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9.2 2 En situation du Tiers monde : l'Afrique

Les appellations sont nombreuses, tiers-monde, deux-tiers-monde, pays en voie de développement, pays sous-développés, le sud (par contraste avec ’le nord’), pays pauvres, périphérie... La nature des pays ou des régions couverts par ces appellations est aussi diverse, mais certains éléments sont communs ou fréquents.

Ils souffrent d'une part des activités des sociétés multinationales qui achètent leurs productions à bas prix et qui leur vendent des marchandises à prix élevés. Ce décalage empire avec le temps. En même temps ils doivent payer un intérêt sur des montants énormes que leurs chefs d'état et leurs gouvernements ont acceptés de la part des banques et des gouvernements des pays déjà riches pour les ’aider’ à se développer. Au début des années quatre-vingt-dix le paiement des intérêts au taux du jour a rendu le developpement impossible.

D'un autre côté la classe dirigeante de ces pays s'accorde des privilèges semblables ou même plus que ceux dont la classe dirigeante des pays riches jouissent. Trop souvent aussi les membres de cette classe ont pu utiliser une grande partie du capital emprunté par le gouvernement national pour leurs propres intérêts familiaux. La conséquence de ces deux facteurs est que la plupart des habitants de ces pays vivent dans la pauvreté.

Partant de l'histoire coloniale vécue par nombreux d'entre eux, ceci est souvent analysé en termes de néo colonialisme. Les théologies qui s'adressent à cette situation, sont souvent appelées "théologies de libération". Le colonialisme du 19ème siècle se soutenait parfois par référence à la Bible. Le néo colonialisme ne le fait pas, sauf parfois dans le cas des membres de la classe dirigeante nationale qui expliquent leur position privilégiée ainsi. Il est donc plus rare que les théologies de libération se révoltent contre le texte biblique comme les lectures féministes sont souvent amenées à faire. Plus fréquemment les théologies du Tiers Monde mettent l'emphase sur les passages bibliques qui sont libérateurs et critiques de l'oppression.

L'archevêque Desmond TUTU abonde dans le sens de bien d'exégètes bibliques quand il écrit:

"On n'a pas besoin d'une connaissance très large de l'Ancien Testament pour comprendre que l'événement ou l'action auquel il accorde le plus d'importance est l'exode. ... L'expérience des Israélites de leur Dieu était d'abord du Dieu gracieux de l'exode... Ils ont compris l'avenir aussi en termes de l'exode... L'exode, donc, avait une importance primordiale dans la conscience d'un Israélite. Les psaumes s'y réfèrent incessamment; en lisant les prophètes on en trouve mention; il serait rappelé annuellement des bienfaits de Dieu envers son peuple en célébrant la pâque et en renouvelant ses obligations dans l'alliance, et il célébrait son Dieu en tant que le grand Dieu de l'exode, le Dieu libérateur."/234

John PARRATT, dans la "Conclusion" à sa collection d'articles sur "African Christian Theology" exprime clairement cette tendance positive envers le texte biblique:

"Toute théologie chrétienne se fonde, dans une certaine mesure, sur la Bible en tant que parole de Dieu, et la plupart des théologiens africains sont prêts à reconnaître la place centrale des Ecritures pour la théologie. Il est donc regrettable que jusqu'aujourd'hui le domaine des sciences bibliques est quelque peu négligé en Afrique. Une tache urgente des séminaires et des universités est la production de biblistes compétents, connaissant bien le Grec et l'Hébreu. Ceci est nécessaire pour que la Théologie africaine puisse se développer sur un niveau plus profond que le superficiel."/235

La nature ’fondamentaliste’ de la plupart des missions qui ont implanté le christianisme en Afrique est selon PARRATT un problème qui retarde l'épanouissement des sciences bibliques ici. En dépit des éléments positifs, comme le stress sur la Bible en tant que fondement de la foi, leur tendance à semer le désaccord, visible surtout en matière d'interprétation biblique, n'a pas (selon lui) aidé. Cependant, on commence à étudier la question d'interprétation biblique en contexte africain. Du côté anglophone, PARRATT cite MBITI, DICKSON, WAMBUDTA et ONWU, qui essaient de faire le pont entre le monde biblique et le monde africain.

En fait pour DICKSON il est question des continuités entre d'une part l'Ancien Testament et d'autre part les cultures et les traditions africaines; mais de discontinuité entre ces deux et le Nouveau Testament qui exprime la "lumière de la croix". Il n'est pas seulement question des continuités entre telle coutume africaine et telle coutume ou texte hébraïque, en plus et au niveau plus profond il y a une continuité entre l'herméneutique biblique et l'herméneutique qui doit sous tendre l'action actuelle dans et pour la société. "En se confrontant avec le texte, les Africains ne peuvent et ne doivent pas tourner le dos aux problèmes qui nous touchent."/236

La démarche de DICKSON est intéressante. On peut, et doit, néanmoins le critiquer. Entre autres il semble que cet auteur envisage accorder une place réduite à l'A.T., et risque donc de diminuer son statu de composant intégral de la Bible. S'il est vrai que le N.T. peut de temps en temps critiquer l'A.T., il n'est pas moins vrai que l'A.T. peut parfois critiquer le Nouveau, et plus que parfois critiquer la communauté chrétienne!

Fig. 72 Roi et reine egyptiens avec leurs enfants cf. Os 11

Peut être la plus intéressante de ses idées n'est pas développée dans cet article, la notion des similarités entre l'herméneu-tique veterotestementaire et celle pour l'Afrique actuelle. Nous avons déjà commenté la tendance des théologiens africains à se fonder sur la notion de libération et de faire d'elle une clef herméneutique. En ceci ils ressemblent à (tout au moins) certaines parties de l'A.T.. Par exemple pour Osée, comme pour TUTU, l'exode fournit une clef herméneutique pour comprendre sa société et la politique actuelle (cf. Os 11)/237.

Ce n'est pas seulement l'herméneutique libératrice veterotestamentaire qui peut intéresser le théologien africain. Car l'A.T. s'occupe aussi de l'interprétation des traditions coutumières (païennes) du peuple qui l'a produit. Les manières de lire ces traditions sont extrêmement diverses. A une extrême la tradition est opposée ou niée. Dans Jér 7.16-20 la pratique traditionnelle d'offrir gâteaux à une déesse à côté de YHWH, la Reine du ciel, résulte en l'interdiction au prophète d'intercéder en faveur du peuple et "un feu qui ne s'éteint pas" sur êtres humains, animaux et jusqu'aux plantes. Même la tradition hébraïque, enracinée dans la loi de Lévitique, d'offrir sacrifices à YHWH est condamnée si l'action est faite de mauvaise coeur (Pr 15.8;21.27; Es 1.11-16;66.3).

Cependant dans les psaumes les traditions païennes sont capables d'être prises pour exprimer la louange du Seigneur./238 Le Ps 89.10-11 reprend la tradition d'une bataille entre dieu et mer en ces termes:
   "C'est toi qui maîtrises l'orgueil de la mer;
       quand les vagues se soulèvent, c'est toi qui les apaises.
     C'est toi qui a écrasé le cadavre de Rahav,
       qui as dispersé tes ennemis par la force de ton bras."
Qu'ici la mer n'a plus toute sa force de daemon est évident quand au verset 26 elle est confiée sous l'autorité de David, quand même dans ce psaume la notion garde plus ou moins son sens d'origine. Certains psaumes vont plus loin et retravaillent l'image mythique pour parler de la traversée de la mer de Joncs lors de l'exode (66.6;78.13,53).

Les façons dont l'A.T. s'approprie des traditions tout en les utilisant pour exprimer sa foi dans le Dieu seul créateur peuvent suggérer aux théologiens africains plusieurs manières pour l'appropriation des traditions africaines pour l'expression de la foi chrétienne./239

Dernière section: 9.3 Comment lire


Ce manuel a été rédigé par le Dr Tim Bulkeley à l'intention des étudiants africains de théologie de l'Université protestante du Congo. Il est mis en forme électronique hypertexte par lui en 2003-4.

Toute partie de cet ouvrage peut être copiée par quelque moyen que ce soit, à la seule condition de retenir cette mention intacte sur chaque page.

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