meilleureexplication, proposée en 1771 par le pasteur hanovrien Jacobi, a
étédéveloppée par Ewald en 1826 (voir aussi ses
Poètes de l'A.T.,
1867). Voici, d'après
lui, le sujet du poème. Une belle jeune fille de Sulem (c-à-d. Sunem, aujourd'hui
Soulem,
à environ 9 km. au Nord de Jizréel), surprise par Salomonqui voyageait dans
le nord du pays, a été amenée au harem (Ca1:4), où les femmes chantent les louanges
du maître. Le roi fait degrands efforts pour gagner son coeur (Ca 1:9
et suivants
),
maiselle reste fidèle à son berger (Ca 1:7
et suivants
), qui finitpar se montrer et obtient
la permission de la ramener à Sulem (Ca8:6
et suivants
). Ce poème célébrerait donc le
triomphe de l'amourfidèle, «fort comme la mort» (Ca 8:6
et suivant
). Ce point de vue a été
repris par Renan dans son étude sur le
Cantique des Cantiques
(1860) et par Ch.
Bruston
(LaSulamite,
Paris, 2 e éd. 1894), sans parler de critiques tels queDillmann et
Driver. Bruston distingue cinq actes dans le poème. Le1 er (Ca 1-2:7) peint la ferme
attitude de la Sulamite, qui,en réponse aux compliments de Salomon, fait en termes
des pluspoétiques l'éloge de son bien-aimé. Après le départ du roi, elleraconte à ses
compagnes (2e acte, Ca 2:8-3:5) une visite queson berger lui a faite et un rêve dont il a
été le héros. Le 3eacte (Ca 3:6-5:1) raconte le mariage du monarque avec uneprincesse
étrangère. Au 4 e acte (Ca 5:2-8:4), la Sulamitecélèbre son berger, sans se laisser
émouvoir par de nouveauxcompliments de Salomon. Rendue à la liberté, elle retourne
à Sulem,«appuyée sur son bien-aimé» (5e acte, Ca 8:5-14). Cet essai d'explication, si
ingénieux qu'il soit, est trèscontestable. Remarquons, avec le critique allemand
Siegfried, quecette interprétation dramatique est peu naturelle et ne répond guèreà
l'histoire, car il semble que les Hébreux n'aient pas cultivé cegenre. On peut s'étonner
qu'aucune indication de scènes ou depersonnages ne vienne, dans le
Cantique,
guider
les acteurs oules simples lecteurs. Celles qu'on a proposées, d'ailleurs, sont
trèsvariées, comme Ed. Reuss l'a montré dans un tableau synoptique de sixcolonnes
(La Bible:
Poésie lyrique, le Cantique, 1879, p. 23-42).Le moins qu'on puisse dire, c'est
que l'élément subjectif joue ungrand rôle dans les divers essais de solution
dramatique. Frappés de ces difficultés, divers savants sont revenus àl'hypothèse de
Richard Simon, celle des chants d'amour. Ils sont, ditReuss, l'oeuvre d'un poète qui a
voulu peindre sa passion. Il parleseul: le langage qu'il prête à sa bien-aimée n'est
qu'un procédélittéraire analogue à celui du poète Horace conversant avec Lydie
(Odes,
III, 9). Il n'a pas de rival, pas même Salomon, «ce loupravisseur de l'opérette»; il se
borne à le mentionner sans luiattribuer de rôle précis. Dans ce poème, conclut Reuss,
il n'y a niacte ni action. Ce point de vue a l'avantage d'être confirmé par certains
traitsde l'Orient contemporain, riche en pièces lyriques, l'Arabie surtout,qui les appelle
des
divans
(recueils). On les chante enparticulier pendant les fêtes nuptiales. Une vive
lumière a été jetéesur ces coutumes en 1873, par les observations de
Wetzstein,arabisant distingué, longtemps consul de Prusse à Damas. En
Syrie,pendant les sept jours de réjouissances matrimoniales, l'époux etl'épouse sont
qualifiés de roi et de reine et traités comme tels, etleurs mérites célébrés par des