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cette preuve d'expérience l'emporte sur toutes les autres - aussi n'attache-t-il
plus qu'un médiocre intérêt à la controverse entre le christianisme et
l'incrédulité; il sent, il savoure, il éprouve déjà la vérité qu'on voudrait lui
démontrer, et quand on en est là on n'a plus besoin de preuves; on a en soi-
même un témoin vivant, une démonstration vivante des choses qui ne se voient
pas.
Ajoutons cependant que cette preuve ne consiste pas tant dans l'adaptation du
christianisme à nos besoins, que dans son influence sanctifiante qui nous
amène, non-seulement à aimer, mais encore à pratiquer la sainteté. Quand
Christ apparut, les Juifs éprouvaient le besoin d'un libérateur politique et
terrestre; ils n'éprouvaient nullement le besoin d'un Messie qui vint appeler les
Gentils à partager l'héritage avec eux. Le système de Mahomet est aussi très-
habilement adapté aux désirs sensuels, aux passions grossières d'un peuple
ambitieux. Les Indous adhèrent de coeur, et sans chercher des preuves, à un
système parfaitement approprié à leurs goûts et à leurs appétits.
Le christianisme, au contraire, se présente, non point comme conforme à nos
inclinations naturelles, mais comme s'efforçant de les former à sa propre
image, et ce n'est que lorsque ce travail d'assimilation est commencé, qu'on
reconnaît combien il est approprié aux vrais besoins de l'homme. Les systèmes
païens sont tous d'accord avec les penchants corrompus de l'homme tel qu'il
est naturellement; le christianisme est adapté aux besoins de l'homme tel qu'il
doit être, tel qu'il devient par la régénération. Le paganisme est un système
corrompu, calculé pour harmoniser avec une nature corrompue; le
christianisme est un système vivifiant pour une nature qui a besoin d'être
renouvelée. Le premier met ses doctrines en rapport avec nos goûts; le second
cherche à rendre nos goûts conformes à ses doctrines. Et c'est quand ce
dernier travail se fait dans le coeur, que le croyant reconnaît l'évidence de la
vérité. Il a d'abord l'espérance de la foi, puis vient l'espérance de l'expérience,
expérience fondée sur l'influence sanctifiante de l'amour de Dieu (Rom., V, 2-5).
Il en est de l'Evangile comme d'un médecin appelé pour soigner un malade
gravement atteint. Il peut faire deux choses, traiter les symptômes de la
maladie, ou combattre la maladie elle-même. Si dans la fièvre il se préoccupe
de la soif ardente du patient, si dans l'apoplexie il ne s'attache qu'à exciter le
système engourdi, on pourra bien dire dans un sens qu'il répond aux besoins
immédiats du malade, mais il est peu probable qu'il lui fasse un bien réel. Un
praticien plus sage fera abstraction de ces détails, et s'occupera de la maladie
elle-même; il lui importera peu que ses prescriptions flattent le palais du
moribond, ou lui causent une excitation momentanée; il lui importera que le
mal cède peu à peu, et que le malade se rétablisse. Ce résultat obtenu, il
pourra dire, mieux que dans le premier cas, que son système était en harmonie