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SECTION VI. - Application de ces règles à l'interprétation des allégories, paraboles, types et symboles de l'Ecriture. (suite)
§ 116. Interprétation allégorique de l'histoire. - Les principes d'interprétation applicables à l'étude des allégories, types, etc., sont applicables aussi, d'une manière générale, à l'étude de l'histoire sainte. L'ancien peuple juif était en effet avec Dieu dans les mêmes rapports dans lesquels se trouvent aujourd'hui l'Eglise en général et les chrétiens en particulier. Ses souffrances et sa captivité en Egypte, sa délivrance par Moïse, le voyage du désert, l'entrée en Canaan, sont des faits symboliques qui rappellent bien des fois, et souvent dans plusieurs de leurs détails, l'esclavage du péché, les chutes et les délivrances du chrétien. Non-seulement les Hébreux vivaient sous la protection du même Dieu, non-seulement ils étaient gouvernés par la même discipline et la même volonté; mais les faits de leur histoire étaient des types, des exemples, des prophéties, des faits semblables qui devaient se reproduire dans l'histoire de l'Eglise. L'Ecriture-Sainte, en multipliant les rapprochements de cette nature, nous montre combien l'histoire du peuple juif est une mine abondante en leçons sérieuses. C'est pour notre instruction que les faits anciens ont été écrits (Rom. , Il , 28. 1 Cor., X, Héb., IV. Apoc., XV, 5. 1 Pierre, II, 10).
Les rapports du peuple juif avec quelques-uns des peuples qui l'environnaient sont un type des rapports de l'Eglise avec ses ennemis: Sodome, Ismaël, l'Egypte, Babylone ont leurs représentants dans l'histoire du véritable Israël (Gal., IV, 25. Apoc., XIV, 8).
Si, d'un côté, Israël comme fils de Dieu est envisagé quelquefois comme type de notre Seigneur, d'un autre côté quelques-uns de ses hommes et de ses caractères les plus éminents sont quelquefois pris a part, comme le préfigurant également : Moïse parmi les prophètes, David et Salomon parmi les rois; de là certaines expressions qui s'appliquaient dans l'origine au type et qui sont appliquées à Christ, comme l'antitype et l'accomplissement (cf. Osée, XI, 1 , et Matth., II , 15).
De même que le peuple, les rites et le culte de l'Ancien-Testament avaient une signification typique. Toute l'économie mosaïque était l'ombre des biens à venir, non la vive image des choses. Le corps était Christ (Héb., X, 1).
C'est ainsi que depuis que la race humaine existe, il y a eu des séries de révélations successives et progressives, des figures s'enchaînant les unes aux autres , toutes renfermant quelque vérité nouvelle et tendant à mettre en relief et à faire comprendre l'office et l'oeuvre de notre Seigneur, ou le caractère et l'histoire de son peuple.
L'histoire et le culte des Hébreux sont un type continu, et saint Augustin a pu dire que l'Ancien -Testament c'était le Nouveau-Testament voilé, ou vice-versa, que le Nouveau-Testament c'est l'Ancien-Testament dévoilé. Le fait spécial ou l'institution dont on s'occupe doit être soigneusement comparé avec les grandes vérités de l'Evangile, sans qu'on puisse s'attendre à trouver des rapprochements dans tous les détails, et l'interprétation doit être conforme à l'analogie de la foi , sous peine d'être reconnue abusive et factice.
§ 117. Abus de l'interprétation typique. - Les écrivains inspirés, quand ils font ressortir le sens spirituel et typique d'un fait ou d'une institution, ne détruisent jamais le sens littéral et historique ; ils ne s'attachent pas d'avantage à chercher un sens caché dans les mots et dans les détails, enfin ils se bornent à la recherche des types qui peuvent servir à faire ressortir des vérités pratiques ou spirituelles importantes (Héb., V, 11 ; IX, 5). Leur manière est facile, naturelle, scripturaire; elle aurait dû servir d'exemple aux commentateurs. Mais, tandis que chez eux tous les types se rapportent exclusivement aux vérités qui touchent l'histoire de la vie et l'office médiatorial de notre Sauveur, le caractère spirituel de son royaume et les destinées futures de son Eglise, les interprètes se sont jetés dans tous les écarts, ils ont passé toutes les bornes , et les détails les plus insignifiants sont 'devenus pour leur esprit des thèmes à exploiter. Il est nécessaire que nous nous y arrêtions quelques instants; des exemples feront mieux ressortir tout ce qu'il y a d'abusif dans cette manière de faire.
Les anciens Juifs se sont occupés à trouver des allégories dans les mots, les lettres et les chiffres de l'Ecriture.
Ils ont voulu prouver la doctrine de la trinité par les trois lettres qui forment en hébreu le mot créa (B'ra) (Gen., I, 1); la première est le commencement du mot ben (fils); la seconde est le commencement de rouach (esprit) , et la troisième de ab (père). - Ils rapportent à Jésus-Christ Ps. XXI, 1 , parce que les lettres du mot hébreu a se réjouira » (Yismach), forment par leur transposition le mot M'shiach (Messie). La lettre a se trouve six fois dans Gen. , I, 1 , et comme cette lettre deux fois pointée représente le chiffre mille , ils en ont conclu que le monde durerait six mille ans, et ils en font une doctrine scripturaire. Ils regardent le signe de l'accusatif ath , ou plutôt eth, comme le symbole de la perfection, de la plénitude d'une chose, parce qu'il est formé de la première et de la dernière lettre de l'alphabet hébraïque. Enfin le faux Barnabas explique que si Abraham circoncit trois cent dix-huit hommes de sa maison (Gen., XIV, 14), c'est que ce chiffre représente en lettres grecques, Jésus et la croix. 1 = 10; H (é) = 8, et T (la croix) = 300.
D'autres écrivains ont cherché des allégories dans l'Ecriture en détruisant les faits. - Jean-Baptiste , selon eux , n'aurait point existé, et ne serait que la représentation mythique et figurée du corps des prophètes juifs dans leurs rapports avec Christ. - L'histoire de l'hôtellerie, de l'étable et de la crèche , dans laquelle naquit le Sauveur du monde, seraient simplement l'image de la modeste et commune origine des petits commencements de toutes les oeuvres de Dieu dans ce monde. - De même encore les sept jours de la création ne signifient autre chose que la perfection de l'oeuvre du Créateur (sept étant le chiffre parfait) , et l'Esprit de Dieu se mouvant sur les eaux est le symbole des eaux spirituelles du baptême chrétien.
Un autre mode d'interprétation plus fréquent et qui n'est guère moins funeste a trouvé des partisans à toutes les époques de l'histoire. Il consiste à reconnaître la vérité historique et littérale des récits bibliques, mais à faire de chacun le point de départ, la base, la preuve d'une doctrine ou d'une idée spirituelle; aucun détail n'a été omis, aucune circonstance n'a été négligée, il a fallu que tout servit. - C'est en partant de ce point de vue qu'on a prouvé qu'avec le septième millier d'années du monde, commencerait le millénium. On a vu dans la distinction des animaux en purs et impurs, la distinction des justes et des injustes, des bons et des mauvais; et là encore on est entré dans des détails ridicules: Moïse avait dit: « Vous mangerez de toutes les bêtes qui ont le pied fourché et qui ruminent (Lév., XI, 3) ; » l'épître de Barnabas l'interprète comme une preuve que nous devons vivre en communion avec ceux qui ruminent les commandements de Dieu et qui ont le pied fourché, c'est-à-dire qui vivent dans ce monde, mais qui ont leurs espérances dans l'autre. - D'après Tertullien, les mots « sur la terre comme au ciel » de l'oraison dominicale signifient « le corps aussi bien que l'âme. » - Les cinq pains dont notre Seigneur rassasia la multitude représentent, «après Clément, les cinq sens. Cyrille y voit de son côté les cinq livres de Moïse, et les deux poissons sont pour lui la philosophie grecque, qui est née et qui se meut dans l'élément du monde païen, ou encore les enseignements de notre Sauveur, apostoliques et évangéliques. - Origène lui-même bâtit sur les images des Ecritures, comme il les appelle, la doctrine de la restauration finale du monde et de l'univers spirituel , et sa réintégration dans son bonheur et sa pureté primitive.
Justin voit dans la lutte de Jacob avec l'ange un type de la tentation de notre Sauveur, et, dans la blessure qu'il reçut, une image de sa passion et de sa mort.
Athanase, qui plus d'une fois combat cette méthode d'interprétation, n'en a pas toujours évité lui-même les écarts. Dans son exposition de Matth., V, 29, il pense que le corps représente l'Eglise , et que l'oeil, la main , le pied, ce sont les évêques, les pasteurs et les diacres, qui doivent être retranchés s'ils sont préjudiciables à l'Eglise.
Saint Hilaire croit que les oiseaux du ciel (Matth., VI, 26-30), ce sont les esprits immondes auxquels Dieu donne la vie, sans qu'ils aient à s'en inquiéter; les lis sont les anges, et l'herbe des champs les païens. La mère des fils de Zébédée représente la loi , et ses enfants les Juifs craignant Dieu.
D'après Cyrille, Malchus serait un type des Juifs, et Pierre, en lui coupant l'oreille droite, aurait établi que les Juifs sont privés d'une droite manière d'entendre, que leur entendement est gauche et rebelle.
Origène voit des allégories dans la création du monde, dans l'inceste de Lot, dans les deux femmes d'Abraham , dans le mariage de Jacob avec Léa et Rachel.
Il serait facile de multiplier des exemples de ce genre ; toutes ces interprétations partent de l'idée que le sens littéral est le moins important, et que le sens symbolique et spirituel est le seul digne d'occuper des esprits éclairés. Les sectes nombreuses de l'Eglise des premiers temps s'adonnèrent à des recherches semblables, et toutes essayèrent de justifier leurs dogmes par des interprétations allégoriques jusqu'à ce qu'enfin, l'on oublia ou négligea entièrement le sens historique et les leçons morales et spirituelles qui en découlent.
Une piété intelligente fera justice d'une méthode pareille qui semble n'avoir pour objet que de satisfaire une curiosité ou un esprit charnel , qui n'est qu'une affaire de fantaisie, qui fait perdre aux récits historiques une partie des leçons que la sagesse divine a voulu nous donner, et qui leur substitue §autres enseignements purement humains. Les points essentiels qu'il faut toujours se rappeler , c'est que l'Ancien-Testament renferme plusieurs caractères et institutions typiques, dont plusieurs représentent les qualités ou les défauts que nous devons imiter ou combattre, dont d'autres mettent en lumière les principes du gouvernement de Dieu dans ce monde , et dont aucun ne doit être interprété ou expliqué en dehors des révélations plus claires qui nous sont données dans d'autres portions de la Parole de Dieu.
Ajoutons que les types sont prophétiques et peuvent servir à prouver la vérité de l'Evangile aussi bien qu'à l'expliquer. Les exemples, analogies, ressemblances , paraboles, qui ne sont pas annoncées comme typiques, n'ont pas le caractère prophétique ; elles peuvent faire comprendre mieux la vérité, mais elles ne peuvent pas la prouver.
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§ 118. Sources à consulter. - Il y a sur le sujet dont on vient de parler, une foule d'ouvrages dans les langues qui s'occupent de théologie, et l'on pourrait en faire une longue énumération. Les principaux sont, en anglais, ceux de Dodd (1757), Gray (1777), Trench (1847), M'Ewen et Wilson, Charlotte Elisabeth, Marsh, Fairbairn, etc.
En allemand, Krummacher, Lisco, Olshausen, Maenscher, Tholack, etc.
En français nous mentionnerons particulièrement Girard des Bergeries, Moïse sans voiles ; Guers, le Camp et le Tabernacle ; dans la Revue de Strasbourg, plusieurs articles; l'abrégé de l'histoire sainte de Risler , et l'article types dans le dictionnaire de la Bible (supplément).
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