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C'est ce côté humain des Ecritures de Dieu, cette histoire d'hommes
semblables à nous, ce caractère éminemment pratique que nous trouvons à
chaque page, qui nous rend la Bible si précieuse.
C'est parce que nous reconnaissons partout, à côté de l'élément divin, un
élément humain, que nous ouvrons si volontiers nos coeurs à ses
enseignements. Elle exerce sur nous une influence mystérieuse qui nous suit
partout, comme le regard d'un beau portrait accompagne celui qui le fixe, de
quelque côté qu'il se tourne.
Un livre systématique de doctrine aurait eu l'inconvénient de n'être pas à la
portée de toutes les intelligences, des plus simples comme des plus
développées; un traité systématique de morale aurait eu celui de n'être pas
applicable et praticable partout. Formulée en sentences, la vérité comprise par
la vieille Europe ne l'aurait pas été des habitants encore sauvages de diverses
contrées du Nouveau-Monde. Fixe et déterminée par des maximes de détail, la
morale n'eût plus été cette morale vivante de l'Evangile, cette vie religieuse à
laquelle l'homme est appelé; parfois même elle eût été d'une application
impossible, comme le sont au Groënland et au Labrador toutes les règles que le
Coran rattache au lever et au coucher du soleil. Si même ce travail de
réglementation morale ou dogmatique avait pu se faire, il eût été désastreux
pour le développement moral et religieux de l'homme. On se serait borné à
charger sa mémoire des paroles sacramentelles de la foi, et l'on eût négligé le
reste des Ecritures.
Le travail de l'intelligence, les investigations consciencieuses, l'examen
intérieur, l'oeuvre incessante et laborieuse de la sanctification eussent perdu
toute raison d'être. Le Credo n'étant plus le point de départ de la foi, mais la foi
elle-même, serait devenu l'objet d'une indolente et stérile vénération. Ce n'est
que lorsque l'attention est éveillée, et que toutes les énergies de l'âme sont
mises en jeu, ce n'est que par des connaissances acquises et comprises au prix
de nombreux efforts, ce n'est qu'au prix de luttes variées et douloureuses que
la vraie foi peut se manifester par une vraie sainteté. L'Ecriture, dit More, n'est
pas un jardin où les fruits et les fleurs se cueillent sans peine, mais un champ