Page 253 - LES DEUX BABYLONES

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prouve surabondamment l'histoire suivante :
"Ici, à Hippone, dit-il, il y avait un
vieillard pauvre et saint, nommé Florentius, qui par son métier de tailleur se
suffisait à peine. Un jour il perdit son manteau, et ne pouvant en acheter un
autre pour le remplacer, il se rendit à la chapelle des Vingt martyrs, qui était
dans la ville, et se mit à les prier, les conjurant de lui fournir les moyens de se
vêtir. Une bande de mauvais sujets qui l'entendit, le suivit à son départ, se
moquant de lui et lui disant : « Avez-vous demandé aux martyrs de l'argent pour
vous acheter un manteau ? » Le pauvre homme se rendit tranquillement chez lui
et comme il passait près de la mer, il vit un gros poisson que la mer venait de
jeter sur le sable, et qui respirai : encore. Les personnes présentes lui permirent
de prendre ce poisson, qu'il apporta à un certain Catosus, cuisinier, bon
chrétien, qui le lui acheta pour 300 deniers. Avec cette somme, il pensait acheter
de la laine que sa femme pourrait filer, afin de lui faire un vêtement. Quand le
cuisinier découpa le poisson, il trouva dans son ventre un anneau d'or, qu'il crut
devoir donner au pauvre homme qui lui avait vendu le poisson. C'est ce qu'il fit,
en lui disant : « Voilà comment les vingt martyrs t'ont revêtu
! »"
C'est ainsi
que le grand Augustin inculquait le culte des morts et l'adoration de leurs
reliques capables d'après lui, d'opérer des prodiges ! Les petits drôles qui s'étaient
moqués de la prière du tailleur semblent avoir eu plus de sens que le
"saint
vieillard"
et que l'évêque.
Or, si des hommes qui professaient le christianisme préparaient ainsi, au Ve
siècle, la voie au culte de toute espèce de haillons et d'ossements corrompus, le
même culte avait fleuri dans les contrées païennes longtemps avant que les saints
ou les martyrs chrétiens ne fussent apparus sur la terre. En Grèce, les croyances
superstitieuses aux reliques, et surtout aux ossements des héros déifiés, formaient
une partie importante de l'idolâtrie populaire. Les oeuvres de Pausanias, le savant
antiquaire grec, sont pleines d'allusions à cette superstition. Ainsi, nous
apprenons que l'omoplate de Pélops, après avoir traversé plusieurs péripéties, fut
désignée par l'oracle de Delphes comme ayant seule la puissance de délivrer les
Eléens d'une peste qui les décimait. Cet os fut confié, comme une relique sacrée,
à la garde de l'homme qui l'avait retiré de la mer et à sa postérité après lui. Les os
du Troyen Hector étaient conservés à Thèbes comme un dépôt sacré. Les