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Ainsi tout Mizraïm ou la Basse Égypte était sous l'eau. Cet état du pays provenait
des débordements du Nil, qui, pour adopter le langage de Wilkinson (vol. I, p.
89),
"baignait autrefois le pied des montagnes sablonneuses de la chaîne
Lybienne"
.
Or, avant que l'Égypte n'offrit aux humains un séjour convenable, avant qu'elle
ne devint ce qu'elle a été plus tard, l'un des pays les plus fertiles, il était
indispensable qu'on mît des limites aux débordements de la mer (car le Nil était
primitivement appelé du nom même d'Océan, ou Mer, DIOD. liv. I, p. 8), et que
pour ce dessein on ne contînt les eaux par de grandes chaussées. Si le fils de Ham
amena alors une colonie dans la Basse-Égypte et s'y établit, c'est sans doute lui
qui fit ce travail. Quoi de plus naturel dès lors qu'un nom lui ait été donné pour
rappeler cette grande entreprise ? Et où trouver un nom aussi caractéristique que
"celui qui arrête la mer"
ou que le nom appliqué aujourd'hui à toute l'Égypte
(WILKINSON, vol. I, p. 2), Musr ou Misr ? Les noms tendent toujours à être
abrégés dans la bouche du peuple, par conséquent le pays de Misr est
évidemment
"le pays de celui qui arrête la mer"
. Il s'ensuit qu'arrêter la mer, la
retenir dans de certaines limites, c'était en faire comme une rivière, autant que
cela était possible dans la Basse Égypte. Le sujet étant ainsi conçu à ce point de
vue, quel sens admirable est renfermé dans le langage inspiré d'Ézéchiel
, où le prophète dénonce les jugements divins contre le roi
d'Égypte représentant de
"Metzraïm, celui qui arrêta la mer"
à cause de son
orgueil :
"Voici, j'en veux à toi, Pharaon, roi d'Égypte, grand crocodile qui te
couches au milieu de tes fleuves, et qui dis : Mon fleuve est à moi, c'est moi qui
l'ai fait !"
Quand nous lisons ce qui est rapporté des actions de Menés qui d'après
Hérodote, Manetho et aussi Diodore, était le premier roi historique de l'Égypte,
et que nous comparons ce qui est dit de lui avec la simple explication du sens du
nom de Mizraïm, quelle lumière l'un ne jette-t-il pas sur l'autre ! Voici comment
Wilkinson (
Les Égyptiens
, vol. I, p. 89) décrit le grand travail qui donna du
renom à Menés qui, s'il faut en croire l'opinion générale, fut le premier souverain
du pays :
"Ayant détourné le cours du Nil qui autrefois baignait les montagnes
sablonneuses de la chaîne Lybienne, il l'obligea à courir au centre de la vallée à