils mourraient volontiers aux portes du palais plutôt que de se charger la conscience d'une infidélité. Ce serait une honte pour eux-mêmes et pour la reine si, abandonnés par elle, ils trouvaient l'hospitalité chez les ennemis de son mari : car l'Arabe Arétas et les autres princes attacheraient le plus grand prix à prendre à leur service de pareils hommes, dont autrefois le seul nom prononcé leur donnait aussitôt un frisson d'effroi. Si la reine refusait, si elle était bien décidée à favoriser les Pharisiens, ils demandaient comme grâce subsidiaire qu'elle leur assignât à chacun comme séjour une forteresse : pendant que quelque mauvais génie s'acharnait ainsi sur la famille d’Alexandre, eux-mêmes, vivant dans une humble condition (pourraient lui rester fidèles)[251].

 

3. Ils ajoutèrent bien d'autres choses encore, implorant la pitié des mânes d'Alexandre sur leurs amis morts, sur eux-mêmes en péril ; tous les assistants fondirent en larmes, et Aristobule surtout montra clairement sa pensée par les reproches qu'il fit à sa mère : car, disait-il, ces hommes étaient bien eux-mêmes cause de leurs propres malheurs, pour avoir, contre toute raison, confié le pouvoir à une femme dévorée de l'ambition de régner, alors qu'elle avait des fils adultes. La reine, ne sachant que faire pour s'en tirer à son honneur, leur confia la garde des places fortes à l'exception de Hyrcania, Alexandreion et Machairous, où se trouvaient ses richesses les plus précieuses. Et peu après elle envoya son fils Aristobule avec une armée à Damas, contre Ptolémée, fils de Mennaios, qui était un voisin incommode pour la ville. Mais il revint sans avoir rien fait d'important.

 

4. Vers ce même temps on annonça que Tigrane, roi d’Arménie, à la tête d'une armée de trois cent mille hommes[252] avait envahi la Syrie et allait arriver en Judée. Cette nouvelle, comme de juste, épouvanta la reine et le peuple. Ils envoyèrent donc de nombreux et riches présents et des ambassadeurs à Tigrane qui assiégeait alors Ptolémaïs : car la reine Séléné, appelée aussi Cléopâtre[253], qui gouvernait alors la Syrie, avait persuadé les habitants de fermer leurs portes à Tigrane. Les envoyés se rendirent donc auprès de Tigrane et le prièrent d'accorder sa faveur à la reine et au peuple. Tigrane les reçut avec bienveillance, flatté d'un hommage apporté de si loin, et leur donna les meilleures espérances. Mais à peine s'était-il emparé de Ptolémaïs qu'il apprit que Lucullus, à la poursuite duquel Mithridate venait d'échapper en se réfugiant chez les Ibères[254], avait ravagé l'Arménie et assiégeait (sa capitale). Et Tigrane, aussitôt cette nouvelle connue, reprit la route de son royaume.

 

5. Peu après, la reine étant tombée dangereusement malade, Aristobule trouva le moment opportun pour s'emparer du pouvoir ; il quitta la ville de nuit avec un de ses serviteurs et se rendit dans les places fortes où les amis de son père avaient été relégués. Irrité, en effet, depuis longtemps de tout ce que faisait sa mère, ses craintes s'accrurent encore à ce moment dans l'appréhension que, la reine morte sous la dépendance des Pharisiens, toute sa famille ne tombât au pouvoir de ceux-ci ; car il voyait bien l'impuissance de son frère qui devait recueillir la royauté. Sa femme seule, qu'il laissa à Jérusalem avec ses enfants, fut mise dans la confidence de son départ. Il se rendit d'abord à Agaba[255], où se trouvait un des grands nommé Galaistès, par qui il fut accueilli. Le lendemain la reine eut connaissance de la fuite d'Aristobule, et pendant quelque temps elle ne pensa pas que cette absence eût pour objet une révolution ; mais quand on vint lui annoncer coup sur coup qu'il s'était emparé de la première forteresse, puis de la seconde, puis de toutes - car dès que l'une eut donné l'exemple, toutes se hâtèrent de faire leur soumission à Aristobule - alors la reine et le peuple furent profondément troublés. Ils voyaient en effet qu'Aristobule n'était pas loin de s'emparer du pouvoir, et ils craignaient surtout qu'il ne les châtiât pour tous les affronts commis contre sa maison. Ils décidèrent donc d'enfermer sa femme et ses enfants dans la forteresse qui dominait le Temple[256]. Aristobule cependant, en raison de la foule qui se pressait autour de lui, était entouré d'un véritable cortège royal ; en quinze jours environ il avait pris vingt-deux places fortes, dont il avait tiré les ressources nécessaires pour lever une armée dans le Liban, la Trachonitide, et chez les princes. Les hommes, en effet, cédant au nombre, lui obéissaient volontiers. Ils espéraient, d'ailleurs, qu'en aidant Aristobule, ils retireraient autant de profit de son règne que ses proches[257], puisqu'ils auraient été pour lui l'instrument de la victoire. Les anciens des Juifs et Hyrcan se rendirent alors auprès de la reine et lui demandèrent son avis sur les événements. Aristobule, disaient-ils, était déjà presque le maître de tout, puisqu'il s'était emparé de tant de places fortes ; il ne convenait pas que, bien qu'elle fût fort malade, ils prissent cependant à eux seuls une résolution, puisqu'elle vivait encore ; or le danger était menaçant et proche. La reine leur ordonna de faire ce qu'ils jugeraient utile ; ils avaient encore de nombreuses ressources, un peuple vaillant, le pouvoir, et l'argent des gazophylacies fortifiées ; quant à elle, ses forces l'ayant déjà abandonnée, elle ne se souciait plus guère des affaires.

 

6. Telle fut la réponse de la reine. Peu après elle mourut ; elle avait régné neuf ans[258] et vécu soixante-treize ans. Ce fut une femme qui ne montra en rien la faiblesse de son sexe ; ambitieuse entre toutes, elle prouva par ses actes à la fois l'énergie de son caractère et la folie coutumière des mâles dans l'exercice du pouvoir[259]. Estimant le présent plus que l'avenir, faisant passer tout après le pouvoir absolu, elle ne rechercha ni le bien ni la justice pour eux-mêmes. Aussi amena-t-elle les affaires de sa maison à ce degré de misère que ce pouvoir, acquis au prix de mille dangers et de dures épreuves, grâce à une ambition déplacée chez une femme, fut détruit au bout de peu de temps ; elle eut, en effet, le tort de se ranger au parti de ceux qui étaient mal disposés pour sa famille, et elle priva le pouvoir de l'aide de ceux qui lui étaient dévoués. Les mesures prises par elle pendant sa vie remplirent même après sa mort le palais de malheurs et de troubles. Cependant, si mal qu'elle ait ainsi régné, elle garda la nation en paix. - Telle fut la fin du règne de la reine Alexandra. Je raconterai dans le livre suivant ce qui arriva, après sa mort, à ses fils Aristobule et Hyrcan.

 


[1] I Maccabées, 9, 23-31.

[2] I Maccabées, 9, 32-36.

[3] Au désert de Thekoa, à 2 lieues au S. de Bethléem (Maccabées, 9, 33).

[4] Localité inconnue.

[5] Josèphe suit le récit de Maccabées, mais en réalité il faut admettre que non seulement le guet-apens des Nabatéens, mais encore la razzia vengeresse de Jonathan se placent avant le départ de Bacchidès c'est parce que Jonathan est parti en guerre au delà du Jourdain que Bacchidès lui aussi franchit le fleuve.

[6] οἱ υἱοὶ Ἀμβρί ou Ἰαμβρι (Maccabées, 9, 36). Tribu inconnue. Medaba ou Madeba, a 25 kilomètres au S. E. de l'embouchure du Jourdain dans la mer Morte.

[7] I Maccabées, 9, 43-53.

[8] Ce récit n'est pas clair et le texte de I Maccabées ne l'éclaircit guère. Si Bacchidès a franchi le fleuve (Maccabées, 9,34) - c'est à dire passé sur la rive E. du Jourdain - on ne voit pas bien comment Jonathas peut avoir ce fleuve à dos et surtout comment il peut se sauver « au-delà du Jourdain » que les ennemis « ne traversent plus ». Les commentateurs admettent que le combat eut lieu sur la rive E. et que Jonathas se réfugia à l'ouest dans le désert de Juda.

[9] 1.000 seulement d'après Maccabées.

[10] Τερών Maccabées. Emplacement inconnu. Pharatho est dans le pays d'Ephraïm, au S. O. de Sichem.

[11] I Maccabées, 9, 37-42. Dans nos manuscrits de I Maccabées cet épisode est placé avec raison avant le combat des bouches du Jourdain.

[12] Un ms. a Γαβαθᾶ, un autre Βαθανᾶ (Maccabées Ναδαβάθ). Site inconnu. D'après I Maccabées la fiancée était Cananéenne, non Arabe.

[13] Ce chiffre n'est point donné par I Maccabées.

[14] I Macabées, 9, 57-69 (après avoir raconté la mort d'Alkimos, 153 Sél. = 160-159 av. J.-C.).

[15] Dans Maccabées, 9, 61, il semble que c'est Jonathan qui rait périr ces 50 traîtres.

[16] Βαιθβασί Maccabées. Site inconnu.

[17] I Maccabées, 9, 70-73.

[18] Maccabées ne parle que des prisonniers juifs.

[19] A 9 milles romains au nord de Jérusalem (aujourd'hui Makhmas près de Rama).

[20] I Maccabées, 10, 1-14 (certaines parties du début proviennent d'une autre source).

[21] 160 Sél. – 153/2 av. J.-C.

[22] Alexandre Bala se donnait pour fils d'Antiochus Epiphane, mais tout fait croire que c'était un enfant supposé.

[23] Encore un lapsus de plagiaire ; Josèphe n'a encore rien dit de cela.

[24] Autour de la colline de Sion (Maccabées, 10, 11).

[25] Maccabées ne mentionne que Bethsoura, mais évidemment l'Akra ne fut pas évacuée.

[26] I Maccabées, 10, 15-20.

[27] Texte altéré.

[28] I Maccabées, 10, 21-45. Contre l'authenticité du rescrit de Démétrius, cf. Willrich, Judaica, p. 52 suiv., qui considère à tort le texte de Josèphe comme l'original du « faux ».

[29] Ce chiffre est erroné ou altéré ; il faudrait huit ans. La date donnée par Maccabées est le 7e mois de l'an 160 Sél., automne 153 av. J.-C. (Ce texte est un de ceux qui prouvent que l'année séleucide de I Maccabées commence au printemps.)

[30] Texte suspect.

[31] Josèphe a mal compris Maccabées, 10, 30 où il est question de 3 nomes détachés de la Samarie et de la Galilée (Kautzsch supprime ce dernier nom).

[32] « Et après » ajoute Maccabées, 10, 34.

[33] Maccabées, 10, 37, dit « je leur permets ».

[34] Clause ajoutée par Josèphe. En revanche il omet la donation de Ptolémaïs (10, 39).

[35] 15.000 sicles d'argent d'après Maccabées, 10, 40.

[36] Cette phrase obscure est à peine éclaircie par Maccabées, 10,41, où l'on voit qu'il s'agit d'arriérés dus au Temple par le trésor royal.

[37] 5.000 sicles (Maccabées, 10, 42), somme équivalente.

[38] I Maccabées, 10, 46-50. Tous les détails relatifs à la bataille proviennent d'une autre source. En revanche, Josèphe a omis de signaler que les Juifs repoussèrent les avances de Démétrius et restèrent attachés au parti d'Alexandre.

[39] Toujours la même formule copiée sur la source grecque. Comme Polybe (III, 5) attribuait à Démétrius 12 ans de règne, on voit que cette source n'est pas Polybe.

[40] La source des sections 1-3 est inconnue, mais doit être un document hostile à la création d'Onias. Ni la lettre d'Onias ni la réponse du roi ne sont authentiques. Il faut rapprocher le récit parallèle de la Guerre, VII, x, 3, qui diffère de celui-ci par plusieurs détails. Cf. sur ces textes Büchler, Tobiaden und Oniaden, p. 239 suiv. dont les hypothèses sont toutefois invraisemblables.

[41] Livre XII, ix, 7.

[42] Isaïe, xix, 19 : « En ce jour-là il y aura un autel à l'Éternel au milieu du pays d’Egypte et un monument dressé sur sa frontière. » On sait que ce texte est suspect d'interpolation.

[43] Cette phrase semble prouver qu'il faut identifier notre Onias IV avec Onias, général de Ptolémée Philométor et de Cléopâtre, mentionné dans le C. Apion, II, 5.

[44] La seule ville connue du nom de Léontopolis était le chef-lieu d'un nome distinct ; il semble donc qu'il s'agisse ici d'une autre ville du même nom, qui n'est pas autrement connue. Toute la phrase est d'ailleurs suspecte d'altération. - Sur l’emplacement présumé du temple d'Onias, cf. Schürer, III3, p. 97 suiv. Josèphe indique ailleurs (Guerre, VII) qu'il était à 180 stades de Memphis.

[45] S'agit-il ici de synagogues ou bien de lieux de sacrifices, dont il n'est question nulle part ailleurs ? S'agit-il même des Juifs ?

[46] Guerre, VII, x, 3.

[47] Source inconnue. La querelle, qui était chronique (livre XII, i, 1), et peut-être les noms des orateurs (ou des pamphlétaires ?) semblent authentiques, mais le reste est du roman. Cf. Büchler, op. cit., p. 252 suiv. dont nous n'acceptons pas, d'ailleurs, l'interprétation plus que téméraire.

[48] Le texte paraît altéré.

[49] I Maccabées, 10, 51-58, qui donne la date du mariage, 162 Sél. = 151/2 av. J.-C.

[50] Supra, iii, 1.

[51] I Maccabées, 10, 59-66.

[52] Josèphe omet un fait capital (Maccabées, 10, 65), la nomination de Jonathan comme στρατηγὸς καὶ μεριδάρχης de Judée.

[53] I Maccabées, 10, 67-73.

[54] 165 Sél. = 148/7 av. J.-C.

[55] La mention de la Cilicie est ajoutée par Josèphe. Bevan (House of Seleucus, II, 301) propose à tort de lireεἰς Σελεύκειαν (Séleucie de Piérie).

[56] Josèphe a eu sous les yeux un exemplaire mutilé de I Maccabées. En réalité, c'est Démétrius qui nomme (ou confirme ?) Apollonios comme commandant de la Cœlé-Syrie καὶ κατέστησε Δημήτριος Ἀπολλώνιον τὸν (?) ὄντα ἐπὶ Κοίλης Συρίας (Maccabées, 10, 69). On voit aussi que le surnom de Δαός (latin : taum) ne se trouve que dans Josèphe.

[57] I Maccabées, 10, 74-89.

[58] Ce chiffre n'est pas donné par Maccabées.

[59] Josèphe, poursuivant son erreur initiale, imagine cette explication de fantaisie pour justifier les félicitations d'Alexandre.

[60] Ekron, la plus septentrionale des cités philistines.

[61] I Maccabées, 11, 1-7.

[62] Il n’en est point question dans Maccabées.

[63] Le Nahr el Kebir, au N. de Tripolis, qui sépare la Phénicie de la Syrie propre. Mais il est invraisemblable, d'après la suite, que Jonathan ait accompagné Ptolémée aussi loin : il a dû s'arrêter au Kison, avant Ptolémaïs (Acre).

[64] Source inconnue (Nicolas de Damas ?). Dans I Maccabées, 11, 10, il n'y a qu'une allusion peu compréhensible au complot d'Alexandre contre Ptolémée, auquel l'auteur ne paraît pas croire.

[65] Nouvel et incroyable lapsus.

[66] I Maccabées, 11, 8-13. Mais le récit de Josèphe est plus détaillé et notamment la fin de la section (Mais honnête et…) provient d’une autre source.

[67] I Maccabées, 11, 14-18. Les détails sur la mort de Ptolémée sont puisés ailleurs.

[68] Ζαβδιήλ d'après Maccabées.

[69] Toujours la même étourderie. - La mort d'Alexandre eut lieu en 157 Sél. (146/5 av. J.-C.).

[70] I Maccabées, 11, 19-38.

[71] La forme officielle est Nicator.

[72] C'est-à-dire qu'il laisse massacrer les garnisons égyptiennes par les villes (Maccabées, 11, 18).

[73] Même erreur (?) que supra, ii, 3. Dans Maccabées, 11, 28, on lit τὰς τρεῖς τοπαρχίας καὶ τὴν Σαμαρεῖτιν (Grimm : τῆς Σαμαρίτιδος).

[74] Aphereima paraît être l'Ephraïm de II Samuel, 13, 13, dont le site exact n'est pas connu. Rhamatha ou Rhamathaïm, au N. E. de Modéïn.

[75] I Maccabées, 11, 39.40. Mais ce récit est plus abrégé que celui de Josèphe : il omet le vrai nom et la patrie de Tryphon, les hésitations de Malchos, etc.

[76] En réalité , Iamblique, comme l'appelle Diodore (Εἰμαλκουαί Maccabées).

[77] I Maccabées, 11, 41-44.

[78] Quelle guerre ? La défection des soldats de Démétrius (Maccabées, 11, 43) ne peut pas être qualifiée ainsi, et ni la révolte d'Antioche, ni celle de Tryphon n'avaient encore éclaté.

[79] I Maccabées, 11, 45-56. Ici encore le récit de Josèphe est plus développé : la manœuvre des toits, la réclamation des tributs juifs manquent dans Maccabées.

[80] I Maccabées, 11, 57-59.

[81] Renseignement spécial à Josèphe.

[82] Nous n'en avons vu mentionner que trois, plus haut dans la lettre du roi Démétrius à son père. Josèphe parait avoir mal compris Maccabées, 11, 57 : καθίστημί σε ἐπὶ τῶν τεσσάρων νομῶν, où la Judée est sans doute comprise dans le chiffre de 4.

[83] Cap situé entre Tyr et Ptolémaïs.

[84] I Maccabées, 11, 60-62. Le récit de Josèphe, plus délayé, ne renferme guère de faits précis nouveaux.

[85] Rien de pareil dans Maccabées.

[86] Si Jonathan a gagné « les villes », la résistance de Gaza devient inexplicable.

[87] I Maccabées, 11, 63-68. Ici encore Josèphe enjolive.

[88] Kédès, dans la tribu de Nephtali, au N. 0. du lac de Mérom.

[89] Anachronisme.

[90] Supra, § 42.

[91] I Maccabées, 11, 67-74.

[92] Ou Hazor, Juges, iv, 2, etc., à l'O. du lac de Mérom et tout près de Kédès.

[93] Maccabées, 11, 70, dit qu'il ne resta que les deux chefs, pas un de plus. Josèphe rationalise et, chose plus curieuse, supprime la prière caractéristique de Jonathan.

[94] Χαλφί dans Maccabées.

[95] Trois mille d'après Maccabées.

[96] I Maccabées, 12, 1-18 (les versets 19-23 renferment le texte de l'ancienne lettre d'Areios = Josèphe, livre XII, iv, 10).

[97] La plupart des mss. ont ἱερέων, « le corps des prêtres ». Dans Maccabées, 12, 8, figurent à la fois les prêtres et le reste du peuple.

[98] Voir livre XII, iv, 10.

[99] Josèphe a mal compris Maccabées, 12, 9, où il est dit simplement que les Juifs n'ont pas besoin de l'alliance des Spartiates parce qu'ils trouvent une consolation suffisante (παράκλησιν) dans leurs livres saints.

[100] Texte altéré (ni ἀναποληθείσης ni ἀναπληρωθείσης ne donnent un sens satisfaisant). Maccabées, 12, 10, dit simplement : « beaucoup d'années se sont passées depuis que vous avez député vers nous ».

[101] Ceci est ajouté par Josèphe.

[102] On ne comprend pas ce que vient faire ici ce hors-d'oeuvre que Josèphe a tiré de son cru. Ici comme ailleurs il transforme en écoles philosophiques à la grecque les sectes religieuses des Juifs, qui avaient un tout autre caractère.

[103] Guerre, II, viii. Remarquer l'expression Ἰουδαικὴ πραγματεία pour désigner cet ouvrage.

[104] I Maccabées, 12, 24-34.

[105] Ramath (Épiphanie), sur le haut Oronte. Il n'est pas probable que Jonathan se fût avancé si loin.

[106] Le mot νυκτός doit être déplacé.

[107] Le Nahr el Kebir.

[108] Ζαβεδαίους Maccabées. Peut-être Βαταναίους ?

[109] Singulier détail, ajouté par Josèphe.

[110] C'est-à-dire le pays des Philistins.

[111] I Maccabées, 12, 35-38. Les passages, relatifs à la campagne de Démétrius contre les Parthes, proviennent d'une autre source.

[112] Pas dans cet ouvrage.

[113] I Maccabées, 12, 39-45.

[114] I Maccabées, 12, 46-51.

[115] I Maccabées, 12, 52 - 13, 6.

[116] Texte altéré.

[117] I Maccabées, 13, 7-11.

[118] Est-ce le même que celui qui était appelé plus haut (v, 7) Ματταθίας Ἀψαλώμου ? Quelques mss. de I Maccabées ont ici Ματταθίαν.

[119] Contresens de Josèphe. I Maccabées dit : il (Jonathas) resta à Jopé pour la garder.

[120] I Maccabées, 13, 12-20.

[121] El-Hadilé, à l'est de Lydda.

[122] Plus exactement (Maccabées, 15) de l'argent qu'il devait au roi en raison de ses gouvernements.

[123] Tout ce discours est imaginé par Josèphe. Ce procédé de Simon est extrêmement suspect.

[124] Les mss. de Josèphe ont Δῶρα, Maccabées Ἄδωρα. C'est peut-être cette dernière ville (infra, x, 1) que Mnaséas appelait Δῶρα dans le fragment cité par Josèphe, C. Apion, II, § 116. (Notons au passage que le verset 20 de Maccabées est omis dans la traduction de Kautzsch). Adora est à une dizaine de kil. à l’O. de Hébron.

[125] I Maccabées, 13, 24-30.

[126] Βασκαμά dans Maccabées. Site inconnu (en Galaad).

[127] Comme cette phrase est prise dans Maccabées on peut se demander si le monument subsistait encore vraiment au temps de Josèphe. La même observation s'applique à la remarque identique d'Eusèbe (Onamast., p. 281 Lag.).

[128] Cette phrase, ajoutée par Josèphe, est incomplète ou altérée ; on lit : ἀρχιερατεύων (ou ἀρχιερατεύσας) ἔτη τέσσαρα προστὰς τοῦ γένους. La mort de Jonathas se place en 143 (Maccabées, 13, 41) ; il avait pris la robe de grand-prêtre en 153 (Maccabées, 10, 21) ; Josèphe avait donc probablement écrit δέκα, d'où le copiste aura fait  δ' c'est-à-dire 4.

[129] I Maccabées, 13, 41-42 (= Josèphe jusqu'à ...environnaient.). A partir de là Josèphe paraît suivre une autre source, quoique I Maccabées mentionne la prise de « Gaza » (Gazara) (43-48) et celle de la citadelle de Jérusalem (49-51), mais non sa démolition.

[130] Josèphe prend ici Assyriens comme synonyme de Syriens. L'ère des Séleucides (équinoxe d'automne 312 av. J.-C.) a d'ailleurs pour origine l'occupation par Séleucus Nicator de Babylone et non de la Syrie. L'an 170 Sél. correspond à 143/2 av. J. C.

[131] A partir d'ici Josèphe n'a certainement pas connu la suite de I Maccabées, dont il s'écarte notablement dans son récit, d'ailleurs très abrégé, du principat de Simon. L'observation en a déjà été faite par Whiston et Ewald ; elle est longuement développée par Destinon, Die Quellen des Flavius Josephus, p. 80 suiv. Il semble d'ailleurs que le dernier chapitre de I Maccabées (depuis xiv, 16) soit une addition postérieure, comme l'a vu Destinon. Pour la fin du XIIIe livre, Josèphe parait avoir combiné, comme précédemment, un ou plusieurs historiens hellénistiques (Posidonius, Strabon, Nicolas) et des documents spécialement juifs, consistant principalement en anecdotes édifiantes ou miraculeuses, avec un goût pour les détails atroces ; plusieurs de ces anecdotes sont conservées indépendamment dans la tradition rabbinique. Cf. Destinon, op. cit. p. 40 suiv. Il n'y a pas lieu d'admettre, avec Bloch et Nussbaum, que Josèphe ait consulté les Annales de Jean Hyrcan (I Maccabées, 16, 23) ou d'autres chroniques semblables. - Le récit parallèle de la Guerre (I) est puisé aux mêmes sources ; il est un peu plus sommaire, mais entièrement d'accord avec les Antiquités. Nous ne signalerons que les divergences.

[132] 146/5 à 143/2 d'après le témoignage des monnaies. Tite Live et Diodore s'accordent avec Josèphe pour placer le meurtre d'Antiochus VI pendant la captivité de Démétrius II ; au contraire I Maccabées raconte d'abord le meurtre (13, 31, immédiatement après la mort de Jonathan), donc probablement en 170 Sél. = 143/2, ensuite (14, i) l'expédition de Démétrius contre les Parthes en 172 Sél. = 141/0 av. J.-C. Ce dernier arrangement paraît préférable. - Les titres complets d’Antiochus VI sont Théos Epiphanès Dionysos ; Josèphe n'a retenu que le premier, qui est insignifiant.

[133] Ce titre n'apparaît pas sur les monnaies, où Antiochus VII (vulgo Sidétès) s'intitule Evergète ; il n'est pas donné par d'autres historiens.

[134] I Maccabées présente les choses autrement. C'est avant d’entreprendre son expédition en Syrie qu'Antiochus Sidétès sollicite l'alliance de Simon (xv, 1 suiv.). Au contraire pendant le siège de Dora il refuse les troupes et les subsides de celui-ci (xv, 26 suiv.).

[135] Plutôt quatre ans (143/2-139/8). Les monnaies de Tryphon ne sont pas datées de l'ère des Séleucides, mais d'une ère nouvelle partant de son usurpation ; or, il en existe avec le chiffre 4 (Babelon, Séleucides, p. cxxxviii).

[136] Récit très incomplet. En réalité, Antiochus commença par demander aux Juifs la restitution de leurs conquêtes récentes (la citadelle, Jopé, Gazara) ou une indemnité pécuniaire ; on ne put s'entendre sur la somme (I Maccabées, 15).

[137] D'après I Maccabées, 16, Simon ne prit aucune part à la campagne.

[138] Voir pour les détails I Maccabées, 14, 16 suiv., 24 ; 15, 15 suiv.

[139] 142-135 av. J.-C. La mort de Simon est placée par I Maccabées, 16, 14 du mois de Schebat 177 Sél. = février 135.

[140] Δώκ dans Maccabées, 16, 15. Aujourd'hui Ayn Douk, à une lieue au N. O. de Jéricho.

[141] D'après cela l'année 135/4 aurait été sabbatique. Or, en partant de l'année sabbatique à peu près assurée 38/7 av. J.-C. (Ant., XIV, vi, 2), on trouve comme sabbatique l'année précédente 136/5. Il est probable que Josèphe a été induit en erreur par une source païenne ; le siège fut levé non pas parce que l'année sabbatique commençait (elle n'a jamais suspendu les opérations militaires), mais parce que, en raison de l'année sabbatique précédente, on n'avait pas d'approvisionnements. Cf. Schürer, I3, p. 36.

[142] L'ancienne Rabbath Ammon, hellénisée par Ptolémée Philadelphe.

[143] Ce synchronisme est inexact. La 162e olympiade va de juillet 132 à 128 av. J.-C. ; la 4e année d'Antiochus Sidétès est 136/5 d'après les monnaies, 135/4 d'après Porphyre ; la 1ère année d'Hyrcan est, strictement parlant, 136/5 (puisque Simon est mort en février 135). Schürer place l'invasion d'Antiochus en 135/4.

[144] Novembre 135 ? Pour la date du coucher des Pléiades dans l'antiquité, cf. Pline, II, 47, 125.

[145] Octobre 134 ? Le siège aurait donc déjà duré un an.

[146] τὴν στρατίαν εἰστία. Je ne puis croire qu'il s'agisse de l’armée juive.

[147] Ce titre ne figure pas sur ses monnaies, où il s'intitule Evergète, Josèphe le cite encore Ant., VII. Remarquez le contraste de cet éloge d'Antiochus avec le jugement sévère du vii, 3, ou Josèphe suit une autre source.

[148] Ce détail est confirmé par le fr. de Diodore XXXIV, 1, qui reproduit sûrement le récit de Posidonius (Textes, p. 56 suiv.). Rapproché de plusieurs autres traits concordants, il permet de croire que tout le récit du siège de Jérusalem dans Josèphe dérive directement ou indirectement de Posidonius.

[149] Quel frère, puisque Hyrcan n'en avait que deux et que tous deux (τοὺ ἀδελφούς) avaient été massacrés par Ptolémée ?

[150] La muraille fut rétablie plus tard par Hyrcan, I Maccabées, 16, 23.

[151] D'après un autre passage de Josèphe (Ant., VII) les sommes extraites par Hyrcan « d'une des chambres du tombeau de David » auraient servi, au moins en partie, à payer l'indemnité. de guerre exigée par Antiochus « 1300 ans après la mort de David ».

[152] En 130/29 av. J.-C.

[153] Fr. 74 Didot = Textes, p. 81. Le Lycos est le grand Zab.

[154] L'explication de Josèphe n'est qu'une conjecture ; mais il semble en résulter que dans son opinion la Pentecôte était toujours (et non pas seulement cette année là) célébrée un dimanche, conformément à l'interprétation littérale que les Sadducéens donnaient à Lévitique, 23, 11. Sur la controverse soulevée par ce texte voir Adler, Monatschrift, 1878, p. 522, et Purves, art. Pentecost, p. 740 b, dans le dictionnaire de Hastings.

[155] Dans l'ouvrage grec extrait par Josèphe. - Démétrius II remonte sur le trône en 129/8 av. J.-C.

[156] Ou Samoga, Samaia ; ville inconnue de la Pérée (?).

[157] Sichem.

[158] Cf. livre XI, viii, 4.

[159] Sur Adora cf. supra, vi, 5. Marissa était à mi-chemin entre Hébron et Asdod.

[160] Sur cette section on peut lire une dissertation de Mendelssohn, De senati consultis Romonorum ab Jobepho Antiq., XIII, 9, 2 ; XIV, 10, 22 relatis commentatio, Leipzig, 1879 (réimprimée dans Ritschl, Acta Societatis philologae Lipsiensis, V, 123 suiv.), qui a donné lieu à toute une littérature consignée dans Schürer, I3, 262. Je ne puis que maintenir les conclusions (adoptées par Willrich et Bevan) de mon article de la Revue des Études juives, XXXVIII, 1899, p. 161-171. Josèphe s'est trompé en rapportant notre SC. à l'époque d'Antiochus Sidétès; il concerne, en réalité, son fils Antiochus Cyzicène, et le décret antérieur auquel il fait plusieurs fois allusion est celui dont le texte se lit plus loin XIV, x, 22 : le roi y est appelé Ἀντίοχος ὁ βασιλεὺς Ἀντιόχου υἱός, désignation qui ne convient qu'à Antiochus Cyzicène ; le Sénat lui enjoint de restituer aux Juifs les ports et forteresses qu'il leur a enlevés et de retirer sa garnison de Jopé.

[161] Le 6 février (probablement 105 av. J.-C.).

[162] Sans doute les « marines » de la côte philistine entre Iamnée et Gaza (Is. Lévy, Revue des Études juives, XLI, 177), qui encore aujourd'hui s'appellent en arabe El-Mina (λιμήν).

[163] Peut-être le canton du Ras el ’Ain, où prend sa source l'Aoudjeh et où s'éleva la forteresse d'Antipatris au N. E. de Jopé (Is. Lévy).

[164] Il est singulier que ni ici ni au début de la lettre il ne soit question du grand-prêtre.

[165] Les mss. ont les uns γραμμάτων, les autres πραγμάτων. Il s'agit probablement des lettres demandées pour arrêter Antiochus. En somme, le Sénat répond par une fin de non-recevoir polie.

[166] On était en pleine guerre des Cimbres.

[167] Ptolémée Evergète (Physcon), frère de Philométor, régna en Egypte de 146 à 117 av. J.-C.

[168] 126/5 av. J.-C. (187 Sél.)

[169] 123/2 av. J.-C.

[170] Les mots ἀπὸ Κυζίκου me paraissent interpolés.

[171] Voir plus haut la note de la section vi, 1.

[172] Cela a été indiqué vaguement à la section vi, 1, mais très probablement Josèphe, ici encore, copie étourdiment son guide.

[173] L'invasion d'Antiochus Cyzicène se place en 114 ou 113 av. J.-C. (On croirait à lire Josèphe qu'elle eut lieu immédiatement après l'avènement de Grypos). La lutte des deux frères aboutit à une sorte de partage en 111/110, Cyzicène obtenant la Cœlé-Syrie.

[174] Antiochus Sidétès.

[175] Cette phrase vague paraît désigner par anticipation les faits qui seront racontés en détail plus bas dans le la section 2.

[176] Je ne comprends pas bien le sens de cette phrase.

[177] On a peine à comprendre comment les Samaritains pouvaient molester les gens de Marissa, en pleine Idumée.

[178] D'après la Guerre, I, § 65, c'est Antiochus d'Aspendos (c’est-à-dire Grypos) que les Samaritains appellent à leur secours. Si cette version est exacte l'événement doit être placé avant 113.

[179] Ou Sôter II. Il avait succédé en titre à son père Evergète II : sa mère Cléopâtre était associée au trône et vraiment régente.

[180] D'après Guerre, I, § 66, les Juifs auraient pris Scythopolis de vive force après la chute de Samarie et occupé tout le pays en deçà du Carmel.

[181] Ce récit se lit aussi dans le Talmud, Sota, Jér. 24 b = Bab. 32 a, et dans Midrash Rabba sur Cantique, VIII, 7.

[182] Voir iii, 1.

[183] Ptolémée Lathyre, détrôné par sa nièce Cléopâtre, s'était réfugié dans le royaume de Chypre en 107 av. J.-C. Cléopâtre l'y relança. Un fils de Chelkias parait être mentionné en qualité de stratège (?) dans l’inscription que j'ai essayé de restituer Rev. ét. juives, XL (1900), p. 50 suiv.

[184] Voir v, 9.

[185] La distinction faite ici entre le roi et le grand-prêtre indique une source contemporaine d'Hérode (Nicolas).

[186] L'anecdote rapportée par Josèphe se lit également dans une baraïta du Talmud de Babylone, Kiddouschin, 66 a ; seulement le prince est appelé Jannée et non Hyrcan, et l'insulte est proférée par Juda ben Guadidiah : Eléazar (fils de Poéra) joue le rôle du Jonathas de Josèphe. Sur ce texte, qui semble extrait d'une Chronique pharisienne, voir Derenbourg, Essai, p. 79 ; Israël Lévi, Rev. ét. juives, XXXV, 1897, p. 218 suiv.

[187] Guerre, II, viii, 2-14.

[188] Il n'a pas encore été question de « sédition » proprement dite. Guerre, I, ii, est plus explicite.

[189] 135 à 105 ou 104 av. J.-C. - La Guerre, I, ii, lui prête 33 ans de pontificat.

[190] On a vu plus haut (x, 3) un autre exemple du don de prophétie attribué à Hyrcan.

[191] 481 ans à compter de 105 nous feraient remonter à 586. C'est la date, non du retour de Babylone, mais de la captivité elle-même (ruine du Temple, 10 Ab 586). Le chiffre donné par la Guerre, I, - 471 ans - n'est pas plus acceptable.

[192] Texte incertain et embrouillé.

[193] Cette forteresse avait été érigée par Hyrcan, au dessus et au N. du Temple (Ant., XVIII). Schürer croit (I3, 198) qu'elle s'élevait sur le même emplacement que la citadelle déjà mentionnée par Néhémie, ii, 8 ; vii, 2.

[194] Guerre (I, iii) ajoute « fabriqué en Galilée ».

[195] Guerre (I, iii)  « il est déjà quatre heures ».

[196] δαίμοσι. Cet hellénisme semble indiquer une source païenne (Nicolas ?).

[197] 104-103 av. J.-C.

[198] Peuplade du Liban. On a supposé sans raison suffisante qu'il s'agit de la Galilée, dont la judaïsation serait l'oeuvre d'Aristobule. Mais voir plus bas et v, 6.

[199] Josèphe ne s'aperçoit pas de la ridicule contradiction entre ce jugement de Timagène et le reste de sa biographie d'Aristobule. On remarquera aussi comment le Il mourut en…, plus haut, n'est que la paraphrase de la citation textuelle de Strabon.

[200] Josèphe oublie de dire que Salomé-Alexandra épousa Jannée, comme cela résulte de la suite (ch. 16).

[201] τοὺς τούτου χαρακτῆρας δείξαντος. Le sens est très douteux. Plus loin le mot genñmenon est inintelligible.

[202] Il s'appelait Absalômos (cf. livre XIV, ix, 4).

[203] Surnom officiel d'Antiochus Grypos.

[204] Havre à l'est du promontoire Carmel.

[205] A l'ouest du lac de Tibériade, dans la plaine du même nom (Sahel el-Battôf). Le site exact de la ville n'est pas connu.

[206] Site inconnu.

[207] οὐ μεταξὺ ἦσαν ἑστρατοπεδευκότες, nous traduisons au jugé.

[208] Josèphe cite évidemment Timagène à travers Strabon, comme plus haut.

[209] Formule copiée, comme si souvent, dans le document original.

[210] Texte incertain. Les mots μειζω γεινόμενον me paraissent être une glose de αὐξανόμενον.

[211] Texte douteux. On ne sait que faire de Ἰουδαίων (Naber: Ἰουδαίῳ ) ; je le supprime comme une glose de ἡμέτερον qui se lit quelques lignes plus loin.

[212] Au S. -E. du lac de Tibériade.

[213] Ruines à Amatha, au N. du Yabbok.

[214] Dans Guerre (I, iv) il est dit que Théodore reprit aussi ses propres trésors.

[215] Raphia est la première ville de la côte syrienne en venant d'Egypte. Anthédon était située entre Gaza et Ascalon.

[216] Lire οἰκείων au lieu de οἰκετῶν des mss.

[217] 96 av. J.-C.

[218] D'après Eusèbe, le Cyzicène se tua lui-même (95 av. J.-C.).

[219] Antiochus (XI) Épiphane Philadelphe.

[220] Lapsus pour troisième ; Josèphe veut dire le 4e fils de Grypos.

[221] Tous les mss. ici et dans la Guerre ont Ἄκαιρος. Εὔκαιρος est une « correction » des sommaires, que rien ne justifie.

[222] Tribu arabe nomade (Etienne de Byzance).

[223] D'après Appien, Antiochus Eusèbe vivait encore lors de l'invasion de Tigrane (83).

[224] La bévue coutumière.

[225] Livre III, § 245.

[226] C'est-à-dire que l'aïeule d'Alexandre avait été une captive (supra, x, 5).

[227] Une histoire analogue est racontée dans le Talmud de Babylone, Soukka, 48 b, mais sans le nom d'Alexandre ; on y retrouve le détail du bombardement à coups de citrons.

[228] Cette disposition existait déjà, selon Josèphe lui-même (VIII, § 95), dans le Temple de Salomon.

[229] Moab et Galaad avaient donc été occupés (depuis 400 ?) par les Arabes.

[230] Amathonte a été déjà prise au xiii, 3. Il faut en conclure qu'Alexandre l'avait reperdue. La Guerre, § 89, dit expressément qu'Alexandre s'empala de la forteresse qu'il trouva abandonnée.

[231] Au lieu de Garada la plupart des mss. ont Gadara. Nous écrivons la Gaulanitide d'après Guerre, I, § 90 (κατὰ τὴν Γαυλάνην). Dans Antiquités  les mss. ont Γαλλδίτιδος ou Ἰουδάνιδος : cette dernière forme se ramène facilement à Γαυλάνιγος (Niese). La Gaulanitide est au N.-E. du lac de Tibériade.

[232] Guerre, I, § 93 compte 1.000 cavaliers, 8.000 fantassins mercenaires, 10.000 Juifs pour Alexandre ; 3.000 chevaux et 14.000 hommes de pied pour Démétrius.

[233] Βεμέσελις d'après Guerre, I, § 96. Aucune des deux villes n'est connue.

[234] Le sens de ce surnom n'est pas clair. Les Thraces étaient célèbres par leur férocité.

[235] Conjecture de Niese. Les mss. ont Ζίζον.

[236] De la Mésopotamie.

[237] Le but de cette expédition était, non pas la Judée, mais l'Arabie ; Antiochus demandait seulement le passage. C'est ainsi d'ailleurs que les choses sont présentées dans la Guerre, I, § 99.

[238] Au N-E. de Jopé.

[239] Quelques mss. ont 160.

[240] C'est le roi des Arabes dont il vient d'être question.

[241] Dynaste de Chalcis etc., dans le Liban.

[242] Haditheh, à l'E. de Lydda.

[243] Dans la Pérée, ainsi que les villes suivantes. Au lieu de Dion, Guerre, § 104, a Pella.

[244] Leçon de Guerre, § 104. Dans les Antiquités on lit Ἔσσα.

[245] Dans Guerre, § 105, il est dit au contraire que le roi acquitta Démétrius (gouverneur de Gamala) des nombreuses accusations portées contre lui (παραλύσας au lieu de περιέδυσεν).

[246] Une énumération analogue est donnée par le chroniqueur Syncelle (I, 558 Dind.) et paraît remonter en dernière analyse à Juste de Tibériade. On y trouve plusieurs villes qui manquent dans Josèphe (Abila, Hippos, Philoteria, etc.). Cf. Tuch, Quaestiones de Flavii Josephi libris historicis (Lips., 1859), p. 12 suiv. Les villes enlevées aux Arabes, énumérées plus loin, XIV, § 18, complètent cette liste.

[247] Lemba est sans doute identique à Libba, ville enlevée aux Arabes (XIV, 18). Les quatre localités suivantes sont inconnues et la lecture des trois premiers noms fort incertaine.

[248] Probablement le Regeb de la Mishna (Menahoth, VIII, 3), fameux par son huile.

[249] 103 à 76 av. J.-C. - Les recommandations d'Alexandre à sa femme, rapportées par le Talmud (Sota, 22 b), sont assez différentes de celles que lui prête Josèphe ou Nicolas : il l'aurait surtout mise en garde contre les hypocrites, les faux dévots.

[250] Et aussi (Guerre, I, § 108) parce qu'elle observait scrupuleusement le code pharisien.

[251] Texte mutilé et obscur.

[252] Quelques mss. donnent 500.000 !

[253] La fille cadette de Ptolémée Physcon et de Cléopâtre, Séléné, avait épousé successivement Ptolémée Lathyre et Antiochus Grypus. On ne sait s’il faut l'identifier avec la Séléné qui fut la femme d'Antiochus Cyzicène et d'Antiochus Eusèbe (Appien, Syr., 69).

[254] Mithridate, après la déroute de Cabira (71), se réfugia, non chez les Ibères, mais en Arménie.

[255] Agaba est inconnue. Faut-il lire Gaba, place voisine du Carmel ? La traduction latine donne Gabatha.

[256] La forteresse appelée alors Bans (plus tard Antonia). Cf. Guerre, I, § 118.

[257] Je lis τῶν προσῳκειωμένων οὐχ ἡττον Les mss. ont τῶν μὴ προσδοκωμένων. Herwerden a proposé προσῳκειωμένων  mais en conservant μὴ  ce que je ne comprends pas.

[258] 76 à 67 av. J.-C.

[259] Je ne comprends pas cette phrase, sûrement altérée.