collections plus ou moins abondantesdont on ne peut dire que l'une fût plus légitime
et plus véritableque l'autre. La première trace d'un recueil canonique chrétien se
rencontrechez Justin Martyr (100?-165?). Lorsqu'il parle de «nos Livres», iln'entend
pas seulement l'A.T. ni toute la littérature chrétienne, ycompris ses propres ouvrages,
mais bien un certain nombre d'écritsconstituant la charte du christianisme
authentique. Ce qui fait leurautorité, selon Justin, et les met à part, c'est qu'ils ont
étéinspirés par le Saint-Esprit et composés par des Apôtres. Dans sa 1re Apologie
(67:3), il rapporte qu'aux cultes de son temps on lisaitchaque dimanche les «Mémoires
des Apôtres» (les évangiles) et les«Prophètes», plaçant--est-ce fortuitement?--lesdits
«Mémoires» aupremier rang. Ce canon scripturaire de Justin comprenait les évangiles;
commeil ne les désigne pas par leur nom particulier, mais se contente deproduire des
textes comme appartenant à l'évangile, et comme d'autrepart il cite très librement, il
est difficile de déterminer avecprécision quels évangile il connaissait et déclarait
canoniques.C'étaient fort probablement nos quatre évangiles et peut-être encoreun
cinquième, que certains pensent avoir été celui de Pierre. Ilcomprenait aussi
l'Apocalypse. Justin utilise aussi quelques ép. dePaul, Héb., Act.; mais pour citer ces
ouvrages-là, il n'emploie pasla formule: «il est écrit» qui était réservée aux textes sacrés
etdont il use couramment quand il s'agit des évangiles. Justin Martyrnous renseigne
sur ce qu'on pensait à Rome vers 150. Mais d'autrestémoignages nous permettent de
faire ailleurs des constatationsanalogues. Hégésippe, p. ex., entre 173 et 190, raconte
dans sesrécits de voyage, qu'Eusèbe nous a conservés, qu'il a trouvé lesÉglises
unanimes dans la profession de la doctrine qui a pour normesla Loi, les Prophètes et le
Seigneur. Par ce dernier mot, Hégésippeentend les évangiles, qu'il connaît très bien,
«Le Seigneur», c-à-d.un certain nombre d'évangiles, immédiatement ou
médiatementapostoliques, telle est donc la première forme sûrement attestée
dunouveau canon scripturaire des chrétiens. Nous en trouvons une seconde forme,
beaucoup plus précise, chezle gnostique Marcion qui sortit vers 140 de l'Église et se
dressacontre elle pour la réformer et la ramener à ce qu'il affirmait êtrele véritable
Évangile. Il établit une liste des livres sacrés devantfaire loi pour les chrétiens en
matière de foi, de culte et dediscipline. Ce canon comprenait aussi «le Seigneur», mais
celui-ciétait réduit au seul évangile de Luc, considérablement abrégé. A cettepremière
partie, Marcion en ajouta une seconde, qu'il nomma«l'Apôtre» ou «l'Apostolique»,
composée de dix ép. de Paul (nostreize ép. moins les ép. pastorales). On ne sache pas
qu'il ait donnéun nom à l'ensemble de ces deux parties, qui constituait bien un
N.T.rudimentaire. Cette introduction par Marcion des ép. dans le canon chrétienfut-
elle une innovation que l'Église n'aurait pas tardé à imiter, oubien existait-elle déjà
avant que l'illustre hérétique eût établi soncanon particulier? Les avis sur ce point
sont divisés. Notons en toutcas que, si 2Pi 3:16 est postérieur à 140, nous n'avons
aucunepreuve de canonisation des ép. antérieures à Marcion; et remarquonsaussi que
nul autant que lui n'avait intérêt à canoniser ces épîtres.Marcion, en effet, rejetait le