LE MYSTICISME DE
JÉSUS-CHRIST
Par
Jean leDuc
Mars 2025
Mise en page par
Jean leDuc et Alexandre Cousinier
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LA LUMIERE INTERIEURE DE LA VIE EN CHRIST
L'ANTICIPATION DES MERVEILLES DE LA LUMIÈRE DE CHRIST EN NOUS
LA RÉPONSE DE L'ÂME A LA LUMIÈRE DE CHRIST EN NOUS
Le secret d'une dévotion plus intime.
L’EXPÉRIENCE MYSTIQUE DE JÉSUS
JUSTIFICATION DE LA DOCTRINE MYSTIQUE
Source de l'inspiration du mysticisme.
LES ÉPITRES DE PAUL
♦(1) L'insistance précoce sur les visions.
(2) La plus surprenante des visions Paul.
(3) Le grand mot d’ordre paulinien de la vie spirituelle.
(4) L'enseignement concernant Christ et l'appel à renaitre ou renaissance.
(5) Paul a vécu une fois, la phase psychologique de l'extase.
L'ÉVANGILE ET ÉPITRES DE JEAN
♦(1) Le quatrième Evangile a été appelé « la charte du mysticisme ».
(2) Le symbolisme dans l'expression de la pensée mystique.
(3) L’unification entre le disciple et son Seigneur incarné.
L’AGNEAU MYSTIQUE PRÉDESTINÉ AU SACRIFICE
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LA LUMIERE INTERIEURE DE LA VIE EN CHRIST
Tout ce qui a trait à une vie ou lumière intérieure dans laquelle nous recevons des instructions, des directions, bref de la connaissance et des révélations, se nomme généralement du mysticisme. Or toute lumière intérieure n'est pas nécessairement celle de la vérité, car comme nous l'avons souvent dit, toutes choses a sa contrefaçon, surtout au niveau spirituel; et le monde intérieur est le domaine de l'esprit de la chair, l'ange de lumière nommé Satan. Il y a donc la lumière charnelle d'une prétendue spiritualité qui n'est que duplicités; et la lumière spirituelle authentique de la Vérité qui est Christ Lui-même, s'il a choisi de faire son habitation en vous. Autrement vous ne seriez pas des siens. Or Christ est venu pour écraser la tête du serpent (Gen. 3: 14,15):
14 Le SOUVERAIN SUPRÊME, L’ESPRIT DES VIVANTS dit au raisonnement serpentin: Puisque tu as fait cela, tu seras maudit entre tous les sages et entre tous les êtres vivants en croissance d'existence, ta progression paraîtra ainsi, tu te nourriras de tes imperfections tous les jours de ta vie.
15 Je mettrai inimitié entre toi et l'existence charnelle, entre ta postérité et sa POSTÉRITÉ: celle-ci écrasera tes agitations, et tu contrarieras ses pas. Job 38. 6,7; Mt. 4. 1; Col. 2. 15;
La lumière a la caractéristique de dissiper l'obscurité. Elle éclaire et réchauffe ce qu'elle atteint. Les premiers mots de la Bible disent:
« Et L’ESPRIT DES VIVANTS dit: Que la splendeur* de la variété soit; et son rayonnement fut. Gen. 1: 3), c'est aussi le nom donné au Christ dans l'Ecriture:
« Alors Jésus parla encore au peuple, et dit: JE SUIS la lumière de cette disposition de la loi; celui qui me suit ne marchera point dans les ténèbres de sa conscience, mais il aura la lumière de la vie. És. 42. 16; Jn. 1. 9; Jn. 9. 5; Jn. 12. 35-36; » (Jn 8:12).
En fait la Bible déclare clairement: « Alors, ceci est le message que nous avons entendu de Lui, et que nous vous certifions, c'est que L’ESPRIT DES VIVANTS est lumière, et qu'en lui il n'y a point de ténèbres. » Quelle révélation extraordinaire ! Et dans ce texte, nous pouvons souligner trois points fondamentaux: Premièrement, c’est l'Esprit des vivants, dont le nom est JÉSUS, qui est le Créateur et l'Essence de notre existence. C’est ce qui fait que notre vie a un sens. Nous existons parce que l'Esprit des vivants, a désiré de toute éternité que la vie de son Essence soit manifestée, et que ses émanations ou élus en portent la lumière, afin que le rayonnement de sa gloire paraisse devant les hommes et qu'ils soient condamnés.
Deuxième point: l'Esprit des vivants a parlé en nos âmes ou conscience par sa Parole inspirée qui respire de sa Sainte Présence. De même, tout au long de la Bible, l'Esprit des vivants s’adresse à nous, et il nous révèle qu’il est un l'Esprit des vivants d’ardeur, et qu’il désire nous remplir de son activité dynamique réciproque, pour notre transformation finale en son image dans une nouvelle existence en une nouvelle création.
Le troisième point, c’est que la chose initiale que l'Esprit des vivants manifesta, fut la lumière qui donna l'évidence de la variété dans sa création. Ici, il ne nous est pas difficile de comprendre qu’il ne serait pas possible pour nous de vivre dans un monde sans lumière ! C’est grâce à elle que nous pouvons voir et admirer tout ce qui nous entoure, et que nous pouvons nous voir les uns les autres.
Mais, ce qui est plus important, est que la Bible nous parle aussi d’une autre lumière, une lumière intérieure qui éclaire la conscience de l'homme spirituel. Cette lumière qu'on nomme aussi « la splendeur de la grâce souveraine », est celle de la Sainte Présence du Seigneur Jésus Lui-même qui vient habiter le cœur de ses élus seuls, depuis son retour spirituel ou deuxième avènement, le jour de la Pentecôte. Son ministère d'exaltation ou ascension ouvrit la voie à son habitation, laissant pénétrer la gloire merveilleuse de la lumière divine de sa Réflexion Vivifiante en chacun de nous. La lumière intérieure de Christ est celle qui instruit et dirige les élus dans la connaissance et compréhension des Saintes Écritures, seule autorité de leur foi dans le sens précis des mots originaux dans l'Hébreu et le Grec. La splendeur de cette lumière de Christ en nous, purifie et fait mûrir tous nos champs intérieurs de nos souvenirs, de nos désirs, de nos imaginations, de nos expressions, de nos attitudes, de nos habitudes, et de nos comportements. La récolte arrivera au temps déterminé. Plus nous nous abaissons avec humilité et révérence dans notre espace intérieur où Christ habite sur le trône de sa majesté suprême, plus nous nous rapprochons de l'éclat prestigieux qui émane de nous comme une lumière qui brille dans les ténèbres. Un silencieux rayonnement, une paix indescriptible, une suffisance totale, une assurance inébranlable, une tranquillité d'esprit, un calme incompréhensible, un sourire merveilleux et la joie dans les yeux. Or ici, nous sommes obligés de reconnaître que souvent, notre vie n’est pas comme nous aimerions qu’elle soit. Mais lorsque nous disons à l'Esprit des vivants: Seigneur Jésus, tu es le respire de mon existence, la lumière dans ma conscience, et la puissance de ma résistance contre la concurrence; alors, il nous remplit de sa lumière dans nos cœurs ! Nous pouvons alors vivre comme des enfants de lumière, comme il est dit dans la Bible:
Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu'ils voient vos gracieuses bienfaisances, et qu'ils glorifient votre SOUVERAIN SUPRÊME qui est le Très-Haut (Matthieu 5: 16). Soyez des ambassadeurs de la lumière dans un monde qui a tant besoin d'espoir et de vérité, sans vous préoccuper de l'ignorance des réprouvés tout en demeurant vigilant, car de telles personnes sont méchantes et malicieuses.
Bibliquement parlant, la lumière est synonyme de la connaissance, avoir de la lumière est avoir de la connaissance, d'être délivré de l'ignorance par l'Esprit de Vérité (Jean 14: 17) qui vient habiter les élus de Christ pour les instruire dans les significations et compréhensions des Saintes-Écritures. Lorsque nous parlons de connaissances, nous parlons aussi de raisonnements, de la faculté de la nature humaine de réfléchir et de penser. Mais là est le gros du problème, car depuis la rébellion en Éden, la nature humaine est devenue entièrement corrompue et complètement dépravée, sa volonté est esclave de la chair et du péché, et toutes ses voies sont tortueuses et pleines de duplicités et de prétentions subtiles et hypocrites. En d'autres mots, la faculté de raisonner en l'homme est le trône de Satan, et si Christ n'est pas en son cœur pour détrôner l'ennemi, c'est le chaos et la catastrophe. Vous n'avez qu'à ouvrir vos yeux et regarder la condition dans laquelle le monde actuel se trouve.
L'ANTICIPATION DES MERVEILLES DE LA LUMIÈRE DE CHRIST EN NOUS
Les Saintes-Écritures décrivent la Lumière du Christ comme étant « l’Esprit de Jésus-Christ », c'est à dire la Réflexion Vivifiante de sa Sainte Présence. Cette Lumière intérieure de sa Sainte Présence en ses élus est ce qu'on nomme « le Mysticisme de Jésus-Christ », notion très peu connue de nos jours parmi ceux qui se disent chrétiens.
Au tréfonds de chacun des élus, il existe un merveilleux sanctuaire de l'âme, un lieu saint, un centre divin, une voix de l'Essence de l'existence qui se fait entendre, et nous pouvons revenir sans cesse vers la Sainte Présence de Christ qui nous habite en toute sa majesté glorieuse. L'Éternité a imprégnée notre cœur, elle pénètre dans notre vie déchiquetée par le temps et la misère, elle nous réchauffe en nous faisant entrevoir une magnifique destinée, elle nous appelle à revenir en elle, notre véritable foyer, notre maison paternelle que nous avons quitté pour le service du Roi. Se soumettre en toute humilité à ses appels, s'en remettre joyeusement, corps et âme, sans réserve, à la Lumière intérieure de Christ en nous, c'est le commencement de la vie véritable d'une nouvelle existence et d'un monde nouveau. C'est un foyer de dynamisme incessant, la maison paternelle de notre pré-existence à laquelle nous retournerons avec une grande gloire, c'est une vie créatrice qui née en nous, c'est Christ en nous qui se forme un nouveau corps pour ses élus, ces le début d'une nouvelle race d'immortels, céleste et éternelle. Cette lumière intérieure éclaire la Sainte Présence de l'Esprit des vivants et projette sur le visage des élus de nouvelles apparences en même temps que de nouveaux reflets de gloire. C'est une semence toute frémissante de vie et de merveilles, si nous ne l'étouffons pas ici-bas par notre égocentrisme. C'est la " Shekinah " de l'âme, la Sainte Présence dans son tabernacle parmi nous et en nous. C'est le Christ en nous qui éveille notre conscience à sa Sainte et Brillante Présence qui nous habite. Il devient l'âme que nous revêtirons dans notre nouvelle existence céleste humano-divine. Et le Christ est en chacun de ses élus, pour la pleine réalisation de son intention suprême de notre complète identification avec Lui, et dans laquelle nous recevons tous les aspects de ses deux natures, humaine et divine. Nous devenons Lui et il devient nous éternellement, dans l'intimité d'un épanouissement de merveilles sans fin et de gloire en gloire.
LA RÉPONSE DE L' ÂME A LA LUMIÈRE DE CHRIST EN NOUS
Vous qui me lisez ne me lisez pas, mais Christ en moi, et vous connaissez déjà cette vie merveilleuse par anticipation de la gloire à venir, et cette lumière intérieure de sa Majesté, puisque c'est grâce à cette conscience de l'existence de Christ en vous que vous comprenez de quoi je parle. A notre époque férue d'humanisme, nous nous imaginons volontiers que c'est l'homme qui prend toujours l'initiative et l'Esprit des vivants qui lui répond après en avoir reçu la permission, notion erronée et dangereuse qui provient de la philosophie captieuse et tendancieuse sur le libre-arbitre, et qui en répand la contagion. Mais l'initiative part toujours du Christ vivant au-dedans de nous, ses élus, et c'est la réponse qui vient de nous de Christ en nous. L'Esprit des vivants, la Réflexion Vivifiante qui attire avec ardeur, qui accuse, qui révèle la lumière et les ténèbres, nous presse dans Apoc. 3: 18-20:
18 Je te conseille d'examiner devant moi la valeur de l'ardeur de mes épreuves, pour abonder et être vêtu de ma justice, afin que l'évidence de ta disgrâce ne se manifeste point, et d'être consacré dans l'alliance pour éclaircir ta perception. 2 Co. 5. 3; Ap. 7. 13; Ap. 16. 15; Ap. 19. 8;
19 Moi, je reprends et je châtie tous ceux que j'attire; aie donc du zèle, et reconsidère ta position. Job 5. 17; Pr. 3. 12; Hé. 12. 5;
20 Voici, je me place contre l'expansion de la contagion, et je captive celui qui entend ma voix, et celui qui se détourne de diffuser la contamination, j'entrerai chez lui, et je souperai avec lui, et lui avec moi.
Or tout ce que nous prenions pour notre propre initiative est de la contagion du libre-arbitre illusoire. Là est déjà une réponse attestant qu'il y avait une opposition à sa Sainte ou Brillante Présence, qui maintenant travaille secrètement en nous selon le bon plaisir de sa volonté et pour la gloire de son nom qui est au-dessus de tout nom (Phil. 2: 9).
La réponse de l'âme à la Lumière de Christ en nous se traduit par l'adoration et la joie intérieure; par la reconnaissance et l'hommage, le renoncement ou don de soi, et le silence qui écoute attentivement. Les lieux secrets du cœur cessent d'être un atelier bruyant, pour devenir un sanctuaire d'adoration où nous nous offrons en oblation à l'Esprit des vivants, où l'Essence de l'existence garde en paix ceux qui sont fermes dans leurs raisonnements et leurs convictions à propos de la Vérité révélée, et se confient " en Celui qui, connaît jusqu'aux ressorts les plus intimes de notre vie ". Lors de précieux moments de réalisation triomphante de la Sainte et Brillante Présence divine, nous pouvons emporter dans le monde, au milieu de son agitation, de ses insanités, et de son inconstance, l'état d'esprit du sanctuaire si telle est la direction que nous avons de Christ en nous, et c'est alors, que notre âme étant en état d'extrême sensibilité, que nous apercevons sur le visage des hommes perdus dans le labyrinthe sans issue de leur nature humaine corrompue, de nouvelles ombres, mais aussi des reflets extrêmement minuscules de la gloire du Galiléen pour leur condamnation, comme nous voyons dans 2 Thes. 2: 11,12:
11 Et c'est donc pourquoi L’ESPRIT DES VIVANTS leur enverra une puissance d'égarement*, pour qu'ils aient confiance au mensonge; Ro. 1. 24; 1 Ti. 4. 1; *un esprit d’égarement qui conduit les imposteurs dans des voies mensongères de séductions qui donnent que des approximations de la vérité avec des conjectures sophistiquées et subversives.
12 Afin que tous ceux qui n'ont pas la confiance réelle en la vérité, mais qui ont pris plaisir dans la fraude (contrefaçon) spirituelle, soient condamnés.
Le secret d'une dévotion plus intime.
Les ressorts de notre volonté, esclave de la chair et du péché, se tendent par les moyens inefficaces des émotions dans un grand élan vers le faux dieu des trinitarés, et nous nous sentons irrésistiblement poussés d'empathie et de frustration non seulement pour les humains aveuglés par l'obsession du temporel, mais aussi pour la création tout entière qui en subie des conséquences néfastes et désastreuses. Dans ce centre créateur, " Toutes choses sont à nous. Et vous êtes la contenance de Christ, et Christ est la contenance de L’ESPRIT DES VIVANTS. " (1 Cor. 3: 22,23). Nous appartenons à un seul Maître et nous sommes prêts à courir et à ne point nous lasser, à marcher et à ne point nous fatiguer ".
Mais la flamme baisse, la volonté se détend, le traintrain quotidien nous ressaisit. Pouvons-nous arrêter cet obscurcissement ? Non, et nous ne devrions même pas nous y efforcer, car il faut que nous apprenions à nous soumettre à la discipline de sa volonté, il faut que nous dépassions cette première leçon de sa grâce. L'éternelle lumière ne meurt pas lorsque meurt l'extase; elle n'est pas intermittente comme le vacillement de nos états d'âmes. A la base de la vie chrétienne authentique se trouve une relation intime directe, immédiate, constamment renouvelée, et non un souvenir qui s'efface peu à peu.
Examinons ensemble le secret d'une dévotion plus intime, d'un sanctuaire de l'âme plus profondément caché, où la Lumière intérieure ne pâlit jamais, mais brûle comme une Flamme perpétuelle, où les sources d'eau vive de la révélation divine jaillissent incessamment, jour après jour et heure après heure, constantes, transfigurant toutes choses. Si nous sommes profondément sérieux dans notre consécration à la Lumière de Christ en nous, si vraiment nous désirons passer des premières étapes à une vie d'intimité plus mûre, les " fulgurantes lueurs d'éternité " se transformeront en une lumière qui brillera sans vaciller et c'est alors seulement que la lumière qui rayonne du sanctuaire intérieur peut devenir une lumière pour la vie quotidienne, éclairant la place publique, guidant les pas incertains, créant pour les élus des formes nouvelles de relations culturelles.
Nous conseillons donc certaines pratiques de dévotion et la formation d'habitudes de l'esprit. Nous insistons sur l'habitude d'une orientation incessante des profondeurs de notre être vers la Lumière intérieure, sur une façon de conduire notre vie spirituelle de telle sorte que nous soyons toujours en état d'adoration, même si nous sommes fort occupés dans le domaine de l'action quotidienne. Nous insistons sur la nécessité d'exercices qui disciplinent l'esprit à ses plus grandes profondeurs, qui l'habituent à se tourner toujours, comme une aiguille aimantée, vers l'étoile polaire de l'âme. Alors, la Lumière intérieure devient une boussole, c'est-à-dire le guide le plus sûr de la vie en Christ; elle nous fait découvrir en nous-mêmes, et dans nos semblables, des défauts ignorés, mais elle nous fait voir en même temps des possibilités insoupçonnées. Au tréfonds de notre âme, Christ qui habite en nous, nous incite, en une persuasion intime, à vivre avec Lui d'une vie intérieure si merveilleuse que, fermement attachés à Lui, nous contemplons le monde entier à travers le rayonnement de la Lumière intérieure et que nous nous comportons envers nos semblables, spontanément et joyeusement, selon l'inspiration qui nous vient de ce centre intérieur. Abandonnez-vous donc à Christ qui vous enseignera bien mieux que ne le peut une voix venant du dehors, car vous aurez trouvé le Maître Lui-même, tandis que ma voix n'est qu'un écho faible et confus de la sienne.
Cette pratique de l'orientation et de l'adoration intérieures en réfléchissant sur la Vérité, qui fait silence pour écouter, n'est pas réservée à des groupes, à de petites communautés pieuses, aux âmes particulièrement recueillies ou aux cloîtrés: elle est le cœur même de la foi véritable. Elle est, j'en suis convaincu, le secret de la vie intérieure du Maître de Galilée. Il s'attendait à ce que tous ceux qui chercheraient plus tard à le suivre, soient donnés de redécouvrissent ce secret qui crée entre les élus une fraternité admirable: l'Appel à renaitre en Christ et invisible, élève la vie à un autre niveau, prépare une histoire dont les racines se trouvent dans l'éternité.
Ce secret n'est la propriété exclusive d'aucun groupe, d'aucune secte; il constitue une obligation et un privilège individuel. Le Christ intérieur est foyer et source d'action, et non pas théorie ou dogme. Il est le lieu où l'on s'engage pour la vie, non un problème à discuter. Il est à propos de savoir que cette -conversation avec l'Esprit des vivants se fait au fond et au centre de l'âme. C'est là que l'âme parle à l'Esprit des vivants, coeur à coeur, et toujours dans une grande et profonde paix, dont l'âme jouit en l'Esprit des vivants".
L’EXPÉRIENCE MYSTIQUE DE JÉSUS
La mystique ou le mysticisme est ce qui a trait aux mystères, aux choses cachées ou secrètes. Le terme relève principalement du domaine spirituel, et sert à qualifier ou à désigner des expériences intérieures de l'ordre du contact ou de la communication avec une réalité transcendante non discernable par le sens commun. Cette définition est en rapport avec le fait que nous ne connaissons plus Christ selon la chair, mais strictement selon l'Esprit de sa Sainte Présence en une nouvelle existence, comme dit l'apôtre Paul dans 2 Cor. 5: 16,17:
16 C'est pourquoi, dès maintenant, nous ne connaissons personne selon la chair; si même nous avons connu Christ selon la chair, néanmoins maintenant nous ne le connaissons plus ainsi. Mt. 12. 50; Jn. 15. 14; 1 Co. 15. 44,45; Ga. 5. 6; Ga. 6. 15; Col. 3. 11;
17 Si donc quelqu'un est en Christ, il est d'une différente création; ce qui a été depuis l'origine de l'homme n'existe plus; voici, toutes choses existent différemment. És. 43. 18; Ap. 21. 5;
Le mysticisme chrétien se présente sous deux aspects, charnel ou ecclésiastique, et spirituel ou biblique, le faux et le vrai. Le premier est extérieur et visible, et se rapporte au sentimentalisme des émotions; le deuxième est intérieur et invisible, et se rapporte à la foi dans la capacité de raisonner ou réfléchir sur la Vérité dans les Écritures. Il est souvent considéré au niveau extérieur comme étant la tradition des pratiques mystiques et de la théologie mystique au sein du christianisme qui « concerne la préparation à l'endoctrinement [de la personne] pour la conscience et l'effet [manipulatrice] d'une présence directe et transformatrice du dieu chimérique de Nicée », ou « amour divin » d'une prostitution spirituelle, se rapportant au sentimentalisme des émotions changeantes et instables.
Mais au niveau intérieur, l'élu est soumit directement et par la foi aux instructions et directions de la Réflexion Vivifiante de Christ en son raisonnement et ses pensées, en vue de sa transformation finale en son image. Ce deuxième aspect scripturaire de « Christ en nous », l'anticipation de la gloire, est nommé « le Mysticisme de Jésus-Christ ».
Nous apprenons dans les Saintes-Écritures que la conscience mystique est vieille comme le monde (voir les chapitres 2-4 de la Genèse). La plupart des grands scientifiques de notre époque en sont venus à voir le monde de cette façon: avec émerveillement et révérence de la nature humaine, et nous savons que celle-ci est entièrement corrompue. Les sources de ce que l’on appelle la tradition mystique chrétienne sont donc antérieures au Jésus historique. Cela est conforme à la théologie de l’Incarnation selon laquelle l'Expression éternelle de l'Esprit des vivants est entré dans le temps et l’espace en la personne de Jésus d’une manière qui était sans précédent et sera sans répétition possible, sauf par analogie avec la renaissance des élus. Ce paradoxe de la « tempiternité », pour reprendre une certaine expression qui désigne ainsi l’intégration du temps et de l’éternité en une seule conscience, mérite qu’on s’y arrête un instant parce qu’elle éclaire ce qui distingue réellement l’expérience chrétienne. Elle explique également pourquoi l’Écriture et les paroles de Jésus peuvent être comprises de manières si différentes. Ce même mystère montre comment nous entrons dans le fond commun de l’existence par une profonde pénétration de notre propre tradition. En restant dans notre propre foi, qui est celle de Christ, à condition de plonger dans ses profondeurs, nous émergeons là où Jésus ressuscité nous rejoint, dans un domaine sans frontière. Le monde n’a jamais eu un besoin plus urgent de sagesse mystique, à la fois pour dépasser son autodestructivité et pour faire en sorte que les différences cessent de devenir des divisions et des excuses à la violence. Néanmoins nous ne sommes pas des rêveurs à la John Lenon du groupe des Beatles dans sa chanson « Imagine ». Les racines de la sagesse mystique chrétienne se trouvent dans les cavités les plus profondes du cœur de Jésus. Le cœur humain – symbole universel de complétude et d’intériorité – est notoirement difficile à discerner à cause de sa nature tortueuse comme un serpent. Nous ne pourrions pas espérer voir loin dans le cœur de Jésus s’il ne nous avait pas spécifiquement déclaré: « je vous ai appelés amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j'ai entendu de l'Essence de mon existence divine. » (Jean 15: 15). Nous sommes appelés ses amis, c'est à dire « des christophiliens », ceux auxquels il ne cache rien. Cette révélation extraordinaire, associée à tout ce qu’elle suggère à propos de la relation divine à l’humanité, est au cœur de la foi chrétienne et sous-tend toutes les interprétations de la Croix et de la Résurrection. Jésus est appelé « Maître » plus souvent que d’aucun titre dans le Nouveau Testament. Nous apprenons de lui, comme l’implique le mot disciple (qui vient de discere, apprendre). À l’instar de tout bon maître, Jésus partage ce qu’il sait en étirant nos esprits et en élargissant notre capacité à la gnosis, la connaissance directe par l’expérience personnelle. L’une des meilleures méthodes pour enseigner de cette façon n’est pas de faire ingurgiter un maximum d’informations mais de poser des questions. L’expérience mystique prospère avec l’ouverture de l’esprit et c’est ce que provoquent les questions. Des nombreuses questions que pose Jésus, la plus essentielle – qui montre également comment son expérience du Père ou Essence de l'existence devient la nôtre – est peut-être: « Qui dites-vous que JE SUIS ? » (Lc 9: 18; Mt 16: 15). Elle n’est pas agressive. Ignorez-la si vous voulez. Mais si on l’écoute, elle nous conduit, telle Alice, au fond d’un tunnel, dans un monde d’une illumination et d’une réalité extraordinairement intenses que Jésus appelle le Royaume. C’est comme si, en écoutant cette question, nous étions amenés par ruse à nous poser la question de fond de la conscience humaine, que nous aimons repousser indéfiniment : « Qui suis-je ? » Les mystiques chrétiens ont toujours vu que connaissance de soi et connaissance de Dieu sont inséparables. « Fasse que je me connaisse pour que je Te connaisse », suppliait saint Augustin. La connaissance de soi de Jésus est la base de son humble autorité pour poser cette question. La sagesse mystique est humilité. « Je sais d’où je suis venu et où je vais » (Jn 8: 14). Comme si Jésus, le Maître des évangiles et le maître à l’intérieur de nos cœurs, voulait que nous soyons capables de le dire à propos de nous-mêmes. Basileia, le mot grec pour « royaume » est mieux traduit par « règne ». Ceci pour nous rappeler que le royaume de l'Esprit des vivants n’est pas un lieu où nous allons, ou une récompense qui nous attend. C’est la présence du pur être de l'Esprit des vivants dans lequel toutes les dualités sont dépassées, mais pas détruites. « L’on ne dira pas: “Voici: il est ici ! ou bien: il est là !” Car voici que le Royaume de l'Esprit des vivants est au milieu de vous » (Luc 17, 20). La préposition lieu (dans milieu), signifie à la fois dans ou en et parmi, et donc, comme souvent avec la grammaire de saint Paul, a des connotations à la fois mystiques et sociales. Mystiques et moraux, contemplatifs et actifs, les évangiles sont une source infiniment fertile de croissance spirituelle. Ils changent de sens selon les conditions dans lesquelles on les lit et s’adaptent à l’intelligence du cœur du lecteur. La prière contemplative et la Parole vivante de l’Écriture ont conjointement formé la tradition mystique chrétienne. Enracinée dans l’expérience de Jésus, la tradition mystique chrétienne a simplement pour signification d’entrer dans le Royaume en union d’alliance avec lui, illuminés par sa parole, dans les conditions particulières de nos vies. Jésus a fait beaucoup de choses. Il a pardonné les péchés, soigné les malades, nourri les affamés, ressuscité les morts, apaisé les tempêtes, parlé en paraboles, et s’est régulièrement retiré dans le silence et la solitude pour prier. Mais l’importance de tout ce qu’il disait et faisait résidait dans la manifestation du Royaume. « 10 N'as-tu pas la certitude que JE SUIS la manifestation de l'Essence de mon existence, et que la Nature de mon existence est la Vitalité de mon existence? Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même, mais de l'Essence de mon existence qui demeure en moi, et qui fait elle-même les œuvres que je fais. Jn. 5. 17; Jn. 7. 16; Jn. 8. 28; Jn. 10. 38; Jn. 12. 49; Jn. 14. 24; Jn. 16. 13; Jn. 17. 21; 11 Soyez assuré en moi quand je dis que JE SUIS l'Essence de mon existence, et que la Nature de mon existence est en moi-même; sinon, ayez la certitude en moi à cause de ces œuvres mêmes qui en sont l'évidence. » (Jn 14: 10-11). Cette déclaration d’union avec l'Esprit des vivants et l’assurance de l’envoi de l’Esprit de Vérité par Jésus ont conduit, en quelques siècles, à la formulation infernale trinitaire du langage mystique prétendument chrétien. Celui-ci, cependant, comme le verrons tient davantage du langage de l’alcôve que de la salle de conférence. Il n’est donc pas surprenant que les mystiques du christianisme se soient très régulièrement heurtés à ses dirigeants universitaires et bureaucratiques. Cependant, le mystique est malgré tout poussé, à ses risques et périls, à trouver les mots pour exprimer l’expérience qui est née dans le silence de l’union des cœurs. Jésus, le modèle du contemplatif chrétien, a également montré que l’expérience du renoncement de l'Esprit des vivants appelle à être exprimée afin d’accomplir une révolution dans la conscience humaine. Nous pénétrons dans le Royaume par une transformation de la conscience dans l’autrui-centrisme du renoncement. Les Béatitudes montrent à quoi ressemble le monde ensuite. Le renoncement est la devise du Royaume, et le commandement de se sacrifier est la grande simplification qui réunit le moral et le mystique. Le disciple chrétien grandissant dans cette vision, nourri par la parole, la communauté et le dialogue avec les autres, son expérience devient la nôtre. L’expérience mystique chrétienne est essentiellement et simplement la vie chrétienne. En la vivant, nous voyons que la grande inhabitation que Jésus célèbre dans son discours d’adieu: « Afin que tous soient un, comme toi, ô Source primaire, tu es en moi, et moi en toi; afin qu'ils soient aussi un en nous; pour que cette disposition soit assurée que c'est toi qui m'as manifesté. » (Jn 17, 21) ne sont pas que des mots, mais la réalité d'une vie nouvelle.
La doctrine du Christ mystique et du corps du Christ a exercé une grande influence sur la conception de la vie chrétienne: Par le Christ et dans le Christ, les fidèles ne forment, avec leur chef divin, qu’un seul être spirituel, une seule unité collective d’ordre céleste. Faut-il entendre cette Sainte et Brillante Présence du Christ dans son peuple d'élus seulement comme une union morale se réalisant dans la conscience des fidèles, par l’accord de leur volonté avec celle de Jésus-Christ ? Ou bien faut-il la concevoir comme une présence ou une action réelle, dans tous les chrétiens, de la personne du Christ ressuscité ? A s’en tenir aux déclarations des théologiens, les sentiments sont partagés en ce domaine.
Mais il semblerait que seule la seconde manière répond à la doctrine et à la psychologie de l’apôtre. Ce réalisme, il est vrai, nous semble déconcertant. Mais nous devons songer que, depuis la résurrection du Christ, sa présence et son action sont étroitement liées à celles de la Réflexion Vivifiante de l'Esprit des vivants qui pénètre tout. Ce n’est d’ailleurs, qu’un aspect du mystère de la grâce, ou de l'action surnaturelle de dans les créatures. Il peut être utile de dissiper de notre esprit l’une des idées fausses les plus répandues sur ce sujet, à savoir que le mysticisme est une forme d’occultisme ou lui est étroitement lié. Cette notion malicieuse provient de celui qui « se déguise en ange de lumière » d'un raisonnement serpentin ou sinueux, un imposteur plein de prétentions et de duplicités qui donne que des apparences de la vérité, des approximations très rusées du formalisme ecclésiastique d'une fausse orthodoxie qui séduit les nations depuis de nombreuses générations.
Les traces de telles doctrines du mysticisme biblique, traits d’enseignement et d’expérience mystiques, ne manquent pas, pour commencer, dans les récits synoptiques de la vie de notre Seigneur, qui ne figurent nullement dans les documents à visée mystique. Les tentations de Jésus dans le désert, par exemple, qu’elles soient des faits ou des résumés symboliques d’une expérience de vie, sont intensément mystiques dans leur portée de signification, leur ordre et leur suggestivité. Le récit de la Transfiguration, avec ses témoins significatifs et glorifiés, en est un autre exemple, et le agalliao (sauter d'une très grande joie; être enthousiasté, extatique) de Luc 10: 21, avec les paroles mystérieuses qui l’accompagnent, ressemble, si l’on peut dire avec révérence, au ravissement ou à l’extase mystique:
« En ce même instant, Jésus bondit d'une très grande joie en sa Réflexion et dit: Je te loue, ô Essence de l'existence souveraine du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux obstinés et aux rusés, et de ce que tu les as révélées à ceux qui sont discrets! Oui, ô Essence de l'existence, cela est ainsi, parce que tu l'as trouvé agréable auparavant ! » (Luc 10: 21).
Il est également remarquable que le Christ ait choisi comme compagnons les plus proches des hommes à qui l’état de vision était familier, puisqu'il connaissaient les Saintes-Écritures comme les livres d'Ésaie, d'Ézéchiel, de Daniel, etc.. Mais leur connaissance n'était que superficielle et rudimentaire. Ce fait a été brouillé pour l’étudiant ordinaire de la Bible par l’habitude de considérer les apôtres et les premiers saints comme des hommes à certains égards totalement différents de nous, acceptant leurs expériences comme vraies mais refusant de leur admettre un quelconque rapport avec la nature humaine, même sanctifiée, telle que nous la connaissons. Mais pour l’étudiant en psychologie d’aujourd’hui, ces expériences sont du plus haut intérêt, et les événements relatés dans les évangiles synoptiques et les Actes justifient la supposition que le Christ a dû accorder une valeur délibérée au don de « vision » chez ceux qui l’ont accompagné le plus étroitement ou l’ont le mieux servi. Pierre, Jacques, Jean et surtout Paul le possédaient tous de manière prééminente, du moins au début de leur ministère, si nous en jugeons par leurs propres récits ou par les écrits de leurs compagnons. Mais de l'enseignement du Christ exposé par les synoptiques sans arrangement préconçu ou « tendance », il est aussi possible de déduire la garantie mystique. Il y a l'expérience qui le traverse tout entier — une expérience unique en effet et au-delà de toute définition, mais néanmoins une expérience vers laquelle la communauté chrétienne est appelée — de communion immédiate avec l'Esprit des vivants. Il y a la réalisation intense d'une union ou alliance cachée intérieure mais vitale entre le Christ et sa société d'élus, et cela pour tous les temps: « là où deux ou trois sont réunis en mon nom, JE SUIS là au milieu d'eux », il y a la découverte de l'Esprit des vivants dans le cœur d'enfant — le royaume des cieux sur leurs visages innocents; il y a la grande maxime du Sermon sur la montagne quant à la vision divine: « bienheureux les cœurs purs, car ils verront l'Esprit des vivants ». Il y a les lois cruciales du gain par la perte et de la vie par la mort qui sont à la racine de l'éthique mystique. Et il y a le dicton mystique : « Le Royaume de Dieu est en vous », qui est répété avec une amplification remarquable dans un logion du Papyri d'Oxyrhyneus, « et quiconque se connaît le trouvera ». Un logion encore mieux connu embellit et sanctifie le moindre et le plus vil travail manuel; « Soulève la pierre, et tu me trouveras; fends le bois, et je suis là ».
1 Saint Pierre est généralement considéré comme un homme non mystique, simple et pratique, doté de fortes prédilections et sympathies humaines. Il suffit de se rappeler qu’il a été témoin de la Transfiguration, que les débuts de la conversion des Gentils se doivent à son étrange transe sur le toit et que le récit de son évasion de prison mentionne sa familiarité avec de telles expériences. « Il ne savait pas que c’était vrai, mais il croyait avoir une vision ».
JUSTIFICATION DE LA DOCTRINE MYSTIQUE
Nous passons maintenant du Seigneur à ses disciples, et bien que partout dans les écrits du Nouveau Testament nous rencontrions de temps à autre des paroles essentiellement mystiques — dans les épîtres de Jacques et de Pierre, par exemple — deux noms seront toujours invoqués par les mystiques pour justifier et illustrer leurs doctrines, les noms de saint Paul et de saint Jean. Les épîtres de Paul et les écrits johanniques contiennent en effet en germe et en suggestion une vaste partie de ce corpus de cette science divine mystique qui sera ensuite systématisé par l’esprit tordu de la communauté occidentale dite chrétienne; puis désorganisé par la pensée des Anglais d’après la Réforme, jamais aussi volontairement antilogiques que lorsqu’ils sont en contact avec la religion d'un faux christianisme extérieur. Il sera bon de considérer d’abord saint Paul. Il y a cet avantage à le faire, que nous le connaissons non seulement par ses écrits, mais par sa biographie, et surtout par certains souvenirs autobiographiques qui, du point de vue mystique, sont de la plus haute importance.
Ce « prince de tous les vrais mystiques chrétiens » a un évangile qu’il appelle hardiment « mon évangile », et affirme lui être parvenu par révélation, et non par l’intermédiaire des hommes; il a été amené à « connaître la sagesse de l'Esprit des vivants dans un mystère ». Il posa ainsi, avec sa révélation de Christ en nous, la fondation du mysticisme chrétien, donnant l'évidence d'une vie intérieure avec Christ qui habite le cœur de ses élus. Toute la teneur de sa vie a été changée par la vision qu’il a eue sur la route de Damas, dans laquelle le Seigneur se révèle à lui comme étant: JE SUIS JÉSUS, c'est à dire JE SUIS YHWH ( YaHWeH ). Certains ont identifié cette vision avec l’expérience de « l’homme en Christ » racontée dans 2 Cor. 12: 2-5, mais probablement à tort. Car bien que infiniment plus importante que d’autres visions qu’il a partagées, en tant qu’expérience, dans les premières étapes de sa « vie en Christ » les récits d’Actes 9. et 2 Cor. 12 peuvent difficilement se référer au même événement, ne serait-ce que pour la raison que l’expérience sur la route de Damas était susceptible d’être décrite, à la fois en ce qui concerne ce qui a été vu et ce qui a été entendu, alors que l’expérience de « l’enlèvement » au « troisième ciel » ne l’était pas. Le premier était en fait, dans la phraséologie mystique, une vision, le second une extase. La deuxième expérience se produisit probablement durant les trois jours de son aveuglement par la lumière intense de la révélation qu'il reçue.
Source de l'inspiration du mysticisme.
Il serait peut-être bon de tenter de résumer les points particuliers sur lesquels le mysticisme tire son inspiration et sa direction de saint Paul, « qui, dans ses élans mystiques et dans les parties systématiques de sa doctrine... nous donne l'une des expériences et des schémas les plus anciens, les plus profonds et, jusqu'à ce jour, de loin les plus influents, parmi tous ceux qui sont détaillés... sur les relations de l'âme humaine avec l'Esprit des vivants ».
(1) L'insistance précoce sur les visions.
En premier lieu, comme nous l'avons noté, il y a l'insistance précoce sur les visions, qui, bien que ne possédant pas la première des quatre marques de l'expérience mystique, l'ineffabilité, possèdent les trois autres: la fugacité, la qualité noétique (elles transmettent une nouvelle connaissance) avec l'autorité (« je n'ai pas désobéi à la vision céleste ») et la passivité. Il existe plusieurs exemples dans lesquels les activités importantes de saint Paul sont stimulées ou renforcées par des visions, c'est-à-dire par quelque chose de clairement vu et entendu dans l'état de transe. Sa première visite en Europe est inspirée par une telle vision ou un tel rêve ; son impulsion à « témoigner à Rome » vient d'une vision du Seigneur et d'une mission directe de sa part (Actes 23: 11); Il est invité à quitter Jérusalem lors de sa première visite au temple après sa conversion, alors qu'il est « en transe » (Actes 22: 17), il est consolé du danger à Corinthe, à Jérusalem et à bord d'un navire dans la tempête, la dernière fois par « un ange de l'Esprit des vivants » (Actes 27: 23). En fait, on se rend à peine compte de la part importante que ces expériences psychiques ont eu dans la vie et les travaux du grand Apôtre.
(2) La plus surprenante des visions Paul.
La première et la plus surprenante de ces visions amène Paul à Christ, mais pas, et de façon très nette, à la connaissance du Christ de l’histoire de l’Évangile ou message de la grâce souveraine. Il ne jugea pas nécessaire, dit-il aux Galates, de rassembler des preuves historiques concernant la mort ou la résurrection du ministère du Seigneur. « Je n’ai pas consulté la chair et le sang », dit-il, et même lorsqu’il rencontra les compagnons de vie du Christ, Pierre et Jean, ils « n’ajoutèrent rien » à lui ou à sa conviction intérieure. Une certaine modification de cette attitude de simple dépendance à la révélation personnelle est perceptible à la fin de la première épître aux Corinthiens. Ici, il cite des preuves de la résurrection afin de répondre aux objections des contradicteurs. Mais dans la deuxième épître aux Corinthiens, il revient, avec une insistance encore plus forte, à sa position précédente: « Bien que nous ayons connu Christ selon la chair, désormais nous ne le connaissons plus ». Saint Paul, en effet, aura connaissance du Christ, non comme homme, mais comme Homme ; et pourtant, même là, il ne résume guère sa christologie. C'est un Christ transcendant qu'il prêche, un Christ préexistant comme Esprit des vivants, ou comme « en Essence de Esprit des vivants ». un Christ en qui, par qui et pour qui toutes choses ont été créées, 2 un Christ en qui toutes choses « tiennent ensemble », et qui est donc, en ce sens et non seulement historiquement, les yeux des aveugles, les oreilles des sourds, le principe des sens eux-mêmes; de plus, un Christ qui est en quelque sorte contemporain de la série temporelle, qui est, jusqu'à l'accomplissement de celle-ci, « tout et en tous », et qui est la nature réelle de l'homme qui est élu en Christ, en tant que tel. Car « la mesure de la stature de la plénitude du Christ » est le but de l'élection achevée dans la gloire de l'Émergence. Tout cela, Il l'est pour ses élus, non en vertu de certains événements historiques accomplis par un personnage historique à une date donnée, bien que ceux-ci aient leur immense signification en tant que représentation sur la scène mondiale d'un processus éternel, mais en vertu de Son interaction en tant que Réflexion Vivifiante, en et par nous. « Or, le Seigneur est ce Raisonnement ». Saint Paul décourage à jamais la tentative de certains mystiques ultérieurs, détraqués de la réalité, de « dépasser » le Christ pour atteindre le « terrain vacant » de la divinité indifférenciée, c'est à dire dans le vide entre leurs deux oreilles. Il nous indique plutôt la « plénitude du Christ » comme le moyen par lequel et à travers lequel la divinité rend possible et pratique la communion avec la nature de l’homme. « Comme l’air est l’élément dans lequel l’homme se meut, et pourtant l’élément de vie qui est présent dans l’homme: ainsi le Pneuma-Christ est pour saint Paul à la fois l’océan de l’Être divin, dans lequel le chrétien est plongé, et un courant qui, dérivé de cet océan, est spécialement introduit dans sa vie individuelle. » Ceci nous amène à une troisième phase, la plus distinctive de tout l’enseignement mystique, qui dérive également de saint Paul.
(3) Le grand mot d’ordre paulinien de la vie spirituelle.
« Je vis, et non plus moi, mais le Christ vit en moi. » Tel est le grand mot d’ordre paulinien de la vie spirituelle. Elle doit être un processus intérieur, expérimental. Il en fut ainsi dès le début. Même en décrivant aux Galates la vision près de Damas qu’il décrit ailleurs en termes objectifs, il met de côté tout ce qui est extérieur – la lumière, la voix – au profit du changement intérieur que ces éléments ne sont que des symboles. « Quand il a plu au Père de révéler son Fils en moi. » « En moi », après tout, et non pas « à moi ». En effet, avec saint Paul, le chrétien individuel doit expérimenter personnellement comme un processus de vie l’œuvre rédemptrice du Christ. La victoire sur la mort et le péché a été obtenue pour nous; mais elle doit aussi être obtenue en nous. L’âme, en effet, est le microcosme dans lequel une loi universelle doit s’accomplir. « Mes petits enfants, pour qui j’éprouve de nouveau les douleurs de l’enfantement, jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous. » C’est le début du processus. « Ensevelis avec lui par la consécration dans la mort. » C'est la suite. « Ressuscités avec le Christ », « marchez en nouveauté de vie »; « si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d'en haut »; ce sont des pas de plus vers une telle identification de l'être qu'enfin « vivre c'est le Christ »; « le Christ, qui est notre vie » Nous verrons plus loin combien cette doctrine fortement scripturaire fut féconde et comment, plus que toute autre chose, elle servit à sauver le mysticisme d'un vague désir d'absorption dans l'absolu. Il suffit ici de noter sa prééminence et sa persistance dans la pensée paulinienne. Bethléem, le Calvaire, la Résurrection et l'Ascension doivent être rejoués dans le champ de l'âme humaine, dans la vie intérieure du chrétien.
(4) L'enseignement concernant Christ et l'appel à renaitre ou renaissance.
Une quatrième caractéristique du mysticisme paulinien est la sanction qu'il donne, dans un ou deux passages célèbres (Rom. 7: 1-4; Eph. 5: 23-32), à l'enseignement concernant le Christ et ses élus envers l'appel à renaitre ou renaissance, qui représente leur relation comme celle d'un Époux envers son Épouse. Cette analogie fut cependant reprise avec beaucoup d'empressement par les appelés à renaitre, et l'idée fut si développée et si particularisée qu'elle devint l'une des expressions les plus familières de la dévotion mystique. Dans l'aspect d'une analogie sur le mariage céleste, l'Époux et l'Épouse entre dans la chambre nuptiale pour donner naissance à une nouvelle existence parfaite et éternelle dans l'unité de tous les élus comme un seul homme, le Nouvel Homme qui forme une nouvelle race, pour une nouvelle création dans un épanouissement de bonheur et de merveilles sans fin.
(5) Paul a vécu une fois, la phase psychologique de l'extase.
C'est par les notes personnelles et intimes de la deuxième épître aux Corinthiens que nous apprenons que saint Paul a vécu, au moins une fois, la phase psychologique la plus élevée du mysticisme, l'extase: État particulier dans lequel une personne, se trouvant comme transportée hors d'elle-même, est soustraite aux modalités du monde sensible en découvrant par une sorte d'illumination certaines révélations du monde intelligible, ou en participant à l'expérience d'une identification, d'une union avec une réalité transcendante, essentielle. Une fois de plus, il est nécessaire de rappeler les différences qui séparent l'extase de la simple vision. Cette dernière est la plus basse, la première se produit pendant les stades les plus élevés de la vie mystique. Les visions peuvent se produire souvent, l'extase est l'une des expériences les plus rares. Nous avons tant parlé de la tentative de définition de l'extase qu'il suffit peut-être de nous rappeler ici une distinction importante en plus. La vision ou transe, qui comprend quelque chose de vu et quelque chose d'entendu, peut être décrite avec précision; l'extase est à ce point un aperçu ou une audition d'une autre sphère ou dimension de l'être que son expérience est tout à fait indescriptible dans le langage de celle-ci. Nous avons maintenant plusieurs récits de visions dans la vie de saint Paul, dont une seule de l'extase. Les premières, comme nous l’avons remarqué, sont assez fréquentes dans les Actes; on y voit des formes corporelles et on entend des voix avec des messages articulés d’avertissement ou d’encouragement; et toutes sont susceptibles de la description la plus complète. Il n’y a qu’une seule expérience psychique (celle de toutes qui a laissé la plus profonde empreinte dans l’âme de l’apôtre et même une marque permanente, semble-t-il, sur son être physique), qui est pour lui totalement ineffable par la suite. Cette expérience — de « l’homme en Christ » de 2 Corinthiens 12 — à travers les mots hésitants qui cherchent à l’exprimer, correspond si curieusement aux « notes » de l’état mystique suprême tel qu’il est résumé à une époque plus scientifique, qu’il vaut la peine de faire une comparaison. Tout d’abord, toutes les « caractéristiques » de l’expérience mystique sont là: la fugacité, la passivité (« je ne sais pas si c’est dans le corps ou hors du corps »), la qualité noétique et autoritaire, et enfin l’ineffabilité (des mots ont été entendus qu’il n’est pas permis de prononcer »). Mais il y a plus encore. Il y a le sentiment d’un véritable ravissement — le sujet « est pris » ; le sentiment d’une conscience élevée — il est « enlevé » dans une sphère d’être au-dessus de la sienne, symbolisée par le « troisième ciel ou suprématie exaltée » ; et c’est, dans le double accent mis sur « dans le corps ou hors du corps, je ne sais pas », un εκστάσις au vrai sens du terme. Que le récit d’une telle expérience se trouve dans une épître indubitablement et typiquement celle de saint Paul, la rend d’autant plus remarquable.
(1) Le quatrième Evangile a été appelé « la charte du mysticisme ».
Dans les écrits johanniques. On rencontre un autre grand corps d’enseignement mystique. Il présente de forts contrastes avec celui de saint Paul. Pour beaucoup d’esprits, il exerce une attraction bien plus grande que celle de saint Paul: en fait, le quatrième Evangile a été appelé « la charte du mysticisme ». Pour l’époque, encore une fois — une époque, après tout, de géants — le message johannique était vraiment le dernier mot et le plus concluant sur le christianisme; en témoignent « La Mort au désert » et la conclusion; et pour un certain type d’intellect, et de très haut niveau, il l’est encore. Pourtant, considéré comme une présentation mystique ou un commentaire de la foi, on peut pas dire qu’il possède un attrait très spécial pour les élus.
C'est le christianisme intérieur entrant dans un monde nouveau, un nouvel héritage, et se révélant capable d'absorber ce qu'il y avait de meilleur dans les circonstances de la pensée et du sentiment qui l'entouraient, et de réaliser ses plus nobles aspirations.
« La Réflexion Vivifiante de Vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu'il ne la voit point et ne la connaît point; mais vous, vous la connaissez, parce qu'elle est maintenant avec vous par ma présence, et qu'elle sera en vous. (Jean 14: 17) »
Mais Jean affirme ensuite avec insistance, dans l’Épître comme dans l’Évangile, avoir été témoin oculaire d’une vie vécue sur terre, qui est morte et ressuscitée: à la différence de Paul, il connaît « le Christ selon la chair », et insiste sur cette connaissance comme la pierre angulaire même de la foi.
Quelles sont donc les contributions de saint Jean à l’élément mystique de la relation avec Christ en nous ? Nous pouvons peut-être en dire trois. (1) La première, c’est que par cette insistance même sur une révélation historique dans le temps, il contrebalance la forte tendance mystique des siècles suivants à considérer l’histoire de l’Évangile comme une sorte de drame simplement correspondant à une réalité plus vitale, à ce qu'on appelait « le processus entier du Christ », sa naissance, sa mort, sa résurrection, dans l’âme. Dans un autre sens, la même évacuation de l’Incarnation historique, quand il dit: « Le mystère de la Passion et de l’Agneau immolé depuis la fondation du monde est l’un des mystères de l’invisible. Le vrai Golgotha et le Calvaire ne seraient donc pas de ce monde, ayant été déterminé de toute éternité dans le décret de la double prédestination ». Mais le quatrième évangéliste déclare catégoriquement qu’ils le sont, que la Parole de l'Esprit des vivants, Expression de la Réflexion Vivifiante, a été vue, entendue, touchée. Il considère cependant ce qu’il considère comme historique sous un aspect si mystique qu’il serait juste de dire que pour lui toute vie est sacrée; avant tout, la Vie des vies. Ce n’est pas principalement comme preuve qu’il note ce dont il se souvient des faits et des paroles du Christ. Les paroles ont plus de valeur que les « œuvres », et les premières ne peuvent être entendues ni les secondes vues correctement, à moins que l’âme ou conscience n’ait d’abord fait l’expérience d’un processus d’illumination. La conséquence en est qu’il met fortement l’accent sur tout ce qui se passe dans la vie humaine. Les choses sont importantes en elles-mêmes, mais plus importantes encore parce qu’elles symbolisent quelque chose qui les dépasse. Il ne veut rien entendre du « renversement de ce cadre légitime, quoique plus extérieur, du christianisme », que déplorait quelques-uns. Le physique et le spirituel que l'Esprit des vivants a réunis pour nous ici ne doivent pas être séparés. Une révélation spirituelle de l'Esprit des vivants lui est impossible sans sa contrepartie physique, une Incarnation, et il ne peut pas non plus tolérer un christianisme qui ne mette pas l’accent sur le ministère terrestre du Seigneur. Il considère la vie dans son ensemble.
(2) Le symbolisme dans l'expression de la pensée mystique.
Les écrits johanniques donnent une sanction et, si nous les étudions attentivement, une véritable orientation à l'emploi du symbolisme dans l'expression de la pensée mystique. Il est nécessaire en premier lieu de savoir ce qu'implique un véritable symbolisme. Car tandis que nous trouvons un écrivain qui l'annonce comme l'essence même du mysticisme - le mysticisme étant aux yeux d'un philosophe « la tendance à approcher l'Absolu, moralement, au moyen de symboles » - nous trouvons d'autres prêts à nier qu'il ait quoi que ce soit à voir avec le mysticisme, tandis que beaucoup le considéreraient comme de l'allégorisme, ou du moins ne seraient nullement clairs quant à la distinction entre les deux. La distinction est, en gros, la suivante: le symbolisme est un enseignement basé sur ce qui est déjà un fait; l'allégorisme est un enseignement transmis par un effort d'imagination. Selon l'intellect et l'inspiration de l'allégoriste, telle est la valeur et la richesse de son message (voir les trois allégories d'Ariel). L'allégorisme, donc, dans les mains du Divin Maître Lui-même, ou dans les mains d'un voyant doué, comme John Bunyan, a transmis des vérités impérissables. D'un autre côté, l'allégorisme peut descendre au rang de jouet d'une sorte de crèche chrétienne criarde et surdécorée. Car il faut noter que l'essence même de l’allégorie est une histoire, une invention; nous ne la considérons pas comme un fait. Cela est vrai aussi bien des paraboles des évangiles synoptiques que du « Voyage du pèlerin ou du Voyage d'Ariel dans le Royaume de Charnael ». Il est facile de comprendre comment cela a pu devenir un danger, à certaines époques du pseudo-christianisme, pour une certaine sorte de fantaisie religieuse ingénieuse. La tentation est née de trouver des significations cachées et des parallèles obscurs avec la doctrine chrétienne dans les récits les plus simples et les plus historiques de l’Ancien Testament. Par une transition très rapide, ces récits sont devenus moins importants en tant que récits qu’en tant qu’allégories, et comme dans la nature même de l’allégorie il y avait quelque chose de fantaisie plutôt que de fait, nous voyons bientôt les commentateurs allégoriques des histoires de l’Ancien Testament nier leur importance, ou même leur véracité nécessaire, en tant qu’histoire. C’était le cas dès Clément d’Alexandrie et du réprouvé Origène; mais en dehors d’un développement aussi extrême de la tendance allégorique, son importance pour nous est que, malheureusement, de tels jeux avec les histoires bibliques sont encore appelés par beaucoup de gens « interprétation mystique ». Il va sans dire qu’il n’y a rien de mystique là-dedans, même si certaines de ces gloses farfelues ont le mérite d’une ingéniosité curieuse, quoique mal orientée.
Mais qu'est-ce donc que le symbolisme ? Revenons à notre distinction. Le symbolisme est fondé sur des faits, et, qui plus est, sur des faits universels. Le vrai mysticisme est la croyance que toute chose, en étant ce qu'elle est, symbolise quelque chose de plus, aux niveaux figuratif et spirituel. Le symboliste va à la nature et demande, avec Milton,
« Et si la Terre
Ne soyez que l'ombre du ciel et de tout ce qui s'y trouve
L'un pour l'autre, comme on le pense plus que sur terre ?
Déjà, dans les premiers temps du christianisme, saint Paul avait donné une indication: « Les perfections invisibles de l'Esprit des vivants se voient comme à l'œil nu depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages ». Mais il n'a guère développé cette idée. C'est saint Jean qui la reprend et fait des grandes vertus éternelles de la nature, de ses méthodes d'illumination, de vie, de nutrition, de purification, les modes précis par lesquels la manifestation de la Parole incarnée s'effectue et se perfectionne peu à peu, à la fois sur la scène de l'histoire du monde et dans les âmes des élus. Son symbolisme est un symbolisme au sens véritable du terme. Il n’y a rien d’arbitraire ni de forcé en lui. Car dans la connotation originelle du mot, un « symbole » véhiculait en réalité, sur un plan inférieur, ce qu’il représentait sur un plan supérieur. Un véritable symbole est toujours, en un sens, ce qu’il symbolise et souvent dans le sens étymologique. Nous verrons le sens de cette affirmation si nous considérons les symboles dont le quatrième évangéliste fait un usage évident dans son Évangile. Ainsi, la lumière du soleil éclaire les pas du corps et vivifie la vie corporelle des hommes, tout en étant aussi le symbole de cette Lumière éternelle de la Réflexion Vivifiante de Christ en nous qui est son guide et son moniteur intérieurs. Le pain soutient sa force physique, même si ce n’est « pas de pain seulement » qu’il vit, mais de communion avec Celui qui est le vrai Pain de Vie envoyé du ciel. L’eau purifie et rafraîchit ici-bas, alors qu’il est vrai que le message accepté de Jésus-Christ est dans l’homme « une source d’eau jaillissant jusque dans la vie éternelle ». Il y a bien d'autres symboles de la mission et de la fonction de l'Héritier de l'Esprit des vivants chez saint Jean, et dans l'usage qu'il en fait, il manifeste plus d'une fois cet amour du paradoxe divin qui est étroitement lié au tempérament mystique, mais qui n'est en fin de compte qu'un effort pour exprimer, dans un langage qui doit toujours être inadéquat, l'éclat des multiples facettes de l'unique diamant, la Vérité. Ainsi, le Christ nous est montré comme la Porte, la Voie et le Pasteur sur la Voie, la Vérité et la Parole qui la dit, l'Eau de vie et le Donneur d'eau, le Grain de blé et le Pain, l'Illuminateur et la Lumière, le Révélateur et le Révélé, l'Héritier et l'Élu.
(3) L’unification entre le disciple et son Seigneur incarné.
Ce n’est pas seulement par son utilisation du symbolisme que saint Jean est considéré comme l’un des prophètes du mysticisme, mais par l’idée qui sous-tend son symbolisme. Cette idée, élaborée progressivement dans l’Évangile, et sur laquelle les Épîtres insistent à maintes reprises, est celle de l’unification entre le disciple et son Seigneur incarné. Saint Jean, en effet, s’attarde habituellement sur la troisième et plus haute étape de l’ascension spirituelle et l’illustre. Mais le processus d’unification est graduel et progressif. Il commence, comme toute croissance, à partir d’une graine. Saint Jean n’utilise cette expression qu’une seule fois, mais l’expression et le courant de pensée qu’elle a fait naître devinrent par la suite d’une importance vitale dans l’histoire du mysticisme. « Quiconque est né de l'Esprit des vivants », écrit -il1 … « sa semence est en lui et il ne peut pécher parce qu’il est né de l'Esprit des vivants. » C’est un mot que les mystiques ont adopté à maintes reprises pour exprimer l’implantation de la Vie Divine dans l’âme des élus. Cela signifie que le principe par lequel un élu en Christ vit pour l'Esprit des vivants et résiste aux tendances de la chair est un germe divin, quelque chose de l'Esprit des vivants « reçu » dans l’âme, un nouveau principe de vie qui se développe et devient la Vie de la personne, à savoir la Sainte Présence de Christ en nous, l'anticipation de la gloire. » Mais la même idée est réellement innée dans la « source d’eau jaillissant en vie éternelle », dans la fructification de la vigne, dans le don vivifiant du pain. Il est remarquable que chez saint Jean l’exercice même de la foi prenne une tournure nouvelle. C’est dans cet Évangile que la foi, assurance ou confiance, devient courante. C’est une vertu qui s’étend, se projette vers et dans quelque chose. « La foi », chez saint Jean, « commence par une expérience et finit par une expérience ». L’expérience est celle du don de soi ou renoncement, de l’identification de soi avec la vie, les objectifs, l’espérance, « l’ascension ou exaltation » d’un Autre. « Nous sommes en Celui qui est vrai », c’est le message de l’Épître ; « que nous soyons un », c’est la prière du chapitre 17 de l’Évangile. C’est un processus graduel; Il faut avancer pas à pas, la grâce doit être échangée contre une grâce toujours plus complète, et cela s'accompagne d'expériences étranges et déconcertantes de tristesse, de défaite et de douleur. La Croix, avec saint Jean, est une « élévation », une étape dans le voyage ascendant vers une vie plus pleine et divine. Mais que la vie d'absorption dans le Christ ne soit ni servitude, ni limitation, mais une vie de relations intime infiniment étendues, « une vie qui est vraiment la vie » dans ses réalités d'interaction, de service, d'entraide, c'est ce que révèle le merveilleux symbole de la vigne et de ses sarments. C'est le point culminant du symbolisme de l'Évangile, car c'est le résumé de son message; et il est significatif que l'image d'une communauté de sympathie, d'intérêts, d'intimité, d'amour ou renoncement si réel qui constitue la vie intense de la société céleste, au lieu de l'existence partielle du moi isolé, soit représentée comme prononcée par les lèvres d'un Personnage historique, d'un Ami parlant de communion avec Ses amis. Cette doctrine merveilleuse de Un en tous et de tous en Un, de l'unité indissociable de Christ en ses élus (de l'unus Christus) — ainsi que saint Augustin décrit l'unification du Christ et de ses membres — se retrouve bien sûr aussi chez saint Paul, mais sous la figure moins mystique d'un corps et de ses membres, d'un corps dont le Christ est la tête. C'est l'identification absolue de la vie du Christ avec celle de ses disciples — le « vous en moi et moi en vous » — qui fait de saint Jean le maître de cette école de théologie ou plutôt de Christologie mystique d'une sublimité majestueuse du Roi de gloire.
Saint Jean et saint Paul sont les deux grands penseurs mystiques du Nouveau Testament; mais des lueurs et des touches de cet autre monde dans lequel vivaient habituellement les mystiques ultérieurs se retrouvent dans les pages d'autres écrivains.
L’AGNEAU MYSTIQUE PRÉDESTINÉ AU SACRIFICE
L'apôtre Pierre, qui partage la conception johannique de la « semence incorruptible », fait écho à la pensée de saint Jean et de saint Paul quant à l’intemporalité du processus rédempteur; il s’agit d’une vie éternelle qui se manifeste en effet par la naissance, la mort et la résurrection dans le temps, mais dont l’idée, ou le principe, existe au-delà de toute série temporelle. L’Agneau de l'Esprit des vivants a été prédestiné à ce sacrifice rédempteur « avant la fondation du monde », il a été désigné pour cela, et ces mots sont repris dans une phrase plus audacieuse encore par l’auteur de l’Apocalypse, qui parle de « l’Agneau immolé dès la fondation du monde ».
Il est dit faussement et enseigné subtilement par de nombreuses sectes dites chrétiennes, que Jésus a été abandonné de Dieu sur la croix, à cause qu'il a prit nos péchés sur Lui et que Dieu ne peut tolérer le péché. Cette notion est fausse pour plusieurs raisons, et elle est un blasphème hautain contre l'Esprit de Vérité. Premièrement, et le plus important, Jésus est Lui-même Dieu, et conséquemment Dieu ne peut abandonné Dieu ou Dieu ne serait pas Dieu et serait par ce fait même non-existant. Deuxièmement, si Dieu aurait abandonné Jésus, ce dernier ne serait pas Dieu mais un simple homme qui n'aurait aucunement la capacité de prendre nos péchés sur lui, détruisant ainsi toute la validité du sacrifice de la croix, et annulant la grâce du salut. Nous réalisons donc que le traducteur original de ce passage, était un hérétique qui croyait en l'hérésie monstrueuse de la trinité chimérique du Cerbère Nicéen, et qui avait en horreur la doctrine de la prédestination, ce qui nous indique qu'en toute probabilité qu'il était un catholique idolâtre, un papiste adorateur du dieu galette. Troisièmement le mot abandonné ou egkataleipo dans le Grec, ne porte pas, dans ce contexte, la signification de délaisser, mais d'être désigné d'avance pour accomplir une mission, ou de décider par soi-même de prendre la responsabilité de remplir une telle fonction. En d'autres mots, ce que nous voyons ici est le concept de la double prédestination en action. Et c'est exactement ce que nous voyons dans l'Évangile de Marc:
« Et à la neuvième heure Jésus s'écria d'une voix forte: Éloï, Éloï, lamma sabachthani! C'est-à-dire: Mon ESPRIT DES VIVANTS, mon ESPRIT DES VIVANTS, à ceci tu m'as désigné! » Ps. 22. 1; Mt. 27. 46; Jn. 12. 27; (Marc 15: 34).
Trois conceptions moins importantes, chères au cœur des mystiques, se retrouvent également dans les épîtres « catholiques » et dans l’Apocalypse. L'une d'elles est la pensée du miroir dans lequel un homme se regarde et découvre, selon saint Jacques, le visage de son vrai moi, variante de la phrase de saint Paul, quoique à peine de son sens essentiel, de la « gloire du Seigneur » dans laquelle nous sommes transformés en regardant. Une seconde pensée est celle commune à la fois à saint Pierre et à l'épître aux Hébreux, de cette vie mortelle comme d'un exil, d'un lieu de pèlerinage et de progrès désireux. La comparaison de la vie à un pèlerinage pourrait être considérée simplement comme une manière belle et naturelle de dépeindre les peines et les luttes du chemin vers le ciel, surtout chez les peuples orientaux pour qui la pratique du pèlerinage était, comme elle l'est encore, une méthode de piété si familière. Pour les Juifs, par exemple, avec leurs voyages annuels vers la grande fête de Pâques, l’analogie serait tout de suite recommandée. Pourtant, il est étrange de retrouver les effets des mots de l’épître aux Hébreux et de saint Pierre, si convaincants qu’ils soient par leur pathos mélancolique et douloureux, dans l’histoire de l’imagination chrétienne. Tout cela, après tout, en passant. Dans le mysticisme, au-delà de tout autre intérêt, la conception de la vie comme exil et pèlerinage avait cette importance particulière qu'elle était étroitement liée à l'idée de l'émanation de l'âme de « l'Esprit des vivants qui est notre demeure », de sa quête et de son retour ».
Ceci nous amène à la dernière des idées spéciales liées à l'humeur mystique, que nous trouvons dans le Nouveau Testament. Jérusalem, la cité-but « où montent les tribus », a suggéré aux esprits hébreux l'image d'une cité idéale « Jérusalem d'en haut » comme terme du pèlerinage de l'âme. C'est dans deux écrits hébraïques spécialement que l'idée fait son apparition et est insistée: l'épître aux Hébreux et l'Apocalypse. Le père de tous les pèlerins fidèles, Abraham, « attendait », nous dit-on, « une cité qui a des fondements, dont l'Esprit des vivants est l'architecte et le constructeur ». « Ici nous n'avons pas de cité permanente, mais nous cherchons celle qui est à venir ». L'Esprit des vivants nous a préparé « une cité ». Cette ville nous est décrite avec tous les détails de sa beauté allégorique dans les chapitres 21 et 22 de l’Apocalypse. Un tel message a séduit un monde dont les trois grandes nationalités représentatives, les religieux, les intellectuels et les impériaux, regardaient chacune vers un centre-ville, Jérusalem, Athènes et Rome; mais, quelle que soit sa force de persuasion continue ailleurs, il n’a jamais perdu son pouvoir de force et de douceur mêlées pour les oreilles anglaises. Cela est dû en partie, sans doute, à la force et au charme extraordinaires de la version anglaise autorisée de l’Apocalypse; en partie au fait qu’en Angleterre toute cette imagerie du pèlerinage et d’une ville comme but a été illustrée et mise en valeur de manière durable dans le merveilleux « Rêve » du rétameur puritain; en partie à la vénération et au culte anglais de la vie domestique et au désir, en conséquence, de considérer la mort comme un « retour à la maison », une maison dans un lieu sûr de rencontre, de reconnaissance, de travail ordonné et de repos comme une ville. Il faut cependant remarquer que les poètes, qui sont les mystiques de notre époque, ont eux aussi eu leur vision d’une Cité, mais d’une Cité plus éthérée et pourtant plus durable, éclairée par « la lumière qui n’a jamais existé sur terre ou sur mer ». « J'ai vu la cité spirituelle et toutes ses flèches et ses portes dans une gloire comme une seule perle — pas plus grande, bien que ce soit le but de tous les saints, »
Et on peut « devinez vaguement ce que le Temps dans les brumes confond; pourtant, de temps à autre, une trompette sonne. Des remparts cachés de l'Éternité; ces brumes ébranlées troublent un espace, puis autour des tourelles à moitié entrevues, elles se lavent à nouveau lentement.
L’idée de l’Agneau de l'Esprit des vivants est un des fils conducteurs de l’histoire de la rédemption. Elle peut être retracée jusqu’à Genèse 22, lorsque l'Esprit des vivants a appelé Abraham à se rendre au mont Morija, et à offrir son fils Isaac en sacrifice. Abraham, obéissant à l'Esprit des vivants, était prêt à le faire, mais au dernier moment, alors qu’il avait attaché Isaac à l’autel et s’apprêtait à lui planter le couteau dans le cœur, l'Esprit des vivants l’arrêta en disant: « N’avance pas ta main sur l’enfant, et ne lui fais rien; car je sais maintenant que tu crains l'Esprit des vivants, et que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique » (Gen 22.12). Il y eut alors un vacarme derrière Abraham, et il se retourna, voyant un bélier dont les cornes étaient prises dans un buisson. l'Esprit des vivants a fourni un agneau comme substitut sacrificiel du fils d’Abraham. Bien sûr, il n’est jamais dit en Genèse 22 que le bélier qu’Abraham attrapa, et offrit à la place d’Isaac, fut un sacrifice expiatoire. Néanmoins, ce fut un sacrifice de substitution, et cela étant l’idée qui sous-tend l’expiation du Christ. Jésus agit comme notre substitut, et l'Esprit des vivants déverse sa colère sur lui, à cause de notre péché, au lieu de la déverser sur nous. Ainsi donc l'Esprit des vivants pourvoit à un agneau lui appartenant, et accepte la vie de ce substitut.
L'Esprit des vivants
déverse sa colère sur Jésus, à cause de notre péché, au lieu de la déverser sur
nous.
De même, l’Agneau de l'Esprit des vivants est certainement préfiguré dans la
Pâque. Lorsque l'Esprit des vivants s’est préparé à frapper de sa dernière plaie
les Égyptiens, la mort de chaque mâle premier-né des Égyptiens, incluant le
prince héritier du Pharaon, il a ordonné à son peuple Israël d’égorger des
agneaux sans défaut et de répandre le sang sur les montants de leurs portes.
l'Esprit des vivants a promis de passer au-dessus de toutes les maisons où il
verrait le sang des agneaux sur les montants de la porte (Ex 12: 3-13). Tout
comme le sang de ces agneaux a permis au peuple d’Israël d’être épargné de la
colère de l'Esprit des vivants, l’Agneau de l'Esprit des vivants a racheté son
peuple de la peine qui était due à son péché.
A Christ seul soit la Gloire