Page 1381 - Dictionnaire Westphal

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CANTIQUE DES CANTIQUES
Ce titre a le sens de «cantique par excellence»; en hébr., en effet,cette construction
désigne le superlatif (autres ex.: vanité desvanités, Saint des saints). Le Cantique des
Cantiques était le premier des cinq petits«rouleaux» lus aux grandes fêtes juives. On en
donnait lecture lehuitième jour de la Pâque, parce que l'amour réciproque de Yahvé
etde la nation israélite, qu'il passait pour figurer, était en harmonieavec l'alliance
conclue entre eux à la sortie d'Egypte. Ce fut cetteinterprétation allégorique, ajoutée à
la croyance qu'il provenait deSalomon lui-même, qui fit admettre dans le canon
hébreu, après unelongue résistance qui semble avoir duré jusqu'à l'ère chrétienne,
ceschants d'amour--appelés à tort «cantique»--de caractère areligieux etparfois
choquant. Ce fut elle qui le fit aussi accepter par leschrétiens comme livre sacré. Le
célèbre docteur alexandrin, Origène, dans son grandcommentaire sur le Cantique,
présente le «bien-aimé» comme le symboledu Christ et la jeune fille comme l'image de
l'Église et même del'âme individuelle. Cette interprétation allégorique fut longtemps
enfaveur. Bernard de Clairvaux prêcha quatre-vingts sermons sur les deuxpremiers
chapitres. La Réforme la laissa subsister, malgré lesobservations de Sébastien
Castellion (en 1544), et on la retrouvedans la version d'Ostervald et
l'Authorized
Version
des Anglais(voir les titres mis aux chapitres). Elle a été maintenue parcertains
exégètes modernes, tels qu'Adolphe Franck (
Étudesorientales,
1861), et F. Godet (
Et.
bibl.,
1 re série, 2 e éd.1863), mais elle a perdu tout crédit. Rien, en effet, dans
notrelivre, n'autorise à y voir une allégorie, et, selon la remarque duprofesseur Lucien
Gautier, le réalisme de quelques-unes de sespeintures empêche de penser que son
auteur ait cherché à figurer desrelations religieuses. Comment croire que l'autocrate
possesseur d'unharem considérable (cf. 1Ro 11:3) ait pu être choisi commesymbole de
Dieu? Les progrès du sens historique ont, d'ailleurs, amené lescritiques à prendre le
Cantique
pour ce qu'il est: une collectionde chants d'amour, d'une gracieuse et
brillante poésie (qu'on sereporte, en particulier, à la jolie description du printemps:
Ca2:11,13). --Quel est le genre de ce recueil? Ses chants sont-ils desmorceaux
indépendants, ou forment-ils un ensemble suivi? En dépit deHerder qui, dans ses
Chants d'amour de Salomon
(1778), optaitpour la première hypothèse, ils sont, en
général, en relation les unsavec les autres. On le voit à la présence des mêmes
personnages (laSulamite, les filles de Jérusalem, etc.), à la répétition de certainsmots
et de quelques refrains (Ca 2:7 et Ca 3:5). Mais, sices chants forment une suite, à quel
genre littéraire serattachent-ils, et quel en est le sens? C'est là une questiondifficile et
très discutée. Le savant allemand Delitzsch y a vu un poème, chantant le mariagede
Salomon avec la Sulamite. Mais comment concilier cette hypothèseavec la conclusion
du livre, qui célèbre la victoire de la jeunefille? (Ca 8:10) Comment identifier Salomon
avec le berger quivient frapper, la chevelure trempée de rosée, à la porte de labergère?
(Ca 5:2) Enfin, comme l'a fait observer le professeurCh. Bruston, le langage du roi ne
contient-il pas «des cruditésincompatibles avec le sérieux d'un jour de mariage»? Une