LA VIE DE
JÉSUS
CHAPITRE II
L'activité publique de
Jésus.
F. Jésus à
Béthanie, à Ephraïm et à Jérusalem.
99. La parabole des dix talents.
(Luc
XIX, 11-28.)
La prière que Salomé adressa au Seigneur en
faveur de ses deux fils, Jacques et Jean, nous a
déjà montré combien les disciples avaient peu
compris l'annonce des souffrances de Christ.
Aujourd'hui encore, ils semblent partager l'opinion
de la foule, d'après laquelle Jésus, sur le point de
faire son entrée à Jérusalem, allait se manifester
publiquement comme le Christ, le Messie promis, et
fonderimmédiatement, aux yeux du monde
entier, le royaume de Dieu depuis si longtemps
annoncé. Ce royaume devait en tout cas apparaître
visiblement un jour, mais non immédiatement. Il ne
devait pas non plus s'établir comme les disciples le
pensaient, c'est-à-dire comme si le Seigneur allait
manifester subitement toute sa puissance et sa
gloire divines aux yeux de tous les hommes, de telle
sorte qu'ils n'eussent, eux, rien d'autre à faire
qu'à contempler l'oeuvre de leur Maître comme ils
avaient contemplé ses miracles.
Le royaume des cieux ne vient point avec
éclat ni avec un déploiement de puissance
extérieure. Il se fonde d'abord intérieurement, dans
les coeurs, et il vient lorsque le Père céleste nous
donne son Saint-Esprit, afin que par sa grâce nous
croyions à sa Parole et que nous ayons sa vie en
nous déjà ici-bas. Ainsi le royaume de Dieu ne se
manifeste pas comme un miracle aux yeux des croyants
; il se fonde par les croyants. D'abord il faut que
la femme (l'Église de Christ) ait complètement mêlé
le levain avec les trois mesures de farine ; il faut
qu'elle accomplisse son oeuvre, qu'elle combatte le
bon combat, avant de pouvoir célébrer la victoire
dans les tabernacles des Justes (Ps.
CXVIII, 15). D'abord la fidélité, ensuite la
couronne. C'est ce que le Seigneur veut enseigner à
ses disciples par la parabole des dix talents.
Un homme de
haute naissance s'en alla dans un pays éloigné pour
se faire investir de l'autorité royale et s'en
revenir ensuite. Cette parabole est
empruntée à l'histoire de ce temps-là. Les rois des
Juifs étaient obligés de s'en aller bien loin à
Rome, pour obtenir de l'empereur la confirmation de
leur autorité. Cet homme de grande naissance est
Jésus-Christ lui-même, le Fils de Dieu. Il va être
couronné d'épines à Jérusalem et sera investi de son
autorité royale dans le ciel, où il s'assiéra à la
droite de Dieu, puis il reviendra dans la gloire,
lorsque son royaume aura été, établi dans les
coeurs. - Cet homme ayant
appelé dix de ses serviteurs, leur donna dix talents
d'argent, à chacun un talent, et leur dit :
Faites-les valoir jusqu'à ce que je revienne.
Le nombre dix est souvent employé dans l'Écriture
pour caractériser quelque chose de complet, de
parfait. Ici, comme dans la parabole des dix
vierges, ce nombre doit représenter toute la
chrétienté. Chaque chrétien est donc appelé, dans
l'intervalle qui s'écoule entre l'ascension du
Seigneur et son retour glorieux, à faire valoir,
comme un bon négociant, le talent qui lui a été
confié, c'est-à-dire le don qu'il a reçu du
Saint-Esprit. Chacun doit mettre ses dons au service
des autres, et tirer parti pour lui-même de ceux qui
ont été accordés aux autres. Tout chrétien baptisé a
reçu un talent, et il doit, par la force du
Saint-Esprit qui lui a été communiqué lors de son
baptême, l'employer dans l'intérêt du règne de Dieu.
Mais les gens de
son pays le haïssaient, et ils envoyèrent une
députation après lui pour lui dire : Nous ne voulons
pas que celui-ci règne sur nous. Tout le
monde se souvenait encore que cela était réellement
arrivé. Lorsque Archélaüs se rendit à Rome pour
recevoir de l'empereur l'investiture du trône, ses
accusateurs le suivirent, afin de faire échouer sa
démarche. De la même manière, les Juifs d'alors
repoussèrent l'autorité royale de Christ, et c'est
ainsi que les incrédules la repoussent encore
aujourd'hui en disant :
Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous.
Ce cri de l'incrédulité retentira toujours plus fort
dans la chrétienté :« Rompons leurs liens et jetons
loin de nous leurs cordes. » Il y a bien encore
quelques chrétiens qui, personnellement, prennent au
sérieux. l'alliance de leur baptême et disent au
Seigneur :« Je me donne à toi dans la foi et
l'obéissance. » Mais dès qu'il s'agit, pour la
foule, d'organiser publiquement parmi eux une vie
religieuse commune, aussitôt on s'écrie :« Nous ne
voulons pas que celui-ci règne sur nous. »
Leur entrée dans les conseils de la
nation, leurs serments, leurs mariages, sont à peu
près complètement soustraits à l'autorité royale de
Christ. Il est vrai que la plupart des communautés
chrétiennes ont encore leurs écoles chrétiennes.
Mais que la jeunesse du peuple soit obligée de les
fréquenter, c'est pour la plupart le comble du
scandale. Les incrédules attaquent de toutes leurs
forces, en public et en particulier, ce dernier
boulevard de la domination de Christ. C'est pourquoi
il faut que tous les serviteurs, qui ont reçu un
talent, prennent à coeur ces paroles :Faites-les
valoir jusqu'à ce que je revienne.
Il arriva donc,
lorsqu'il fut de retour, après avoir pris possession
de son royaume, qu'il fit venir ses serviteurs,
auxquels il avait donné l'argent, pour savoir
combien chacun d'eux l'avait fait valoir.
C'est seulement après le retour de Christ pour juger
les vivants et les morts que le royaume de Dieu sera
manifesté. - Et le premier
se présenta et dit : Seigneur, ton talent a rapporté
dix autres talents. Et il lui dit : Cela va bien,
bon serviteurs : parce que tu as été fidèle en peu
de chose, tu auras le gouvernement de dix villes. Et
le second vint et dit : Seigneur, ton talent en a
produit cinq autres. Et il dit aussi à celui-ci : Et
toi, commande à cinq villes. Les
serviteurs, tout en ayant conscience d'avoir
fidèlement travaillé, savent cependant que le fruit
de leur travail ne leur confère aucun mérite. Ils
avouent que c'est le talent du Maître qui en a
rapporté d'autres. « C'est par la grâce de Dieu que
je suis ce que je suis, et la grâce qu'il m'a faite
n'a pas été vaine »(I
Cor. XV, 10). - Ces dix et ces cinq talents sont
des fleuves de bénédictions qui découlent des
croyants (Jean
VII, 38). Ce sont les consolations au moyen
desquelles ils ont soulagé les âmes courbées sous la
croix, et ramené au bon Berger les brebis égarées.
Ces dix et ces cinq talents représentent aussi la
croissance, dans la foi, dans l'amour et dans la
patience, sous la croix. La foi est couronnée de
félicité dans la mesure de sa fidélité. Une foi plus
grande élargit le coeur et le rend capable de
contenir un bonheur plus grand.
Un des serviteurs est trouvé infidèle. Il
vint et dit : Seigneur,
voici ton talent que j'ai gardé, enveloppé dans un
linge ; car je te craignais parce que tu es un homme
sévère ; lu, prends où tu n'as rien mis, et tu
moissonnes où tu n'as pas semé. On se
sert ordinairement d'un linge pour essuyer la sueur
ou les larmes du visage, mais ce serviteur s'est
soigneusement préservé de la sueur et des larmes. Il
excuse sa paresse en alléguant sa crainte.
L'incrédulité regarde Christ comme un autre Moïse.
Elle ne se confie pas dans la grâce et l'amour de
Dieu, et elle considère les commandements par
lesquels le Seigneur s'adresse au coeur, comme
autant de dures exigences, qui dépassent les forces
de l'homme. Le serviteur se plaint de ce que Dieu
moissonne là où il n'a pas semé ; mais le talent
qu'il lui a confié est précisément la semence qu'il
a répandue. Dieu donne la semence ; il en donne
aussi l'accroissement, mais il ne dispense point le
serviteur du travail qu'elle exige. Celui-ci devient
quelquefois chagrin et paresseux parce qu'il trouve
sa tâche trop pénible. L'incrédulité, qui se méfie
de Dieu, rend paresseux ; la foi, au contraire,
remplit de joie et de courage pour travailler à
l'établissement du royaume des cieux.
Voici ton talent,
dit le serviteur qui n'a pas le coeur au travail. En
rendant le talent, il déclare qu'il quitte son
maître. C'est là une rupture évidente avec Dieu.
Et son maître
lui dit : Méchant serviteur, je te jugerai par tes
propres paroles. Tu savais que je suis un homme
sévère, qui prenais où je n'ai rien mis, qui
moissonne où je n'ai point semé. Et pourquoi n'as-tu
pas mis mon argent à la banque, et à mon retour je
l'eusse retiré avec les intérêts ? C'est
une fourberie que de dire qu'on ne peut rien faire
pour Dieu, qu'on est incapable de travailler à
l'avancement de son règne. Celui qui se sent trop
faible, trop pauvre, trop nul pour prier et pour
confesser le nom de Christ, pour s'acquitter du
travail de la charité, celui-là n'est pas encore
autorisé à demeurer oisif. Qu'il aille chez les
banquiers, chez ceux qui sont exercés à faire valoir
leur talent, qui s'adonnent avec la joie et le
courage de la foi au travail exigé par le Maître, et
qu'il mette son talent à leur service.
Et il dit à ceux qui étaient
présents : Ôtez-lui son talent et donnez-le à celui
qui en a dix. Ainsi le Seigneur reprend
le talent que son serviteur lui rend. Cela nous
montre que dans le royaume de Dieu la paresse est
exclue. Sans doute la faiblesse de l'âge ou la
maladie peuvent bien forcer le corps à sereposer,
mais le coeur continue de travailler par la prière,
par la confession du nom de Christ, par la patience,
en exhortant et en consolant. Le bienheureux
Sprangenberg écrivait à l'un de ses amis qui
aspirait au repos : « Ne pense donc pas à te
reposer, aussi longtemps qu'il y a un souffle en
toi. Tu es du nombre de ces serviteurs qui ne se
sentent jamais aussi heureux que lorsqu'ils peuvent
dire : 0 Dieu, fais-moi la grâce de mourir pendant
que je travaille à gagner des âmes à l'Agneau ! »
Et ils lui
dirent : Seigneur, il a déjà dix talents. Aussi vous
dis-je qu'on donnera à quiconque a déjà, et pour
celui qui n'a pas, cela même qu'il a lui sera ôté ?
Plus on a, plus on veut avoir. Cela est vrai de ceux
qui recherchent les biens terrestres ; cela est vrai
aussi de ceux qui possèdent les trésors de la grâce.
Plus on en a, plus la prière est fervente pour en
obtenir davantage. En revanche, ce qu'on méprise,
comme par exemple la grâce du baptême, nous est
repris. - Ce sérieux avertissement devait guérir les
disciples de l'erreur qui consistait à croire qu'ils
pourraient voir la manifestation du règne de Dieu,
en restant dans l'oisiveté et dans la paresse, comme
on assiste à un spectacle. Quant à ceux de ses
auditeurs qui se berçaient encore de l'espoir d'un
règne messianique terrestre, et qui repoussaient le
joug aisé du Sauveur des pécheurs, il leur adresse
ces sévères paroles : Quant
à mes ennemis, qui n'ont pas voulu que je régnasse
sur eux, amenez-les ici et faites-les mourir en ma
présence. Après avoir dit cela, il marchait devant
eux, montant à Jérusalem, afin d'y mourir
par la main de ses sujets rebelles.
100. L'onction de Béthanie.
(Jean
XII, 1-7 ;Marc
XIV, 5-7 ;Matth.
XXVI, 6-9.)
Lorsque, après la résurrection de Lazare, le
Sanhédrin eut décidé de faire mourir Jésus, le
Seigneur se retira dans la petite ville d'Ephraïm.
Cette retraite pouvait être considérée par les
pharisiens comme la fuite d'un malfaiteur poursuivi
par la justice. Maintenant que son heure est venue,
il revient librement et publiquement au lieu même
vers lequel tous les regards étaient dirigés à
Béthanie. Dans sa prudence, le Sanhédrin ne voulait
pas fairesaisir Jésus pendant que la nation tout
entière, accourue de foules les parties du pays, se
trouvait à Jérusalem. « Il
ne faut pas que ce soit pendant la fête, de peur
qu'il ne se fasse quelque émotion parmi le peuple.
» Cependant il avait été décidé, dans le Conseil
suprême, que l'Agneau de Dieu serait immolé comme
Agneau pascal.
Six jours avant
la Pâque, ainsi la veille du dimanche des
Rameaux, Jésus vint à
Béthanie, où était Lazare qui avait été mort et
qu'il avait ressuscité. On lui fit là un souper, et
Lazare était un de ceux qui étaient à table avec lui.
Marthe sert aujourd'hui, non plus avec agitation,
mais avec une joie calme, car elle a vu la gloire de
Dieu. De quels yeux les convives devaient-ils voir
Lazare qui avait déjà été enveloppé d'un suaire et
déposé dans le tombeau, mais qui leur avait été
rendu sur l'ordre tout-puissant de Jésus ! Ils
savaient tous qu'ils étaient comme lui sous le coup
d'arrêt du Sanhédrin, et cet arrêt impliquait
l'exclusion hors du peuple de Dieu, la privation de
toute communion avec lui, et quelquefois la peine de
mort. Toutefois, dans une communion d'amour avec
Jésus, ils oubliaient Jérusalem et le monde entier.
Alors Marie,
ayant pris dans un vase d'albâtre, une livre d'huile
de senteur de nard pur qui était de grand prix, la
lui répandit sur la tête, ayant rompu le vase, et
lui oignit les pieds et les essuya avec ses cheveux
et toute la maison fût remplie de l'odeur de ce
parfum. Nous connaissons l'intime et
profond amour de Marie pour son Sauveur. Mais
maintenant qu'il s'est révélé à elle comme étant la
résurrection et la vie, maintenant qu'elle a vu à
quels dangers il a exposé sa propre vie pour lui
venir en aide, elle se sent pressée de donner à cet
amour une expression particulièrement solennelle.
Tout son coeur s'écrie : Tout ce que mon coeur et
mon âme peuvent faire, je veux le consacrer à ton
service et à la gloire. Peut-être avait-elle
réservé ce précieux parfum pour embaumer le corps de
son frère bien-aimé. Cette onction était une
manifestation extérieure du don complet qu'elle
faisait d'elle-même à son Seigneur, une image des
fleuves d'amour dont le Sauveur sera inondé de toute
éternité par les rachetés, un symbole de l'amour que
son sacrifice a déjà allumé sur la terre.
Alors Judas
Iscariot, fils de Simon, l'un des disciples, celui
qui devait le trahir, dit : Pourquoi n'a-t-on pas
vendu ce parfum trois cents deniers pour les donner
aux pauvres ? Et les autres disciples, voyant cela,
en furent indignés et dirent : A quoi sert cette
perte ? Judas dit cela, non qu'il se souciât des
pauvres, mais parce qu'il était larron, qu'il avait
la bourse et qu'il portait ce qu'on y mettait.
Les pauvres ne sont que le prétexte ; ils doivent
donner à l'égoïsme de ce disciple et à son haineux
mécontentement l'apparence d'un sentiment pieux ;
mais cette apparence est trompeuse. Trois cents
deniers, environ deux cent soixante francs de notre
monnaie ! Que de pauvres auraient pu être vêtus,
nourris, restaurés avec cette somme ! Et maintenant
la voilà perdue ! Telle semblait être l'action de
Marie. Et les autres disciples furent séduits par
cette pensée éminemment pratique et joignirent leur
blâme à celui de Judas.
Tous ceux qui aiment l'avènement de notre
Seigneur Jésus-Christ doivent être sur leurs gardes,
pour ne pas se laisser entraîner par ces
faux-semblants. Cette désapprobation de Judas se
renouvelle de nos jours à propos des dépenses faites
en faveur des missions parmi les païens, sous
prétexte que l'argent qu'on donne pour les pays
lointains, serait beaucoup mieux employé s'il était
consacré au soulagement des pauvres. Que celui qui
est enclin à se laisser tromper par de telles
paroles, se rappelle qu'elles sont l'expression des
sentiments du traître Judas. Ce n'est pas l'amour du
prochain qui parle en eux, c'est l'avarice et
l'inimitié contre Christ. C'est en vain que Judas a
été présent au tombeau de Lazare, en vain qu'il voit
le mort ressuscité assis à table avec lui. Il a
constamment résisté aux sollicitations pleines
d'amour du Sauveur. Maintenant il est là parmi les
convives, portant l'habit d'un apôtre de Christ,
tandis qu'intérieurement, il est tombé au même
niveau que Caïphe et les membres du Sanhédrin. Il
est même tombé plus bas, puisqu'il avait reçu des
grâces dont ceux-ci avaient été privés.
Mais Jésus connaissant cela, leur dit :
Laissez-la, pourquoi lui
faites-vous de la peine ? Elle a fait une bonne
action à mon égard. Car vous aurez toujours des
pauvres avec vous, et toutes, les fois que vous
voudrez, vous pourrez leur faire dit bien, mais vous
ne m'aurez pas toujours. Je vous dis, en vérité, que
dans tous les endroits du monde où cet Évangile sera
prêché, ce qu'elle a fait sera, aussiraconté en
mémoire d'elle. On a blâmé une action
destinée à honorer Jésus ! Quelle insulte faite au
Seigneur ! Cependant ce n'est pas à lui-même qu'il
pense. Il se hâte de prendre sous sa protection
Marie qu'on vient de calomnier. Quant à elle, elle
n'avait nullement conscience d'avoir fait quelque
chose d'extraordinaire. Elle avait simplement suivi
l'impulsion de son coeur. Mais en entendant les
reproches qu'on lui adresse, elle réfléchit à son
action. Aurait-elle peut-être eu tort de l'accomplir
? Cette pensée l'afflige. Jésus comprend son silence
et dit aux convives :
Pourquoi lui faites-vous de la peine ? Laissez-la
faire ; elle a fait une bonne action !
Heureux celui qui a Jésus pour défenseur
! Tous les accusateurs se tairont devant lui. Il
donne à l'action de Marie une signification qu'elle
ignorait elle-même. Sans le savoir, elle a embaumé
le corps du Seigneur pour sa sépulture. Il y a
souvent dans les oeuvres des enfants de Dieu, des
significations cachées, qu'eux-mêmes ne connaissent
pas. Si ce parfum avait été employé à embaumer le
corps de Lazare, personne n'aurait crié à la
prodigalité. Eh bien ! veut dire le Seigneur,
admettez que ce parfum doive servir à ma sépulture,
et que Marie ait pris l'avance pour ne pas arriver
trop tard, comme les autres femmes, au matin du jour
de Pâques.
Les murmures des disciples cessèrent sans
doute, lorsqu'ils entendirent Jésus leur parler de
nouveau de sa mort. Cette affreuse pensée leur
revient toujours à l'esprit, bien qu'ils ne puissent
pas se familiariser avec elle. Lorsque celle
perspective se présente à eux, il leur semble qu'ils
sont sur le bord d'un abîme sans fond. Et cependant
ils devaient voir s'élever l'amour de leur Maître à
une hauteur qu'ils n'avaient jamais pressentie,
c'est-à-dire jusqu'en Golgotha. Quant à Marie,
lorsqu'elle eut appris de la bouche même du Sauveur
l'importance de ce qu'elle avait fait, comme elle
dut trembler à cette pensée : Eh quoi ! Mon Sauveur
! Celui qui m'a rendu mon frère bien-aimé en
l'arrachant au sépulcre, il y serait enfermé
lui-même ! Lui, le Fils de Dieu, la résurrection et
la vie ! Qui peut comprendre cela ? Mais devant le
sépulcre ouvert, dans le jardin de Joseph
d'Arimathée, la lumière se fit nouvelle et la joie
rentra dans son coeur oppressé. |