LA VIE DE
JÉSUS
CHAPITRE IV
Résurrection et
Ascension de Jésus
133. La descente aux enfers.
Les quatre évangélistes qui nous ont retracé,
dans les quatre Évangiles, la vie, les souffrances,
la mort et la résurrection de Christ, ne nous disent
rien de sa descente aux enfers. C'est qu'ils n'ont
voulu nous apprendre, comme des témoins fidèles et
véridiques, que ce qu'ils ont vu et entendu. Ils
terminent leur récit de la mort de Christ au moment
où son sépulcre est scellé, puis ils poursuivent le
fil de l'histoire en racontant la résurrection du
Seigneur le troisième jour. De même, l'apôtre
Pierre, qui parle, dans son Épître, de la descente
aux enfers, ne nous dit rien des circonstances dans
lesquelles elle s'accomplit, ni des conséquences
qu'elle eut. Il se borne à rapporter simplement les
faits. Christ est mort selon la chair, mais il a
été vivifié par l'Esprit par lequel il est allé
prêcher aux esprits retenus en prison, qui autrefois
avaient été incrédules lorsque, du temps de Noé, la
patience de Dieu se prolongeait. - Dans ces
paroles de l'apôtre, sont réunis en quelques mots
les grands faits du salut - Crucifié, mort, descendu
aux enfers et ressuscité. Et bientôt après il clôt
cette série de faits par l'ascension : Qui est
assis à la droite de Dieu, étant allé au ciel, et
auquel les anges, les principautés et les puissances
sont assujettis. Lorsque le Seigneur eut remis
son esprit entre les mains du Père, lorsqu'il fut
mort selon la chair, il fut immédiatement vivifié
selon l'Esprit. Pendant qu'il reposait dans le
sépulcre,sa vie ne fut pas détruite, sa personnalité
ne fut pas anéantie. Il n'attendait pas non plus sa
résurrection dans une morne oisiveté, comme s'il eût
été lié de chaînes d'obscurité, mais il pénétra, par
l'Esprit, dans l'empire des morts, et prêcha aux
esprits retenus en prison.
« Il est descendu aux enfers. » C'est
ainsi que le symbole des apôtres désigne cette
apparition de Christ dans l'empire des morts. Par le
terme d'enfer, l'écrivain sacré n'a pas en vue
l'étang ardent de feu et de soufre, la seconde mort.
Christ, après avoir expiré, est descendu dans le
royaume des morts, qui est divisé en deux séjours,
séparés l'un de l'autre par un infranchissable
abîme, (Luc
XVI, 23-26) : le Paradis ou le sein d'Abraham,
dans lequel fut admis le brigand gracié, et le lieu
des tourments, la prison. L'apôtre se borne à dire
que le Seigneur est descendu aux enfers et a prêché
aux esprits retenus dans la prison. Il ne parle ni
du but, ni du contenu de cette prédication.
On a supposé, mais sans raisons puisées
dans l'Écriture, que le Sauveur s'est montré aux
damnés comme juge afin de s'affirmer comme vainqueur
de la mort, de l'enfer et du diable. Mais il est
plus probable, (et le terme de prêcher
l'indique déjà), que le Seigneur est descendu aux
Enfers pour annoncer l'Évangile à ceux qui étaient
morts sans avoir entendu le message de grâce, la
Bonne Nouvelle du salut, afin de leur fournir la
possibilité de se décider pour ou contre ce salut ;
de telle sorte que cette prédication devait être
pour les morts, selon les dispositions de leurs
coeurs, comme elle l'est pour les vivants : aux uns
une odeur de vie pour la vie, aux autres une odeur
de mort pour la mort.
Si nous réfléchissons que le salut et la
condamnation dépendent exclusivement des
dispositions du coeur humain à l'égard de Christ,
l'Homme-Dieu, c'est-à-dire de la foi en lui ou de
l'incrédulité, et que les hommes ne peuvent se
décider pour lui ou contre lui, qu'après avoir
entendu le message de grâce nous ne saurions douter
que le Dieu de miséricorde ne prenne une disposition
quelconque pour que l'Évangile soit porté à toutes
les âmes avant le dernier jugement, afin de les
mettre à même de l'accepter ou de le rejeter. Quant
à la manière dont ceux qui ne l'ont pas entendu sur
la terre, l'entendent après la descente de Jésus aux
Enfers, cela ne nous est pas indiqué. Une chose est
certaine toutefois : c'est que Christ n'a pu
descendre aux Enfers afin de prendre sur lui, en
manière de supplément, les tourments des damnés,
après l'oeuvre parfaite de délivrance qu'il a
accomplie ; car ces tourments, il les a subis en
Gethsémané et pendant les sombres heures de la
croix.
Il est tout aussi certain qu'on ne trouve
dans l'Écriture aucun fait établissant la doctrine
d'unPurgatoire, d'après laquelle les âmes de
ceux qui, bien que morts dans la foi de l'Église,
n'auraient pas subi toutes les peines qu'elle leur a
imposées pour leurs péchés, devraient, après leur
mort, passer par un feu purificateur, où les péchés
qui n'auraient pas été expiés fussent consumés.
Cette doctrine enseigne que les âmes resteront plus
ou moins longtemps dans ce feu, selon le degré de
leur culpabilité ; mais que leurs tourments peuvent
être abrégés par des messes, et par des prières
gratuites ou payées. Cette légende se heurte aux
déclarations de l'Écriture, et est contraire au
parfait sacrifice de réconciliation accompli en
Golgotha.
Quant à ce que Pierre, dans le passage
cité, ne parle que de ceux qui ont été rebelles du
temps de Noé, cela ne signifie pas que ceux-là
durent seuls profiter de la prédication du Sauveur
victorieux. L'apôtre les cite comme un exemple parmi
tous les autres rebelles, parce qu'ils furent les
premiers à subir les jugements et les châtiments
divins, lorsque toute chair eut corrompu sa voie sur
la terre, et que personne ne voulait plus se laisser
reprendre par l'Esprit de Dieu. Du reste, l'Écriture
nous représente le déluge comme une image du dernier
et terrible jugement où le courroux céleste
consumera les adversaires.- La prédication de
l'Homme-Dieu avec sa double vertu, adressée aux
esprits retenus dans la prison, nous offre à nous,
pour lesquels le temps de grâce n'est pas encore
écoulé, un sérieux avertissement et une douce
consolation. Les moyens de grâce nous sont accordés
à nous, membres de l'Église chrétienne, afin que
nous en fassions un fidèle usage pendant cette vie.
Nous avons la Parole de Dieu, le baptême et la
sainte Cène, nous avons les jours de fêtes avec
leurs bellescérémonies, nous avons la communion des
saints. C'est pourquoi hâlons-nous de travailler au
salut de nos âmes. Car ceux qui, ayant entendu
l'Évangile ici-bas, l'ont rejeté, espéreraient en
vain pouvoir se convertir dans l'autre vie. Après la
mort suit le jugement. D'un autre côté, ce qui nous
console pendant cette vie, c'est que, pour le
miséricordieux amour de l'Homme-Dieu, il n'y a pas
de profondeurs si grandes, pas d'abîmes si abruptes
où il ne consente à descendre pour chercher sa
brebis perdue et la sauver ; il n'y a pas de vallée
si sombre qu'il ne puisse éclairer de la lumière de
la vie, il n'y a pas de prison si bien fermée et
verrouillée qu'il ne puisse ouvrir et dont il ne
puisse retirer les prisonniers pour prix de ses
souffrances - à la condition toutefois qu'ils ne lui
résistent pas.
134. Résurrection de Jésus.
La résurrection du Seigneur Jésus est le dernier
témoignage qu'il est bien l'Envoyé du Père. Elle est
le sceau officiel de son oeuvre de réconciliation.
Elle prouve qu'il n'est pas mort comme les autres
hommes à cause de ses péchés, mais qu'il a livré sa
vie en sacrifice expiatoire pour les péchés de
l'humanité, et que le Père a accepté ce sacrifice.
Comme la réconciliation est accomplie par la mort de
Christ, de même aussi la justification est opérée
par sa résurrection (Rom.
VII, 24 ;1
Cor. XV, 17). C'est sur cette résurrection que
l'Église de Christ est fondée. « Si Christ n'est pas
ressuscité, notre foi est vaine et nous sommes
encore dans nos péchés. » C'est par la résurrection
de Christ que Dieu nous a fait renaître, en nous
donnant une espérance vive de posséder l'héritage
qui ne se peut ni souiller, ni corrompre, ni
flétrir. Comme Christ est mort pour nos péchés, de
même il est ressuscité pour notre justification.
La résurrection de Jésus-Christ n'est pas
seulement pour nous une attestation de sa
toute-puissance, de sa victoire sur la mort, de sa
divinité ; mais aussi la preuve qu'en Golgotha la
justice de Dieu a été satisfaite, et que maintenant
il peut laisser son libre cours à sa grâce. En
Golgotha, le Seigneur meurt comme l'Agneau de Dieu
qui porte les péchés du monde. Il sort du tombeau
comme le lion de Juda qui a vaincu. Le Vendredi
saint, il expie les péchésde l'humanité ; le jour de
Pâques, il nous justifie et nous rend agréables à
Dieu dans son Bien-aimé. Le Vendredi saint, il fait
l'expiation universelle pour tous les hommes ; le
jour de Pâques, il nous apporte le pardon universel.
Si donc, coeur chrétien, tu es rempli d'une
tristesse selon Dieu, parce que Christ a souffert et
est mort pour tes péchés, n'aie aucune crainte : la
résurrection te montre que Dieu a accepté la
satisfaction de son Fils au lieu de celle que tu lui
devais, et qu'une grâce réparatrice est réservée
pour toi. Approche avec foi et il le sera fait selon
que tu as cru !
La brillante aurore de l'éternelle grâce
de Dieu s'est répandue sur le jour de Pâques. Le
Ressuscité est là comme le Prince de la vie, comme
le Maître de l'avenir, comme le Roi qui a le droit
de vaincre par la grâce. Maintenant on célèbre ce
jour de victoire dans les tabernacles des justes :
La droite de l'Éternel est haut élevée, la droite de
l'Éternel fait vertu. La mort est engloutie pour
toujours !
O mort, où est ton aiguillon, ô sépulcre,
où est ta victoire ! Grâces à Dieu qui nous a donné
la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ !
135. Le matin de Pâques.
Plusieurs centaines d'hommes ont vu mourir le
Seigneur. Aucun oeil humain ne l'a vu sortir vivant
du tombeau. Même plus tard il ne s'est pas montré à
la foule, mais seulement aux témoins qu'il avait
choisis, aux croyants. Et il devait en être ainsi.
L'homme inconverti peut bien voir ce que les péchés
des hommes ont produit. Les damnés eux-mêmes verront
celui qu'ils ont percé. Mais l'oeil de la foi seul
peut contempler les miracles de la grâce de Dieu.
Après que le
sabbat fut passé, Marie Madeleine et Marie mère de
Jacques et Salomé achetèrent des drogues aromatiques
pour venir embaumer le corps de Jésus. Et elles
vinrent au sépulcre de grand matin, le premier jour
de la semaine, comme le soleil venait de se lever.
Et elles disaient entre elles : Qui nous roulera la
pierre qui ferme l'entrée du sépulcre ?
Ces pieuses femmes viennent au sépulcre pour
embaumer le corps de Jésus ; elles veulent encore
l'honorer après sa mort. Elles ne réfléchissent
pasque s'il était resté dans le sépulcre, il ne
mériterait pas les honneurs qu'elles voulaient lui
rendre. Elles ne réfléchissent pas non plus que s'il
était ce qu'il disait être, c'est-à-dire le Fils de
Dieu, leurs drogues aromatiques étaient complètement
superflues. Cependant leur démarche nous réjouit.
Elles donnent avec joie tout ce qu'elles possèdent
pour l'amour de Jésus. Ces biens n'ont de valeur à
leurs yeux que parce qu'elles peuvent lui en faire
hommage C'est à cela que nous reconnaissons la
constance de leur amour. Le matin, de bonne heure,
avant le lever du soleil, elles se lèvent. Elles ne
savaient pas que le Soleil de la grâce était déjà
levé. Dans leur empressement à honorer Jésus, elles
avaient oublié la grande pierre qui fermait l'entrée
du sépulcre. Si elles y avaient pensé, elles
seraient peut-être restées chez elles, et elles
n'auraient pas reçu le message des Anges. Elles se
demandent bien avec inquiétude : Qui nous roulera
la pierre qui ferme l'entrée du sépulcre ? Mais
elles n'en continuent pas moins à avancer.
Et il se fit un
grand tremblement de terre, car un ange du Seigneur
descendit du ciel et vint rouler la pierre qui était
devant l'entrée du sépulcre. Son visage était comme
un éclair, et son vêtement était blanc comme la
neige. Un tremblement de terre fut le
glas funèbre qui se fit entendre à la mort du
Seigneur ; un tremblement de terre fut la cloche
triomphale qui retentit à sa résurrection.
Et ayant
regardé, elles virent que la pierre avait été ôtée.
Or, elle était fort grande. Puis étant entrées,
elles virent un jeune homme assis du côté droit,
vêtu d'une robe blanche, et elles en furent
épouvantées. Quiconque cherche
sérieusement, peut être assuré de voir ses efforts
couronnés de succès. Bien que ces femmes soient
effrayées et tremblantes à la vue de l'ange, elles
n'en reçoivent pas moins de sa bouche la joyeuse
nouvelle, car il leur dit :Ne
vous effrayez point ; vous cherchez Jésus de
Nazareth qui a été crucifié ; il est ressuscité ; il
n'est plus ici ; voyez le lieu où on l'avait mis.
Quiconque cherche Jésus crucifié, est amené à Jésus
ressuscité. Si un homme n'a jamais mené deuil sur
ses péchés : s'il n'a jamais pensé avec un coeur
brisé aux fautes qu'il a commises pendant sa vie, il
est plus difficile de lui faire comprendre lajoie de
Pâques que de donner à un aveugle une idée des
couleurs. Mais allez et
dites à ses disciples et à Pierre qu'il s'en va
devant vous en Galilée. Vous le verrez là
comme il vous l'a dit. Le Seigneur se souvient avec
un tendre amour des larmes de Pierre. C'est pourquoi
il lui fait promptement annoncer la consolante
nouvelle qu'il est aussi ressuscité pour lui.
Et elles sortirent aussitôt du
sépulcre et elles s'enfuirent, car elles étaient
saisies de crainte, et elles n'en dirent rien à
personne, tant elles étaient effrayées.
Les femmes sont tellement saisies de l'étrangeté et
de la grandeur de ce qu'elles viennent d'entendre,
qu'elles sont complètement hors d'elles-mêmes, et ne
font part à personne de ce qu'elles ont appris.
Marie-Madeleine reste seule dans le
jardin de Joseph d'Arimathée tandis que les autres
femmes s'éloignent pour chercher les disciples.
Bientôt elle vit arriver Pierre et Jean. Ils avaient
été effrayés par le tremblement de terre et étaient
accourus au sépulcre où leur Bien-Aimé avait été
déposé. En se rappelant le tremblement de terre qui
avait signalé la mort de Jésus, ils avaient sans
doute un vague pressentiment que le Tout-puissant
les avertissait, par cet événement, de se diriger
vers le tombeau du Sauveur. Marie leur dit :
On a enlevé du sépulcre le
Seigneur, et nous ne savons où on l'a mis.
Pierre, malgré sa chute, n'avait pas été abandonné
de ses condisciples. Son repentir, son coeur brisé,
avait éveillé toute leur sympathie. Ils
l'entouraient de leur affection, surtout Jean. Tous
deux se rendent au sépulcre.
Jean courut plus vite que
Pierre, dont le coeur attristé
appesantissait les pas.
Jean arriva le premier au sépulcre, et s'étant
baissé, il vit les linges qui étaient à terre, mais
il n'y entra point. Mais Simon Pierre, qui le
suivait, étant arrivé, entra dans le sépulcre et vit
les linges qui étaient à terre, et le linge qu'on
avait mis sur la tête n'était pas avec les autres,
mais il était plié en un lieu à part. Ces
détails indiquent, non qu'on avait enlevé le
Seigneur, mais qu'on l'avait servi. Ainsi le soupçon
de Marie n'était pas fondé. Pierre regarde, mais il
ne s'explique rien ; il accepte le miracle tel qu'il
se présente à lui. Alors
Jean y entra aussi et il vit et il crut
que le Seigneur était ressuscité.
Honteux d'avoir été amené à la foi par la
vue des suaires, il ajoute dans son Évangile :Car
il n'avait pas encore bien entendu ce que l'Écriture
dit qu'il fallait que Jésus ressuscitât des morts.
Pendant que Jean demeure pensif dans le
sépulcre, Pierre sort dans le jardin. C'est
probablement là que le Seigneur lui apparut. De quel
regard enveloppa-t-il Pierre en ce moment ! et comme
les yeux de Pierre durent se changer en deux sources
de larmes ! Comme il dut se jeter aux pieds de Jésus
en confessant sa faute ? Et le Seigneur, qui console
ceux qui sont dans la douleur, aura posé ses mains
percées sur la tête de son disciple et lui aura
pardonné. Maintenant Pierre, reçu en grâce respire
librement et avec bonheur : Le Seigneur ne le
repousse pas ; il lui fait, à lui qui est si
profondément tombé, un accueil plein d'amour.
Luther, en parlant de cette rencontre du Sauveur
avec Pierre, dit : Si j'étais peintre et que je
dusse faire le portrait de Pierre, je peindrais sur
chacun de ses cheveux ces paroles : « Je crois à la
rémission des péchés. » Alors Pierre rejoignit Jean,
et tous deux se rendirent vers les autres disciples.
Mais Marie se
tenait dehors, près du sépulcre, en pleurant.
Elle ne pouvait pas s'arracher de cette place et ses
larmes coulaient abondamment. Une fois déjà, nous
l'avons vue dans une attitude analogue. C'est
lorsqu'elle pleurait aux pieds de Jésus, dans la
maison de Simon le pharisien. Comme elle fut alors
divinement restaurée, lorsque le Seigneur prononça
sur elle une parole de paix ! Depuis ce moment, elle
voyait le ciel ouvert. Elle vivait comme un heureux
enfant de Dieu. Mais maintenant elle a une plaie au
coeur. Le Sauveur, son Consolateur, l'auteur de sa
paix, a été attaché à la croix et déposé dans le
sépulcre. Elle ne peut pas même témoigner son amour
à son corps, devenu la proie de la mort. Elle est
là, dans le plus profond abattement et dans un
complet anéantissement, parce que Jésus était
absolument tout pour elle. Les larmes qu'elle
répand, sont les larmes d'une amère douleur et d'un
ardent désir.
Tout en pleurant, elle se baissa pour
regarder dans le sépulcre, et elle vit deux anges
vêtus de blanc, assis l'un à la tête et l'autre aux
pieds du lieu où le corps de Jésus avait été couché.
Et ils luidirent : Femme,
pourquoi pleures-tu ? Elle leur dit : Parce qu'on a
enlevé mon Seigneur et je ne sais où on l'a mis.
La tendre sympathie avec laquelle ces deux êtres
célestes prennent part à la douleur de Marie baignée
de larmes, ne doit pas nous étonner. Car ils sont
envoyés dans le pays des larmes et de la souffrance,
pour assister les enfants de Dieu qui doivent avoir
l'héritage du salut. - Ce qui est étonnant, c'est
que Marie ait pu entrer en conversation avec eux,
sans être effrayée par cette apparition céleste,
tandis qu'elle avait été épouvantée, lorsque,
quelques instants auparavant, elle avait vu l'ange
en même temps que les autres femmes. Cela tient à ce
qu'elle était complètement absorbée par la douleur.
Son coeur est rempli du souvenir de la vie et de la
mort de Christ. En comparaison de ces faits,
l'apparition des anges n'a plus rien
d'extraordinaire. Même dans la mort, Jésus est son
Seigneur. Si elle ne peut plus rien espérer du
vivant, elle veut du moins ne pas se séparer du
mort. Jésus a donné la paix à son coeur : c'est
pourquoi toutes ses aspirations se concentrent sur
lui. Tout le reste lui est indifférent. Les anges
mêmes ne peuvent pas la rendre heureuse. Les anges
ne sont après tout que des créatures, et son coeur a
soif du Créateur.
Pendant qu'elle attend la réponse des
anges, elle voit qu'ils se lèvent comme pour
présenter leurs hommages à quelqu'un.
Elle se retourne et voit Jésus
qui était là ; mais elle ne savait pas que ce fût
Jésus. Elle ne pouvait rien distinguer,
parce que ses yeux étaient pleins de larmes. Jésus
lui dit: Femme, pourquoi
pleures-tu ? Qui cherches-tu ? Elle, croyant que
c'était le jardinier, lui dit : Seigneur, si tu l'as
emporté, dis-moi où tu l'as mis, et j'irai le
prendre. Marie craint encore une suite de
l'histoire du crucifiement, et comme elle ne
comprend pas encore le divin mystère de la croix,
l'aspect du Ressuscité lui est encore étranger.
Celui que son âme cherche, est devant elle, et elle
ne le reconnaît pas. Il en est de même des âmes qui
cherchent Jésus avec larmes. Marie parle de lui
comme d'un absent. Elle ne prononce pas même son
nom. Elle croit que Jésus doit être aussi précieux à
ce prétendu jardinier qu'il l'est à elle-même, et
qu'il ne peut penser à nul autre qu'à Jésus. De là
l'idée lui vient que cejardinier doit savoir où le
précieux corps a été déposé. Elle veut aller le
prendre, et dans l'ardeur de son amour, elle ne
réfléchit pas que ses faibles forces seraient loin
de suffire pour emporter un tel fardeau. Elle était
sur le point de s'éloigner, lorsque Jésus lui dit :
Marie ! Elle donc s'étant
retournée, lui dit : Rabboni, c'est-à-dire : Mon
Maître ! Celui qui sonde les coeurs,
connaît de loin les pensées de sa servante, et le
Sauveur songe à en guérir les plaies. C'est pourquoi
il ne laisse pas tomber le voile qui le couvre, afin
de ne pas lui apparaître dans toute la gloire de sa
divine majesté. Elle serait tombée comme morte à ses
pieds, ainsi que cela arriva plus tard à saint Jean
(Apoc.
I, 17).
L'ami de nos âmes a un autre moyen de se
manifester au plus profond de nos coeurs. Ce moyen,
c'est sa voix que nous percevons dans sa Parole. Il
nomme sa pauvre servante par son nom : Marie !
Que de fois n'a-t-elle pas entendu ce nom sortir
d'autres bouches ! Mais lorsque Jésus l'avait
appelée pour la première fois, il avait calmé son
coeur et donné la paix à son âme. Alors il l'avait
marquée sur la paume de sa main, et elle, en lui
donnant son coeur, lui avait dit :« Tu es à moi !
»Nul ne pouvait prononcer son nom comme Jésus :
Marie ! Ce son devait être particulier à la voix
du Sauveur. Alors se renouvelait dans son coeur ce
qu'elle avait éprouvé en cet heureux moment de sa
vie où elle s'était trouvée en contact avec lui.
L'oreille et le coeur de Marie sont ouverts pour
entendre la Parole de Jésus : « Mes brebis entendent
ma voix. » « Quiconque est pont, la vérité écoute ma
voix. » Il est évident qu'en ce moment Marie
reconnaît la voix de Jésus. Le voile de tristesse
qui enveloppait son âme est déchiré, et le soleil de
la grâce jette un doux et brillant rayon dans son
coeur. Ce seul mot :Marie ! lui ouvrit tout
un monde d'amour, de grâce et de gloire.
Le Bon Berger a trouvé le coeur de sa
brebis. Quant à elle, elle s'incline d'un coeur
plein d'allégresse, et, tremblante de joie, elle
l'adore. Dans l'excès de son émotion, elle ne peut
prononcer qu'un mot, celui par lequel elle a
constamment invoqué son Seigneur :« Rabboni !
c'est-à-dire mon Maître ! » Mais il suffit
parfaitement pour nous faire connaître l'état de son
âme. Malgré la puissante émotion de son coeur, elle
demeure cependant absolument calme.
Nul doute que toute trace du crucifiement
n'eût disparu de la personne du Ressuscité, et que
quelque chose de la gloire de la transfiguration ne
fût répandu sur ses traits. - Toutefois, Marie ne
voit rien de fantastique dans ce Roi de Pâques
revenu à la vie. Elle a retrouvé son Sauveur, elle a
reconnu son Seigneur bien-aimé, dont la Parole de
vie a rempli son âme de paix, et aux pieds duquel, à
l'instar de Marie de Béthanie, elle a si souvent
écouté la Parole du royaume des cieux. Les choses
sont pour elle comme s'il n'y avait eu ni croix ni
mort ; comme si elle eût été transportée au temps
où, altérée et attentive, elle était suspendue aux
lèvres du Maître, buvant les paroles de vie qui
sortaient de sa bouche. De là le seul moi auquel
elle était habituée et qui trahissait la familiarité
de son commerce avec lui : Rabboni ! Mon Maître !
Marie veut lui baiser les pieds ; mais
Jésus lui dit : Ne me
touche point. Je ne suis pas encore monté vers mon
Père. Marie s'abandonne tout entière à la
joie du moment. Elle pense que les relations qui
avaient existé jusqu'à la mort de Jésus entre lui et
ses disciples, doivent simplement être reprises.
Jésus s'y oppose. Il ne faut pas que Marie s'attache
à cette apparition corporelle et visible. Il faut
qu'elle éloigne d'elle la pensée que le travail de
Jésus sur la terre doive continuer, que le Seigneur
va de nouveau manger et boire avec ses disciples,
aller de lieu en lieu pour prêcher et faire des
miracles. Cette oeuvre est terminée. Il est
ressuscité pour aller au Père, pour fonder son
royaume et conduire les siens du haut de son trône
de gloire. Marie ne doit pas se contenter du mince
bonheur de l'embrasser au moment où il lui apparaît
sous une forme, visible ; elle doit apprendre à le
toucher avec la main de la foi et avec des lèvres
qui chantent ses louanges.
Mais va vers mes
frères et dis-leur que je monte vers mon Père et
votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu.
Ce nom de frère, sorti de la bouche du Ressuscité,
est extrêmement précieux pour tout pécheur reçu en
grâce. Ainsi, même après avoir arraché à la mort sa
puissance, même après être sorti du tombeau comme
Prince de la vie, même après avoir repris possession
de son trône comme dominateur du monde, il n'a pas
honte de se nommer notre frère. Un coeur de frère
sur le trône de Dieu ! quelle consolation ! quel
honneur, quel puissant motif, pour notre coeur, de
se confier en lui sans réserve et pour l'éternité !
Marie Madeleine
vint annoncer aux disciples qu'elle avait vu le
Seigneur et qu'il lui avait dit cela.
Quiconque a trouvé Jésus dans la foi, est aussitôt
consacré à son service pour lui rendre témoignage.
Quiconque a trouvé en Jésus la paix de son coeur,
devient aussitôt un messager de salut pour annoncer
la paix aux coeurs qui en sont encore privés. Quant
aux messagers eux-mêmes, ce qui est précieux pour
eux, c'est de pouvoir dire : « J'ai vu le Seigneur
et il m'a dit cela. »
Quant aux autres femmes, l'ange leur a
annoncé qu'elles verraient le Seigneur en Galilée.
Mais ce compatissant Sauveur voit bien que ces
pauvres femmes sont ballottées entre la crainte et
l'espérance. Elles voudraient bien croire, mais
elles n'osent pas. Elles sont chargées d'annoncer
aux disciples la résurrection de leur Maître, et
elles-mêmes n'ont pas encore eu la joie d'en être
pleinement convaincues. Ceci attriste le Seigneur.
C'est pourquoi il va au-devant d'elles, avant
qu'elles soient entrées dans la ville et leur dit :
Je vous salue.
Elles le reconnurent immédiatement, s'approchèrent,
de lui, se prosternèrent devant lui et l'adorèrent.
Elles lui embrassèrent les pieds et il les laissa
faire. Il leur dit même :
Ne craignez point.
Ainsi le Ressuscité traite ces femmes
autrement qu'il n'avait traité Marie. C'est qu'il
agit avec chacun selon ses besoins. Il permet à ces
femmes de toucher son corps, comme plus tard aux
disciples, afin qu'elles puissent se convaincre que
c'est bien lui. Il défend à Marie de le toucher,
puisqu'elle ne doutait nullement que celui qu'elle
avait devant elle, ne fût bien le même dont la
présence visible avait été sa consolation, sa paix,
le bonheur de sa vie. Mais sa résurrection lui
rappelait le passé, et elle aurait voulu renouer
simplement le fil de ses anciennes relations avec
lui. C'est pourquoi le Seigneur ne lui permet pas de
le toucher, et exige d'elle qu'elle l'adore en
esprit et en vérité. Les autres femmes voyaient dans
l'apparition du Ressuscité quelque chose de
fantastique, comme les disciples auxquels il se
montre le soir du même jour et qui furent effrayés,
croyant voir un esprit, tellement qu'il est obligé
de leur rappeler qu'un esprit n'a ni chair ni os. Il
faut que les femmes reconnaissent clairement dans le
Ressuscité celui-là même qui, sous la forme de
serviteur, a habité parmi nous, et qui par son
enseignement et son amour, par ses souffrances et sa
mort, a consommé, l'oeuvre de leur salut. C'est
pourquoi il les engage à le toucher.
Allez et dites à
mes frères de se rendre en Galilée et que c'est là
qu'ils me verront. Ainsi Marie ne s'était
pas trompée, lorsqu'elle avait entendu Jésus donner
à ses disciples le titre de frères ; les autres
femmes avaient entendu la même parole consolante et
pouvaient témoigner que Marie avait dit la vérité.
Et Marie et les autres femmes allèrent ensemble
l'annoncer aux disciples et à tous ceux qui étaient
réunis avec eux. Mais ce
qu'elles leur disaient leur parut un rêve et ils ne
les crurent point.
Le fait que Pierre fut le premier homme
et Marie la première femme auxquels le Seigneur
apparut après sa résurrection, et non à Jean ou à
Marie sa mère, ce fait est une preuve que, pour
accorder sa grâce réparatrice, il se règle non sur
ses sympathies personnelles, mais sur les besoins
des âmes, et qu'il s'attache avant tout à guérir les
coeurs froissés et brisés.
136. Le soir de Pâques.
Dans l'après-midi du jour de Pâques, deux
disciples se rendaient à un bourg appelé Emmaüs,
éloigné de Jérusalem de soixante stades. Ils
n'avaient pu rester plus longtemps dans la ville qui
tue les prophètes. Et ils
s'entretenaient entre eux de tout ce qui était
arrivé. Les plus chères espérances de
leur vie avaient été brisées en Golgotha. Le royaume
de Dieu semblait réduit en poussière ; les ennemis
triomphaient ; tout paraissait perdu. Et cependant
ils ne pouvaient oublier Jésus. Leurs coeurs lui
étaient tellement attachés, que tout ce qui lui
était arrivé se répercutait en eux. Jésus était mort
sur la croix, et dans leurs coeurs il n'y avait non
plus que mort et tristesse. Heureusement que chacun
d'eux n'était pas obligé de garder son chagrin en
lui-même, mais qu'ils pouvaient se communiquer
réciproquement leurs impressions.
Là où des âmes s'entretiennent du
Seigneur, Jésus se trouve entier au milieu d'elles.
Son oreille est tellement attentive à chaque plainte
dont il est l'objet, qu'elle pénètre aussitôt son
coeur. Comme ils
s'entretenaient et qu'ils raisonnaient ensemble,
Jésus lui-même s'étant approché, se mit à marcher
avec eux, mais leurs yeux étaient retenus, en sorte
qu'ils ne le reconnaissaient point. Il
est fidèle et tient sa promesse : « Là où deux ou
trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu
d'eux » - même lorsqu'on ne le voit pas des yeux du
corps.Et il leur dit : De
quoi vous entretenez-vous en chemin et pourquoi
êtes-vous si tristes ? Il commence par
les engager à parler, afin de les préparer à
l'écouter. Pour que la Parole de Dieu guérisse notre
coeur et le remplisse de consolations et de force,
il faut d'abord que nous le répandions devant le
Seigneur.
L'un d'eux,
nommé Cléopas, lui répondit : Es-tu le seul si
étranger à Jérusalem, que tu ne saches pas les
choses qui s'y sont passées ces jours-ci ? Et il
leur dit : Et quoi ? Ils lui répondirent : Ce qui
est arrivé à Jésus de Nazareth, qui était un
prophète puissant en paroles et en oeuvres devant
Dieu et devant tout le peuple, et comment les
principaux sacrificateurs et nos magistrats l'ont
livré pour être condamné à mort et l'ont crucifié.
On voit ici le fond du coeur de ces hommes : combien
ils étaient intimement unis à leur Maître, et
combien, malgré toutes leurs faiblesses et toutes
leurs souffrances, ils tenaient à lui. La parole
qu'il leur avait annoncée était toujours pour eux
l'immuable vérité de Dieu, et le souvenir des
oeuvres qu'il avait faites, demeurait gravé dans
leur esprit. Ils ne trouvent point de consolations
hors de lui. Leur coeur lui appartient maintenant
comme auparavant.
Or, nous
espérions que ce serait lui qui délivrerait Israël.
Le Seigneur avait réellement opéré la délivrance sur
la croix mais il l'avait fait autrement que les
disciples ne l'attendaient. - Si nos voeux et nos
espérances étaient mieux d'accord avec l'Écriture,
nous aurions beaucoup moins de sujets de plaintes.
Il est vrai que quelques
femmes, de celles qui étaient avec nous, nous ont
fort étonnés. Car, étant allées de grand matin
ausépulcre, et n'y ayant pas trouvé son corps, elles
sont venues dire que des anges leur étaient apparus
et leur avaient dit qu'il vivait. Et quelques-uns
des nôtres sont allés au sépulcre et ont trouvé les
choses comme les femmes l'avaient dit ; mais ils ne
l'ont point vu. Comme le coeur humain est
prudent lorsqu'il s'agit de croire à la Parole et de
recevoir le joyeux message de l'Évangile ! Il ne
résiste pas aussi longtemps à l'attrait du péché et
des plaisirs mondains ; il y mord promptement.
Maintenant que les disciples se sont
franchement exprimés devant lui, le Seigneur prend
la parole : 0 gens sans
intelligence et d'un coeur tardif à croire ce que
les prophètes ont dit ! Ne fallait-il pas que le
Christ souffrît ces choses et qu'il entrât ainsi
dans sa gloire ? Jésus s'est joint à ses
disciples pour consoler leurs coeurs désolés.
Toutefois, il commence par les reprendre. C'est
ainsi qu'il agit encore aujourd'hui, afin que sa
Parole éveille la vie spirituelle dans les âmes, et
qu'un feu céleste s'allume dans les coeurs.
Puis, commençant
par Moïse et continuant par tous les prophètes, il
leur expliquait dans toutes les Écritures ce qui le
regardait. Il leur parlait de celui qui
devait écraser la tête du serpent, d'Isaac qui
portait lui-même le bois, de l'holocauste jusqu'au
lieu où il devait être immolé. Moïse ne dit-il pas :
Maudit soit quiconque est pendu au bois ? C'est
ainsi que Christ attaché à la croix, nous a
affranchis de la malédiction de la loi, avant été
fait malédiction pour nous. Ésaïe ne dit-il pas : Il
a été navré pour nos forfaits et froissé pour nos
iniquités ; le châtiment qui nous apporte la paix
est tombé sur lui, et c'est par ses meurtrissures
que nous avons la guérison ? David ne dit-il pas par
l'esprit prophétique : Ils ont partagé mes vêtements
et jeté le sort sur ma robe ? Ils ont percé mes
mains et mes pieds ? Zacharie ne dit-il pas ? Ils
ont pesé combien il valait, trente pièces d'argent,
et le traître a pris les trente pièces d'argent et
les a jetées dans la maison de Dieu, afin qu'elles
fussent données à un potier ? David ne dit-il pas au
livre des Psaumes que Christ sera pendant un peu de
temps abandonné de Dieu, mais qu'ensuite il sera
couronné de gloire et d'honneur ? Ne dit-il pas au
nom du Seigneur : Tun'abandonneras pas mon âme an
sépulcre et tu ne permettras pas que ton Saint sente
la corruption ?
C'est ainsi qu'il leur expliquait les
Écritures, reprenait leur incrédulité et éveillait
en eux la foi à la Parole de Dieu. Leurs coeurs
étaient calmés. Ils écoutaient avec une grande joie
les discours du Seigneur. Car la foi n'est pas
seulement une froide audition ou une simple adhésion
de l'esprit ; elle est une nourriture vivante et
fortifiante de l'âme. Cette absorption des paroles
de Jésus par la foi, formait un lien solide autour
de l'âme des disciples. Combien ce trajet les avait
intimement unis à Jésus, bien qu'ils ne l'eussent
pas reconnu, c'est ce dont ils s'aperçurent
seulementlorsqu'ils
approchèrent du lieu où ils allaient et que Jésus
fit semblant d'aller plus loin. Ils le
contraignirent de s'arrêter en lui disant : Demeure
avec nous, car le soir commence à venir et le jour
est sur son déclin. Il entra donc pour demeurer avec
eux.
Ils ne pouvaient se séparer de lui. Avant
de bien savoir ce que c'est qu'être séparé de Jésus,
on croit pouvoir vivre sans lui, et l'on s'imagine
volontiers qu'on lui rend service lorsqu'on lui fait
l'honneur de s'occuper de lui. Mais lorsqu'on le
retrouve après s'être éloigné de lui pendant quelque
temps, alors une voix sortant des profondeurs de
l'âme s'écrie « Je ne me séparerai jamais de toi !
Seigneur, demeure en moi ! La fatigue qu'on éprouve
à entendre ou à lire la Parole de Dieu est une
preuve qu'on n'a qu'une piété extérieure. Au
contraire, lorsqu'on ne se lasse jamais d'écouter
cette Parole, lorsqu'on trouve une saveur toujours
nouvelle dans l'amour de Jésus, lorsque le désir
de demeurer dans sa communion et de vivre en
lui, devient de plus en plus ardent, au fur et à
mesure qu'il se prolonge ; alors c'est un signe que
le coeur a goûté les joies de la vie, qu'il s'est
désaltéré à la source des eaux vives et qu'on est
intérieurement uni au Sauveur. Quiconque dit : Je
suis riche et rassasié, j'en ai assez de Jésus ; je
suis ennuyé de cette nourriture fade, celui-là ne
l'a ni vu ni connu.
Jésus reste volontiers dès qu'on l'en
prie, car toutes ses voies tendent à établir une
communion permanente entre nous et lui.
Et comme il était à table avec
eux, il prit du pain et ayant rendu grâces, il le
rompit et le leur donna. En même temps leurs yeux
s'ouvrirent et ils reconnurent Jésus, mais il
disparut de devant eux. Les disciples
reconnurent Jésus pendant qu'il rompait le pain. La
participation au corps et au sang de Jésus-Christ
ouvre les yeux et fait reconnaître le Ressuscité
dans le Crucifié. L'action de grâces est aussi un
signe auquel les disciples reconnaissent le
Seigneur. Les enfants du monde se signalent par
leurs murmures ; les croyants, au contraire, louent
le Seigneur même sous la croix et dans les larmes.
Jésus disparut de devant eux. Leur commerce corporel
et visible avec lui devait bientôt de nouveau
prendre fin. C'est ainsi que les coeurs des
disciples sont préparés aux relations du monde
invisible. Le Seigneur se soustrait à leurs regards,
afin que sa Parole pénètre d'autant plus
profondément et agisse d'autant plus énergiquement
dans leurs âmes. Et lorsqu'un jour cette Parole aura
guéri toutes les plaies de nos coeurs, alors nous
pourrons contempler éternellement sa gloire, et le
voir face à face.
Et ils se dirent l'un à l'autre : Notre
coeur ne brûlait-il pas en nous
lorsqu'il nous parlait en
chemin, et qu'il nous expliquait les Écritures ?
Les coeurs des chrétiens sont des coeurs brûlant,
des coeurs qui ont trouvé le Dieu vivant et se sont
unis à celui dont il est écrit qu'il est un feu
consumant. Le coeur brûlant est une preuve fondée
sur l'expérience que Jésus est ressuscité d'entre
les morts.« Soyez fervents d'esprit ! » Cela
enflamme le coeur. Est-il déjà arrivé qu'une Parole
de Dieu ait enflammé ton coeur, lorsque tu lisais la
Bible ou que tu écoutais une prédication ? Sache
qu'alors c'était Jésus lui-même qui te parlait. Mais
tes yeux étaient retenus et tu ne l'as pas reconnu,
et tu as cru que c'était seulement la parole de
l'homme qui te causait cette émotion !
La tristesse avait poussé les disciples
dans la solitude, la joie d'avoir vu le Ressuscité
les ramène auprès de leurs frères.
Et se levant à l'heure même,
ils retournèrent à Jérusalem, et ils trouvèrent les
onze et ceux qui étaient avec eux et qui disaient :
Le Seigneur est véritablement ressuscité et il est
apparu à Simon. Et ceux-ci racontèrent ce qui leur
était aussi arrivé en chemin, et comment ils
l'avaient reconnu lorsqu'il avait rompu le pain.
Alors il y eut un bienheureux échange
d'impressions entre ceux qui avaient vu Jésus.
Il est tard. Tous les apôtres, à
l'exception de Thomas, sont assemblés avec les
autres disciples et s'entretiennent des événements
de cette journée. Ils s'étaient enfermés par crainte
des Juifs. Et pendant
qu'ils étaient à table et parlaient de lui, Jésus
lui-même se présenta au milieu d'eux et leur dit :
La paix soit avec vous ! De même qu'il
avait disparu subitement aux yeux des deux disciples
à Emmaüs, il apparaît inopinément au milieu de ceux
qui étaient réunis dans la chambre haute. Il les
salue en leur souhaitant la paix. Et ce souhait
n'est pas une parole vide : c'est un don. Car, chez
le Seigneur, les paroles et les actes vont toujours
ensemble. La paix est le don de Pâques que Jésus
apporte aux siens du fond de son tombeau. Il est
lui-même notre paix. Dès qu'il pénètre dans nos
coeurs, nous avons la paix avec Dieu. En se donnant
lui-même et en donnant sa paix, il accorde en même
temps tous les autres dons du ciel : le pardon des
péchés, la réconciliation avec Dieu, la délivrance
de la puissance de la mort et du diable, et la vie
éternelle, Quel est donc le bien dont on ne jouisse
pas en Jésus ?
Mais eux, tout
troublés et tout épouvantés, croyaient voir un
esprit. Son entrée au milieu d'eux
pendant que les portes de la chambre étaient
fermées, est pour les disciples une preuve de la
glorification de son corps. Cependant, afin qu'ils
ne doutent pas que ce corps ressuscité est bien le
même qui a été crucifié, il leur dit :
Pourquoi êtes-vous troublés et
pourquoi s'élève-t-il des pensées dans vos coeurs ?
Voyez mes mains et mes pieds, car c'est moi-même.
Touchez-moi et regardez-moi. Un esprit n'a ni chair
ni os, comme vous voyez que j'ai. En, leur disant
cela, il leur montrait ses mains et ses pieds.
Les marques des clous dans ses pieds et dans ses
mains, devaient prouver aux disciples qu'il est bien
celui qu'ils ont vu attaché à la croix. Toutefois,
comme ils ne pouvaient encore, le croire, tant ils
étaient transportés de joie et d'admiration, il leur
dit : Avez-vous quelque chose à manger ? Et ils lui
présentèrent un morceau de poisson rôti et un rayon
de miel, et il en mangea en leur présence.
Le Seigneur a à coeur de convaincre ses
disciples, et de nous convaincre nous-mêmes, que le
corps ressuscité avec lequel il est monté au ciel et
s'est assis à la droite de la Majesté divine est
bien le même qui a été crucifié. Car si le corps
glorifié était autre que le corps humilié, les
plaies d'où le sang de la réconciliation a coulé ne
seraient pas notre éternel avocat. Ce sang ne serait
plus le sang du Fils de Dieu qui crie de meilleures
choses que celui d'Abel. C'est pour ce motif aussi
que les apôtres rendirent plus tard ce témoignage,
que le Ressuscité s'était présenté aux témoins qu'il
avait élus, et avait mangé et bu avec eux.
Lorsque l'apôtre Jean écrivait, dans sa première
Épître :« Ce qui était dès le commencement, ce que
nous avons ouï, ce que nous avons vu de nos yeux, et
que nous avons contemplé et que nos mains ont touché
concernant la Parole de vie, c'est ce que nous vous
annonçons, » il pensait probablement à cet heureux
moment du soir de Pâques.
Les disciples
donc, voyant le Seigneur, eurent une grande joie.
La vue de Jésus remplit le coeur de joie. Les
disciples firent alors l'expérience de ce que Jésus
leur avait dit : « Je vous reverrai, et votre coeur
se réjouira et personne ne vous ravira votre joie. »
Il faut que leurs coeurs soient remplis maintenant
de ce que leur bouche devait plus tard communiquer à
d'autres. Il faut qu'ils se soient assurés par leurs
propres yeux et qu'ils aient la joyeuse certitude
que Jésus ne pouvait être retenu par les liens de la
mort. La gloire du Ressuscité a, pour le coeur qui a
le sentiment de ses fautes, quelque chose
d'effrayant et de fantastique, aussi longtemps qu'il
ne l'a pas reconnu à ses cicatrices, comme le
Médiateur et le Rédempteur. Elles sont pour les
croyants les monuments de son amour et de sa
victoire, et en même temps de leur propre victoire
et de leur délivrance. Quant aux incrédules et aux
hypocrites, au contraire, ces cicatrices leur
rappelleront qu'ils l'ont percé. Elles brilleront à
leurs yeux comme l'éclair et les rempliront d'une
mortelle frayeur.
Il leur dit
encore : La paix soit avec vous ! Comme mon Père m'a
envoyé, je vous envoie aussi de même. Les
disciples ayant reçu tant de grâces, ne doivent pas
en jouir égoïstement, comme si le Seigneur n'était
ressuscité des morts que pour eux, et était apparu à
eux seuls. Il faut qu'ils soient des messagers de
paix et qu'ils apportent au monde la paix de Jésus.
Le Père n'a pas envoyé son Fils au monde pour
condamner le monde, mais afin que le monde soit
sauvé par lui, afin que l'Orient d'en-haut se lève
sur ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans
l'ombre de la mort, et qu'il guide leurs pas dans le
chemin de la paix : Ces pensées de paix, il faut que
les disciples les portent aux hommes, afin que tous
ceux qui sont éloignés et ennemis de Dieu,
deviennent ses enfants, heureux héritiers et
citoyens du royaume de son amour. Telle est la tâche
assignée aux disciples.
De plus, le Père a envoyé le Fils, non de
manière à se séparer de lui et à isoler son action
de celle de son Envoyé. Le Fils est uni au Père,
même pendant sa carrière terrestre. Il est dans le
sein du Père. Il demeure dans le Père et le Père
demeure en lui. C'est aussi de cette manière que les
disciples sont envoyés. Ils ne se séparent pas de
Jésus, comme s'ils devaient travailler sans lui. Non
; il veut demeurer en eux et eux doivent demeurer en
lui. Solidement enracinés en lui, le portant vivant
en eux, conduits par sa main, c'est ainsi qu'ils
doivent être ses témoins dans le monde. C'est
pourquoi la parole de l'apôtre n'est pas de lui,
mais de celui qui l'a envoyé. Comme Christ dit de
lui-même : « Les paroles que je vous dis, je ne les
dis pas de moi-même, mais elles sont de celui qui
m'a envoyé, » de même il dit de ses apôtres : «
Celui qui vous écoute, m'écoute ; celui qui vous
rejette, me rejette, et celui qui me rejette,
rejette celui qui m'a envoyé. » Par ces
paroles, Jésus installe de nouveau ses apôtres dans
leur apostolat. Par leur fuite en Gethsémané et par
l'incrédulité qu'ils manifestèrent plus tard, ils
avaient abandonné leur mission. Maintenant, Jésus la
leur confère de nouveau, et, pour les rendre
capables de la remplir, il leur donne son Esprit,
Et quand il leur
eut dit cela, il souffla sur eux et leur dit :
Recevez le Saint-Esprit. Ceux à qui vous pardonnerez
les péchés, ils leur seront pardonnés, et ceux à qui
vous les retiendrez, ils leur seront retenus.
Ces coeurs timides et craintifs, ces roseaux
froissés doivent se mettre à l'oeuvre pour
renouveler le monde, pour ramener les enfants perdus
au coeur paternel de Dieu. Il faut qu'ils continuent
victorieusement l'oeuvre à laquelle le Seigneur
semble avoir consacré en vain sa peine et son
travail. Quelle pensée ! quelle tâche ! Mais ils
peuvent entreprendre ce travail avec courage et
intrépidité. Il ne les laissera pas seuls. Pour
cette oeuvre surnaturelle, il leur communiquera une
force surnaturelle. Par leur contact avec le souffle
vivifiant du Ressuscité, ils seront rendus capables
de remplir cette mission de l'Esprit, mission qui
consiste à prêcher la réconciliation, et pour
laquelle ils auraient été aussi incapables par
eux-mêmes que des os desséchés.
Ce pouvoir de pardonner et de retenir les
péchés, est la plus précieuse et la plus consolante
mission que le Ressuscité ait laissée à son Église.
Et la plus consolante partie de cette mission
incombe aux serviteurs de Dieu dans l'église, au
chevet des mourants, et en général partout où se
trouvent des consciences troublées et angoissées. Et
ils s'en acquittent, en leur annonçant et en leur
promettant la paix que Jésus leur a acquise sur la
croix. Cette partie de leur ministère, ils doivent
aussi l'exercer contre les coeurs endurcis, en
dénonçant le déplaisir et la colère de Dieu à tous
ceux qui ne veulent pas se laisser reprendre par le
Saint-Esprit. Qu'ils se gardent de jeter les perles
de la grâce devant les pourceaux et les choses
saintes du pardon des péchés aux chiens ! |