Page 461 - Dictionnaire Westphal

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la loi de JHVH. On peut se demander si, parvenue à cedegré de complication formelle,
la poésie ne sombre pas dans laversification artificielle.II Valeur du genre.Il faut
convenir en effet que ces recherches systématiques de lalettre risquent de nuire à
l'inspiration (voir Poésie). Cicérondisait des vieux oracles de la Sibylle écrits en
acrostiche, qu'il ya là plus de réflexion et de souci d'art que d'enthousiasme
etd'exaltation
(De Divinatione,
II, 54). De même, bien descritiques trouvent à nos
poèmes alphabétiques «simplement un intérêtde curiosité littéraire» (L. Gautier), y
voient l'indice d' «uneépoque de décadence où généralement l'artifice cherche à
masquerl'absence de ressources plus dignes du but et du sujet, dans unsiècle où la
grammaire commence à primer la poésie» (Reuss). Cesjugements sévères sont surtout
préoccupés de la disproportion entrel'élévation des sujets traités et les minuties
insignifiantesrelatives aux lettres employées. Mais il est à noter précisémentqu'on n'a
pas pu trouver d'explication à ce système dans un rapportavec les sujets traités:
preuve en soit la variété des genres de cesquinze morceaux,--didactique, lyrique,
mystique, prophétique,--etaussi le fait qu'ils ne se distinguent pas particulièrement
desautres par une inspiration défaillante. Il faut plutôt sans doute enchercher l'origine
dans une intention toute pratique: «On commençapeut-être ce procédé, écrit Ch. Bois,
pour aider la mémoire.»
(Encycl,
art. Poésie hébraïque VI, p. 109.) Cette
observation,reprise par Crampon note au Ps 119), est très justementdéveloppée dans
Bbl. Cent, à propos du même Psaume: «L acrostiche,procédé employé d'ordinaire pour
aider la mémoire, et le verset 9(Comment le jeune homme rendra-t-il pure sa conduite?
c'est enrestant fidèle à ta Parole), ont fait supposer que le Psaume étaitdestiné à
l'instruction de la jeunesse.» Tout instructeur expérimentéde l'enfance, même dans
notre Occident moderne, connaît bienl'intérêt que prennent les jeunes esprits aux
combinaisons de lettreset de mots qui leur servent de support pour les idées. Sans
doute cegoût s'atténue ensuite et disparaît souvent; mais ce serait leméconnaître par
manque de pédagogie, par un point de vue: adulte nonadapté aux enfants, que de ne
plus voir dans ce genre que jeuxd'esprit et puérilité. Aux temps où l'enseignement
s'adressait presque exclusivement àla mémoire, un tel moyen d'aide mnémotechnique
n'était nullementméprisable, ni négligeable. On a lu plus haut que les antiquesOracles
sibyllins eux-mêmes, d'après Cicéron, étaient rendus en versacrostiches. Un papyrus
de Tebtunis (Egypte), datant du début del'ère chrétienne, et publié en 1907, reproduit
une histoire pourpetits enfants, où la perte d'un vêtement est racontée envingt-quatre
vers très courts commençant chacun par les lettressuccessives de l'alphabet grec. A
plus forte raison peut-on doncadmettre que chez les Juifs, si préoccupés d'inculquer à
leurjeunesse la morale religieuse de leurs livres saints, le genrealphabétique ait joué
un certain rôle éducatif. Ils l'ont en tout cas utilisé longtemps encore dans
leurlittérature postérieure. L. Gautier croit fort improbable quel'alphabétisme ait été
pratiqué par les poètes hébreux avant l'exil».Il se peut en effet qu'aucun de ces poèmes
entrés dans le canon del'A.T. ne remonte plus haut que le VI e siècle; il ne nous