pas décisif. On peuttrès bien admettre, avec la plupart des commentateurs
d'aujourd'hui,que l'apôtre a reçu du Seigneur ce qu'il dit de la Cène, mais par lemoyen
des autres apôtres qui, à Jérusalem, avaient pleinementapprouvé son évangile et son
ministère, et lui avaient donné la maind'association (Ga 1:18 2:9). D'autre part, cette
conformité, au moins pour tout l'essentiel,de l'évangile de Paul avec celui des apôtres
qui avaient accompagnéJésus pendant son ministère terrestre, nous paraît suffisante
pourréduire à néant la thèse très en vogue dans certains milieux pour quil'évangile du
salut et, dans l'évangile, le récit de l'institutionseraient une pure invention de Paul ou
une adaptation à la religionchrétienne d'une certaine idée païenne de la rédemption
(par lesacrifice d'un dieu), idée qu'il aurait empruntée au culte desMystères (cela
n'exclut d'ailleurs pas la possibilité d'un empruntfait par l'apôtre à la langue des
Mystères, de certains termes qu'ilaurait christianisés en quelque sorte et incorporés
dans sonvocabulaire théologique, pour mieux se faire comprendre de telsanciens
païens à qui s'adressaient ses épîtres;voir Mystère). Abordons maintenant la narration
même de l'institution de laCène, et demandons-nous quelle fut, dans cette
circonstance, lavéritable pensée, l'intention profonde et miséricordieuse duSeigneur.
D'après les Synoptiques (Mt 26:17-19,Mr 14:12,36,Lu22:7-13), indirectement
confirmés par ce que dit Paul quand ilappelle Christ «notre agneau pascal» (1Co 5:7), il
est hors dedoute que Jésus, le soir des adieux, a voulu prendre avec ses apôtresle
repas de la Pâque prescrit par la Loi (Ex 12:24
etsuivant
;voir Paque), et que ce repas fut
l'occasion de l'institutiondu sacrement eucharistique. Le repas pascal, en unissant les
enfants d'Israël plusétroitement les uns aux autres par la communauté d'un grand
souvenir,devait aussi--et surtout--les unir d'une manière plus intime au Dieuà qui ils
appartenaient à un double titre, puisqu'il était en mêmetemps que leur Créateur leur
Libérateur, Celui qui les avait sauvésde «la maison de servitude», et les avait appelés
ainsi à l'existenceen tant que peuple indépendant et organisé. Jésus, venu non
pourabolir mais pour accomplir (Mt 5:17), et qui a toujours vouluaffirmer son étroite
solidarité avec son peuple, a tenu à prendreavec ses disciples le repas commémoratif
de la Pâque tel qu'il vientd'être défini. Mais au sens primitif, religieux et national du
repastraditionnel, il va surajouter une signification nouvelle,complémentaire et toute
spirituelle, et c'est la seule qui compteraet restera après lui, substituée à la première,
dans la pratique del'Église: au cours du repas il accomplit un acte symbolique destiné
àgraver au plus profond de l'âme de ses disciples non seulement lesouvenir de sa
mort, mais l'idée du véritable caractère de cettemort, don total de lui-même, sacrifice
librement consenti pour sesdisciples et pour le monde entier (Mr 10:45,Mt
20:28,Jn10:11,16,17). Hanté par la pensée de sa fin toute proche, il prenddu pain, le
rompt, comme faisait le père de famille au début du repaspascal (on rompait toujours
le pain chez les Juifs) et, après avoirrendu grâces, le donne à ses disciples en leur
disant (D'après lesdifférents récits combinés): «Prenez, mangez, ceci est mon corps
quiest donné (ou rompu) pour vous. Faites ceci en mémoire de moi.» Puis,«quand ils