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LES CANONS DE DORDRECHT

 

Le solide fondement

 

Mise en page par Jean leDuc

 

 

« Aux ennemis de la vérité, sachez que nous vous répondrons par la bouche de nos Canons »

 

Toutefois le fondement de Dieu demeure ferme, ayant ce sceau : le Seigneur connaît ceux qui sont siens ; et, quiconque invoque le nom de Christ, qu'il se retire de l'iniquité. 2 Tim. 2:19, Bible Martin.

 

(voir aussi: TULIPE les doctrines de la grâce)

 

 


 

CANONS DU SYNODE DE DORDRECHT

Jugement du Synode national des Églises Réformées des Pays-Bas tenu à Dordrecht, l'an 1618 et 1619 Auquel Synode se sont trouvés les Théologiens des Églises Réformées de la Grande-Bretagne, du Palatinat Électoral, de Hesse, Suisse, Correspondance de Wedderau, Genève, Brême et Emden, les députés français n'avaient pas été autorisés à sortir du Royaume.

 

Concernant les cinq articles de doctrine:

Auquel est ajouté: Le Canon des Églises Réformées de France du Synode National, tenu à Alès dans les Cévennes, le 6 octobre 1620, avec le Serment d'approbation de l'ensemble des Canons de Dordrecht.

 


 

TABLE DE MATIÈRES

 

 

Note du rédacteur: LES CINQ POINTS DE DOCTRINE

 

EXTRAITS DE LA PRÉFACE AUX CANONS DE DORDRECHT

I - La prédestination, l'élection et la réprobation

I, II, III, IV, V, VI, VII, VIII, IX, X, XI, XII, XIII, XIV, XV, XVI, XVII, XVIII.

 

REJETS DES ERREURS

I, II, III, IV, V, VI, VII, VIII, IX.

 

II - La mort de Jésus-Christ et la rédemption des hommes

I, II, III, IV, V, VI, VII, VIII, IX.

 

REJET DES ERREURS

I, II, III, IV, V, VI, VII.

 

III-IV - La corruption de l'homme et sa conversion à Dieu

I, II, III, IV, V, VI, VII, VIII, IX, X, XI, XII, XIII, XIV, XV, XVI, XVII.

 

REJET DES ERREURS

I, II, III, IV, V, VI, VII, VIII, IX.

 

V - La persévérance des saints

I, II, III, IV, V, VI, VII, VIII, IX, X, XI, XII, XIII, XIV, XV.

 

REJET DES ERREURS

I, II, III, IV, V, VI, VII, VIII, IX.

 

Conclusion

 

Canons des Églises Réformées de France et Serment d'approbation de l'ensemble des Canons de Dordrecht

 

 

Les nombreux textes bibliques reproduits sous chaque question ont été remplacés par ceux de la Bible Martin (V.M.), la Bible Ostervald (V.O.), ou la Bible de l’Épée (V.É.). Notre choix de ces versions est dû au fait que chacune d’elles est basée sur le Texte Reçu Grec des Réformateurs, dont la traduction en langue française fut longtemps reconnue comme la Bible officielle des Églises Réformées, devenue maintenant en ces derniers temps «l’Église Déformée» du christianisme contrefait moderne. Le Calvinisme Marginal, de théologie Hyper-Calviniste, ne reconnaît aucunes autres versions françaises comme étant la pure Parole de Dieu, perpétuellement inspirée et providentiellement préservée dans la mesure de leur fidélité aux originaux Hébreu et Grec. D’entre toute la théologie de l’Église dite Réformée (traditionnelle, baptiste, ou autres vermines sectaires de la sorte), que nous rejetons en gros à cause de son intellectualisme qu’elle a érigée en idole, et de plusieurs fausses doctrines du catholicisme qu’elle refuse obstinément de purger de son sein, nous reconnaissons seulement la validité des Canons de Dordrecht ainsi que T.U.L.I.P.E. auxquels nous adhérons fortement.

 

Jean leDuc

 


 

NOTE DU RÉDACTEUR

pour faciliter la compréhension

DES CINQ ARTICLES DE DOCTRINE

 

D'aucuns regretteront l'initiative de publier Les cinq Articles ou Canons du Synode de Dordrecht. A une époque de recherche oecuménique, n'est-il pas de mauvais goût de rééditer un document qui - nous dit-on - reflète une "position dure", contestée par nombre d'Églises? Serait-il donc légitime d'appeler "dures" et de rejeter les doctrines fondées sur la sainte Écriture?

 

Selon l'opinion publique, il semble inacceptable de parler d'élection, de réprobation, de prédestination.

 

Ces doctrines, pense-t-on, ne seraient que le fruit des spéculations de l'apôtre Paul: elles auraient rendu odieux l'Évangile de Jésus et compromis sa diffusion dans le monde... Au diable donc saint Paul!

 

Par quoi cette condamnation sans appel pourrait-elle se justifier? Par des textes bibliques, qui inviteraient à une "lecture" différente mais légitime? Il ne semble guère. Un théologien libéral aussi averti que l'était Edouard Reuss n'a pas craint d'affirmer:

 

«Ce n'est pas avec des lambeaux de textes bibliques qu'on réfutera les Canons du Synode de Dordrecht! Tel est le point de vue de quiconque connaît les Écritures et veut en respecter l'autorité.»

 

L'élection, la prédestination - ou préordination - ne sont pas une invention de l'Apôtre. Il y a plus prédestinatien que lui! Au risque de surprendre, c'est le Christ! Que le lecteur de ces Articles de foi en soit dûment informé, s'il souhaite comprendre leur message et sa divine profondeur, et qu'aucun texte ne puisse être contourné, omis ou oublié. Pour nous en tenir au Nouveau Testament, voici une liste de témoignages qui traitent de l'élection, sa source et ses conséquences. Plus de trente passages (une cinquantaine de versets), sont des paroles du Christ. Une cinquantaine d'autres (quatre-vingt-cinq versets) sont des affirmations apostoliques. Selon l'analogie de la foi, il n'y a pas, dans le Nouveau Testament, de doctrine plus solidement établie.

 

 

TEXTES BIBLIQUES

concernant l'élection et la prédestination

I Paroles de Jésus-Christ.

Mt 11:25-27; 13:11-15; 16:17; 19:11, 25-26; 22:14; 24:22, 31, 40-42; 25:34.

Mc 4:11-12; 10:40; 13:20, 26.

Lc 10:20, 22; 17:34-37; 18:7, 26-27.

Jn 5:21; 6:37, 44-45, 65; 10:3, 26:30; 13:18b; 15:16, 19-20; 17:2, 6, 9, 11-12, 24.

II Paroles des Apôtres.

Jn 1:13; (Jean Baptiste en 3:27); 12:39-40, = Es 6:10.

Ac 2:39; 9:15-16; 10:40; 13:2, 48; 15:7b; 22:14; 26:16-17.

Rm 1:6; 8:28-30, 33; 9:10-29; 11:4-7, 28-29.

1 Co 12:3, 18; 2 Co 13:5-6.

Ga 1:15-16.

Ep 1:4-14; 2:8-10; 3:11.

Ph 1:29; 2:13.

Col 1:12; 3:12.

1 Th 1:4; 5:9; 2 Th 2:13.

2 Tm 1:9; 2:10. Tt 1:1-2.

Hé 1:14.

1 P 1:1-2; 5:13; 2 P 1:10; 1 Jn 1:13; Jude 1:3 in fine.

Ap 13:8; 17:8, 14; 20:15.

 

Nul donc ne peut lire et comprendre ces Articles, prétendre en contester la forme ou le fond, s'il ne prend d'abord connaissance des textes ici rassemblés. D'une part, la compréhension des quatre autres Articles lui sera ouverte; d'autre part, s'il conteste ou en récuse telle partie, il devra se poser la question: "Pourquoi et comment m'est-il possible de ne plus savoir ce que je viens d'apprendre, de refuser l'école du Saint-Esprit, de récuser l'autorité du Christ?" - Ce n'est pas une bonne chose, dit Calvin, de penser ne point savoir ce que nous savons; ... car l'Écriture est l'école du Saint-Esprit, en laquelle comme il n'y a rien d'omis qui soit salutaire et utile à connaître, ainsi il n'y a rien d'enseigné qu'il ne soit expédient de savoir (Com. 1 Co 8:2 et Inst. III, xxi, 3). Pour conclure son exposé sur l'élection, et asseoir sa vérité, Calvin ne peut mieux faire que rapporter l'enseignement du Christ dans l'Évangile de Jean qu'il cite une douzaine de fois (Inst. III, xxii, 7).

 

Comment, dès lors, est-il possible que des contradicteurs - Ariens, Arminiens, Remonstrants, «et Évangéliques, J.L.» - s'opposent au Christ, ne comprennent pas son langage, en dénaturent le sens, lancent des objections irrecevables, infèrent des conclusions scandaleuses ou immorales, en arrivent à affirmer que nous croyons ce que nous ne croyons pas? Dès l'instant où une attitude humaine, quelle qu'elle soit, s'interpose entre l'Écriture et sa compréhension: ce peuvent être les "revendications" du sens commun, du sens moral, de la raison naturelle et de se propre logique; en un mot, toute "antériorité" ou "supériorité" sur l'Écriture de l'homme, de la science ou de l'Église.

 

En effet, les lois qui régissent nos pensées, nos actes et nos relations entre personnes et avec Dieu sont spécifiques et font apparaître à rétablir des principes essentiels à toute "logique chrétienne". Nul ne peut comprendre l'Écriture, les pensées et les actes de Dieu et du Christ, la puissance de l'Esprit, s'il ne s'est pas (ou n'a pas été) "dépouillé du vieil homme avec ses actions, et ne s’est revêtu le nouvel homme; qui se renouvelle en connaissance, selon l’image de celui qui l’a créé." Il importe, en effet, "qu'il ne se conforme point à ce présent siècle, mais qu'il soit transformé par le renouvellement de son entendement, pour éprouver quelle est la volonté de Dieu, bonne, agréable, et parfaite" (cf. Col 3:9-10; Rm 12:2, V.M.).

 

Il n'y a ni compréhension, ni interprétation possibles des Écritures sans conversion du cœur et de l'esprit, sans conscience de la grâce de Dieu dispensée par la mort du Christ, et sans certitude d'être appelé, d'être élu. Ce sont notre pardon, notre élection qui nous donnent l'humilité du cœur, de l'intelligence et de la volonté sous la seigneurie du Christ. Seule l'humilité nous permet de lire la Révélation selon l'analogie de la foi. A elle seule déjà, elle est principe de connaissance et d'interprétation: elle est docilité et non curiosité, sobriété et non subtilité, acquiescement et non témérité. Elle ne procède pas de haut en bas, mais de bas en haut; elle reçoit pour vrai ce que Dieu affirme, promet et donne. Par elle, Dieu fait don de sa paix; à qui croit en lui, il promet le repos de son âme, la liberté de sa conscience. Le croyant est héritier de Dieu, cohéritier du Christ (Rm 8:17). Il n'y a que l'humilité qui nous élève et fasse grands, dit Calvin (Com. Mt 18:4).

 

Toute la discussion de Dordrecht a pour cause première l'impossibilité pour les Remonstrants - pour le positivisme, le scientisme, le rationalisme aujourd’hui - de concevoir chez l'homme une relation équilibrée entre liberté, contrainte et nécessité; ils lui imposent la nécessité intérieure des lois de la nature. A l'opposé, l'anthropologie biblique révèle, au cœur de l'homme, une nécessité morale et mystique de la volonté, qui n'en appelle pas à la contrainte, n'annihile pas sa liberté, mais l'affranchit de tout asservissement aux dogmes philosophiques et scientifiques, comme à l'Écriture récuse tout déterminisme interne à notre vie consciente, de même que tout déterminisme externe ou tout prédéterminisme. C'est un postulat de notre logique chrétienne de prendre en considération les principes révélés quant à la liberté, la contrainte et la nécessité.

 

De quelle manière, par exemple, Dieu agit-il? Si l'on pose la question: "Dieu est-il nécessairement bon?" - Oui. Mais pourquoi? Parce que sa bonté est si essentiellement jointe à sa divinité, qu'il ne lui est pas moins nécessaire d'être bon que d'être Dieu. Objectera-t-on: "Dieu ne mérite donc guère d'être loué pour sa bonté, puisqu'il se voit contraint de la garder!" - Nous répondons: "Cela vient de sa bonté qu'il ne puisse mal faire, non d'une contrainte violente. Ainsi, rien n'empêche la volonté de Dieu d'être libre, bien qu'il soit nécessaire qu'il fasse bien." Autrement dit: C'est une nécessité que Dieu fasse ce qu'il fait comme il le fait, mais il le fait avec une totale liberté, exempte de toute contrainte.

 

Ainsi en est-il de l'homme que Dieu a créé à son image. Parfaits à l'origine, Adam et Ève vivaient dans une totale liberté; tout ce qu'ils faisaient était nécessairement bel et bon; leurs pensées et leurs actes étaient l'expression spontanée de leur volonté bonne; ils ne subissaient nulle contrainte. Leur agir humain était à l'image de l'agir divin. Mais quand, mésusant de leur liberté, ils sont volontairement tombés dans le péché, ni l'un ni l'autre ne pouvait plus de lui-même, par ses seules forces, faire autrement que pécher en pensées, en paroles et en actes, et suivre le mouvement tout aussi spontané de la perversité de leur entendement, la révolte de leur volonté, l'impureté de leurs affections. Dès lors, c'est de son propre vouloir que l'homme pèche nécessairement; mais il pèche librement, sans aucune contrainte. Il y prend même plaisir! Il est donc inexcusable et en porte seul la responsabilité. Ainsi en est-il de chacun de nous.

 

Nous sommes au cœur de la psychologie et de la pédagogie chrétiennes, à l'école de la plus fine théologie qui nous rend attentifs au déploiement et à la réception de la grâce de Dieu, et nous enrichit d'un nouveau principe de logique: Dieu met sa science et sa toute-puissance au service de sa grâce: il restaure, préserve et cautionne notre liberté; il régénère notre cœur et notre volonté, et nous rend de plus en plus libres. Plus il agit en nous, plus le Christ nous affranchit, plus nous sommes réellement libres (Jn 8:36). "Or le Seigneur cet Esprit là; et où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté." - "Car c'est Dieu qui produit en vous avec efficace le vouloir, et l'exécution selon son bon plaisir." – Tenez-vous donc ferme dans la liberté à l’égard de laquelle Christ nous a affranchis, et ne vous soumettez plus au joug de la servitude" (2 Co 3:17; Ph 2:13; Ga 5:1; V.M.).

 

Nous croyons donc en un Dieu tout-puissant, capable de faire arriver librement et sans contrainte ce qu'il veut nécessairement. Sachant cela, nous pourrons saisir le sens et la porté de ces Articles, et l'impossibilité d'appliquer à l'interprétation des Écritures les impératifs de la raison naturelle.

 

Croyants graciés, nous n'avons de vertus et d'aptitude au bien que par la grâce de Dieu qui nous donne la liberté de réaliser dans nos pensées, nos paroles et nos actes, notre vraie nature en Jésus-Christ, édifiée sur une confiance certaine du cœur et la paix de notre conscience - Tout ceci est abondamment développé dans le livre de Pierre Ch. Marcel: Face à la Critique, Jésus et les Apôtres: Esquisse d'une logique chrétienne, (Genève - Paris: Labor & Fides/Kerygma, 1986), et dans: "L'humilité d'après Calvin",

 

La Revue Réformée, No 42, 1960/2.

Pierre Ch. Marcel

 


 

EXTRAITS DE LA PRÉFACE AUX CANONS DE DORDRECHT

Parmi plusieurs consolations que notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ a données à son Église militante dans son douloureux pèlerinages, est à bon droit estimée comme l'une des principales, celle qu'il lui a laissée, étant sur le point de retourner vers son Père dans la Sanctuaire céleste: Je suis toujours avec vous, jusqu'à la fin du monde (Mt 28:20). La vérité de cette très douce promesse est apparue dans l'Église de tous les temps. Car ayant, dès le commencement, été assaillie, non seulement par la violence ouverte des ennemis et par l'impiété des hérétiques, mais aussi par l'astuce couverte des séducteurs, si le Seigneur l'eût destituée de l'aide salutaire de sa présence qu'il lui a promise, elle eût depuis longtemps été ou oppressée par l'effort des tyrans, ou séduite, pour sa perdition, par la fraude des imposteurs.

 

Ainsi, notre fidèle Sauveur a fait paraître en notre temps sa présence favorable à l'Église de ces Pays-Bas, grandement affligée depuis plusieurs années déjà. Car, ... cette Église étant très florissante, à cause du bon accord qu'on y voit, en vraie doctrine et discipline, à la louange de son Dieu, pour l'admirable accroissement de la République, et la joie de la Chrétienté réformée, il est advenu que Jacques Arminius et ses sectateurs, ayant pris le nom de Remonstrants, l'ont d'abord sollicitée couvertement, puis après tout ouvertement attaquée par diverses erreurs, tant anciennes que nouvelles. Et même, l'ayant troublée opiniâtrement par des dissensions et des schismes scandaleux, l'ont amenée dans un danger tel que ces Églises très florissantes eussent été finalement consumées par l'horrible embrasement des dissensions et des schismes, si la commisération de notre Sauveur n'y fût à point intervenue.

 

Mais béni soit à jamais le Seigneur qui, après avoir pour un moment, détourné sa face de nous (qui avions provoqué en diverses sortes sa colère et son indignation), a témoigné au monde entier qu'il ne met point en oubli son Alliance, et ne méprise point les soupirs des siens. Car... il lui a plu d'inspirer aux très illustres et très puissants Seigneurs les États des Provinces Unies cette sainte volonté que, par le conseil et la conduite du très illustre et très magnanime Prince d'Orange, ils ont résolu d'obvier à ces maux furieux par des moyens légitimes, dès longtemps approuvés par la pratique des Apôtres et des Églises chrétiennes qui les ont suivis depuis, moyens dont les Églises mêmes de ces Provinces Unies se sont déjà servis avec grand fruit.

 

Par leur autorité, ils ont donc convoqué à Dordrecht, un Synode de toutes les Provinces placées sous leur commandement, ayant préalablement requis, par la faveur du Sérénissime Jacques Roi de la Grande-Bretagne, etc., et des très illustres Princes, Comtes illustres, et puissantes Républiques, et obtenu plusieurs très graves théologiens, afin que - par le commun jugement de tant de gens doctes et théologiens de l'Église réformée - ces dogmes d'Arminius et de ses sectateurs fussent mûrement examinés, et qu'il en fût jugé par la seule Parole de Dieu; afin aussi que la vraie doctrine étant établie et la fausse rejetée, par la bénédiction divine, la concorde, la paix et la tranquillité fussent restituées aux Églises des Pays-Bas. C'est là le bienfait dont se réjouissent les dites Églises, reconnaissant en toute humilité, et louant avec action de grâces, les fidèles commisérations de leur Sauveur.

 

Ce vénérable synode donc (après avoir, par l'autorité du Souverain Magistrat, publié et célébré certain jour de jeûne et de prière dans toutes les Églises de ces Provinces, pour éviter la colère de Dieu et demander son secours favorable), étant assemblé à Dordrecht, embrasé de l'amour de Dieu et d'un ardent désir du salut de l'Église; - s'étant après l'invocation du nom de Dieu obligé par un saint serment, qu'en ce jugement il ne suivrait d'autre règle que la seule Écriture sainte, et s'emploierai en la connaissance et jugement de toute cette cause, en bonne et saine conscience; - après avoir aussi fait citer les principaux chefs et défenseurs de ces dogmes, il s'est employé soigneusement, avec une grande patience, à les inciter à exposer plus amplement leur sentiment sur les Cinq points de Doctrine, si connus, ainsi que les raisons de leur opinion.

 

Mais, comme ils rejetaient le jugement du Synode, et refusaient de répondre aux interrogatoires de la manière qu'il convenait; comme ils ne tinrent aucun compte des commandements des très honorables Députés des Seigneurs les États Généraux, ni des mandements des dits illustres, hauts et puissants Seigneurs, les États Généraux eux-mêmes; - le Synode a été contraint de suivre une autre voie, par le commandement des dits Seigneurs, selon la coutume depuis longtemps reçue des anciens Synodes. On a donc fait l'examen des ces Cinq points de Doctrine, sur les écrits, confessions et déclarations, partie mise auparavant en lumière, partie aussi exhibés à ce Synode.

 

Ce qu'étant maintenant achevé par la singulière grâce de Dieu, non sans une exquise diligence, en toute fidélité et bonne conscience, avec un très grand accord et consentement de tous et de chacun de ceux qui y ont assisté: - ce Synode, pour la gloire de Dieu, et afin de pourvoir au maintien de la Vérité salutaire, à la tranquillité des consciences et à la paix et conservation de l'Église de ces Pays, a trouvé expédient de publier le Jugement qui s'ensuit, par lequel est, d'une part, exposé le sentiment s'accordant avec la Parole de Dieu concernant ces Cinq points de Doctrine; et d'autre part, est rejeté celui qui est faux et contredit la Parole de Dieu - La transcription des Extraits de la Préface, et des Cinq articles de Doctrine, en orthographe et français modernisés est de Pierre Ch. Marcel.

 

Le remplacement des citations bibliques pour celles de la pure Parole de Dieu, telles que reconnue anciennement par les Réformées, ainsi que les ajouts du Décret du Calvinisme Marginal et l'Examen de la T.U.L.I.P.E., les Cinq Points du Calvinisme, sont par Jean leDuc.

 


 

LES CANONS DE DORDRECHT

 

I - LA PRÉDESTINATION, L'ÉLECTION ET LA RÉPROBATION

Le premier point de doctrine concernant la prédestination, l'élection et la réprobation:

 

I

Du fait que tous les hommes ont péché en Adam, et se sont rendus coupables de la malédiction et de la mort éternelle, Dieu n'eût fait tort à personne s'il eût voulu laisser tout le genre humain dans le péché et la malédiction, et le condamner à cause du péché, suivant ces paroles de l'Apôtre: Tout le monde soit reconnu coupable devant Dieu... Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu (Rm 3:19, 23; V.É.). Et: Car le salaire du péché, c'est la mort (Rm 6:23; V.É.).

 

II

Mais l'amour de Dieu a été manifesté en ceci: qu'il a envoyé son seul Fils engendré dans le monde, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle (1 Jn 4:9; Jn 3:16; V.É.).

 

III

Or, pour amener les hommes à la foi, Dieu envoie bénignement les hérauts de cette joyeuse nouvelle à ceux qu'il veut, et quand il veut, par le ministère desquels les hommes sont appelés à la repentance et à la foi, en Jésus-Christ crucifié. Et comment croiront-ils en celui dont ils n'ont pas entendu parler? Et comment en entendront-ils parler, s’il n’y a pas quelqu’un qui prêche? Et comment prêchera-t-on si l’on n’est pas envoyé? (Rm 10:14-15; V.É.)

 

IV

Ceux qui ne croient point à cet Évangile, la colère de Dieu demeure sur eux; mais ceux qui le reçoivent et embrasent le Sauveur Jésus d'une vraie et vive foi, sont délivrés par lui de la colère de Dieu et de la perdition, et sont faits participants de la vie éternelle.

 

V

La cause ou la coulpe de cette incrédulité, non plus que de tous les autres péchés, n'est nullement en Dieu, mais en l'homme. Mais la foi en Jésus-Christ, et le salut par celui-ci, est un don gratuit de Dieu, comme il est écrit: Car vous êtes sauvés par la grâce, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c'est le don de Dieu (Ep 2:8; V.É.). De même: Parce qu'il vous a fait la grâce, à cause de Christ, non seulement de croire en lui, mais encore de souffrir pour lui (Ph 1:29; V.É.).

 

VI

Quant à-ce que Dieu donne en son temps la foi à certains et ne la donne point aux autres, cela procède de son décret éternel. Car le Seigneur fait ces choses "connues de toute éternité" (Ac 15:18; V.É.); et: Il opère toutes choses selon le conseil de sa volonté. (Ep 1:11; V.É.)

 

Selon ce décret, Dieu amollit par grâce le cœur des élus, quelque durs qu'il soient, et les fléchit à croire; mais, par un juste jugement, il laisse ceux qui ne sont point élus dans leur méchanceté et leur dureté. C'est ici que se découvre principalement le profonde, miséricordieuse et pareillement juste distinction entre des hommes qui étaient également perdus; ou encore le décret de l'élection et de la réprobation révélé dans la Parole de Dieu; décret que les pervers, les impurs et les mal assurés tordent pour leurs perdition, mais qui donne une consolation indicible aux âmes saintes et religieuses.

 

VII

Or, l'élection est le propos immuable de Dieu, par lequel, selon le très libre et bon plaisir de sa volonté, par pure grâce, il a, en Jésus-Christ, élu au salut avant la fondation du monde - d'entre tout le genre humain déchu par sa propre faute de sa première intégrité dans la péché et la perdition, - une certaine multitude d'hommes, ni meilleurs ni plus dignes que les autres, mais qui, avec ceux-ci, gisaient dans une même misère.

 

Ce même Christ, Dieu l'a aussi constitué de toute éternité Médiateur et Chef de tous les élus, et fondement du salut. Ainsi, Dieu a décidé de les donner au Christ pour les sauver, de les appeler et tirer efficacement à la communion du Christ et par sa Parole et par son Esprit; autrement dit, de leur donner la vraie foi en lui, de les justifier et sanctifier, et, après les avoir puissamment conservés dans la communion de son Fils, de les glorifier finalement, pour la démonstration de sa miséricorde, et à la louange des richesses de la gloire de sa grâce, selon qu'il est écrit: Dieu nous a élus en Lui avant la fondation du monde, afin que nous fussions saints et irrépréhensibles devant lui en charité; nous ayant prédestinés pour nous adopter à soi par Jésus-Christ, selon le bon plaisir de sa volonté, à la louange de la gloire de sa grâce, par laquelle il nous a rendus agréables en son Bien-Aimé (Ep 1:4-6; V.M.). Et ceux qu'il a prédestinés, il les a aussi appelés; et ceux qu'il a appelés, il les a aussi justifiés; et ceux qu'il a justifiés, il les a aussi glorifiés (Rm 8:30; V.M.).

 

VIII

Cette élection n'est point de plusieurs sortes: elle est une seule et même élection de tous ceux qui seront sauvés, dans l'Ancien et le Nouveau Testaments, attendu que l'Écriture prêche un seul bon plaisir, propos arrêté et conseil de la volonté de Dieu, par lequel il nous a élus de toute éternité, tant à la grâce qu'à la gloire, tant au salut qu'à la voie du salut qu'il a préparée afin que nous cheminions en elle.

 

IX

Cette élection-là s'est faite, non point en considération de la foi prévue, de l'obéissance de la foi, de la sainteté, ou de quelque autre bonne qualité ou disposition, qui seraient la cause ou la condition préalablement requise en l'homme qui devait être élu; mais au contraire, pour donner la foi, l'obéissance de la foi, la sainteté, etc. C'est pourquoi l'élection est la fontaine de tout bien salutaire, de laquelle découlent la foi, la sainteté et les autres dons salutaires, bref la vie éternelle même, comme les fruits et les effets de celle-ci, selon le dire de l'Apôtre: Il nous a élus (non parce que nous étions saints, mais) pour que nous soyons saints et irrépréhensibles devant lui (Ep 1:4).

 

X

La cause de cette élection gratuite est le seul bon plaisir de Dieu. Elle ne consiste point en ce qu'il a choisi pour condition du salut certaines qualités ou actions humaines, parmi toutes celles qui sont possibles; mais en ce que, du milieu de la commune multitude des pécheurs, il a pris à soi en héritage particulier un certain nombre de personnes, ainsi qu'il est écrit: Car les enfants n'étaient pas encore nés, et n'avaient fait ni bien ni mal, etc., il lui fut dit (à savoir Rébecca): L'aîné sera assujetti au plus jeune, selon qu'il est écrit: J'ai aimé Jacob, et j'ai haï Ésaü (Rm 9:11-13; V.O.). Et: Tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle crurent (Ac 13:48; V.O.).

 

XI

Et comme Dieu lui-même est très sage, immuable, connaissant toutes choses, et tout-puissant, de même l'élection qu'il a faite ne peut être ni interrompue, ni changée, ni révoquée, ni annulée, et les élus ne peuvent être rejetés ni le nombre de ceux-ci diminué.

 

XII

Les élus sont, en temps opportun, rendus certains de cette élection dont ils sont l'objet - élection éternelle et immuable au salut - quoique ce soit par degrés et dans une mesure inégale; non pas en sondant avec curiosité les secrets et les profondeurs de Dieu, mais en prenant conscience en eux-mêmes, avec une joie spirituelle et une sainte liesse, des fruits infaillibles de l'élection distingués dans la Parole de Dieu, comme le sont la vraie foi en Jésus-Christ, la crainte filiale envers Dieu, la tristesse selon Dieu, la faim et la soif de justice, etc.

 

XIII

De la certitude et de l'appréhension intérieures de cette élection, les enfants de Dieu prennent de jour en jour une plus grande matière de s'humilier devant Dieu, d'adorer l'abîme de ses miséricordes, de se purifier eux-mêmes; d'aimer aussi très ardemment de leur côté celui qui, le premier, les a tellement aimés.

 

Ils s'en faut donc de beaucoup que, par cette doctrine de l'élection et par sa méditation, ils soient rendus plus paresseux, ou charnellement nonchalants à garder les commandements de Dieu. C'est ce qui arrive ordinairement, par un juste jugement de Dieu, à ceux qui, ou présumant témérairement, ou jasant à plaisir et avec pétulance de la grâce de l'élection, ne veulent point cheminer dans les voies des élus.

 

XIV

Or, puisque cette doctrine de l'élection divine, selon le très sage conseil de Dieu, a été prêchée par les Prophètes, Jésus-Christ lui-même et les Apôtres, tant aux époques de l'Ancien que du Nouveau Testament, et ensuite rédigée par écrit dans les saintes Écritures, elle doit, encore aujourd'hui, être publiée dans l'Église de Dieu -à laquelle elle est spécialement destinée - avec un esprit de prudence, religieusement et saintement, en temps et lieu, en écartant toute indiscrète recherche des voies du Dieu souverain; le tout à la gloire du saint Nom de Dieu, et pour la vive consolation de son peuple.

 

XV

Au reste, l'Écriture sainte rend d'autant plus illustre et recommandable cette grâce éternelle et gratuite de notre élection, qu'elle témoigne, en outre, que tous les hommes ne sont point élus, mais qu'il y en a de non élus, ou qui ne sont point fait participants de l'élection éternelle de Dieu; à savoir ceux que Dieu, selon son bon plaisir très libre, très juste, irrépréhensible et immuable, a décidé de laisser dans la misère commune, où ils se sont précipités par leur propre faute, et de ne pas leur donner la foi salutaire, ni la grâce de la conversion; mais, les ayant abandonnés dans leurs voies, et sous un juste jugement, de les condamner et de les punir éternellement, non seulement à cause de leur infidélité, mais aussi pour tous leurs autres péchés, et cela pour la manifestation de sa justice.

 

C'est là le décret de la réprobation, lequel ne fait nullement Dieu auteur du péché (ce qu'on ne peut pas penser sans blasphème), mais le montre juge redoutable, irrépréhensible et juste, et vengeur du péché.

 

XVI

Ceux qui ne sentent pas encore efficacement en eux une vive foi en Jésus-Christ, ou une confiance certaine du cœur, une paix de la conscience, un soin et souci d'une obéissance filiale, et une glorification en Dieu par Jésus-Christ, mais qui néanmoins se servent des moyens par lesquels Dieu a promis d'effectuer ces choses en nous: ceux-là ne doivent pas perdre courage quand ils entendent parler de la réprobation, ni se mettre au rang des réprouvés. Au contraire, ils doivent persévérer soigneusement dans l'usage de ces moyens, désirer ardemment l'heure d'une grâce plus abondante, et l'attendre en toute révérence et humilité.

 

Beaucoup moins encore doivent être épouvantés par la doctrine de la réprobation ceux qui, bien qu'ils désirent sérieusement se convertir à Dieu, lui plaire uniquement, et être délivrés de ce corps de mort, ne peuvent toutefois encore parvenir aussi avant qu'ils voudraient dans le chemin de la piété et de la foi, puisque Dieu, qui est miséricordieux, a promis qu'il n'éteindra point le lumignon qui fume, ni ne brisera le roseau cassé.

 

Mais cette doctrine est à bon droit en effroi à qui, ayant mis en oubli Dieu et le Sauveur Jésus-Christ, se sont entièrement asservis aux sollicitudes de ce monde et aux convoitises de la chair, aussi longtemps qu'ils ne se convertissent point à Dieu.

 

XVII

Et puisqu'il nous faut juger de la volonté de Dieu par sa Parole, laquelle témoigne que les enfants des fidèles sont saints, non pas certes de nature, mais par le bienfait de l'alliance de grâce en laquelle ils sont compris avec leurs père et mère: les pères et mères qui craignent Dieu ne doivent pas douter de l'élection et du salut de leurs enfants que Dieu retire de cette vie pendant leur enfance.

 

XVIII

Si quelqu'un murmure contre cette grâce de l'élection gratuite et contre la sévérité de cette juste réprobation, nous lui opposons ce dire de l'Apôtre: Mais plutôt, ô homme, qui es-tu, toi qui conteste avec Dieu? (Rm 9:20; V.É.); et celui de notre Sauveur: Ne m'est-il pas permis de faire ce que je veux de ce qui est à moi? (Mt 20:15; V.É.)

 

Mais quant à nous, qui adorons religieusement ces mystères, nous nous écrions avec l'Apôtre: O profondeur de la richesse, de la sagesse et de la connaissance de Dieu! Que ses jugements sont impénétrables et que ses voies incompréhensibles! Car qui a connu la pensée du Seigneur, ou qui a été son conseiller? Ou qui lui a donné le premier et en sera payé de retour? Car toutes choses sont de lui, et par lui, et pour lui! A lui soit la gloire dans tous les siècles. Amen! (Rm 11:33-36; V.O.)

 

REJETS DES ERREURS

La doctrine orthodoxe de l'élection et de la réprobation ayant été exposée, le synode rejette les erreurs de:

 

I

Ceux qui enseignent: Que la volonté de Dieu de sauver ceux qui croiront et persévéreront dans la foi et l'obéissance de la foi, est le total et entier décret de l'élection au salut, et que rien d'autre n'est révélé dans la Parole de Dieu concernant ce décret.

 

En effet, ceux-ci trompent les gens simples, et s'opposent manifestement à l'Écriture sainte qui témoigne non seulement que Dieu veut sauver ceux qui croiront, mais aussi que, de toute éternité, il a choisi certaines personnes pour, en temps opportun, leur donner plutôt qu'aux autres la foi en Jésus-Christ et la persévérance, comme il est écrit: J'ai manifesté ton Nom aux hommes que tu m'as donnés (Jn 17:6; V.O.), de même: Tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle crurent (Ac 13:48; V.O.); et: Il nous a prédestinés avant la fondation du monde, afin que nous soyons saints et irrépréhensibles devant lui (Ep 1:4; V.O.), etc.

 

II

Ceux qui enseignent: Que l'élection de Dieu à la vie éternelle est de plusieurs sortes: l'une, générale et indéfinie; l'autre, particulière et définie. Que cette élection est donc ou bien incomplète, invocable, non péremptoire, mais conditionnelle; ou bien complète, irrévocable, péremptoire ou absolue. De même: Qu'autre est l'élection à la foi, autre celle au salut, de telle sorte que l'élection à la foi justifiante peut exister sans l'élection péremptoire au salut.

 

Tout cela n'est qu'une invention du cerveau humain, forgée en dehors des Écritures, qui corrompt la doctrine de l'élection, et brise cette chaîne d'or de notre salut: Ceux que Dieu a prédestinés, il les a aussi appelés, et ceux qu'il a appelés, il les a aussi justifiés, et ceux qu'il a justifiés, il les a aussi glorifiés (Rm 8:29; V.M.).

 

III

Ceux qui enseignent: Que le bon plaisir et le propos arrêté de Dieu, dont l'Écriture fait mention dans la doctrine de l'élection, ne consiste point en ce que Dieu ait choisi certaines personnes plutôt que les autres, mais en ce que, de toutes les conditions possibles (parmi lesquelles sont aussi les oeuvres de la Loi), ou du rang de toutes choses, Dieu a choisi l'acte de la foi, quoique vil en soi, et l'obéissance imparfaite de la foi comme la condition du salut, et que c'est par grâce qu'il a voulu le considérer comme une obéissance parfaite, et le juger digne d'être récompensé par la vie éternelle.

 

Car, par cette pernicieuse erreur, le bon plaisir de Dieu et le mérite de Jésus-Christ sont détruits, les hommes sont détournés par des questions inutiles de la vérité de la justification gratuite, et de la simplicité des Écritures; et cette déclaration de l'Apôtre est accusée de faux: C'est lui qui nous a sauvés et nous a appelés par un saint appel, non à cause de nos oeuvres, mais à cause de son propre dessein et selon la grâce qui nous a été donnée en Jésus-Christ avant tous les siècles (2 Tm 1:9; V.O.).

 

IV

Ceux qui enseignent: Qu'en l'élection à la foi, est requise auparavant cette condition: que l'homme use droitement de la lumière naturelle, qu'il soit homme de bien, humble et disposé à la vie éternelle, comme si en quelque sorte l'élection dépendait de ces choses.

 

Car cela sent l'opinion de Pélage, et taxe trop ouvertement de fausseté l'Apôtre, quand il dit: Nous tous aussi, nous étions de leur nombre et nous nous conduisions autrefois selon nos convoitises charnelles, nous exécutions les volontés de notre chair et de nos pensées, et nous étions par nature des enfants de colère comme les autres.

 

Mais Dieu est riche en miséricorde et, à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions morts par nos fautes, il nous a rendus à la vie avec le Christ - c'est par grâce que vous êtes sauvés - il nous a ressuscités ensemble et fait asseoir ensemble dans les lieux célestes en Christ-Jésus, afin de montrer dans les siècles à venir la richesse surabondante de sa grâce par sa bonté envers nous en Christ-Jésus.

 

Car vous êtes sauvés par la grâce, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c'est le don de Dieu. Ce n'est point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie (Éph 2:8,9; V.O.).

 

V

Ceux qui enseignent: Que l'élection incomplète et non péremptoire des personnes particulières au salut, s'est faite parce que Dieu aurait prévue la foi, la conversion, la sainteté et la piété commencées ou continuées pendant un certain temps. Mais que l'élection complète et péremptoire s'est faite pour avoir prévu la persévérance finale de la foi, de la conversion, de la sainteté et de la piété. Et qu'en cela se trouve la dignité gratuite et évangélique, pour laquelle celui qui est élu est plus digne que celui qui n'est pas élu; et, par conséquent, que la foi, l'obéissance de la foi, la sainteté, la piété et la persévérance ne sont pas les fruits ou les effets de l'élection immuable à la gloire, mais les conditions et les causes, sans lesquelles l'élection ne pourrait pas se faire; et que ces conditions ou causes sont préalablement requises et prévues, comme si elles étaient déjà accomplies en ceux qui devront être complètement élus.

 

Ceci contredit toute l'Écriture qui, en divers endroits, inculque à nos oreilles et à nos cœurs des affirmations telles que celles-ci, et d'autres semblables: L'élection qui dépend non des oeuvres, mais de celui qui appelle (Rm 9:12; V.O.); Tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle crurent (Ac 13:48; V.O.); En lui, Dieu nous a élus avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints et irrépréhensibles devant lui (Ep 1:4; V.O.); Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais moi, je vous ai choisis (Jn 15:16; V.O.); Or si c'est par la grâce, ce n'est plus par les oeuvres (Rm 11:6; V.O.); En ceci est l’amour, c’est que ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais que c’est lui qui nous a aimé et a envoyé son Fils en propitiation pour nos péchés. (1 Jn 4:10; V.O.)

 

VI

Ceux qui enseignent: Que toute élection au salut n'est point immuable, mais que quelques élus, nonobstant tout autre décret de Dieu, peuvent périr, et périssent éternellement.

 

Par cette grossière erreur, ils font Dieu muable, et renversent la consolation des fidèles touchant la fermeté de leur élection; ils contredisent les saintes Écritures, qui enseignent: Que les élus ne peuvent être séduits (Mt 24:24); que Christ ne perd point ceux qui lui sont donnés du Père (Jn 6:39); que ceux que Dieu a prédestinés, appelés, justifiés, il les glorifie aussi (Rm 8:30).

 

VII

Ceux qui enseignent: Que durant cette vie, il ne revient de l'immuable élection à la gloire aucun fruit, aucun sentiment, aucune certitude, sinon ceux qu'on peut avoir d'une condition muable et contingente.

 

C'est en effet une chose absurde de concevoir une certitude qui soit incertaine. Cela s'oppose à l'expérience des saints qui, avec l'Apôtre, s'égayent au sentiment de leur élection et célèbrent ce bienfait de Dieu; qui, avec les disciples, se réjouissent (suivant l'admonition de Jésus-Christ) de ce que leurs noms sont écrits dans les cieux (Lc 10:20); bref, qui opposent le sentiment de l'élection aux dards enflammés des tentations du diable, en demandant: Qui accusera les élus de Dieu? (Rm 8:33)

 

VIII

Ceux qui enseignent: Que Dieu, de sa seule et juste volonté, n'a point décidé de laisser aucun homme dans la chute d'Adam et dans l'état commun du péché et de la condamnation, ou de le négliger dans la communication de la grâce nécessaire à la foi et à la conversion.

 

Car cela demeure: Dieu fait miséricorde à celui qu'il veut, et il endurcit celui qu'il veut (Rm 9:18). De même: Il vous est donné de connaître les mystères du Royaume des Cieux et qu'à eux cela n'a pas été donné (Mt 13:11). Et encore: Je te loue, ô Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux obstinés et aux rusés, et que tu les as révélées à ceux qui sont discrets. Oui, mon Père ! Cela est ainsi, parce que tu l’as trouvé bon (Mt 11:25-26; V.É.).

 

IX

Ceux qui enseignent: Que la cause pour laquelle Dieu envoie l'Évangile plutôt à une nation qu'à une autre, n'est pas le seul et unique bon plaisir de Dieu, mais parce qu'une nation est meilleure et plus digne que celle à laquelle l'Évangile n'est point communiqué.

 

Car Moïse y contredit, en parlant ainsi au peuple d'Israël: Voici, à l'Éternel ton Dieu, appartiennent les cieux et les cieux des cieux, la terre et tout ce qui y est. Cependant l’Éternel n’a pris en affection que tes pères, pour les aimer; et après eux, d’entre tous les peuples, il vous a choisis, vous leur postérité, comme vous le voyez aujourd’hui (Dt 10:14-15; V.O.). Et Jésus-Christ: Malheur à toi, Corazin! Malheur à toi, Bethsaïda! car, si les miracles qui ont été faits au milieu de vous eussent été faits à Tyr et à Sidon, il y a longtemps qu'elles se seraient repenties en prenant le sac et la cendre (Mt 11:21; V.O.).

 

II - LA MORT DE JESUS-CHRIST ET LA REDEMPTION DES HOMMES

Le second point de doctrine concernant la mort de Jésus-Christ et la rédemption des hommes par elle:

 

I

Dieu n'est pas seulement souverainement miséricordieux, mais aussi souverainement juste. Or sa justice requiert (selon qu'il s'est révélé dans sa Parole), que nos péchés commis contre sa Majesté infinie soient punis non seulement de peines temporelles, mais aussi de peines éternelles, dans le corps et dans l'âme, peines que nous ne pouvons éviter que s'il est satisfait à la justice de Dieu.

 

II

Or, puisqu'il n'est point en notre puissance de satisfaire la justice de Dieu par nous-mêmes, ni de nous délivrer de la colère de Dieu: Dieu, par sa miséricorde immense, nous a donné pour garant son Fils unique, qui a été fait péché et malédiction sur la croix pour nous ou à notre place, afin de satisfaire la justice de Dieu pour nous.

 

III

Cette mort du Fils de Dieu est l'unique et très parfait sacrifice et la satisfaction de la justice de Dieu pour les péchés, d'une valeur et d'un prix infinis, qui suffit abondamment pour expier les péchés du monde entier.

 

IV

Cette mort est d'une si grande valeur et dignité, parce que la personne qui l'a soufferte n'est pas seulement un homme vrai et parfaitement saint, mais est aussi le Fils unique de Dieu, d'une même essence éternelle et infinie avec le Père et le Saint-Esprit, tel que devait être notre Sauveur; c'est aussi parce que sa mort a été conjointe avec le sentiment de la colère et de la malédiction de Dieu que nous avions méritées par nos péchés.

 

V

Au reste, la promesse de l'Évangile est: afin que quiconque croit en Jésus-Christ crucifié, ne périsse point, mais ait la vie éternelle. Et cette promesse doit être indifféremment annoncée et proposée à toutes les nations et à toutes les personnes auxquelles Dieu, selon son bon plaisir, envoie l'Évangile, et cela avec le commandement de se repentir et de croire.

 

VI

Quant à ce que beaucoup de ceux qui sont appelés par l'Évangile ne se repentent point, ni ne croient en Jésus-Christ, mais périssent dans l'infidélité: cela n'arrive point par l'imperfection ou l'insuffisance du sacrifice de Jésus-Christ offert sur la croix, mais par leur propre faute.

 

VII

Mais si nombreux que soient ceux qui croient vraiment, et qui sont délivrés et sauvés des péchés et de la perdition par la mort de Jésus-Christ, ils ne jouissent de ce bienfait que par la seule grâce de Dieu, qu'il ne doit à personne et qui leur a été donnée de toute éternité en Jésus-Christ.

 

VIII

Car tel a été le très libre conseil et la très favorable volonté et intention de Dieu le Père, que l'efficacité vivifiante et salutaire de la mort très précieuse de son Fils s'étendit à tous les élus, pour leur donner à eux seuls la foi justifiante, et par elle les amener infailliblement au salut. Autrement dit, Dieu a voulu que Jésus-Christ, par le sang de la croix (par lequel il a confirmé la nouvelle alliance), rachetât efficacement du milieu de tout peuple, de toute nation et de toute langue, tous ceux, et ceux-là seulement, qui de toute éternité ont été élus au salut, et lui ont été donnés par le Père; qu'il leur donnât la foi, qu'il leur a, aussi bien que tous les autres dons du Saint-Esprit, acquise par sa mort; les purifiât par son sang de tout péché et originel et actuel, commis tant après qu'avant la foi; les conservât fidèlement jusqu'à la fin, et finalement les fît comparaître devant lui, glorieux, sans aucune tache ni souillure.

 

IX

Ce conseil, procédé de l'amour éternel de Dieu envers les élus, s'est puissamment accompli dès le commencement du monde jusqu'au temps présent (les portes de l'Enfer s'y étant opposées en vain), et s'accomplira aussi à l'avenir; et cela de telle sorte que les élus seront, en leur temps, rassemblés en un seul peuple, et qu'il y aura toujours une Église de croyants fondée sur le sacrifice de Jésus-Christ. Cette Église aimera constamment son propre Sauveur, qui pour elle, comme un époux pour son épouse, a donné sa vie sur la croix; elle le servira avec persévérance et le célèbrera tant ici-bas que dans l'éternité.

 

REJET DES ERREURS

 

I

La doctrine orthodoxe ayant été exposée, le Synode rejette les erreurs de:

 

Ceux qui enseignent: Que Dieu, le Père, a destiné son Fils à la mort de la croix, sans aucun dessein certain et défini de sauver nommément quelqu'un; de sorte que la nécessité, l'utilité et la dignité de tout ce que la mort de Jésus-Christ nous a acquis, eussent pu demeurer sauvés et être en toutes leurs parties, parfaites, complètes et entières, alors même que la rédemption ainsi acquise n'eût jamais été réellement appliquée à aucune personne particulière.

 

Cette doctrine est injurieuse envers la sagesse de Dieu le Père et le mérite de Jésus-Christ, et contraire à l'Écriture. Car voici ce que dit notre Sauveur: Je donne ma vie pour mes brebis... et je le connais (Jn 10:15, 27); et le Prophète Esaïe dit du Sauveur: Or il a plu à l'Éternel de le frapper; il l'a mis dans la souffrance. Après avoir offert sa vie en sacrifice pour le péché, il se verra de la postérité, il prolongera ses jours, et le bon plaisir de l'Éternel prospérera dans ses mains (Es 53:10; V.É.).

 

Bref, cette doctrine renverse aussi l'article de foi, par lequel nous croyons l'Église.

 

II

Ceux qui enseignent: Que le but de la mort de Jésus-Christ n'a point été de ratifier efficacement par son sang la nouvelle alliance de grâce, mais uniquement de n'acquérir au Père que le droit de contracter de nouveau avec les hommes une alliance quelle qu'elle fût, soit de grâce, soit des œuvres. Cela contredit l'Écriture qui enseigne que: Jésus est ainsi devenu garant d’une alliance d’autant plus excellente (Hé 7:22; V.O.); et encore, que ce n'est qu'après la mort seulement qu'un testament est confirmé (Hé 9:15, 17).

 

III

Ceux qui enseignent: Que Jésus-Christ, par la satisfaction de la justice de Dieu, n'a mérité à personne, d'une manière certaine, le salut lui-même, ni la foi par laquelle cette satisfaction de Jésus-Christ fût efficacement appliquée à salut; mais que le Christ a seulement acquis au Père le pouvoir, ou la libre volonté, de traiter de nouveau avec les hommes, et de leur prescrire de nouvelles conditions, celles qu'il voudrait, dont l'accomplissement dépendrait du libre-arbitre de l'homme; et, en conséquence, qu'il eût pu advenir ou que personne ne les accomplirait, ou que tous les hommes les accompliraient.

 

Car ceux qui enseignent de telles choses se trompent gravement du sujet de la mort de Jésus-Christ! Ils ne reconnaissent en aucune façon le principal fruit ou bienfait acquis par cette mort, et ramènent des enfers l'erreur de Pélage.

 

IV

Ceux qui enseignent: Que cette nouvelle alliance de grâce, que Dieu le Père a contractée avec les hommes par l'intervention de la mort de Jésus-Christ, ne consiste point en ce que nous sommes justifiés devant Dieu; et sauvés par la foi, en tant que cette foi s'empare des mérites du Christ; mais en ce que l'exigence de l'obéissance parfaite à la Loi étant abolie, Dieu considère la foi même, et l'obéissance imparfaite de la foi, comme une parfaite obéissance à la Loi et, par pure grâce, l'estime digne de la rémunération de la vie éternelle.

 

Car ceux-ci contredisent l'Écriture qui dit: Étant justifiés gratuitement par sa grâce, par la rédemption qui est en Jésus-Christ, que Dieu avait destiné à être une victime propitiatoire; par la foi en son sang… (Rm 3:24-25; V.O.). De plus, ils introduisent avec le profane Socin, et contre le commun consentement de toute l'Église, une nouvelle et étrange justification de l'homme devant Dieu.

 

V

Ceux qui enseignent: Que tous les hommes sont reçus dans l'état de réconciliation et dans la grâce de l'alliance, si bien que nul n'est sujet à la condamnation, ou ne sera condamné à cause du péché originel; mais que tous sont exempts de la coulpe du dit péché.

 

Car cette opinion contredit l'Écriture qui affirme: Nous sommes par nature des enfants de colère (Ep 2:3).

 

VI

Ceux qui se servent de la distinction entre l'acquisition (par Jésus-Christ des bienfaits de son sacrifice) et son application, pour instiller aux gens simples et ignorants cette opinion: Que Dieu, pour autant qu'il tienne à lui, a voulu communiquer à tous les hommes également les bienfaits acquis par la mort de Jésus-Christ. Et quant à ce que certains sont faits participants de la rémission des péchés et de la vie éternelle plutôt que les autres, que cette différence dépend de leur libre-arbitre s'appliquant à la grâce qui est indifféremment offerte à tous; mais que cela ne dépend point du don singulier de la miséricorde de Dieu, agissant efficacement en eux pour qu'ils se l'appliquent à eux-mêmes plutôt que les autres.

 

En effet, tout en faisant semblant de proposer cette distinction dans un bon sens, ils cherchent par là à abreuver le peuple du venin pernicieux du pélagianisme.

 

VII

Ceux qui enseignent: Que Jésus-Christ n'a pu dû mourir ni par conséquent n'est mort pour ceux que Dieu a souverainement aimés et élus à la vie éternelle; sous prétexte que ceux-là n'ont eu aucun besoin de la mort de Jésus-Christ.

 

Car ils contredisent l'Apôtre qui dit: Christ ma aimé et s'est livré lui-même pour moi (Ga 2:20). Qui accusera les élus de Dieu? Dieu est celui qui les justifie! Qui les condamnera? Christ est mort, et de plus il est ressuscité (à savoir, pour eux) (Rm 8:33-34a; V.O.).Ils contredisent aussi notre Sauveur, qui dit: Je donne ma vie pour mes brebis (Jn 10:15); et encore: Voici mon commandement: Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. Nul n’a un plus grand amour que celui qui donne sa vie pour ses amis (Jn 15:12-13; V.O.).

 

III-IV LA CORRUPTION DE L'HOMME ET SA CONVERSION A DIEU

Le troisième et quatrième point de doctrine concernant la corruption de l'homme, sa conversion à Dieu, et les modalités de celle-ci:

 

I

L'homme a été créé au commencement à l'image de Dieu. Il était orné dans son entendement de la vraie et salutaire connaissance de son Créateur et des choses spirituelles; de justice dans sa volonté et son cœur; de pureté dans toutes ses affections. Il a donc été entièrement saint. Mais, s'étant détourné de Dieu sous l'inspiration du diable, et cela de sa libre volonté, il s'est privé lui-même de ces dons excellents. A leur place et à l'opposé, il a attiré sur lui l'aveuglement, d'horribles ténèbres, la vanité et la perversité de son entendement, la méchanceté, la rébellion et la dureté dans sa volonté et dans son cœur, de même que l'impureté dans toutes ses affections.

 

II

Or tel qu'a été l'homme après la Chute, tels enfants il a procréé, à savoir: lui, corrompu, des enfants corrompus, la corruption étant dérivée, par le juste jugement de Dieu, d'Adam sur toute sa postérité, excepté Jésus-Christ seul; et ceci non point par l'imitation (comme les pélagiens l'ont voulu autrefois), mais par la propagation de la nature corrompue.

 

III

C'est pourquoi tous les hommes sont conçus dans le péché et naissent enfants de colère, incapables de tout bien salutaire, enclins au mal, morts dans le péché et esclaves du péché. Et sans la grâce de l'Esprit qui régénère, ils ne veulent ni ne peuvent retourner à Dieu, ni corriger leur nature dépravée, ni se disposer à l'amendement de celle-ci.

 

IV

Il est vrai qu'après la Chute, il a subsisté dans l'homme quelque lumière de nature; grâce à elle, il conserve encore une certaine connaissance de Dieu et des choses naturelles, il discerne entre ce qui est honnête et malhonnête, et montre avoir quelque pratique et soin de la vertu et d'une discipline extérieure. Mais tant s'en faut que, par cette lumière naturelle, il puisse parvenir à la connaissance salutaire de Dieu, et se convertir à lui, puisqu'il n'en use même pas droitement dans les choses naturelles et civiles, mais plutôt, telle qu'elle est, il la souille de diverses manières et la maintient dans l'injustice: ce que faisant, il est rendu inexcusable devant Dieu.

 

V

Il en va du Décalogue, que Dieu a particulièrement donné aux Juifs, exactement comme de la lumière naturelle. En effet, il manifeste la grandeur du péché, et en rend l'homme de plus en plus convaincu. Mais il ne donne aucun moyen, ni n'apporte aucune force pour sortir de cette misère. Ainsi donc, le Décalogue, étant rendu faible par la chair, laisse le transgresseur sous la malédiction, et il est par conséquent impossible que, par lui, l'homme obtienne la grâce salutaire.

 

VI

Ce que ne peuvent donc faire ni la lumière naturelle ni la Loi, Dieu l'effectue par la vertu du Saint-Esprit, par le moyen de la Parole ou du ministère de la réconciliation, c'est-à-dire l'Évangile concernant le Messie, par lequel il a plu à Dieu de sauver les croyants aussi bien aux époques de l'Ancien que du Nouveau Testament.

 

VII

Ce secret de sa volonté, Dieu l'a dévoilé à un petit nombre de personnes aux époques de l'Ancien Testament; mais à celle du Nouveau Testament (depuis que toute discrimination entre les peuples a été abolie), il le révèle à un beaucoup plus grand nombre de personnes. La cause de cette dispensation ne peut être attribuée au fait qu'une nation serait plus digne qu'une autre, ou parce qu'elle se servirait mieux qu'une autre de la lumière naturelle, mais au bon plaisir de Dieu, qui est souverainement libre, et à son amour gratuit.

 

C'est pourquoi ceux auxquels est faite une si grande grâce, en dehors de, et contre tout mérite, doivent la reconnaître d'un coeur humble avec action de grâces; mais chez les autres, à qui cette grâce n'est pas faite, ils doivent, avec l'Apôtre, adorer la sévérité et la justice des jugements de Dieu, mais non les sonder avec curiosité.

 

VIII

Or, si nombreux que soient ceux qui sont appelés par l'Évangile, ils sont appelés efficacement. Car Dieu montre sérieusement et très véritablement par sa Parole ce qui lui est agréable: à savoir, que ceux qui sont appelés viennent à lui. Aussi promet-il certainement à tous ceux qui viennent et croient en lui, le repos de leur âme et la vie éternelle.

 

IX

Et si beaucoup de ceux qui sont appelés par le ministère de l'Évangile ne viennent pas à Dieu, ni ne se convertissent, la faute n'en est ni dans l'Évangile, ni en Dieu qui, par l'Évangile, les appelle et même leur confère divers dons, mais en ceux-là mêmes qui sont appelés.

 

De ceux-ci, les uns, par leur nonchalance, ne reçoivent point la parole de vie; d'autres la reçoivent pourtant, mais non au plus profond de leur coeur, et c'est pourquoi, après la joie momentanée d'une foi temporelle, ils se retirent; d'autres encore, par les épines des sollicitudes et des voluptés de ce monde, étouffent la semence de la parole, et ne portent aucun fruit, comme notre Sauveur l'enseigne dans la parabole de la semence (Mt 13).

 

X

Mais le fait que les autres, qui sont appelés par le ministère de l'Évangile, viennent à Dieu et sont convertis, ne doit point être attribué à l'homme, comme si, par son libre-arbitre, il se distinguait lui-même d'avec les autres qui, avec lui, seraient pourvus d'une grâce semblable ou suffisante pour croire et se convertir (ce que maintient l'orgueilleuse hérésie de Pélage); ce fait doit être attribué à Dieu qui, du fait qu'il a élu les siens de toute éternité en Christ, les appelle aussi efficacement en temps opportun, leur donne la foi et la repentance et, les ayant délivrés de la puissance des ténèbres, les transporte dans le Royaume de son Fils, afin qu'ils annoncent les vertus de celui qui les a appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière, et qu'ils ne se glorifient point en eux-mêmes, mais dans le Seigneur, comme l'Écriture apostolique en témoigne en maints endroits.

 

XI

De plus, quand Dieu exécute son bon-plaisir dans les élus, ou quand il les convertit, non seulement il veille à ce que l'Évangile leur soit extérieurement prêché, et il illumine puissamment leur entendement par le Saint-Esprit, afin qu'ils comprennent et discernent droitement les choses qui sont de l'Esprit de Dieu, mais aussi, par l'efficacité de ce même Esprit de régénération, il pénètre jusqu'au tréfonds de l'homme, ouvre le cœur qui est fermé, amollit celui qui est dur, circoncit le prépuce du cœur, introduit de nouvelles qualités dans la volonté, et fait que cette volonté de morte devienne vivante, de mauvaise bonne, de non-volontaire volontaire, et de revêche obéissante; et il besogne en elle et la fortifie, afin que comme un bon arbre, elle puisse produire de bons fruits.

 

XII

C'est là cette régénération si célébrée dans les Écritures, ce renouvellement, cette nouvelle création, ce relèvement d'entre les morts et cette vivification, que Dieu opère en nous et sans nous. Or elle n s'accomplit nullement par la seule doctrine entendue, ou par une persuasion morale ou toute autre manière d'opérer, qui se ferait par des raisons persuasives, de telle sorte qu'après que Dieu ait agi pour sa propre part, il resterait encore au pouvoir de l'homme d'être régénéré ou non d'être converti ou de ne l'être point. Au contraire, c'est une opération entièrement surnaturelle, très puissante et très douce à la fois, admirable, secrète et ineffable. Selon l'Écriture (qui est inspirée par l'Auteur même de cette opération), celle-ci, quant à son efficacité, n'est en rien inférieure à la création ou à la résurrection des morts, si bien que tous ceux dans les cœurs desquels Dieu opère de cette façon admirable, sont certainement, infailliblement et efficacement régénérés, et croient effectivement. Dès lors, la volonté déjà renouvelée n'est pas seulement poussée et mue par Dieu, mais sous l'action de Dieu, elle agit aussi elle-même. C'est pourquoi on peut fort bien dire que c'est l'homme lui-même qui croit et se repent par le moyen de la grâce qu'il a reçue.

 

XIII

Durant cette vie terrestre, les fidèles ne peuvent pleinement comprendre la manière de cette opération. Cependant ils jouissent du repos, du fait qu'ils savent et sentent que, par cette grâce de Dieu, ils croient de cœur et aiment leur Sauveur.

 

XIV

Ainsi donc la foi est un don de Dieu, non parce qu'elle est offerte par Dieu au libre-arbitre de l'homme, mais parce qu'elle est réellement conférée, inspirée et infusée en l'homme. Non pas même encore parce que Dieu donnerait seulement la puissance de croire, et qu'il attendrait ensuite que la puissance de croire, et qu'il attendrait ensuite que la volonté de l'homme y consente, ou croie de fait; mais parce que lui-même qui opère et le vouloir et le faire - mieux encore, qui opère tout en tous - produit en l'homme et la volonté de croire et la foi elle-même.

 

XV

Dieu ne doit cette grâce à personne. Car que devrait-il à celui qui ne peut rien donner le premier, pour qu'il lui rende en retour? Et que devrait-il donc à celui qui, de soi, n'a rien que péché et mensonge?

 

Celui qui reçoit cette grâce en doit donc éternellement rendre grâce à Dieu, et c'est bien ce qu'il fait.

 

Celui qui ne la reçoit point: ou bien il ne se soucie nullement de ces choses spirituelles, et se plaît dans ce qui est sien, ou, étant sans souci, se glorifie en vain d'avoir ce qu'il n'a point.

 

Quant à ceux qui extérieurement font profession de foi chrétienne et amendent leur vie, il n'en faut juger et parler qu'en bien, à l'exemple des Apôtres, car le fond des cœurs nous est inconnu. Par contre, pour ceux qui n'ont pas encore été appelés, il faut prier Dieu qui appelle les choses qui ne sont point comme si elles étaient; et il ne nous faut d'aucune manière nous enorgueillir contre eux, comme si nous nous étions distingués nous-mêmes.

 

XVI

Or, de même que par la Chute, l'homme n'a pas cessé d'être homme, doué d'entendement et de volonté, et que le péché qui s'est répandu dans tout le genre humain, n'a pas aboli la nature du genre humain, mais l'a dépravée et tuée spirituellement; de même cette grâce divine de la régénération n'agit point dans les hommes comme dans des troncs et des souches de bois; elle n'annihile pas davantage la volonté et ses propriétés, ni ne la force ou contraint contre son gré. Au contraire, elle la vivifie spirituellement, la guérit, corrige et fléchit, aussi doucement que puissamment, afin que là où auparavant dominaient pleinement la rébellion et la résistance de la chair commence à régner désormais la prompte et sincère obéissance de l'esprit en quoi consistent le véritable et spirituel rétablissement et la liberté de notre volonté.

 

C'est pourquoi, si cet admirable Artisan de tout bien n'agissait de la sorte envers nous, il ne resterait à l'homme aucune espérance de se relever de la Chute au moyen du libre-arbitre par lequel, alors qu'il était encore debout, il s'est précipité dans la perdition.

 

XVII

Et de même que cette toute-puissante opération de Dieu, par laquelle il produit et soutient notre propre vie naturelle, n'exclut pas, mais requiert l'usage des moyens par lesquels Dieu, selon sa sagesse et bonté infinies, a voulu déployer sa propre puissance; de même l'opération surnaturelle de Dieu, par laquelle il nous régénère, n'exclut ni ne renverse aucunement l'usage de l'Évangile, que ce Dieu très sage a ordonné pour être la semence de la régénération et la nourriture de nos âmes.

 

C'est pourquoi, comme les Apôtres et les Docteurs qui les ont suivis ont pieusement enseigné le peuple concernant cette grâce de Dieu, c'est-à-dire à sa gloire et à l'abaissement de tout orgueil humain, sans toutefois négliger de le maintenir, par les saintes admonitions de l'Évangile, dans la pratique de la Parole, des Sacrements et de la discipline: ainsi, qu'il n'advienne jamais que ceux qui enseignent, ou ceux qui apprennent dans l'Église, présument de tenter Dieu, en séparant les choses que Dieu, selon son bon plaisir, a voulu être très étroitement conjointes. Car la grâce est conférée par les exhortations; et donc, plus promptement nous faisons notre ministère, plus est manifeste le bienfait de Dieu besognant en nous, et plus son oeuvre est alors excellente. Et c'est à ce Dieu seul qu'est due, aux siècles des siècles, toute la gloire, celle des moyens, et celle de leur fruit et de leur efficacité salutaire. Amen.

 

REJET DES ERREURS

La doctrine orthodoxe ayant été exposée, le Synode rejette les erreurs de:

 

I

Ceux qui enseignent: Qu'il ne se peut proprement dire que le péché originel suffit de soi pour condamner tout le genre humain, ou mériter les peines temporelles et éternelles.

 

Car ils contredisent l'Apôtre qui affirme: C'est pourquoi, comme par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, de même la mort s’est étendue sur tous les hommes, parce que tous ont péché... Car le jugement de condamnation vient d’un seul péché… (Rm 5:12,16; V.O.). Et encore: Car le salaire du péché, c'est la mort… (Rm 6:23; V.O.).

 

II

Ceux qui enseignent: Que les dons spirituels ou les bonnes habitudes et vertus, comme le sont la bonté, la sainteté, la justice, n'ont pu exister dans la volonté de l'homme aussitôt après sa création, et que, par conséquent, ils n'ont pas pu en être séparés par la Chute.

 

Car cela contredit la description de l'image de Dieu, que l'Apôtre nous donne dans Éphésiens 4:24, où il la décrit par la justice et la sainteté, vertus qui, sans aucun doute, ont leur siège dans la volonté.

 

III

Ceux qui enseignent: Que les dons spirituels n'ont point été disjoints de la volonté de l'homme du fait de la mort spirituelle, puisqu'en soi cette volonté ne fut jamais corrompue mais seulement empêchée par les ténèbres de l'entendement et le dérèglement des affections, et que, ces empêchements étant ôtés, la volonté peut déployer sa liberté qui lui est naturelle, c'est-à-dire qu'elle peut de soi-même ou vouloir et choisir, ou ne pas vouloir et ne pas choisir chaque bien qui lui est proposé.

 

Cela est, en effet, nouveau et erroné, et ne tend qu'à exalter les forces du libre-arbitre contre l'affirmation du prophète Jérémie 17:9: Le cœur est trompeur par-dessus tout, et désespérément malin…; et celui de l'Apôtre: …de cet esprit qui agit maintenant dans les fils de la rébellion. Parmi lesquels nous vivions tous autrefois, selon les convoitises de notre chair, accomplissant les désirs de la chair et de nos pensées; et nous étions par nature des enfants de colère, comme les autres (Ep 2:3; V.O.).

 

IV

Ceux qui enseignent: Que l'homme non régénéré n'est pas totalement ni à proprement parler dans le péché, ou destitué de toutes forces concernant le bien spirituel, mais qu'il peut avoir faim et soif de justice et de vie, et offrir à Dieu le sacrifice d'un esprit contrit et brisé, qui lui soit agréable.

 

Car ces choses s'opposent aux témoignages manifestes de l'Écriture: Et vous étiez morts dans vos fautes et dans vos péchés (Ep 2:1,5; V.O.); et: Toutes l’imagination des pensées du cœur des hommes n’était que mauvaise en tout temps (Gn 6:5; 8:21; V.O.). En outre, avoir faim et soif de la vie, désirer d'être délivré de sa misère et offrir à Dieu le sacrifice d'un esprit brisé sont le propre de ceux qui sont régénérés (Ps 51:19) et de ceux qui sont appelés bienheureux (Mt 5:6).

 

V

Ceux qui enseignent: Que l'homme corrompu et charnel peut si bien user de la grâce commune (par quoi ils entendent la lumière naturelle), ou des dons qui lui sont restés après la Chute, que, par ce bon usage, il peut petit à petit et par degrés obtenir une plus grande grâce, à savoir la grâce évangélique ou salutaire, ou même le salut; et que, par un tel moyen, Dieu pour sa part se montre prêt à révéler Jésus-Christ à tous, attendu qu'il confère à tous suffisamment et efficacement les moyens nécessaires à la révélation de Jésus-Christ, à la foi et à la repentance.

 

Que cela soit faux, outre l'expérience de tous les temps, l'Écriture en témoigne: Il révèle ses paroles à Jacob, ses prescriptions et ses ordonnances à Israël; Il n'a pas agi de même pour toutes les nations; elles ne connaissent pas ses ordonnances (Ps 147:19-20). Dans les générations passés, Dieu a laissé toutes les nations suivre leurs propres voies (Ac 14:16). Empêchés par le Saint-Esprit d'annoncer la parole dans l'Asie, ils (à savoir Paul et ses compagnons) traversèrent la Phrygie et le pays de Galatie. Arrivés près de la Mysie, ils tentèrent d'aller en Bithynie; mais l'Esprit de Jésus ne leur permit pas (Ac 16:6-7).

 

VI

Ceux qui enseignent: Que dans la vraie conversion de l'homme, il n'est pas possible que Dieu introduise dans sa volonté des qualités, des habitudes ou des dons nouveaux; et que la foi, par laquelle nous sommes en premier lieu convertis, et d'où nous recevons le nom de fidèles, n'est par conséquent pas une qualité ni un don infusés par Dieu, mais uniquement un acte de l'homme; et que cette foi ne peut être appelée un don qu par rapport au pouvoir que l'homme a d'y parvenir.

 

Car ces choses contredisent les saintes Écritures qui témoignent que Dieu répand dans nos cœurs de nouvelles qualités de foi et d'obéissance, et le sentiment de son amour: Je mettrai ma loi au-dedans d'eux et l'écrirai dans leur cœur (Jr 31:33). Je répandrai des eaux sur le sol altéré, et des ruisseaux sur la terre sèche. Je répandrai mon Esprit sur ta postérité (Es 44:3; V.O.).

 

L'amour de Dieu est répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné (Rm 5:5).

 

De telles choses sont aussi inconciliables avec la pratique continuelle de l'Église, qui, avec le Prophète, prie ainsi: Convertis-moi, et je serai converti; car tu es l’Éternel, mon Dieu ! (Jr 31:18; V.O.)

 

VII

Ceux qui enseignent: Que la grâce par laquelle nous sommes convertis à Dieu n'est rien d'autre qu'une douce persuasion; ou bien (comme d'autres l'exposent), que le plus noble manière d'agir dans la conversion de l'homme et la plus convenable à la nature humaine, c'est celle qui se fait par la persuasion. Et que rien n'empêche que la grâce qu'ils appellent morale (c'est-à-dire qui se fait par des raisons persuasives), ne rende spirituel l'homme charnel; et même que Dieu n'obtient pas autrement le consentement de notre volonté, que par cette sorte de persuasion; et que c'est en cela que consiste l'efficacité de l'opération divine, par laquelle Dieu l'emporte sur l'opération de Satan, parce que Dieu promet les biens éternels alors que Satan ne promet que les biens temporels.

 

Tout cela est foncièrement pélagien et contraire à toute l'Écriture, qui, en plus de cette façon d'opérer dans la conversion de l'homme, en reconnaît encore une autres: à savoir, celle du Saint-Esprit, beaucoup plus efficace et divine; comme au chapitre 36 d'Ézéchiel verset 26): Je vous donnerai un cœur nouveau, et je mettrai en vous un esprit nouveau; j'ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair, etc.

 

VIII

Ceux qui enseignent: Qu'en la régénération de l'homme, Dieu n'emploie point les force de sa toute-puissance pour fléchir, par elles, puissamment et infailliblement la volonté de l'homme à croire et à se convertir; mais - toutes les opérations de la grâce, desquelles Dieu se sert pour convertir l'homme étant posées, - que toutefois l'homme peut résister à Dieu et au Saint-Esprit, alors même que Dieu se proposerait de le régénérer et le voudrait; et même que l'homme lui résiste souvent, en effet, au point d'empêcher entièrement sa régénération; bien plus, qu'il demeure en sa puissance d'être régénéré ou de ne l'être point.

 

Tout cela n'est rien d'autre qu'ôter à Dieu toute l'efficacité de sa grâce dans notre conversion, et assujettir à la volonté de l'homme l'action du Dieu tout-puissant. Et cela contre les Apôtres qui enseignent: Nous qui croyons selon l’efficacité du pouvoir de sa force (Ep 1:19; V.O.); et que Dieu accomplisse puissamment en vous, tous les desseins favorables de sa bonté et l’œuvre de la foi (2 Th 1:11; V.O.); que sa divine puissance nous a donné tout ce qui regarde la vie et à la piété (2 P 1:3; V.O.).

 

IX

Ceux qui enseignent: Que la grâce et le libre-arbitre sont des causes partielles en même temps que concurrentes au point de départ de la conversion; et que la grâce, comme cause, ne précède pas en ordre l'opération ou le mouvement de la volonté de l'homme.

 

C'est-à-dire: que Dieu n'aide point efficacement la volonté de l'homme à se convertir, avant que la volonté de l'homme ne s'émeuve et ne se détermine elle-même.

 

En effet, l'Église ancienne a depuis longtemps condamné cette doctrine chez les pélagiens par ces affirmations de l'Apôtre: Cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde (Rm 9:16). Car qui est-ce qui te distingue? Et qu'as-tu que tu ne l'aies reçu? (1 Co 4:7) Et encore: Car c'est Dieu qui produit en vous et le vouloir et le faire selon son plaisir (Ph 2:13; V.O.).

 

V - LA PERSÉVÉRANCE DES SAINTS

Le cinquième point de doctrine concernant la persévérance des saints:

 

I

Ceux que Dieu appelle selon son immuable dessein à la communion de son Fils, notre Seigneur Jésus-Christ, et régénère par son Saint-Esprit, il les délivre vraiment de la dominations et de la servitude du péché durant cette vie, mais pas entièrement de la chair et de ce corps de péché.

 

II

De là vient que nous voyons journellement tant de péchés dus à notre faiblesse, et que les meilleures oeuvres des saints ne sont jamais sans tache; ce qui leur fournit continuellement l'occasion de s'humilier devant Dieu, d'avoir recours au Christ crucifié, de mortifier de plus en plus leur chair par l'esprit de prière et par de saints exercices de piété, et de soupirer après le but, qui est la perfection; jusqu'à ce qu'étant délivrés de ce corps de péché, ils règnent au Ciel avec l'Agneau de Dieu.

 

III

A cause de ces restes de péchés qui habitent en nous, et des tentations du monde et de Satan, ceux qui sont convertis ne pourraient persister en cette grâce s'il étaient laissés à leurs propres forces. Mais Dieu est fidèle: il les confirme miséricordieusement dans la grâce qu'il leur a une fois conférée, et les conserve puissamment jusqu'à la fin.

 

IV

Or, bien que cette puissance de Dieu, qui fortifie et conserve les vrais fidèles dans la grâce, soit trop grande pour pouvoir être vaincue par la chair; toutefois, ceux qui sont convertis ne sont pas toujours conduits et poussés par Dieu de telle sorte qu'ils ne puissent, par leurs fautes, en quelques actions particulières, se détourner de la conduite de cette grâce, ou se laisser séduire par les convoitises de la chair au point de leur obéir. Aussi faut-il qu'ils veillent toujours et prient de ne point être induits dans les tentations.

 

S'ils ne le font point, non seulement ils peuvent être entraînés par la chair, le monde et Satan à des péchés même graves et horribles; mais ils y sont aussi parfois entraînés par une juste permission de Dieu, ce que montrent assez les tristes chutes de David, de Pierre et d'autres saints personnages mentionnés dans l'Écriture.

 

V

Par de tels péchés, cependant, ils offensent Dieu gravement; ils se rendent coupables de mort en contristent le Saint-Esprit; ils rompent le cours normal de l'exercice de la foi, blessent très gravement leur conscience, et parfois perdent temporairement le sentiment de la grâce, jusqu'à ce que la face paternelle de Dieu les éclaire de nouveau, quand, par une véritable repentance, ils retournent dans le bon chemin.

 

VI

Car Dieu, qui est riche en miséricorde, selon le dessein immuable de l'élection, ne retire point entièrement des siens le Saint-Esprit, même dans leurs tristes chutes; et il ne permet pas qu'ils tombent au point de perdre la grâce de l'adoption et l'état de justification ou qu'ils commettent le péché qui conduit à la mort, à savoir contre le Saint-Esprit; et, qu'étant totalement abandonnés par lui, ils se précipitent dans la perdition éternelle.

 

VII

Dans ces chutes, en effet, Dieu conserve d'abord en eux la semence immortelle qu'il y a lui-même plantée, et par laquelle ils sont régénérés, afin qu'elle ne se perde ni ne soit entièrement rejetée. Ensuite, il les renouvelle vraiment et efficacement par sa Parole et par son Esprit, afin qu'ils se repentent et soient contristés de cœur, et selon Dieu, de leurs péchés; que d'un cœur contrit et brisé ils en désirent et obtiennent la rémission dans le sang du Médiateur, et cela par la foi; qu'ils sentent à nouveau la grâce de Dieu réconcilié avec eux, qu'ils adorent ses compassions et sa fidélité, et qu'ils travaillent désormais plus soigneusement à leur salut avec crainte et tremblement.

 

VIII

Ainsi, ce n'est ni par leurs mérites ni par leurs forces, mais par la miséricorde gratuite de Dieu, qu'ils obtiennent de ne pas perdre totalement la foi et la grâce et de ne pas demeurer et périr finalement dans leurs chutes: ce qui, quant à eux, non seulement pourrait arriver aisément, mais arriverait sûrement. Mais, quant à Dieu, cela ne peut jamais arriver, vu que son conseil ne peut pas changer, ni sa promesse s'évanouir, ni la vocation selon son ferme dessein être révoquée, ni le mérite, l'intercession et la protection de Jésus-Christ être anéantis, ni le sceau du Saint-Esprit être rendu vain ou aboli.

 

IX

Quant à cette garde des élus en vue de leur salut, et à la persévérance des vrais fidèles dans la foi, les fidèles eux-mêmes en peuvent être et en sont assurés, selon la mesure de la foi, par laquelle ils croient avec certitude qu'ils sont et demeureront toujours des membres véritables et vivants de l'Église, et qu'ils ont la rémission de tous leurs péchés, et la vie éternelle.

 

X

Toutefois, cette certitude ne vient pas de quelque révélation particulière qui s'ajouterait à la Parole ou serait faite en dehors d'elle. Elle découle d'abord de la foi aux promesses de Dieu, qu'il a très abondamment révélées dans sa Parole pour notre consolation; ensuite, du témoignage du Saint-Esprit, qui témoigne à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu et ses héritiers (Rm 8:16-17). Enfin, d'une sérieuse et sainte recherche d'une bonne conscience et des oeuvres bonnes.

 

Si les élus de Dieu étaient dans ce monde destitués de cette ferme consolation qu'ils obtiendront la victoire, et des arrhes infaillibles de la gloire éternelle, ils seraient les plus misérables de tous les hommes.

 

XI

Cependant l'Écriture atteste que les fidèles ont à combattre dans cette vie, contre divers doutes de la chair; et, lorsqu'ils ont à soutenir de graves tentations, qu'ils ne sentent pas toujours cette pleine consolation de la foi, et cette certitude de la persévérance. Mais Dieu, qui est le Père de toute consolation, ne permet point qu'ils soient tenté au-delà de leurs forces, mais leur donne, avec la tentation, la possibilité d'en sortir en la surmontant (1 Co 10:13). Et par le Saint-Esprit, il ranime de nouveau en eux la certitude de la persévérance.

 

XII

Or, bien loin que cette certitude de la persévérance rende les vrais fidèles orgueilleux, et les plonge dans une sécurité charnelle, elle est, tout au contraire, la véritable racine de l'humilité, du respect filial et de la vraie piété, de la patience dans toutes les épreuves, de prières ardentes, de la constance sous la croix et dans la confession de la vérité, et d'une joie solide en Dieu. Et la considération de ce bienfait leur est bien plutôt un stimulant qui les incite à la pratique sérieuse et continuelle de la reconnaissance et des oeuvres bonnes, comme nous le montrent les témoignages des Écritures et les exemples des saints.

 

XIII

Aussi, quand la confiance de la persévérance commence à revivre en ceux qui sont relevés de leur chute, cela n'engendre en eux ni licence ni nonchalance dans leur piété, mais au contraire un beaucoup plus grand souci de garder avec soin les voies du Seigneur, qui leur sont préparées afin qu'en y marchant ils conservent la certitude de leur persévérance, de peur qu'en abusant de la bonté paternelle de Dieu, sa face favorable (dont la contemplation est pour les fidèles plus douce que la vie, et la privation plus amère que la mort), ne se détourne d'eux à nouveau, et qu'ils ne tombent alors dans de plus grands tourments d'esprit.

 

XIV

Et de même qu'il a plu à Dieu de commencer en nous son œuvre de grâce par la prédication de l'Évangile, de même il la conserve, la poursuit et l'accomplit par l'écoute, la lecture, les exhortations, les menaces et les promesses de ce même Évangile, aussi bien que par l'usage des Sacrements.

 

XV

Cette doctrine de la persévérance des vrais croyants et des saints, et de la certitude qu'on en peut avoir, que Dieu a très abondamment révélée dans sa Parole, à la gloire de son Nom et pour la consolation des âmes pieuses, et qu'il imprime dans le cœur des fidèles, est telle que la chair est incapable de la comprendre: Satan la hait, le monde s'en rit, les ignorants et les hypocrites en abusent, et les esprits erronés la combattent.

 

Mais l'Épouse du Christ l'a toujours très ardemment aimée et l'a constamment maintenue comme un trésor d'un prix inestimable. Dieu lui accordera de continuer à la faire, lui contre qui aucune sagesse ne peut rien, ni sur qui aucune force ne peut prévaloir. Auquel Dieu unique, Père, Fils et Saint-Esprit, soient honneur et gloire aux sicles des siècles. Amen.

 

REJET DES ERREURS

La doctrine orthodoxe ayant été exposée, le Synode rejette les erreurs de:

 

I

Ceux qui enseignent: Que la persévérance des vrais fidèles n'est point un effet de l'élection, ou un don de Dieu acquis par la mort de Jésus-Christ, mais qu'elle est une condition de la nouvelle alliance que l'homme, avant son élection et sa justification péremptoire (comme ils l'appellent), doit accomplir de sa libre volonté.

 

Car l'Écriture sainte atteste qu'elle vient de l'élection, et qu'elle est donnée aux élus en vertu de la mort, de la résurrection et de l'intercession de Jésus-Christ: Seuls les élus l'ont obtenue, et les autres ont été endurcis (Rm 11:7). De même: Lui qui n'a point épargné son propre Fils, mais qui l'a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il point toutes choses avec lui ? Qui accusera les élus de Dieu? Dieu est celui qui les justifie! Qui les condamnera? Christ est mort, et de plus il est ressuscité, il est même assis à la droite de Dieu, et il intercède aussi pour nous! Qui nous séparera de l'amour de Christ? (Rm 8:32-35; V.O.)

 

II

Ceux qui enseignent: Que Dieu pourvoit assurément l'homme fidèle de forces suffisantes pour persévérer, et qu'il est prêt à les conserver en lui, s'il fait son devoir. Néanmoins - toutes les choses qui sont nécessaires pour persévérer dans la foi et que Dieu veut employer pour la conserver, étant posées - qu'il dépend toujours de la liberté de la volonté de l'homme de persévérer ou non.

 

Car cette opinion contient un pélagianisme manifeste; en voulant rendre les hommes libres, elle les fait sacrilèges contre le sentiment unanime et général de la doctrine de l'Évangile, qui ôte à l'homme tout sujet de se glorifier, et attribue à la seule grâce divine la louange d'un tel bienfait. En outre, elle infirme le témoignage de l'Apôtre: Que c'est aussi Dieu qui nous affermira jusqu'à la fin, (pour que vous soyez) irrépréhensibles au jour de notre Seigneur Jésus-Christ (1 Co 1:8; V.O.).

 

III

Ceux qui enseignent: Que les vrais croyants et les régénérés peuvent non seulement déchoir entièrement et finalement de la foi justifiante, et aussi de la grâce et du salut, mais encore qu'ils en déchoient souvent et périssent éternellement.

 

Car cette opinion anéantit non seulement la grâce de la justification et de la régénération, mais aussi la garde perpétuelle de Jésus-Christ, et ce, contre les paroles expresses de l'Apôtre saint Paul: Mais Dieu fait éclater son amour envers nous, en ce que, lorsque nous étions encore des pécheurs, Christ est mort pour nous. Étant donc maintenant justifiés par son sang, à plus forte raison serons-nous sauvés par lui de la colère de Dieu (Rm 5:8-10; V.O.); et contre celle de l'Apôtre saint Jean: Quiconque est né de Dieu ne commet point le péché, parce que la semence de Dieu demeure en lui; et il ne peut pécher parce qu'il est né de Dieu (1 Jn 3:9; V.O.). Elle contredit tout autant les paroles de Jésus-Christ: Je leur donne la vie éternelle; elles ne périront jamais, et nul ne les ravira de ma main. Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tous; et personne ne peut les ravir de la main du Père (Jn 10:28-29; V.O.).

 

IV

Ceux qui enseignent: Que les vrai fidèles et les régénérés peuvent commettre le péché qui conduit à la mort, c'est-à-dire le péché contre la Saint-Esprit.

En effet, l'Apôtre saint Jean, au chapitre 5 de sa première Épître, après avoir fait mention, aux versets 16 et 17, de ceux qui commettent un péché qui mène à la mort, et défendu de prier pour eux, ajoute aussitôt au verset 18 (V.O.): Nous savons que quiconque est né de Dieu ne pèche point; mais celui qui est né de Dieu, se conserve lui-même, et le malin ne le touche point.

 

V

Ceux qui enseignent: Qu'en cette vie on ne peut avoir aucune certitude de la persévérance à venir, sans une révélation spéciale.

 

Par cette doctrine, les fidèles sont en effet privés de la plus solide consolation qu'ils puissent avoir durant cette vie, et l'on réintroduit la défiance et les opinions flottantes de l'Églises romaine. Au contraire, la sainte Écriture tire partout cette certitude, non pas d'une révélation spéciale et extraordinaire, mais des propres marques des enfants de Dieu, et de la fermeté immuable des promesses de Dieu. Principalement l'Apôtre Paul: Aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur (Rm 8:39; V.O.); et l'Apôtre Jean: Celui qui garde ses commandements demeure en Dieu, et Dieu en lui: et nous connaissons qu'il demeure en nous par l'Esprit qu'il nous a donné (1 Jn 3:24; V.O.).

 

VI

Ceux qui enseignent: Que la doctrine concernant la certitude de la persévérance et du salut est, de soi et par sa nature-même, l'oreiller de la chair, qu'elle est nuisible à la piété, aux bonnes mœurs, aux prières et autres saints exercices; mais qu'au contraire c'est une chose louable que d'en douter.

 

Ces gens-là montrent ainsi qu'ils ignorent l'efficacité de la grâce divine et l'opération du Saint-Esprit qui habite dans les élus. Ils contredisent aussi l'Apôtre Jean qui, en termes exprès, affirme tout le contraire: Bien-aimés, nous sommes à présent enfants de Dieu, et ce que nous serons n'a pas encore été manifesté; mais nous savons que lorsqu'il sera manifesté, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est. Et quiconque a cette espérance en lui, se purifie lui-même, comme lui (le Seigneur) est pur (1 Jn 3:2-3; V.O.).

 

En outre, de telles affirmations sont réfutées par les exemples des saints, tant de l'Ancien que du Nouveau Testament, qui, bien qu'ils fussent assurés de leur persévérance et de leur salut, n'ont toutefois cessé d'être assidus dans la prière et tous autres exercices de piété.

 

VII

Ceux qui enseignent: Qu'il n'y a entre la foi temporelle et celle qui justifie et sauve, aucune autre différence que celle de la durée.

 

Car le Christ lui-même, dans Matthieu 13:20 et dans Luc 8:13, établit manifestement une triple différence entre ceux qui ne croient que pour un temps et les véritables fidèles, quand il dit que les premiers reçoivent la semence dans les endroits pierreux, les seconds dans la bonne terre, ou avec un cœur bon; que ceux-ci n'ont point de racine, mais ceux-là de fermes racines; que ceux-ci ne portent point de fruit, tandis que ceux-là produisent constamment leurs fruits en diverses quantités.

 

VIII

Ceux qui enseignent: Que ce n'est point une chose absurde que, la première régénération de l'homme ayant été détruite, l'homme puisse renaître encore une fois, et même plusieurs fois encore.

 

Par cette doctrine, ils nient en effet l'incorruptibilité de la semence de Dieu, par laquelle nous naissons de nouveau, et infirment le témoignage de l'Apôtre Pierre: Vous avez été régénérés non par une semence corruptible, mais par une semence incorruptible (1 P 1:23).

 

IX

Ceux qui enseignent: Que Jésus-Christ n'a nulle part prié pour que les croyants persévèrent infailliblement dans la foi.

 

Ils contredisent le Christ lui-même, car il dit à Pierre: Mais j'ai prié pour toi, afin que ta foi de défaille point (Lc 22:32); et Jean l'Évangéliste, qui affirme que Jésus n'a pas seulement prié pour les Apôtres, mais aussi pour tous ceux qui croiraient en lui par leur parole: Père saint, garde-les en ton nom... Je ne prie pas de les ôter du monde, mais de les préserver du Malin (Jn 17:11, 15; V.O.).

 


 

CONCLUSION

Voilà donc la claire et franche explication de la doctrine orthodoxe concernant Les Cinq Articles, débattus aux Pays-Bas, avec le rejet des erreurs par lesquelles les Églises des Pays-Bas ont été troublées depuis quelque temps.

 

Le Synode estime que cette explication est tirée de la Parole de Dieu, et conforme aux Confessions de Foi des Églises réformées.

 

D'où il ressort manifestement qu'ils ont agi contre toute vérité, équité et charité, ceux qui (et cela leur convenait moins qu'à quiconque!) ont voulu faire croire au peuple:

 

Que la doctrine des Églises réformées concernant la prédestination et ses points connexes, de soi et par sa nature-même, détourne les cœurs des hommes de toute piété et de toute religion; qu'elle est l'oreiller de la chair et du diable, la forteresse de Satan, d'où il dresse à chacun ses embûches, en blesse un très grand nombre, et en frappe mortellement beaucoup par les dards du désespoir et de l'insouciance.

 

Que cette doctrine fait de Dieu l'auteur du péché, un être injuste, un tyran, un hypocrite. Qu'elle n'est rien d'autre qu'un stoïcisme, un manichéisme, un libertinisme, une turquerie rapetassée.

 

Que cette même doctrine rend les hommes charnellement nonchalants, car ils se persuaderaient par elle que, quelque vie qu'on mène, rien ne peut nuire au salut des élus, et qu'ils peuvent donc, sans aucune crainte, commettre hardiment les plus énormes forfaits; et que, quand bien même les réprouvés auraient vraiment accompli toutes les œuvres des saints, rien de tout cela ne pourrait leur servir à salut.

 

Que selon la même doctrine, on enseigne que Dieu, par le seul et pur plaisir de sa volonté, sans nul respect ni considération d'aucun péché, a prédestiné à la damnation éternelle, et créé à cette fin, la plus grande partie du monde.

 

Que si l'élection est la source et la cause de la foi et des œuvres bonnes, la réprobation n'est ni plus ni moins la cause de l'infidélité et de l'impiété.

 

Que nombre de petits enfants innocents de fidèles sont arrachés des mamelles de leurs mères pour être tyranniquement précipités dans la Géhenne, au point que ni le sang de Jésus-Christ, ni le baptême, ni les prières de l'Église faites à leurs baptêmes, « ni surtout l’élection» ne leur profitent de rien.

 

Et plusieurs absurdités semblables que les Églises réformées non seulement ne confessent point, mais détestent de tout leur cœur.

 

C'est pourquoi ce Synode de Dordrecht conjure et requiert au nom du Seigneur, tous ceux qui invoquent religieusement le nom de notre Sauveur Jésus-Christ, qu'ils aient à juger de la foi et de la doctrine des Églises réformées, non point d'après des calomnies ramassées ici et là, ni non plus d'après les dits particuliers de quelques Docteurs, soit anciens, soit nouveaux, assez souvent allégués en mauvaise foi, corrompus ou détournés dans un autre sens; mais seulement par les Confessions publiques des Églises mêmes, et par cette présente explication de la doctrine orthodoxe confirmée par le consentement unanime de tous, et de chacun des membres du Synode.

 

Ensuite, le Synode admoneste sérieusement les calomniateurs eux-mêmes à ce qu'ils considèrent quels terribles jugements de Dieu auront à subir ceux qui disent de faux témoignages contre tant d'Églises, et aussi contre de si nombreuses Confessions de Foi de ces mêmes Églises; ceux qui troublent les consciences des faibles, et s'emploient tant à rendre suspecte à beaucoup la compagnie des vrais fidèles.

 

Enfin, ce Synode exhorte tous ses compagnons d’œuvre dans l'Évangile de Jésus-Christ, qu'en traînant de cette doctrine dans les écoles et les Églises, ils se comportent pieusement et religieusement, qu'ils l'accommodent et la fassent servir, tant de bouche que par écrit, à la gloire du Nom de Dieu, à la sainteté de notre vie, et à la consolation des cœurs désolés; que non seulement ils sentent, mais qu'ils parlent aussi avec l'Écriture selon l'analogie de la foi; bref, qu'ils s'abstiennent de toute manière de parler qui passe les bornes qui nous sont prescrites du sens naïf des Écritures saintes, et qui pourrait donner une juste occasion aux sophistes arrogants et remuants de diffamer et même de calomnier la doctrine des Églises réformées.

 

Le Fils de Dieu, Jésus-Christ, qui est assis à la droite du Père, et donne ses dons aux hommes, veuille nous sanctifier dans la vérité, y ramener ceux qui se sont fourvoyés, fermer la bouche aux calomniateurs de la saine doctrine, et dispenser l'Esprit de sagesse et de discernement aux fidèles Ministres de sa Parole, afin que tous leurs propos tendent à la gloire de Dieu et à l'édification de leurs auditeurs. Amen.

 

CANON DES ÉGLISES RÉFORMÉES DE FRANCE

Canon des Églises réformées de France conclu et arrêté au Synode National tenu à Alès, dans les Cévennes, le 6 octobre 1620, avec le serment d'approbation.

 

Sur la proposition faite en ce Synode National, qu'il fallait penser aux moyens d'empêcher que les erreurs des Arminiens, qui ont troublés les Pays-Bas, ne se glissent dans les Églises de ce Royaume; la compagnie avant reçu cette proposition comme louable, juste et nécessaire, pour la paix de l'Église et l'entretien de la pureté de la doctrine, et pour resserrer de plus en plus notre union avec les Églises réformées hors de ce Royaume: a estimé que comme la maladie des Églises des Pays-Bas nous avertit de penser à nous, nous devons aussi suivre leur exemple, et prévenir ce mal par les mêmes moyens dont elles se sont servis pour les chasser.

 

C'est pourquoi, puisque le Synode National de Dordrecht, convoqué par l'autorité, le sage conseil, et la vigilance des très-illustres Seigneurs les États Généraux des Pays-Bas, et de toutes les Provinces de leur Gouvernement (auquel ont aussi assisté plusieurs grands théologiens des autres Églises réformées), qui s'est tenu aux Pays-Bas, est encore un puissant remède pour purifier l'Église, et arracher les hérésies concernant la prédestination, et d'autres points qui en dépendent: La Compagnie, après l'invocation du Nom de Dieu, a voulu que les Canons du dit Concile de Dordrecht fussent lus en plein Synode. Leur lecture ayant été faite, et chaque article pesé attentivement, ils ont été reçus et approuvés par un commun consentement, comme conformes à la Parole de Dieu et à la Confession de Foi de nos Églises, rédigés avec beaucoup de prudence et de pureté, très propres à découvrir les erreurs des Arminiens, et à les confondre.

 

Tous les Pasteurs et Anciens, députés à cette Assemblée, ont donc juré et déclaré publiquement, chacun à part, qu'ils s'accordaient à cette doctrine, et qu'ils la défendraient de tout leur pouvoir jusqu'à leur dernier souffle. De ce serment, la forme et teneur, avec les noms des députés soussignés, sera ajoutée à la fin.

 

Et pour rendre cet accord plus authentique et y obliger toutes les Provinces, la Compagnie a ordonné que ce présent Article fut imprimé, et ajouté aux Canons du dit Concile; qu'il soit lu dans les Synodes provinciaux et dans les Académies, pour y être approuvé, juré et signé par les Pasteurs et les Anciens, et par les Professeurs des Académies, comme aussi par ceux qui veulent être reçus au saint Ministère ou en quelque profession académique.

 

Que si quelqu'un rejette en tout, ou en partie, la doctrine contenue au dit Concile et décidée par les Canons, ou refuse de prêter le serment de consentement et d'approbation, la Compagnie a ordonné qu'il ne soit reçu en aucune charge ecclésiastique ou scolaire.

 

Enfin, la Compagnie exhorte par les entrailles de la miséricorde de Dieu, et par le sang de l'alliance, tous ceux auxquels la charge des âmes est commise, qu'ils marchent ensemble d'un même pas, qu'ils s'abstiennent de questions vaines et curieuses, qu'ils ne fouillent point dans le secret conseil de Dieu, au-delà des termes de sa Parole, et qu'ils ignorent les choses cachées, plutôt que de s'ingérer dans des choses illicites; qu'ils rapportent toute la doctrine de la prédestination à l'amendement de la vie, à la consolation des consciences et à l'exercice de la piété, afin que par ce moyen toute occasion de contestation soit ôtée, et que nous demeurions unis en une même foi avec nos frères des Pays-Bas, et des autres Églises hors de ce Royaume, comme soutenant avec elles un même combat, assaillis des mêmes ennemis, et appelés à une même espérance en Jésus-Christ, notre Seigneur, auquel avec le Père et le Saint-Esprit, soient honneur et gloire aux siècles des siècles. Amen.

 

Forme du serment prêté au Synode national et qui doit être prêté aux Synodes provinciaux:

 

Je, ____________________________, jure et proteste devant Dieu, et devant cette sainte assemblée, que je reçois, approuve, et embrasse toute la doctrine enseignée, et décidée au Synode de Dordrecht, comme entièrement conforme à la Parole de Dieu, et à la confession de nos Églises.

 

Jure et promets de persévérer durant ma vie en la profession de cette doctrine, et de la défendre de tout mon pouvoir, et que ni en prédications, ni en enseignant aux écoles, ni en écrivant, je ne me départirai jamais de cette règle.

 

Je déclare aussi et proteste que je rejette et condamne la doctrine des Arminiens, vu qu'elle fait dépendre l'élection de Dieu de la volonté de l'homme, exténue et anéantit la grâce de Dieu, hausse l'homme, et les forces de son franc arbitre, afin de le précipiter, ramène le Pélagianisme, déguise le Papisme, et renverse toute la certitude du salut.

 

Ainsi Dieu me veuille aider, et m'être propice, comme je jure devant lui ce que dessus, sans aucune ambiguïté, ni échappatoire, ni rétention mentale.

 

A Christ seul soit la Gloire

 

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