Page 1383 - Dictionnaire Westphal

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chants spéciaux. Dans la suppositiontrès plausible que ces usages fussent déjà en
vigueur avant l'èrechrétienne, le
Cantique
trouverait ainsi son explication, au diredu
commentateur allemand K. Budde
(Le Cantique,
1898), qui croity discerner vingt-trois
poèmes. Les titres de roi et de reine donnésaux mariés auraient un sens
conventionnel. L'époux y est comparé àSalomon qui, aux yeux des Orientaux,
incarnait le prestige royal.L'épouse, de son côté, est appelée «la Sulamite», par allusion
sansdoute à une femme célèbre par sa beauté (1Ro 1:3-15), Abisag laSunamite. Tous
ces chants ont dû former le répertoire de quelquemusicien de profession. Cette
séduisante hypothèse a été confirmée, en 1901, par lapublication du
Paloestinischer
Diwan
de G. Dalman, qui donne sixchants nuptiaux modernes de Syrie très
semblables au Cantique. Deleur côté, Lyall et W. M. Muller ont édité des chants
parallèles,exécutés autrefois en Arabie et en Egypte. L'hypothèse, admise parBertholet
(Hist. Civ. Isr.,
p. 214), a été vigoureusementcritiquée par le savant orientaliste français
R. Dussaud
(LeCantique des Cantiques,
Paris 1919). Il allègue que les anciensrabbins
n'ont jamais parlé de cette interprétation, et que, en fait,dans notre livre, le titre de
«reine» n'est jamais appliqué à labien-aimée. Il en revient à l'idée de chants d'amour
détachés. Il endistingue quatre, séparés à l'origine, puis juxtaposés ou entremêlésau
cours de l'ouvrage. Il y a d'abord le «poème du roi», monarqueréel recevant une jeune
fille dans son, harem. Ce chant, qui sereconnaît à la mention de Salomon et de la
Sulamite et àl'intervention des femmes, a été dispersé dans le Cantique, mais onpeut
le reconstituer à peu près. Quant aux trois autres poèmes, ceuxdu berger, analogues
avec de légères différences, ils auraient étéinsérés à la suite l'un de l'autre. Cette
interprétation n'expliquepas, selon la remarque du professeur A. Lods, «à quel mobile a
obéile rédacteur en dispersant le poème du roi au milieu des autrespièces»
(RHR,
nov.-
déc. 1920). Ce savant «incline à croire qu'unepartie au moins des poésies du Cantique
étaient des chants nuptiaux,les autres de simples poèmes d'amour, qui ont, du reste,
pu êtreexécutés aussi dans les festins de noces». En particulier, il luisemble difficile de
contester que le cortège décrit Ca 3:6,11,où le roi apparaît ceint d'une couronne de
noces, soit un cortègenuptial. En définitive, l'hypothèse des chants nuptiaux, qui a
l'avantagede donner un cadre à ces poésies, celui d'un événement de familleaussi
important que le mariage, semble expliquer mieux que touteautre l'origine de cet
énigmatique poème, surtout si l'on admet, avecun arabisant très érudit, Ed. Montet,
que son caractère licencieux aété exagéré et qu'il contient simplement «des expressions
et desimages d'un goût risqué, mais conformes aux procédés littéraires del'Orient
sémitique en matière de chants d'amour». La date du
Cantique
est difficile à préciser.
La présencedans le texte hébreu de termes empruntés au grec a poussé lescritiques à
songer aux temps de la domination hellénique, fondée surles victoires d'Alexandre le
Grand (donc au III e ou au IV e siècle).Le théâtre de ces scènes d'amour paraît avoir
été la Judée, comme lesuggère la mention des «filles de Jérusalem». L'auteur est
inconnu,comme le sont d'ordinaire les poètes qui composent les chantspopulaires. Sa