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Répétition:

La répétition est un phénomène linguistique omniprésent. Son usage dans les textes littéraires est souvent complexe et multiforme. La répétition littéraire est souvent interne au texte, mais certains cas peuvent être externes. Les références intertextuelles (allusion, citation et rappel) est une sorte de répétition externe au texte (mais interne à un canon, un corpus, ou une littérature). On peut parler de répétition formelle surtout quand l'élément réitéré est sonore ou morphémique; et de répétition sémantique quand il est question du sens.
Dans la littérature biblique toute sorte de répétition est utilisée, et elle sert comme un des éléments les plus importants pour la rhétorique hébraïque. La répétition qui consiste à amasser des éléments semblables est très fréquente et efficace.

David Yellin/164 en donne plusieurs exemples du premier chapitre du livre de Esaie, entre autres:

Ainsi l'accumulation accentue l'effet, et grâce à ses rapports avec le parallélisme elle embellit le texte.
Rythme, rime, assonance, et allitération sont des techniques formelles répétitives. La question de rythme est problématique pour la littérature hébraïque, car la prononciation exacte de l'hébreu de l'époque de son usage en langue courante ne nous est pas connue. Il n'en sera pas question ici.

La rime:

La rime est la répétition d'un groupe de sons, surtout en poésie à la fin des stiques. Son usage en hébreu est difficile à chiffrer car les exemples cités sont souvent des suffixes personnels, et il est possible dans de tels cas que la répétition existe pour des raisons sémantiques plutôt que stylistiques, cf. Ps 18.36,49. Cependant un cas très marqué comme Dt 32.6 ne peut être ignoré:

הֲלוֹא־הוּא אָבִיךָ קָּנֶךָ
halô) -hû) )ābîka qānekā
N'est-ce pas lui ton père, qui t'a donné la vie?

הוּא עָשְׂךָ וַיְכֹנְנֶךָ
) (āsekā waykonenekā
C'est lui qui t'a fait et qui t'a établi.

Semblablement un cas long comme Jb 10.8-11 contient tant d'exemples qu'il est probable que la répétition soit intentionnelle, du moins l'auteur et ses lecteurs prévus devaient être conscients de cet effet. Le cas de Es 13.12 est intéressant:

אוֹקִיר אֱנוֹשׁ מִפָּז
)ôqîr )anôsh mippāz
Je rendrai plus rares les hommes que l'or fin

וְאָדָם מִכֶּתֶם אוֹפִיר
we)ādām mikketem )ôpîr
et l'être humain que l'or d'Ofir.

Notez la complexité de la répétition ici. Un mot, suivi de deux mots qui trouvent leurs synonymes tout de suite, et à la fin (faisant ainsi une inclusion) la rime du premier mot. Notez en même temps que les mots rimant ne présentent pas de semblants morphologiques ni sémantiques contrastez מִפָּז avec מִכֶּתֶם et אֱנוֹשׁ avec וְאָדָם.
La rime tout comme le calembour est fréquente dans le langage des prophètes, néanmoins la rime à la fin des stiques est rare dans la Bible et n'est pas du tout caractéristique de l'hébreu classique (cependant elle est assez répandue dans les poésies arabes et hébraïques post bibliques).

L'assonance:

L'assonance est la répétition d'un même son vocalique (ou des sons semblables), surtout de telle répétition dans les voyelles toniques Gn 49.17:

a יְהִי־דָן נָחָשׁ עֲלֵי־דֶרֶךְ
   yehî-dān nāhāš (alê-derek

Dan sera \ un serpent \ sur le chemin,

שְׁפִיפֹן עֲלֵי־אֹרַח
  šepîpōn (alê-)ōrah
un aspic \ sur le sentier,

c הַנֹּשֵׁךְ עִקְּבֵי־סוּס
   hannōšēk (iqqebê-sûs

qui mord \ les jarrets du cheval

d וַיִּפֹּל רֹכְבוֹ אָחוֹר
  wayyippōn rōkebô )ōhôr
et il tombe \ son cavalier \ à la renverse

De sept voyelles toniques dans les stiques b,c et d, six sont des longues "o" et "u". Il semble que ces voyelles (o et u) sont particulièrement aptes à l'expression des sentiments de crainte ou de chagrin profond. Un exemple classique se trouve dans Es 53.4-7, là les suffixes hû et nû se répètent fréquemment appuyées par des autres longues "o" et "u" parfois dans les syllabes toniques.

L'allitération:

L'allitération est la répétition des consonnes, surtout au début des mots (ou syllabes) Ps 122.6:

שַׁאֲלוּ שְׁלוֹם יְרוּשָׁלִָם
sha)alû shelôm yerûshālāim
Demandez \ la paix \ pour Jérusalem:

יִשְׁלָיוּ אֹהֲבָיִךְ
yishlāyû habāyû )ōhabāyik

qu'ils vivent tranquilles \ tes amis.

Schökel/165 cite le cas extrême mais frappant de Jb 5.8:

אוּלָם אֲנִי אֶדְרֹשׁ אֶל־אֵל
)ûlām )anî )edrōsh )el-ēl
Quant à moi, je m'adresserais à Dieu,

וְאֶל־אֱלֹהִים אָשִׂים דִּבְרָתִי
ve)el-)elōhîm )āshîm dibrātî
et c'est à Dieu que j'exposerais ma cause

La répétition de la consonne silencieuse, א "aleph", donne l'impression de bégaiement. L'effet produit par de telles techniques doit dépendre de la sémantique textuelle, car l'effet de la même répétition (d'"aleph") au Dt 26.5 est autre. Ici les pauses produisent l'impression d'une cloche ou d'un gong rendant solennel le début de cette confession de foi:

אֲרַמִּי אֹבֵד אָבִי
)arammî )ōbēd )ābî
Mon père était un Araméen errant...

Fig. 50 La porte du temple aurait été encadrée par deux pilliers (1 R 15-16, 21-22)

Inclusion:

Quand une unité ou élément textuel (p.ex.: poème, vers, phrase) termine avec une répétition de son commencement on parle d'inclusion. Parfois une inclusion est combinée avec un refrain, mais les fonctions d'inclusion sont autre que celles d'un refrain. Le Psaume 8 donne un bon exemple d'inclusion, il commence avec les mots:

SEIGNEUR, notre Seigneur,
que ton nom est magnifique
par toute la terre !

et il termine avec les mêmes mots. Ces mots donc donnent un cadre pour délimiter le Psaume, aussi ils nous informent du thème et le renforce à la fin.

Le livre du Deutéronome est introduit et achevé par des versets qui parlent de Moïse comme chef du peuple (1.1; 34.10ss.), qui leur transmettra les paroles du SEIGNEUR (1.3; 34.10), Moïse était puissant (1.4; 34.11 12), finalement cette introduction et cette conclusion rappellent l'exode (1.3; 34.11).

אֲנִי יְהוָה

L'auto-présentation (arétologie) par une telle formule n'est pas unique au SEIGNEUR. On trouve, entre autres, plusieurs recensions, de l'époque hellénistique, d'une arétologie d'Isis (la déesse égyptienne) qui commence "C'est moi Isis..." et qui parle de ses actions.

La petite unité d'Ex 6.2 8 nous montre une double inclusion, la parole de Dieu à Moïse commence et se termine par "C'est moi le SEIGNEUR" (vv.2,8), ce qu'il doit dire aux Israélites commence et se termine aussi avec ces mêmes mots/166 (vv.6,8).

La répétition qui produit l'inclusion peut être incomplète, par exemple le premier et le dernier versets de Ps 1 :

v1 Heureux l'homme
       qui ne prend pas le parti des méchants,
        ne s'arrête pas sur le chemin des pécheurs
       et ne s'assied pas au banc des impies;
v6 Car le SEIGNEUR connaît le chemin des justes,
       mais le chemin des méchants se perd.

Elle peut même être de la racine seulement (dans une autre forme) Ps 71.1 et 24:

1
בְּךָ־יְהוָה חָסִיתִי
   Je t'ai pris, SEIGNEUR, pour refuge;
 
  אַל־אֵבוֹשָׁה לְעוֹלָם
   je ne serai honteux jamais.
   
24
גַּם־לְשׁוֹנִי כָּל־הַיּוֹם
   Et ma langue, tout le jour, 
 
 תֶּהְגֶּה צִדְקָתֶךָ
   redira ta justice,
 
כִּי־בֹשׁוּ כִי־חָפְרוּ

   car c'est la honte, c'est l'infamie

 
מְבַקְשֵׁי רָעָתִי
   pour ceux qui cherchaient mon malheur.

On trouve des inclusions au niveau des strophes Ps 83.2:

   אֱלֹהִים אַל־דֳּמִי־לָךְ

   O Etre Divin, sors de ton silence;

  אַל־תֶּחֱרַשׁ    ne sois pas silencieux
  וְאַל־תִּשְׁקֹט אֵל    ne sois pas muet, O Dieu.

Ici aussi parfois c'est la racine qui se répète Jr 5.21:

שִׁמְעוּ־נָא
Ecoutez donc ceci,
peuple borné et sans cervelle :
Ils ont des yeux mais ils ne voient point,

des oreilles et ils n'entendent pas.
יִשְׁמָעוּ
Chiasme:

On entend par chiasme une série de mots ou d'idées avec sa répétition en ordre inverse A, B, C, C', B', A' (ou A, B, C, B', A'). Il existe le parallélisme chiastique, c. à d. le chiasme à l'intérieur d'un distique, ici on considérera le chiasme au niveau des unités textuelles plus étendues.

L'unité de Am 5.1-17 (ou 5.4-15) est chiastique/167:

    a

 Lamentation sur Israël

5.1-3    
   b  Cherchez!
   4-6    
  c  Avertissement aux pécheurs
     7       
 d  La puissance de Dieu à créer
     8       
 
"Il se nomme le SEIGNEUR"
 d'  La puissance de Dieu à punir
     9       

  c'
 Avertissement aux pécheurs et aux justes
  10-13
   b'  Cherchez!
  14-15
    a'  Lamentation en Israël
  16-17

 

Au sein de cette unité composite chiastique se trouve une petite unité chiastique, 5.4b-6a:

   a "Cherchez moi et vous vivrez.
  b  Mais ne cherchez pas à Béthel,
 c  au Guilgal n'entrez pas,

d

 à Béer Shéva ne passez pas;
 c'  car le Guilgal sera entièrement déporté
  b'  et Béthel deviendra iniquité.
   a'  Cherchez le SEIGNEUR et vous vivrez!"

Quelquefois la reconnaissance de l'élément stylistique est d'intérêt diachronique Es 1.21-26:

21
אֵיכָה הָיְתָה לְזוֹנָה קִרְיָה נֶאֱמָנָה
קִרְיָה נֶאֱמָנָה מְלֵאֲתִי מִשְׁפָּט
צֶדֶק יָלִין בָּהּ
Comment est elle devenue prostituée,
la cité fidèle, remplie de justice,
refuge du droit...
A
 
וְעַתָּה מְרַצְּחִים
et maintenant des assassins? B
22

כַּסְפֵּךְ הָיָה לְסִיגִים
סָבְאֵךְ מָהוּל בַּמָּיִם ׃

Ton argent est devenu de l'écume,
ton meilleur vin est coupé d'eau.
C
23
שָׂרַיִךְ סוֹרְרִים
וְחַבְרֵי גַּנָּבִים
Tes chefs sont des rebelles,
complices des voleurs.
 
 
כֻּלּוֹ אֹהֵב שֹׁחַד
וְרֹדֵף שַׁלְמֹנִים
יָתוֹם לֹא יִשְׁפֹּטו
וְרִיב אַלְמָנָה לֹא־יָבוֹא אֲלֵיהֶם
ּ
Tous ils aiment les présents,
ils courent après les gratifications.
Ils ne rendent pas justice à l'orphelin
et la cause de la veuve
n'arrive pas jusqu'à eux.
D
24
לָכֵן נְאֻם הָאָדוֹן
יְהוָה צְבָאוֹת
אֲבִיר יִשְׂרָאֵל
C'est pourquoi oracle du Seigneur
DIEU le tout puissant,
l'Indomptable d'Israël
E
 
הוֹי אֶנָּחֵם מִצָּרַי
וְאִנָּקְמָה מֵאוֹיְבָי
Malheur ! J'aurai raison de mes adversaires,
je me vengerai de mes ennemis.
D'
25
וְאָשִׁיבָה יָדִי עָלַיִךְ
וְאֶצְרֹף כַּבֹּר סִיגָיִךְ
וְאָסִירָה כָּל־בְּדִילָיִךְ
Je tournerai ma main contre toi:
avec un sel je refondrai ton écume,
j'éliminerai tous tes déchets.
C'
26
וְאָשִׁיבָה שֹׁפְטַיִךְ כְּבָרִאשֹׁנָה
וְיֹעֲצַיִךְ כְּבַתְּחִלָּה
Je ferai redevenir tes juges comme autrefois,
tes conseillers comme jadis,
B'
 
אַחֲרֵי־כֵן יִקָּרֵא לָךְ
עִיר הַצֶּדֶק
קִרְיָה נֶאֱמָנָה
et ensuite on t'appellera
Cité Justice,
Ville Fidèle.
A'

La critique ’littéraire’ (analyse des sources) et l'étude de la théologie du texte amènent les commentateurs à séparer les vv. 21-26 des deux versets suivants, ici par une analyse de la structuration rhétorique on peut ajouter une autre raison/168. Le chiasme ici sert pour renforcer les liens entre la première partie et la seconde et pour souligner le rétablissement que Dieu opérera.

Le chiasme peut se montrer plus au niveau de l'idéation que de l'expression Jr 2.5-9:

5 Ainsi parle le SEIGNEUR:
  En quoi vos pères m'ont ils trouvé en défaut
  pour qu'ils se soient éloignés de moi?

  Ils ont couru après des riens
 
     et les voilà réduits à rien. cf. v. 8
6 Ils n'ont pas dit : «Où est le SEIGNEUR
  qui nous a fait monter du pays d'Egypte,
  qui fut notre guide au désert,
 
    au pays des steppes et des pièges,
  pays de la sécheresse et de l'ombre mortelle,
  pays où nul ne passe, où personne ne réside?»
[Un mauvais pays, mais
  ils sont avec Dieu]
7 Je vous ai fait entrer au pays des vergers
  pour que vous en goûtiez les fruits et la beauté.
 
   Mais en y pénétrant, vous avez souillé mon pays
  et vous avez fait de mon patrimoine une horreur.
[Un bon pays, mais
souillé sans Dieu]
8 Les prêtres ne disent pas :
 «Où est le SEIGNEUR?»
 Ceux qui détiennent les directives divines
  ne me connaissent pas.



"les voila réduits à rien"
    Les pasteurs se révoltent contre moi.
  Les prophètes prophétisent au nom de Baal
  Ils courent après ceux qui ne servent à rien.
cf. v. 5
9

Aussi vais je plaider contre vous
oracle du SEIGNEUR
et plaider contre les fils de vos fils.

 

Relations intertextuelles:

Pour l'A.T. les relations intertextuelles sont probablement largement hors de notre reconnaissance, car nous ne connaissons qu'un petit corpus de la littérature de l'ancien proche Orient. Nous sommes en mesure de reconnaître les relations intrabibliques; certaines relations avec la tradition cananéenne, en dehors de celle des israélites (disponible grâce aux découvertes de Ras Shamra/169) et quelques références plus éloignées (à l'akkadien et l'égyptien par exemple). Cependant le corpus hébraïque extrabiblique nous est presque totalement inconnu.

Un exemple frappant d'échos verbaux intrabibliques se trouve dans le Ps 144.1-7./170 On peut indiquer ces échos en tableau:

Verset (et stique) du Ps 144: fait l'écho de:

1 Ps 18.35
3 Ps 8.5 (cf. l'usage en Jb 7.17-18)
4a Ps 39.6; 62.10

4b

Jb 8.9
5b Ps 104.32
6 Ps 18.15
7 Ps 18.7

Plus éloignées de la citation, les références aux récits et aux événements de l'histoire sainte sont nombreuses. Le livre d'Amos contient plusieurs allusions au séjour en Egypte et à l'exode. Les références explicites en langage traditionnel (Am 2.10; 3.1); une autre explicite mais en termes originaux (Am 5.25); mais aussi une référence indirecte et capable d'autre explication (Am 4.10a cf. Dt 7.15; 28.60) et une qui semble nier la base théologique de la tradition citée (Am 9.7).

Fig. 51 Deux dieux couronnés de cornes s'attaquent à un monstre avec sept têtes, sceau akkadien

Les allusions à la mythologie cananéenne et celle de la Mésopotamie sont nombreuses dans la poésie biblique. La transformation de la nature des textes cités est intéressante. Un conflit entre le roi des dieux et la mer peut être reconnu dans les cultures environnant l'Israël: à Babylone, le monde est fabriqué comme le résultat du conflit entre Mardouk et Tiamat; à Ougarit, Baal devient le chef des dieux par sa victoire sur Yam (יָם yām veut dire "mer" en hébreu comme en ougaritique). Le thème de la victoire du SEIGNEUR sur la mer est présent dans les cantiques hébraïques bibliques aussi. Parfois il semble être en relation avec la création du monde (cf. Babylone), mais à d'autres moments il mythifie la description de l'Exode en lui donnant un sens cosmique.

Voyons à titre d'exemple le Psaume 106.8-9:

8
וַיּוֹשִׁיעֵם לְמַעַן שְׁמוֹ
Mais il les sauva à cause de son nom,
 
לְהוֹדִיעַ אֶת־גְּבוּרָתוֹ ׃
pour montrer sa puissance.
9
וַיִּגְעַר בְּיַם־סוּף וַיֶּחֱרָב
il menaça la mer des Joncs et elle sécha;
 
וַיּוֹלִיכֵם בַּתְּהֹמוֹת כַּמִּדְבָּר ׃
il les fit marcher dans les abîmes comme dans le désert.

Le langage de ces versets est à noter "il menaça" (גָּעַר) cf Na 1.4 (dans un contexte de langage mythique) et la différence entre "faire marcher dans les abîmes" et la description plus simple du miracle dans la version Yahviste d'Ex 14.

Dans le psaume 114, l'expression est plus sophistiquée et le langage plus recherché, mais le contexte est en même temps plus cosmique et moins lié aux événements historiques. Déjà dans la description des vv.1-4 la mer et la rivière sont associées aux montagnes et sont personnifiées; par la suite, dans les vv.5-6, elles seront questionnées directement. Le contexte cosmique est encore souligné (mais ici aussi avec écho possible de l'exode) dans les vv.7-8.

La citation devient quasi textuelle dans Es 27.1:

      Ce jour là, le SEIGNEUR interviendra
 
  
  avec son épée acérée, énorme, puissante
 
וְהַחֲזָקָה עַל לִוְיָתָן נָחָשׁ בָּרִחַ
wh(chzqâ (l lwtn nchsh brch
  contre Léviatan, le serpent fuyant,
 
וְעַל לִוְיָתָן נָחָשׁ עֲקַלָּתוֹן
w(l lwytn nchsh (qlltô
  contre Léviatan, le serpent tortueux,
 
וְהָרַג אֶת־הַתַּנִּין אֲשֶׁר בַּיָּם ׃
whrg )t-htnn )shr bym
  il tuera le Dragon de la mer

 

cf.:

k tmhs ltn btn brh

Quand tu frappes Lotan le serpent fuyant,
  tkly btn (qltn tu achèves le serpent tortueux,
  slyt d sb(t r)asm Shaliyat aux sept têtes/171

Certaines allusions ne sont pas aux mots mais aux topoi. Un motif littéraire, qui devient par usage, traditionnel est appelé un topos. La description de l'homme comme fait de la poussière et qui retournera à la poussière est un topos (Gn 3.19; 18.27; Jb 7.5,21; 10.9; 17.16; 20.11; 21.26; 34.15; Ps 22.15,29; 30.9; 44.25; 103.14; 104.29; Qo 3.20; 12.7; Es 26.19; Dan 12.2; Na 3.18). Au niveau plus large, la structure de la rencontre au puits entre un homme et la fiancée future d'un patriarche est un topos./172 Considererons les récits exemplaires de Jacob et Isaac, les éléments que nous notons ci-bas reviennent en presque chaque cas:

La répétition de ce topos peut être différenciée de plusieurs manières. Il est typique des deux personnages que Rébecca soit active en Gn 24 que mais Isaac soit l'objet des actions des autres. Dans le récit de Jacob il est de la justice ironique que le fraudeur Jacob (Gn 27) soit fraudé en lui donnant en mariage la soeur qu'il n'aime pas (Gn 29.15ss.).

Le renversement opéré par le livre de Ruth est aussi intéressant sur le plan de la rhétorique textuelle. Ici c'est la femme, Ruth, qui voyage (Rt 1.22); elle n'est plus fille (mais le mot revient comme leitwort dans le ch.2); on ne mentionne pas de puits, mais de l'eau puisée est offerte (Rt 2.9) et l'invitation à manger vient de l'homme. Dans ce petit livre, où tout est renversé ou projeté à l'extrême, le topos de fiançailles est aussi renversé et le rôle de la femme est pris par l'homme, enfin ce sont les fiancés eux mêmes qui décident le mariage sur initiative féminine (Rt 3.1ss.).

Prochaine section: 7.2 3 Quelques techniques sémantiques


Ce manuel a été rédigé par le Dr Tim Bulkeley à l'intention des étudiants africains de théologie de l'Université protestante du Congo. Il est mis en forme électronique hypertexte par lui en 2003-4.

Toute partie de cet ouvrage peut être copiée par quelque moyen que ce soit, à la seule condition de retenir cette mention intacte sur chaque page.

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