Page 212 - LES DEUX BABYLONES

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personnelle ou à la gloire de son ordre, et dès lors de peser les mérites et les
démérites de telle manière qu'il y aurait toujours une balance à établir, non
seulement par le pénitent lui-même, mais aussi par ses héritiers. Si un homme
était autorisé à se croire à l'avance absolument sûr de la gloire éternelle, les
prêtres auraient pu se croire en danger d'être volés de ce qui leur serait dû après
sa mort, éventualité qu'il fallait prévenir à tout prix.
Or, les prêtres de Rome ont copié dans tous les détails les prêtres d'Anubis, dieu
des balances. Dans le confessionnal, lorsqu'ils ont un but à atteindre, ils
augmentent le poids des péchés et des transgressions et alors, quand ils ont
affaire à un homme riche ou puissant, ils ne lui laissent pas le plus faible espoir,
aussi longtemps qu'il n'a pas jeté dans le plateau des bonnes oeuvres de bonnes
sommes d'argent, pour la fondation d'une abbaye ou quelqu'autre oeuvre qu'ils
ont à coeur. Dans la fameuse lettre du Père La Chaise, confesseur de Louis XIV,
roi de France, où nous trouvons le récit du système qu'il suivit pour décider ce
licencieux monarque à la révocation de l'Édit de Nantes, par lequel ses innocents
sujets huguenots souffrirent tant de cruautés, on voit combien la crainte des
plateaux de Saint-Michel contribua à produire le résultat désiré :
"Bien des fois
depuis, dit ce jésuite si achevé, (faisant allusion à un odieux péché que le roi
avait commis), bien des fois je lui ai agité l'enfer aux oreilles, je l'ai fait
soupirer, craindre et trembler avant de lui donner l'absolution. Par là j'ai vu
qu'il avait encore un faible pour moi, et qu'il voulait demeurer sous ma
direction ; aussi lui démontrai-je la bassesse de son action en lui racontant toute
l'histoire, je lui montrai combien elle était vile, et lui dis qu'elle ne pourrait lui
être pardonnée avant qu'il eût fait quelque bonne action pour la balancer et
expier son crime. Là-dessus il me demanda ce qu'il devait faire ! Je lui dis qu'il
lui fallait extirper l'hérésie de son royaume
"
C'était là la bonne action qu'il
fallait jeter dans le plateau de Saint-Michel l'archange, pour balancer son crime.
Le roi, tout corrompu qu'il était, consentit à regret ; la bonne action fut jetée dans
le plateau, les hérétiques furent exterminés et le roi absous. Mais cependant cette
absolution n'était pas de telle nature que plus tard, lorsqu'il prit
"le chemin de
toute la terre"
, il n'y eut encore bien des bonnes actions à jeter dans le plateau
avant que l'équilibre ne pût s'établir. Ainsi le paganisme et la papauté trafiquent