Page 20 - Sorcières et Sorciers chrétiens
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sur le référentiel biblique, on se situe dans un premier scénario de
dérive: l’emballement de l’autorité charismatique. Contrairement aux
idées reçues, il ne menace qu’exceptionnellement les milieux
fondamentalistes, qui paraissent au contraire bien protégés. Dans
l’optique fondamentaliste, c’est, en effet, la doctrine qui prime. Le
pasteur-prédicateur est soumis, comme les autres, au respect de la
doctrine défendue par le groupe. Face à l’autorité pastorale, les fidèles
disposent, par conséquent, d’une solide marge de manœuvre. Dans une
culture pentecôtiste/charismatique où prime l’interface avec un «Dieu
des miracles», les choses changent. L’autorité pastorale ne dépend plus
autant d’une prédication orthodoxe. Elle s’appuie moins sur la légitimité
du pasteur/docteur que sur celle du pasteur/prophète, intermédiaire
privilégié entre la divinité et les humains. A l’extrême, l’élément
régulateur n’est plus la doctrine, mais le charisme du pasteur, qu’il soit
prophète ou guérisseur (souvent les deux). Dans ce scénario, la voix de
Dieu peut tendre à s’identifier avec celle du pasteur-médiateur. Dès lors,
quel recours pour les fidèles? Contester les compétences du prédicateur
ne suffit pas, ici, à desserrer le poids de l’autorité pastorale, dans la
mesure où la mise en cause tend à être réinterprétée comme une
contestation de l’onction divine. On peut en arriver alors à se rapprocher
du profil «secte à gourou» tel que les médias l’ont popularisé, c’est-à-dire
d’un groupe dominé par un leader impérieux, dont l’autorité ne dépend
ni d’une légitimité institutionnelle, ni d’une légitimité doctrinale: sa seule
substance est le charisme du leader, instauré en norme suprême, à la
tête d’une «structure pyramidale». A l’image de ce fils de président
français qui développa ses entreprises en jouant sur sa ligne directe
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