culte fort étranger à nosbesoins? La marque de la Réforme, c'est d'avoir suivi, non les
moeurscléricales avec leur unisson, mais l'art populaire, qui a toujoursvoulu des
harmonies: instinct juste, devenu le symbole de ladiversité des dons dans l'Église, le
rythme pliant chacun à la mêmerègle morale. L'écriture homophone à quatre voix =un
accord parsyllabe, est l'équivalent moderne de l'unisson des temps obscurs =une note
par syllabe (Riemann). La mélodie a commencé par êtreconfiée au ténor (=la voix qui la
«tient»), les femmesl'accompagnant. Mais Goudimel déjà, pour les Huguenots (1564
et1565), a donné plusieurs fois l'air aux femmes, les ténors rentrantau rang
d'accompagnateurs et chevaliers servants. Lucas Osiander afait de même en
Allemagne pour le choral (1586). Aujourd'hui ceserait peut-être habile de rendre
parfois la mélodie aux ténors, quise croient inutiles s'ils ne mènent pas les affaires; on
en reverrapeut-être au culte public...Il reste que l'écriture à quatre voix,avec air au
soprano, est la plus favorable pour que chacun puissechanter (Winterfeld). On
l'apprend aux premières pages de laRéformation. Luther: «La voix (mélodie) va, droite
et simple, selonsa nature; les autres jouent autour d'elle...Quiconque ne sait y voirune
oeuvre indiciblement merveilleuse de Dieu, n'est pas digne du nomd'homme; il n'est
bon qu'à ne plus entendre que braiement d'âne etgrognement de truie» (1545). Viret,
fort bon musicien: «Il semble quele plain-chant (=unisson) ne soit pas musique en
comparaison del'autre (à quatre voix). Quand on ne chante qu'à une voix, on ne
peutjuger de l'excellence de la musique» (1550). «Ainsi qu'un même oiseaune peut
exprimer toutes les voix des autres, ainsi un même homme nepeut exprimer tous les
tons, tous les sons et toutes les parties demusique, mais sont contraints de
s'assembler plusieurs pour ypourvoir» (1561). Le premier psautier de St-Gall (1601)
apporte desharmonies à tous les airs «pour la récréation de l'homme du peuple».Et
lorsque Reichardt, de Berlin, vient dans la campagne zurichoise,vers 1800, il
s'émerveille, à la saison des foins, d'entendre faneurset faneuses chanter à quatre voix
dans les prairies. «Mais, luidit-on, nous voulons avoir ici le même plaisir qu'à l'église!»
Telleest la vraie tradition protestante populaire en France et en Suisse.Du fait que
maint psautier n'imprime que l'air, conclura-t-on contrel'usage des quatre voix? Que
tirer alors du fait que de plusnombreuses éditions n'ont aucune musique? Qu'on ne
doit pas chanterdu tout? Bourgeois et Goudimel, puis Claudin le Jeune et d'autres
enFrance, Walter puis Schütz, en Allemagne, ont toujours pourvu à desharmonies, ce
qui est la forme normale du chant populaire et parconséquent du chant d'église
protestant. Une autre raison milite encore en faveur des quatre voix. Toutemélodie (la
seule partie de la musique qu'on utilise avec l'unisson)a un certain
ambit
=distance
entre la plus basse et la plushaute des notes. Les voix de femmes, plus souples,
peuvent aller dedo à mi (10 tons; Recueil de Paris, n° 143; Laufer, 590: «Non, rienen
ma personne»); les basses auront de la peine à trouver ce mi sansforcer la voix; l'effort
ne sera pas beau. Avec l'écriture mixte, ily a «harmonie» et l'effet est saisissant. Si l'on
baisse tous lesairs, pour que les hommes puissent les chanter, on exclut la