Page 477 - Dictionnaire de la Bible J.A. Bost

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L'hypothèse du morcellement repose:
a.
sur ce qu'il y a dans la Genèse plusieurs relations d'un seul fait, par exemple 12:10-20; 20:1; sq.
26:6-12; mais il ressort du texte même que ce sont des faits tout différents;
b.
sur ce que l'origine d'un même nom est racontée de différentes manières, le nom d'Isaac, 17:17,19;
18:12-15; 21:3,6, celui de Béersébah, 21:30-31; 26:33, de Béthel, 28:19; 35:15; mais de ce qu'un même nom a
pu se trouver vrai dans plusieurs sens, il n'en résulte pas la nécessité de penser à deux récits dont l'un
exclurait l'autre;
c.
sur ce qu'il y a de fréquentes répétitions; niais c'est dans le style oriental, et d'ailleurs l'objection
n'aurait de force que si les mêmes faits étaient racontés chaque fois sans des détails nouveaux, dans la
même connexion, tandis que c'est le contraire qui a lieu; la répétition se justifie d'elle-même par le but du
narrateur, et elle ne porte que sur des faits importants.
d.
Il y a des morceaux isolés et décousus; mais dans un récit aussi succinct les transitions seraient
souvent des hors-d'œuvre, l'antiquité du livre et son caractère oriental ne les auraient pas supportées,
e.
On s'appuie enfin sur la présence de certains titres comme indiquant le commencement de
nouvelles péricopes; ainsi 5:4; 6:9; 10:1; sq. 25:12; etc. Mais ces titres, qui sont en quelque sorte des
sommaires de chapitres, indiqueraient plutôt le contraire; ils servent de transitions naturelles, et
indiquent le plan de l'auteur et le soin avec lequel il coordonne ses généalogies.
L'hypothèse des deux documents repose sur la manière dont les noms de Dieu et de l'Éternel sont
employés (Élohim et Jéhovah); les inventeurs de l'idée pensent que le rédacteur s'est servi de deux
sources ou documents, dont l'un aurait tout rapporté à Dieu, l'autre tout à l'Éternel. Si l'on y fait attention,
l'on trouvera qu'en effet il y a des chapitres, ou fragments de chapitres, dans lesquels l'un des deux noms
est employé à l'exclusion de l'autre, quelquefois aussi les deux noms concurremment. Remarquons
d'abord que si l'on veut conclure quelque chose, il faudra appliquer la même conclusion à l'Ancien
Testament presque tout entier, où les noms de Dieu et de l'Éternel sont alternativement employés: qu'on
lise par exemple le prophète Jonas, on y trouvera la même observation justifiée, et cependant personne
n'osera ou n'a osé faire de ce petit livre une mosaïque composée de divers documents. Mais une
explication très simple et tirée de l'observation donnera la clé de l'emploi de ces deux noms, dans la
Genèse comme ailleurs: c'est que le nom de Dieu, Élohim, s'applique presque partout au Créateur, juge
de l'univers, maître de la race humaine, dans ses rapports avec le monde; l'Éternel, Jéhovah, au contraire,
est le Dieu de son peuple, le père de ses enfants, le Sauveur qui se manifeste. On peut lire, en prenant
garde à cette distinction, l'histoire du sacrifice d'Isaac, 22:1, celle du déluge, 6-9, et surtout celle de la
création, 1-3, qui semble prêter le plus à l'hypothèse et même lui avoir donné naissance: elle se divise en
deux parties, 1-2:3; et 2:4-3:1. La première est le récit général: l'auteur nous fait connaître l'origine du
monde, il énumère les créatures, il nomme le créateur, c'est Élohim; dans la seconde, l'auteur reprend son
sujet, mais sous le point de vue spécial de l'homme considéré comme être moral: c'est là qu'il est question
du péché, de la loi, du jugement, de l'Évangile qui sauve: c'est alors Jéhovah qui paraît, c'est l'Éternel; le
nom de Dieu lui est joint pour bien montrer qu'il ne s'agit pas d'un autre Dieu, mais du même considéré
sous un autre point de vue, précaution bien nécessaire dans un temps où l'on pouvait être porté à croire à
une pluralité de dieux.
— Voilà tout le secret de l'emploi alternatif de ces deux noms, non pas seulement dans des morceaux
différents, mais aussi dans un même morceau, et c'est faute d'avoir compris leur grandeur et leur
signification qu'on en est venu à la supposition de deux documents primitifs. Cette hypothèse, déjà bien
ébranlée, tombera comme est tombée celle d'un Évangile primitif qu'on défendait il y a quelques années
encore avec tant de suffisance.
— Voir: Umbreit, Theol. Stud, und Kritik, 1831, p. 412, Ranke, Recherches sur le Pentateuque, Hævernick,
Introduction à l'Ancien Testament, et l'excellent Commentaire de F. W. J. Schrœder (Das erste Buch
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