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SECTION III - Introduction spéciale aux Epîtres , depuis la première aux Thessaloniciens jusqu'à Jude. (Suite)

 

§ 176. Première aux Corinthiens (Ephèse, an 57). - Corinthe était une ville considérable et la capitale de la province romaine d'Achaïe, dans la partie méridionale de la Grèce. Sa situation sur l'isthme resserré qui joint le Péloponèse à la Grèce du nord, en faisait la clef du commerce entre le nord et le sud. D'un autre côté , par ses deux ports sur la mer Ionienne et sur la mer Egée , elle recevait d'une part les richesses de l'Asie, de l'autre, celles de l'Italie et des contrées de l'Occident. Avec de pareils avantages, Corinthe devint facilement le centre d'un commerce très-étendu. Elle brillait, en outre , par la somptuosité de ses édifices publics , et par la culture des arts et des belles lettres. Les jeux isthmiques (auxquels probablement il est fait allusion dans le chap. IX , 24-27) , qui avaient lieu près de la ville, avaient acquis une grande célébrité et attiraient un immense concours d'étrangers de tous les pays. Par ces diverses causes, Corinthe se distingua bientôt par ses richesses et par son luxe , aussi bien que par ses moeurs dissolues et licencieuses que favorisait encore le culte de Vénus établi dans ses murs. Aussi finit-elle par devenir la ville la plus corrompue et la plus efféminée de toute la Grèce.
La première apparition de la religion chrétienne au milieu de cette forteresse du vice est racontée dans les Actes, chap. XVIII, Paul était alors en route pour retourner de la Macédoine à Jérusalem. Après avoir passé quelque temps à Athènes, il revint à Corinthe , et y fut rejoint par Silas et Timothée. Il prêcha l'Evangile dans cette cité d'abord aux Juifs ; mais lorsqu'ils lui eurent répondu par des persécutions et par des injures, il renonça à toute relation avec eux, et se tourna vers les Grecs. Toutefois , quelques-uns des principaux Juifs crurent à l'Evangile. Ses craintes et son découragement, pendant qu'il travaillait à cette oeuvre (cf. chap. II, III. Actes, XVIII , 9, 10) , furent dissipés par une révélation spéciale, qui l'assura que le Seigneur était avec lui, et qu'il voulait se former une Eglise à Corinthe. Paul continua donc ses travaux pendant plus d'une année et demie, puis il fut remplacé dans son enseignement par Apollos ( Actes, XVIII, 27 , 28 De sorte qu'il s'y forma une Eglise nombreuse et florissante des pasteurs y furent établis , et les ordonnances de Christ régulièrement observées.
Il parait cependant que bientôt leur paix fut troublée par certaines gens qui voulaient greffer sur les préceptes de Christ les subtilités de la philosophie humaine. Des docteurs factieux s'attachèrent à déprécier l'Apôtre, le représentant comme privé des grâces du style, et des ressources de l'art oratoire , et mettant même en question son autorité apostolique : ils plaidaient, en outre, en faveur d'une vie licencieuse, sous prétexte de liberté chrétienne. De là naquirent des divisions et des dérèglements; l'Eglise ne tarda pas à déchoir de sa foi primitive, de sa pureté et de son amour.
Cette épître paraît avoir été écrite d'Ephèse, après le premier voyage de Paul à Corinthe , et comme il se disposait à en faire un second (II, 1; IV, 19; XVI, 5). Nous voyons par Actes, XVIII, 1, et XX, 1-3, que Paul visita deux fois l'Achaïe et indubitablement Corinthe , et que, la seconde fois, il y vint d'Ephèse, après avoir passé deux ans dans cette ville. Que cette épître ait été écrite pendant cet intervalle , c'est ce que confirment pleinement différentes mentions incidentes, telles que XV, 32 ; XVI , 8 (cf. aussi XVI, 9, avec Actes, XIX, 20-41) , de même encore la salutation de la part des Eglises de l'Asie dans le chap. XVI, 19 (voyez Ire partie, § 107 ), et la salutation de la part de Priscille et Aquila, qui étaient à Ephèse à cette époque (Actes, XVIII, 26).
L'objet de l'épître paraît avoir été , en partie, de répondre à une lettre que Paul avait reçue de l'Eglise, et dans laquelle on lui demandait des conseils et des instructions sur certains points (voyez chap. VII, 1); et , en partie , de réprimer des désordres plus ou moins scandaleux, dont l'Apôtre avait entendu parler par quelques-uns de ses membres (I , 11 ; V, 1 ; XI , 18) , qui lui avaient occasionné un profond chagrin et l'avaient engagé même à envoyer Timothée à Corinthe (IV, 17).
Les maux auxquels Paul cherchait à porter remède parmi les Corinthiens étaient surtout les suivants :
Les divisions de parti (I, 10-16 ; III, 4-6) , un penchant exagéré pour la philosophie et l'éloquence (I, 17 , etc.) , une immoralité scandaleuse tolérée parmi eux (chap. V). Des procès étaient intentés par un membre contre un autre devant des juges païens, contrairement aux règles de la sagesse et de l'amour chrétiens, et quelquefois contrairement aux principes mêmes de la justice (VI, 1-8). Une indulgence licencieuse (VI, 9-20). Dans leurs assemblées religieuses, les femmes , dans les exercices de leurs dons spirituels, avaient manqué de la décence convenable en ôtant leur voile , marque distinctive de leur sexe (XI , 3-10). La cène était profanée par la manière dont elle se célébrait (XI, 20-34) , quelques-uns y trouvant une occasion de réjouissance pour eux-mêmes, et un moyen d'humilier leurs frères pauvres (XI , 20, 21). Les dons miraculeux, particulièrement le don des langues , avaient donné lien à des abus (chap. XIV). Enfin l'importante doctrine de la résurrection avait été niée ou tout au moins révoquée en doute par quelques-uns (XV, 12).
Les matières sur lesquelles les Corinthiens avaient demandé à Paul des instructions étaient :
1° le mariage et les devoirs qui s'y rattachaient dans les conditions où ils se trouvaient (chap. VII); -
2° l'effet que leur conversion au christianisme pouvait avoir au point de vue d'un état antérieur de circoncision ou d'esclavage (VII, 17-24) ; - et
3° des directions quant à la nourriture, spécialement en ce qui concernait la faculté de manger des choses sacrifiées aux idoles (chap. VIII). Ils avaient probablement encore adressé quelques autres questions à l'Apôtre touchant l'usage des dons spirituels et l'ordre à observer dans leurs assemblées religieuses.
Dans aucune épître le caractère de Paul n'apparaît d'une manière plus sensible que dans celle-ci. Il affirme son autorité apostolique à la fois avec humilité et avec une sainte jalousie (II, 3; IX, 16, 27). Il déploie avec énergie toutes ses facultés pour la cause qui lui est confiée, et toutefois il reconnaît profondément sa complète dépendance vis-à-vis de Dieu (III, 6, 9; XV, 10). Il sait allier la fidélité à la tendresse la plus vive (III, 2; VI, 12 ; IV, 14) , et, doué des plus nobles qualités, il place au-dessus de toutes l'amour (XIII, 1). Aussi peut-il être présenté comme modèle, non-seulement aux pasteurs, mais encore à tous les chrétiens de tout âge.
Ces épîtres sont particulièrement instructives aussi pour les personnes qui professent avoir peu de sympathie pour la superstition ou peu de respect pour l'autorité. Elles réunissent au plus haut point les allures indépendantes d'un esprit libéral et les doctrines les plus humiliantes. Elles réveillent les plus hautes espérances pour l'homme et pour la vérité, et nous apprennent le moyen unique par lequel elles doivent être réalisées.
Sous un autre point de vue , ces épîtres sont encore d'un grand intérêt. Quant à leur contenu , ce sont les plus variés de tous les écrits de l'Apôtre, et plus qu'aucun autre, elles jettent du jour sur l'état de la primitive Eglise , et sur les mauvaises tendances contre lesquelles l'Evangile eut à lutter même parmi les gens pieux.
Lisez et comparez dans l'ordre suivant les passages : I, 1, 4, 10, 13, 17, 26; Il, 1 ; III, 1, 10, 16, 18; IV, 1, 6, 8, 14 ; V, 1, 9; VI, 1, 9, 12; VII, 1, 17, 25, 29; VIII, 1 ; IX, 1, 24 ; X, 14, 23; XI, 2, 17, 23, 27; XII, 1, 31; XIII, 1, 13; XIV, 1, 34, 36; XV, 1, 12-20, 35, 51; XVI, 1, 5, 10, 12, 13, 15, 17, 19, 21, 23.
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§ 177. Seconde aux Corinthiens (Macédoine, an 57). - Peu de temps après avoir écrit la première épître, Paul quitta Ephèse et vint à Troas. Il espérait y rencontrer Tite (qu'il avait envoyé à Corinthe), et apprendre par lui où en était l'Eglise et quels effets avait produits sa première lettre (II, 12). Mais ne l'ayant pas trouvé , il poursuivit sa route jusqu'en Macédoine , où son anxiété fut dissipée par l'arrivée et le rapport de son disciple. Tite lui apprit que ses fidèles avertissements avaient causé aux chrétiens de Corinthe une sainte tristesse et réveillé leur attention sur la convenance de maintenir la discipline dans l'Eglise. A côté de ces faits réjouissants, il s'en trouvait d'autres d'un caractère plus pénible. Le parti formé par les faux docteurs méconnaissait encore son autorité apostolique et suspectait ses intentions et sa conduite ; il exploitait même sa première lettre pour porter des accusations contre lui, disant qu'il n'avait pas tenu la promesse qu'il avait faite de venir les voir, et qu'il s'était servi , en écrivant , d'un style impératif peu en rapport, prétendaient-ils, avec la bassesse de sa personne et de son langage.
Ce fut sous le coup des vives et diverses émotions causées par ces nouvelles que l'Apôtre écrivit cette seconde épître, dans laquelle les paroles d'exhortation et d'amour se mêlent à la censure et même aux menaces. Il l'envoya par Tite et par d'autres disciples, dans l'intention , du reste , de les rejoindre bientôt, comme il paraît qu'il le fit en effet. Cette lettre avait pour but de hâter l'oeuvre des réformes, d'établir plus pleinement encore son autorité en présence des objections et des prétentions des faux docteurs, et de préparer les Corinthiens à sa visite projetée ; il espérait aussi trouver leurs discordes apaisées, et les contributions qu'ils avaient promises en faveur des frères affligés toutes prêtes (VIII, 18 ; IX, 3, 5 ; X, 2, 11 ; XIII, 1, 2, 10).
Quoique cette épître et la précédente soient remplies de détails sur les circonstances particulières de l'Eglise de Corinthe, elles n'en sont pour cela ni moins importantes ni moins instructives. Elles contiennent, en effet, des directions et des avertissements appropriés à la plupart des circonstances ordinaires de la vie, directions qui n'auraient pas aussi bien trouvé leur place dans un discours plus général sur les grandes doctrines et les devoirs du christianisme. Nous y trouvons des principes et des règles d'une application universelle, principalement quant à la marche à suivre en ce qui concerne les dissensions et les autres maux qui peuvent surgir dans l'Eglise ; de même encore quant à la pratique du devoir important de la libéralité chrétienne.
Les principaux points traités dans cette épître sont les suivants:
1° Après avoir exprimé sa reconnaissance envers Dieu pour les consolations qu'il lui procure au milieu de ses souffrances qu'il endure pour la cause de Christ , l'Apôtre expose les motifs qui ont retardé sa visite à Corinthe. Il s'occupe ensuite du pécheur scandaleux contre lequel la discipline avait dû être exercée ; puis, à cause de sa repentance, il exhorte les fidèles à le réintégrer dans leur communion (I , 12; II, 13).
2° Il fait ensuite mention de ses travaux dans le service de l'Evangile , et des succès qu'il a obtenus, ainsi que de ses relations personnelles avec les Corinthiens. De là il est amené à parler des différences qui existent entre le ministère de l'ancienne alliance et celui de la nouvelle; et il montre que la gloire du dernier est supérieure à celle du premier (chap. III). Il décrit les principes et les motifs par lesquels lui et ses frères ont été poussés à remplir leur ministère au milieu de grandes afflictions et tribulations , et exhorte les Corinthiens à ne pas compromettre la grande cause de l'Evangile en négligeant la discipline chrétienne et la pureté des moeurs (IV à VII).
3° Puis, reprenant un sujet déjà traité dans sa première épître, il leur recommande, avec une ardeur persuasive , la collecte en faveur des pauvres d'entre les saints de Jérusalem , et montre les nombreux et divers avantages attachés à la réciprocité de semblables services (VIII et IX).
4° Il défend son autorité apostolique contre les insinuations des faux docteurs, et met en parallèle (quoique avec une répugnance évidente) , d'une part ses propres dons , ses travaux et ses souffrances; de l'autre, le caractère et la conduite de ceux qui lui font opposition (X et XI ). - Comme preuve de sa mission divine , il en appelle aux visions et aux révélations dont il a été favorisé (XII, 1-11) ; il démontre la franchise, la sincérité et le désintéressement de toute sa conduite ; et, après quelques exhortations affectueuses à l'examen de soi-même, à l'amour et à la sainteté, il termine l'épure par la prière et la bénédiction (XII , 11-21 ; XIII).
Lisez et comparez : I, 1, 3, 8, 12, 15, 23; II, 5, 12, 14 ; III, 1, 4, 12; IV, 1, 3, 7, 12; V, 5, 11, 16, 20; VI, 1, 11, 14; VII, 1, 2, 5, 11, 13; VIII, 1, 16; IX, 1, 6; X, 1, 7, 12; XI, 1, 5, 13, 16; XII, 1, 14, 19; XIII, 1, 5, 11, 14.
Voyez Monneron, Analyse et paraph. des deux ép. aux Corinth.

 


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