le fond que pourla forme. C'était la première fois que la Bible parlait vraimentfrançais.
Le succès fut immense, malgré l'opposition de la Sorbonne.Le travail était achevé,
mais l'ouvrage n'avait pas encore paru,quand Sacy fut arrêté et mis à la Bastille, où il
passa deux ans etdemi (1666-1668). Il employa ses loisirs forcés à traduire l'A.T.,avec
non moins de bonheur que le N.T. Mais il n'obtint l'autorisationde le publier qu'à la
condition d'y joindre de longs commentaires, cequi en retarda beaucoup l'apparition.
L'édition, commencée en 1672,ne fut terminée qu'en 1702 (dix-huit ans après la mort
de l'auteur,survenue en 1684); elle comprend trente-deux volumes. Deux graves
défauts déparent malheureusement la Bible de Sacy.D'abord elle est faite d'après la
Vulgate. Ensuite, dans le louabledessein de rendre toujours le texte d'une façon bien
claire, même làoù il est le plus obscur, elle verse dans la paraphrase et aboutitparfois
au contresens. Par exemple: «il a condamné le péché dans lachaude J.-C, à cause du
péché
commis contre lui
» (Ro 8:3).«Si donc vous êtes morts avec J.-C, à ces premières
et
plusgrossières instructions du monde, comment vous laissez-vous imposerdes lois,
comme si vous viviez dans ce
premier état
du monde? Nemangez pas,
vous dit-on, d'une
telle chose,
ne goûtez pas
dececi,
ne touchez pas
à cela»
(Col 2:20
et suivant
). Lesmots
ajoutés par le traducteur sont en général soulignés, mais cecine justifie pas l'addition,
quand elle fausse la pensée biblique;c'est le cas Ro 8:3 et aussi, quoique à un degré;
moindre,Col 2:20. La Bible de Sacy, souvent réimprimée, fréquemment revue ouimitée,
a exercé depuis son apparition une influence considérable surtoutes les éditions
catholiques des livres saints. Il s'en est fallude peu qu'elle ait aussi marqué de. son
empreinte les versionsprotestantes. Nous avons vu combien la révision de 1588
étaitdéfectueuse pour le style. Les traductions originales parues en:dehors d'elle, celle
de Chateillon--Castalion--(1555) et celle deDiodati (1644), n'avaient apporté aucun
progrès. C'est au début duXVIII e siècle seulement qu'on se préoccupa, dans les
milieux de laRéforme, de publier les livres saints en bon français, à l'image desN.T. du
Père Amelote et de Port-Royal. Ce fut l'un des buts visés pardeux traductions du N.T.,
celle de Jean Le Clerc (1703) et celle deBeausobre et Lenfant (1718), qui furent des
oeuvres estimables. Unessai plus sérieux encore et mieux réussi dans le même sens
fut celuides pasteurs et professeurs de l'Église de Genève, dans leur révisiondu N.T.
parue en 1726. C'était une version entièrement renouvelée,qui pouvait rivaliser, pour
le style, avec la Bible de Sacy.Malheureusement, si elle lui avait emprunté ses qualités,
elle luiavait pris aussi ses défauts: sa tendance à la paraphrase et sonsouci de la clarté
poussé parfois jusqu'au contresens, par exemple1Pi 3:20: «huit personnes...qui furent
sauvées
de
l'eau», aulieu de «par l'eau»
(dïhudatôri).
Elle avait aussi
remplacésystématiquement le «tu» antique par le «vous» moderne, sauf pourtantdans
les paroles adressées à Dieu. Il eût été facile à des réviseursprudents de tirer de cette
oeuvre, à bien des égards remarquable, unN.T. excellent. Mais au moment où la Bible
de Genève se mettait àparler français, elle fut supplantée par d'autres révisions,
cellesde Martin et d'Ostervald. David Martin, pasteur à Utrecht, fit paraître en 1696 un