Page 1375 - Dictionnaire Westphal

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lettreà Cyprien). Ces mêmes théologiens tiennent pour canoniques d'autresouvrages
qui ne font plus partie de notre N.T.: Irénée, p. ex., citecomme parole d'Écriture la 1 re
ép. de Clément romain et le Pasteurd'Hermas; Tertullien, du moins dans la partie
orthodoxe de sacarrière, utilise de même le Pasteur d'Hermas; Clément
d'Alexandriepareillement. Ce dernier emploie avec une égale piété d'autresouvrages
encore, tels que la 1 re ép. de Clément, l'épître deBarnabas et la Doctrine des Apôtres.
Il nous reste à mentionner un important document qui appartient àla même époque.
C'est le fragment de Muratori: 85 lignes écrites enun latin barbare vraisemblablement
traduit du grec, provenant sansdoute de Rome et datant d'environ 200. Ce précieux
texte, mutilé audébut, contient la liste des livres du N.T. considérés
commecanoniques, avec diverses remarques explicatives. Cette listecomprend nos
quatre évangiles (et ceux-ci sont déjà si généralementadmis à l'exclusion de tout autre
que l'auteur ne se donne pas lapeine d'écarter les év. apocr.), les «Actes de tous les
apôtresécrits en un seul livre» (ce qui met de côté les nombreux «Actes»apocr.), les ép.
de Paul (neuf à des Églises et quatre à desparticuliers), Jude, 1 et 2 Jean, l' Apo de
Jean et l' Apo de Pierre(de laquelle il est dit que certains s'opposent à ce qu'on en
fassela lecture publique). Par contre, Héb., 1Pierre (peut-être parinadvertance),
2Pierre, Jacques et 3Jean ne sont pas mentionnés. D'autreslivres sont explicitement
exclus du canon, tel le Pasteur d'Hermas,ou même vivement combattus, p. ex. l'épître
aux Laodicéens et celleaux Alexandrins, faussement attribuées à Paul. Voilà donc le
livre des chrétiens dûment constitué. Pourquoil'Église s'est-elle ainsi, entre 150 et 200,
donné un nouveau recueilcanonique? Il y a lieu de distinguer, sur ce point, entre les
raisonsdes théologiens et des chefs et celles des simples fidèles. Ceux-ci,nous l'avons
vu, avaient accordé aux Apôtres une place tout à fait àpart dans l'humanité et les
égalaient aux plus grandes figures del'A.T. Que leurs écrits parussent à la foule des
croyants aussidivins et aussi intangibles que ceux de la Bible, n'a rien qui doivenous
surprendre; d'autant moins qu'on lisait ces écrits dans lescultes, à côté de ceux de
l'A.T., et que les auditeurs y trouvaient bienplus distinctement, plus immédiatement
accessibles à chaqueconscience droite, la doctrine et la morale évangéliques.
Commentn'eût-on pas divinisé des ouvrages où l'on éprouvait si nettementl'action de
Dieu? Les âmes tenaient en singulière vénération leslivres qui les faisaient vivre, sans
trop se soucier de leur origineet sans faire preuve a leur égard de la moindre défiance
critique. Les théologiens et les évêques, eux, avaient à défendre l'Églisecontre les
entreprises des hérétiques. A tous ces hommes quiprétendaient représenter un
christianisme supérieur et qui lesaccusaient d'infidélité, ils devaient pouvoir opposer
les documentscertains du christianisme des Apôtres. De même, dans leurs
polémiquescontre les Juifs et surtout contre les philosophes païens, dans leuractivité
missionnaire, dans les apologies de leur foi qu'ilsprésentaient à l'Empire persécuteur,
il leur fallait pouvoir produireun code authentique de leur doctrine, de leur morale et
de leurdiscipline. Le canon chrétien fut donc tout ensemble un