LA VIE DE
JÉSUS
CHAPITRE II
L'activité publique de
Jésus.
G. Jésus à
Jérusalem, - le dimanche des Rameaux.
101. Entrée de Jésus à Jérusalem ; ses
larmes.
(Matth.
XXI, 1-11 ;Luc
XIX, 29-44.)
L'Agneau de Dieu, oint par le précieux parfum de
Marie, se dirigea le lendemain vers le lieu du
sacrifice, à Jérusalem. Longtemps avant que Jésus et
ses disciples prissent le chemin de cette ville, les
routes qui y conduisaient étaient couvertes des
foules qui se rendaient à la fête. Chacun savait que
le Seigneur devait y assister, et tous affluaient
vers le petit bourg de Béthanie, pour voir celui qui
avait rappelé Lazare du tombeau. Beaucoup voulaient
aussi voir Lazare, surtout depuis que le bruit
s'était répandu que les souverains sacrificateurs
avaient le dessein de le faire mourir. Les noms de
Jésus et de Lazare étaient dans toutes les bouches.
Tout le monde exaltait ce fait extraordinaire.
Comme ils
approchaient de Jérusalem, et qu'ils étaient déjà à
Bethphagé, près du mont des Oliviers, Jésus envoya
deux de ses disciples, leur disant : Allez à la
bourgade qui est devant vous ; vous y trouverez
d'abord une ânesse attachée et son ânon avec elle ;
détachez-les et amenez-les-moi. Et si quelqu'un vous
dit quelque chose, vous direz que le Maître en a
besoin, et aussitôt il les enverra. Or, tout cela se
fit afin que ces paroles du prophète fussent
accomplies : Dites à la fille de Sion : Voici ton
Roi qui vient à toi débonnaire, monté sur un âne,
sur le poulain de celle qui porte le joug.
« Le Roi d'Israël veut aujourd'hui faire son entrée
solennelle dans sa capitale. Quel accueil lui
fera-t-on ? Est-ce que la fille de Sion est prête à
le recevoir ? Portes, élevez vos têtes ; portes
éternelles, haussez-vous, et le Roi de gloire
entrera. » - Peu reconnaissent, sous cette modeste
apparence, la gloire du Roi d'Israël. Il n'y a en
lui ni forme ni éclat pour attirer les regards
charnels. Il ne vient pas sur un superbe coursier
decombat, mais sur un chétif ânon, qui ne lui
appartient même pas. Ce ne sont pas de précieux
tapis qui sont étendus sur son chemin, mais les
vêtements des pauvres. Il n'est pas annoncé par des
hérauts d'armes magnifiquement parés ; il est
acclamé par des enfants et par des gens du peuple.
Ce n'est pas là une gloire royale capable de frapper
les yeux et d'enivrer les sens. Cependant, Sion,
voici ton Roi qui vient à toi ; il est doux et
humble de coeur, mais pourtant c'est un Roi.
En vertu de sa toute-science divine,
Jésus voit de loin l'animal qui doit lui servir pour
faire son entrée dans la ville. Il incline le coeur
du propriétaire de l'âne, qui le lui abandonne,
malgré son étonnement. Il incline également les
coeurs de ses disciples à obéir à son ordre étrange,
de manière qu'ils l'exécutent ponctuellement.
Sommes-nous prêts, comme eux, à faire joyeusement la
volonté du Sauveur lorsque nous ne la comprenons pas
? Sommes-nous prêts à lui abandonner volontiers ce
qui nous appartient lorsqu'il nous fait dire qu'il
en a besoin ? Mais qui donc ne donnerait pas tout à
ce Roi qui vient répandre son sang et donner sa vie
pour la vie de son peuple ? Voici, il vient à toi ;
il aurait pu attendre longtemps que tu ailles à lui.
Les disciples
s'en allèrent donc et firent comme le Seigneur leur
avait ordonné : et ils amenèrent l'ânesse et l'ânon
; et ayant mis leurs vêtements dessus, ils l'y
firent asseoir. Alors les gens en grand nombre
étendaient leurs vêtements par le chemin, et
d'autres coupaient des branches d'arbres et les
étendaient par le chemin. Et ceux qui allaient
devant et ceux qui suivaient criaient, disant :
Hosanna, au Fils de David ! béni soit celui qui
vient au nom du Seigneur ! Hosanna dans les lieux
très-hauts ! Le peuple est rempli
d'enthousiasme par le récit de l'événement de
Béthanie, qui ravive dans les coeurs le souvenir de
tous les miracles que le Seigneur a opérés.
Depuis longtemps ils attendaient avec
impatience le moment où Jésus se ferait enfin
connaître comme Messie, comme Roi. La tension des
esprits augmentait de plus en plus, lorsqu'ils
virent les disciples étendre leurs vêtements sur la
monture dont le Sauveur devait se servir.
Immédiatement l'idée leur vient que le Roi va
prendre possession de son royaume, et, comme pressés
par uneinspiration d'en haut, ils l'acclament avec
les paroles de la prophétie messianique duPsaume
CXVIII, 25-26.
L'enthousiasme gagne comme une traînée de
poudre. Les honneurs royaux vont être rendus au Roi.
Les gens étendent leurs vêtements sur le chemin,
qu'ils jonchent aussi de branches d'arbres. On
entend retentir les cris de louanges comme le bruit
des grosses eaux :« Béni soit celui qui vient au nom
du Seigneur ! » « Hosanna dans les cieux très-hauts
! »Sans doute, chez la plupart, cet enthousiasme
était un feu de paille qui devait promptement
s'éteindre. Le« Hosanna » fut bientôt suivi du «
crucifie-le ! »Toutefois, coeur chrétien, ne
t'irrite pas trop de ce que cet enthousiasme ait été
si vite refroidi. L'as-tu jamais ressenti ? As-tu
jamais été rempli d'une sainte joie de recevoir ton
Sauveur et de faire partie de son Église ? Ton amour
pour lui est-il monté au-dessus du point de
congélation de ton thermomètre spirituel ? Fille de
Sion, Église de Dieu, ton Roi vient à toi, et sa
venue durera pendant tout le temps de grâce. Et
lorsque ce temps sera écoulé, il viendra sur les
nuées du ciel ; ce sera son dernier avènement.
Cette entrée du Sauveur à Jérusalem ne
ressemble en rien aux précédentes. Par son cortège
royal, il veut se faire connaître publiquement et
solennellement comme le Messie promis, afin que
personne ne puisse s'excuser en disant : Il n'a
jamais déclaré« formellement » qu'il était celui qui
devait venir. - Cependant il ne se laisse pas
éblouir par les bruyantes acclamations du peuple. Au
sein de cette joie générale, les pharisiens se font
entendre. Maître,lui
crient-ils,reprends
les disciples. Ils estiment que ces
honneurs messianiques ne conviennent pas à Jésus.
Mais il leur répond : Je
vous dis que si ceux-ci se taisent, les pierres même
crieront. Il faut qu'il s'élève une fois
un cri de joie, afin qu'on sache que le Messie est
là. Et si les hommes se taisent, Dieu suscitera, des
pierres du chemin, des enfants qui rendront à son
Fils les honneurs qui lui sont dus. Lorsque la
gloire de Jérusalem fut tombée, les pierres de la
cité royale, qui avait mis à mort le prince de la
vie, rendirent témoignage au Roi qui est assis à la
droite du Père.
La profonde douleur qui remplissait le
coeur de Jésus, malgré l'enthousiasme du peuple,
éclate, lorsque du haut du mont des Oliviers, il
aperçoit la ville étalée devant lui.
Et lorsqu'il fut proche de la
ville en la voyant, il pleura sur elle.
Jésus a versé des larmes afin que nous n'ayons pas à
pleurer éternellement. Quelle puissance victorieuse
gît dans les larmes ! On ne fait pas grande
attention à celles d'un enfant ; elles sont vite
provoquées et vite séchées. Celles d'une faible
femme ont déjà plus de force. Mais les larmes d'un
homme pèsent lourdement, surtout lorsque ce sont les
larmes d'un coeur paternel profondément courbé sous
le poids de la douleur. Un père avait beaucoup de
chagrin à cause de l'indocilité de son enfant.
Souvent il était obligé de le châtier, mais toujours
en vain. Plus la punition était sévère, plus le
jeune garçon se montrait intraitable. Un jour, ne
sachant plus que faire, le père le frappa jusqu'à ce
qu'il eût brisé la verge. Mais l'enfant regarda son
père sans mot dire, sans faire un mouvement, avec
une froideur glaciale. Le père au désespoir, jeta
son bâton loin de lui et s'écria avec larmes :«
Malheureux enfant, que vais-je faire de toi ? » Ce
que les coups n'avaient pu faire, les larmes
l'accomplirent. Le coeur de ce garçon indocile se
fondit. Il vint à son père et cria :« Père,
frappe-moi, mais ne pleure pas ! »
Les larmes des croyants sont la noble
semence d'une joyeuse moisson. Et si les larmes de
pauvres pécheurs ont une telle vertu, combien plus
celles de Jésus ne rapporteront-elles pas de
magnifiques gerbes ! Ses larmes, comme son sang
qu'il a répandu une fois, ont une valeur
inappréciable et une puissance éternelle. Que de
coeurs endurcis n'ont-elles pas amollis ! que de
coeurs brisés n'ont-elles pas restaurés !
Jésus pleura sur Jérusalem ; il pleura
sur les Juifs. Rappelons-nous cet immense amour du
Sauveur pour son peuple, lorsque les défauts de
beaucoup de Juifs nous disposent à les haïr ou même
à les mépriser. Le fait qu'un si grand nombre de
Juifs vivent parmi les chrétiens sans se convertir,
est une grave accusation contre les chrétiens. Cette
accusation s'aggrave encore lorsque nous entendons
les Juifs dire : Pourquoi deviendrions-nous
chrétiens ? Les chrétiens sont-ils beaucoup
meilleurs que nous ? Et les chrétiens ne savent que
répondre. Les Juifs ne viendraient-ils pas
plusvolontiers à Christ s'ils avaient le sentiment
que nous, chrétiens, nous aimons le Sauveur de tout
notre coeur, s'ils remarquaient qu'une vie
chrétienne est une vie heureuse et joyeuse, s'ils
trouvaient en nous des coeurs pleins d'un véritable
amour pour eux, s'ils nous voyaient heureux d'avoir
un Sauveur, et se sentaient, eux, malheureux d'en
être privés ?
Au commencement de ce siècle vivait à
Breslau un pieux maître tailleur. Un jeune Juif, qui
étudiait la médecine, vint un jour dans son atelier
pour se commander un habit. En lui prenant la
mesure, le tailleur remarqua la belle stature de ce
jeune homme. Mais il se disait en même temps : Dans
ce corps, auquel Dieu a donné une si belle forme, se
trouve une âme qui ne connaît pas son Sauveur. 0
pauvre et malheureux jeune homme ! Cette pensée lui
serra tellement le coeur que ses yeux se remplirent
de larmes. Il les essuya une première et une
deuxième fois. Lorsqu'il fit ce mouvement pour la
troisième fois, son jeune client, qui l'avait
remarqué dans une glace suspendue au mur en face de
lui, lui demanda avec sympathie pourquoi il
pleurait, et s'il avait éprouvé quelque malheur.
Mais le tailleur secoua négativement la tête. Et
comme il continuait à pleurer, le jeune homme
insista pour connaître la cause de son chagrin, en
lui promettant de lui venir en aide dans la mesure
de ses moyens. Alors le tailleur lui découvrit
franchement le mystère de ses larmes.« Ce n'est pas
sur moi que je pleure, lui dit-il, car j'ai été
abondamment béni de Dieu ; je pleure sur vous, mon
jeune monsieur, parce que vous n'avez point de
Sauveur. Car, vivre sans Lui, c'est le plus grand
des malheurs. « Le jeune homme était muet
d'étonnement. Les larmes du maître tailleur
brûlaient son âme. Sans prononcer une parole, il se
hâta de rentrer chez lui. Dans les jours qui
suivirent, il n'eut aucun repos et fut incapable de
tout travail. Les larmes du tailleur le
poursuivaient partout. Enfin il se décida à entrer
dans une librairie et acheta un Nouveau Testament.
Il le lut et le relut, et ne cessa pas qu'il n'eût
trouvé le Sauveur qui avait rendu le maître tailleur
si heureux. Puis il fit des études pour devenir
missionnaire parmi les Juifs, et en amena beaucoup
au Sauveur, qui peut seul rendre heureux. Les larmes
de cet homme ressemblaient à cellesque Jésus avait
versées en vue de Jérusalem sur l'endurcissement des
Juifs.
Jésus dit : Oh !
si tu avais connu du moins dans ce jour qui t'est
donné, les choses qui regardent ta paix ! mais
maintenant elles sont cachées à tes yeux. Car les
jours viendront sur toi, que tes ennemis
t'environneront de tranchées, et t'enfermeront et te
serreront de toutes parts, et ils te détruiront
entièrement, toi et tes enfants qui sont au milieu
de toi et ils ne le laisseront pierre sur pierre,
parce que tu n'as pas connu le temps auquel tu as
été visitée. - La majesté de la ville
royale s'étale devant ses yeux. Tout se prépare pour
une fête solennelle. Nulle part le danger ne semble
menacer. Tous nagent dans la joie. Mais les yeux
pleins de larmes de Jésus voient approcher les
jugements de Dieu. Car Jérusalem ne veut pas du
Prince de la paix. Elle repousse son Sauveur qui la
visite comme l'orient d'en-haut. Jérusalem ne veut
pas reconnaître la grâce qui lui est offerte ; il
faut qu'elle soit brisée par le jugement de Dieu.
Celui qui ne se laisse pas amener à la repentance
par la bonté de Dieu, sera obligé de se courber sous
sa colère ; celui qui ne se laisse pas visiter et
convertir par les yeux pleins de larmes de Jésus,
les verra briller comme des flammes de feu, sortant
du trône de Dieu, et sera précipité dans l'abîme ! »
.
102. Deuxième purification du temple.
(Matth.
XXI, 12-17 ;Marc
XI, 15 ;Luc
XIX, 45-48.)
Par son entrée solennelle à Jérusalem, Christ
s'était fait connaître à tous comme le Messie. La
purification du temple devait être une confirmation
de sa dignité messianique. Tous devaient voir dans
cet acte l'accomplissement de cette prophétie : «
Voici, je vais envoyer mon ange, et il préparera le
chemin devant toi ; et aussitôt le Seigneur que vous
cherchez et l'ange de l'alliance que vous désirez
entrera dans son temple. Voici il vient, dit
l'Éternel des armées »(Mal.
III, 1). Et Jésus entra
dans le temple de Dieu et en chassa tous ceux qui
vendaient et qui achetaient dans le temple, et il
renversa les tables des changeurs et les sièges de
ceux qui vendaient des pigeons, et il leur dit : Il
est écrit, ma maison seraappelée une maison de
prière et vous en faites une caverne de voleurs.
On s'est étonné de ce que le Sauveur eût purifié le
temple deux fois ; on devrait plutôt s'étonner de ce
qu'il ne l'a pas fait plus souvent. - Après la
première purification, à la première fête de Pâques,
non seulement le scandale n'avait pas cessé ; il
avait plutôt augmenté. Trois ans auparavant, Jésus
se plaignait qu'on avait fait de la maison de son
Père une maison de marché ; maintenant il voit
qu'elle est devenue une caverne de voleurs. Une
majesté royale accompagne son zèle pour la maison de
son Père. Une lumière divine rayonne de sa personne,
tellement que cette foule de marchands et de
trafiquants obéit avec une crainte respectueuse aux
ordres de cet homme sans armes. Et c'est ce même
Jésus, dont la mort est déjà décidée, et que le
Conseil suprême a commandé de saisir partout où on
le trouverait ! N'était-ce pas en vue de la frayeur
qui s'empara de ses ennemis en le voyant agir ainsi
que le Psalmiste s'écrie : « Il leur parlera dans sa
colère et les effrayera dans l'ardeur de son
courroux ? »(Ps.
II, 5.)
Par cet acte, le Seigneur leur prouve que
son indignation n'est pas dirigée contre le pécheur,
mais contre le péché. Car
aussitôt des boiteux et des aveugles vinrent à lui
dans le temple, et il les guérit.
Quiconque ne comprend pas que Jésus passe
immédiatement de l'indignation qu'il montre en
purifiant le temple, à la douceur et à une
miséricordieuse bienveillance, ne connaît pas le
saint amour. Y a-t-il un feu qui réchauffe et qui ne
puisse pas en même temps brûler et consacrer ?
L'essence de Dieu, c'est l'amour, non un amour
auquel le blanc et le noir, la lumière et les
ténèbres, le bien et le mal soient indifférents ;
mais un amour qui se montre aussi saintement
implacable contre le péché, que saintement
miséricordieux pour le pécheur.
Mais les
principaux sacrificateurs et les scribes, voyant les
merveilles qu'il avait faites, et que les enfants
criaient dans le temple et disaient Hosanna au Fils
de David ! ils en furent indiqués et lui dirent :
Entends-tu ce que ces enfants disent ? Et il leur
dit : N'avez-vous, jamais lu ces paroles : Tu as
tiré une parfaite louange de la bouche des enfants
et de ceux qui tètent ? Le Seigneur nous
montre ici que l'humble louange proférée par la
bouche des enfants lui est agréable. Combien de
chrétiens y voient des symptômes alarmants, et sont
mécontents lorsque l'esprit de prière s'empare des
enfants et les pousse à louer le nom de Jésus !
Combien d'adultes ont été réveillés par les prières
des enfants ! La Toute-puissance se sert de la
faiblesse pour accomplir ses desseins, afin que
nulle chair ne se glorifie ! Il a tiré le fondement
de sa puissance, de la bouche des petits enfants et
de ceux qui tètent (Ps.
VIII, 3). - Notre Dieu a deux espèces d'enfants,
ceux quel'âge lui amène et ceux que leur
coeur attire à lui, et les uns et les autres le
louent dans la simplicité de leur foi. Pendant que
Mélanchthon assistait à la dispute de Torgau, après
qu'on eut longtemps discuté sans arriver à une
décision, il fut appelé dehors. Il passa par une
chambre où la femme et les enfants du pasteur de
cette ville étaient réunis et priaient pour les
réformateurs. Mélanchthon fut tellement ému qu'il
dit à Luther : Nous n'avons plus besoin de nous
inquiéter ; j'ai vu ceux qui combattent pour nous et
nous défendent et que nul ne vaincra.
Et les
principaux sacrificateurs, les scribes et les
principaux du peuple cherchaient à le faire mourir ;
mais ils ne pouvaient rien faire contre lui, parce
que le peuple l'écoutait avec une grande attention.
La haine meurtrière du Sanhédrin est obligée de se
contenir, parce que l'opinion publique lui est
encore contraire. C'est ainsi que Jésus put encore
enseigner le peuple pendant quatre jours, sans que
personne osât mettre la main sur lui. Et il
enseignait tous les jours dans le temple. Pendant le
jour il annonçait l'Évangile avec une infatigable
activité ; la nuit il se retirait sur la montagne
des Oliviers ou à Béthanie. Et les ayant laissés, il
sortit de la ville et s'en alla à Béthanie où il
passa la nuit.
.
LUNDI
103. Le figuier maudit.
(Matth.
XXI, 18-22 ;Marc
XI, 12-44)
Lorsque, le lundi matin, Jésus retournait de
Béthanie à la ville, il eut
faim, et voyant un figuier sur le chemin, il y alla,
mais il n'ytrouva que des feuilles, et il lui dit :
Qu'il ne naisse jamais aucun fruit de toi, et
incontinent le figuier sécha. Il y avait
longtemps que, dans une parabole, Jésus avait parlé
de l'inutilité de son activité au sein du peuple
d'Israël. Un propriétaire avait planté un figuier
dans sa vigne. Pendant trois ans, il était venu
chaque année chercher des fruits, et, n'en ayant
point trouvé, il avait commandé d'abattre l'arbre.
L'intercession du vigneron lui avait procuré un
sursis de grâce d'une année. C'est à cette parabole
que se rattache la malédiction symbolique du figuier
du chemin de Béthanie. Le temps de grâce est écoulé,
mais le figuier n'a encore porté aucun fruit. Le
peuple d'Israël ne veut pas voir les choses qui
appartiennent à sa paix. - Les hommages
enthousiastes qu'il rendait hier à Jésus, lors de
son entrée à Jérusalem, étaient à la vérité un très
beau feuillage ; mais il n'y avait aucun fruit de
repentance et de foi. Le temple, qui devait être le
point central du culte spirituel de la nation, était
devenu une caverne de voleurs. Le Seigneur avait
prononcé sur le peuple d'Israël le jugement qu'il
avait exécuté symboliquement sur cet arbre, aux yeux
de ses disciples. De pareils actes symboliques
étaient un langage parabolique, qui faisait
infiniment plus d'impression que la parabole
proprement dite. Le peuple était habitué à ce
langage depuis le temps des prophètes. C'est ainsi
que le prophète Ahija déchira son manteau en douze
morceaux, en présence de Jéroboam, afin de figurer
par cet acte le partage du peuple (1
Rois XI) dont Jéroboam devait obtenir dix
tribus. C'est ainsi que Jérémie plaça un joug sur
son cou pour figurer qu'Israël et Juda devaient
aller en captivité.
À tous ses miracles de miséricorde, le
Sauveur en ajoute ici un, pour montrer que le Père
lui a donné tout pouvoir de juger. Seulement, il
l'opère non sur un homme, puisqu'il est encore là
pour chercher et sauver, mais sur un objet privé de
vie. Jésus n'avait jamais encore annoncé aussi
clairement la réjection d'Israël à ses disciples,
qu'il venait de le faire par cette action
symbolique. C'est que le moment était venu de les
familiariser avec cette perspective. La difficulté
qu'ils éprouvaient à la saisir, nous est indiquée
par le fait que le dessèchement subit de ce figuier
attire leur attention beaucoup plus que la
signification de ce miracle. Cetacte leur annonçait
en effet, qu'après avoir rejeté son Sauveur, Israël
ne serait plus le peuple de Dieu, et que le royaume
de Dieu lui serait ôté et serait donné aux païens.
Si les disciples avaient compris cet
enseignement, ils en auraient été tellement effrayés
qu'ils n'auraient plus pensé au miracle lui-même. Au
lieu de cela, ils demandent :
Comment ce figuier est-il
devenu sec à l'instant ? Le Seigneur
attire alors leur attention sur la puissance de la
foi, qui non seulement fait périr un figuier, mais
encore peut déplacer les montagnes lorsqu'elles
s'opposent à l'avancement du règne de Dieu. Jésus
répondant, leur dit : Je
vous dis, en vérité, que si vous aviez la foi et que
vous ne doutiez point, non seulement vous feriez ce
qui a été fait au figuier, mais encore vous diriez à
cette montagne : Ôte-toi de là et te jette dans la
mer, et cela se ferait. Cette parole,
qu'il leur avait déjà adressée après sa
transfiguration, devait être pour les disciples un
bâton et une houlette pour traverser la sombre
vallée qui s'ouvrait devant eux, et pour son Église,
une lumière dans les ténèbres, lorsque des montagnes
d'obstacles s'élèveront devant eux, et lorsque le
terrible déploiement de la puissance païenne
semblera, par les persécutions, vouloir faire
disparaître l'Église de la surface de la terre.
Et il ajoute :
Tout ce que vous demanderez en priant, si vous
croyez, vous le recevrez. La foi n'est
pas une froide opinion, ni une simple adhésion de
l'intelligence. Une telle foi serait incapable de
transporter des montagnes, et même de déplacer un
seul grain de sable. La vraie foi est la main de la
faiblesse qui saisit la Toute-puissance de Dieu, à
laquelle rien ne peut résister. Elle n'est ni une
confiance dans la fortune qu'on possède, ni un
secours destiné à balayer du chemin les obstacles
qui s'opposent aux agréments de la chair. La foi est
une ferme confiance dans les promesses de Dieu, une
identification de la volonté propre avec la volonté
de Dieu, une humble et joyeuse obéissance à ses
commandements. C'est cette foi qui transporte les
montagnes.
.
104. Les Grecs auprès de Jésus.
(Jean
XII, 20-32.)
Parmi ceux qui étaient montés à Jérusalem pour
adorer, se trouvaient aussi quelques Grecs. Ils
venaient probablement de la Galilée, où beaucoup de
païens étaient dispersés parmi les Juifs, et même
réunis dans des villes qu'ils habitaient
exclusivement. Parmi ces païens, il y en avait
beaucoup à celle époque qui, mécontents de la
désolation et du vide dans lesquels le paganisme les
laissait, recherchaient la lumière et la vérité
divines. Dégoûtés de leurs idoles, ils cherchaient
le Dieu vivant et assistaient souvent aux grandes
fêtes. On les désignait sous la dénomination de
prosélytes de la porte, et ils sont mentionnés dans
les Actes des Apôtres comme des personnes« craignant
Dieu ». Par eux, un précieux pont était jeté pour
favoriser le passage de l'Évangile des Juifs aux
païens.
Quelques Grecs
vinrent vers Philippe, qui était de Bethsaïda en
Galilée, et lui dirent en le priant : Seigneur, nous
voudrions bien voir Jésus. Philippe vint et le dit à
André, et André et Philippe le dirent à Jésus.
C'est une remarquable dispensation que,
immédiatement après que, par le miracle du figuier,
Jésus eut annoncé à ses disciples la réjection du
peuple d'Israël, les avant-coureurs du monde païen
se présentent à lui avec un empressement visible. Le
fait qu'ils donnent à Philippe le titre de Seigneur
montre leur respect pour le disciple de celui qu'on
avait accueilli la veille d'une manière si
solennelle, et qui depuis sa dernière entrée à
Jérusalem, leur apparaissait entouré d'une auréole
particulièrement brillante. D'un autre côté, les
disciples se sentent honorés par la mission qui leur
incombe, d'être les guides des païens auprès de leur
Maître. Les païens demandent à aller à Jésus ; ceci
leur semble être l'aurore du jour de la gloire. Mais
Jésus leur répondit :
L'heure est venue que le Fils de l'homme doit être
glorifié. Ces paroles furent adressées
aux disciples, de manière cependant que les Grecs
pussent aussi les entendre. L'espoir des disciples
n'est pas prématuré. Puissent-ils voir avec
confiance, dans ces Grecs, les premiers deces
troupes qui viendront d'Orient et d'Occident, car le
moment de la glorification de Christ est tout
proche. -Cependant, si ce moment doit arriver
bientôt, ce sera tout autrement que les disciples
l'attendaient. La glorification de Christ consistera
dans le dépouillement de sa forme de serviteur et
dans la réintégration dans la gloire du Père. Et le
résultat de cette glorification, c'est qu'il porte
beaucoup de fruits (v.
24), et qu'il attire tous les hommes à lui (V.
32).
En vérité, en
vérité, je vous le dis : Si le grain de froment ne
meurt après qu'on l'a jeté dans la terre, il demeure
seul ; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruits.
Par cette double déclaration, le Seigneur veut
renverser tous les doutes et toutes les objections
que l'intelligence naturelle pourrait inventer pour
nier que la mort soit nécessairement le chemin de la
gloire. La mort du Seigneur, même considérée comme
substituée à celle de l'homme pécheur, est la
condition essentielle de sa glorification, le
fondement nécessaire sur lequel doit reposer le
royaume de Dieu sur la terre. Comme le grain de
froment demeuré seul ne porte pas de fruit et ne
saurait se multiplier s'il ne meurt, de même le Fils
de l'homme demeurerait seul, il ne pourrait donner
naissance à aucun chrétien, à aucun enfant de Dieu,
s'il ne subissait pour nous la mort qui nous
réconcilie avec le Père. - Après qu'il aura mis son
âme en oblation pour le péché, il se verra de la
postérité (Ésaïe
LIII, 10). Sans sa mort, il garderait pour lui
seul sa félicité et sa gloire ; il ne pourrait les
communiquer, comme des fleuves d'eau vive, à ceux
qui seraient séparés de lui par une distance
impossible à franchir.
De même que la mort du grain de froment
n'est pas un obstacle à ce qu'il fructifie, mais en
est une condition, ainsi la mort du Fils de l'homme
n'est pas un obstacle à sa glorification ; c'est au
contraire à cette mort qu'elle est due. Elle n'est
pas une destruction ni un anéantissement de son
règne ; elle est au contraire l'indispensable moyen
de le fonder. Car de ce Christ unique, qui livre sa
vie à la mort, sortira, lorsqu'il sera ressuscité,
une multitude d'enfants de Dieu que personne ne
pourra compter. Non pas des hommes qui porteront
extérieurement la livrée du disciple de Christ, non
pas des hommes qui font des efforts pour imiter son
exemple, ou qui forcent leur nature à revêtir aux
yeux des hommes une vertu et une honnêteté
hypocrites ; mais des enfants de Dieu par la foi en
lui, de nouvelles créatures, nées de son Esprit,
remplies de ses pensées, membres de son corps dont
il est la tête. Seulement, si sa voie passe par la
mort pour conduire à la gloire, celle des siens ne
pourra pas être indifférente.
Celui qui aime
sa vie la perdra, mais celui qui hait sa vie en ce
monde, la conservera pour la vie éternelle.
Quiconque conserve son grain de blé, et refuse de le
mettre dans la terre pour le préserver de la mort,
le perdra ; car avec le temps, ce grain périra.
Celui, au contraire, qui ne craint pas de le livrer
à la mort en le déposant dans la terre, non
seulement le conservera, mais il le multipliera
abondamment. Quiconque voudra préserver sa vie de la
mort journalière qu'elle doit subir, la perdra,
puisque la mort est le salaire du péché. Celui, au
contraire, qui la livre chaque jour à la mort en
Christ, la retrouvera dans la résurrection du
Seigneur, purifiée et glorifiée. Quiconque s'obstine
à conserver sa vie de péché, se sépare de Christ,
qui seul peut donner la vie.
Si quelqu'un me
sert, qu'il me suive, et où je serai, celui qui me
sert y sera aussi, et si quelqu'un me sert, mon Père
l'honorera. Ces paroles rendirent aux
Grecs le même service que celles-ci : « Le Fils de
l'homme n'a pas où reposer sa tête, »rendirent au
docteur de la loi. Celui qui veut servir le Sauveur,
doit le suivre. Or sa voie passe par la croix et la
mort. Mais à tous ceux qui portent leur croix en
suivant le Seigneur, il donne la bienheureuse
assurance que là où il sera, ils y seront aussi.
D'abord, cette croix ne doit pas être tellement
lourde, lorsque Jésus nous accompagne de sa présence
; puis, il veut partager la gloire du ciel avec ses
serviteurs. - Que celui que le monde méprise et
dédaigne pour le nom de Jésus, livre volontiers à la
mort l'honneur que le monde lui refuse, et qu'il
lève la tête, car quelque chose d'infiniment plus
grand et plus glorieux lui est réservé.
Mon Père l'honorera. Eh quoi ! le Dieu
saint veut honorer l'homme pécheur ! Qui donc eût
jamais imaginé rien de pareil ! Qui voudrait le
croire si Jésus, le véritable, ne l'avait affirmé ?
Le Père ne veut pas seulement user de ménagements et
d'indulgence envers ceux qui servent Christ ; il
veut encore les couronner de gloire et d'honneur, et
cela parce que Jésus ne veut pas se séparer des
siens. Il faut qu'ils participent à sa gloire, comme
ils sont participé à sa honte.
Maintenant mon
âme est troublée, et que dirai-je ? Mon Père,
délivre-moi de celle heure ! Mais c'est pour celle
heure même que je suis venu. En disant :
Que dirai-je ? Jésus n'entend pas exprimer une
espèce d'indécision dans laquelle il se trouverait.
Il veut dire seulement que la chose a deux faces,
qui doivent être sérieusement pesées et considérées.
Les péchés du monde remplissent son âme d'un
inexprimable tourment. Et au sein de cette douleur,
il n'a d'autre appui que sa confiance, comme un
simple croyant, en ce Père qui l'a conduit dans
cette vallée de mort. - C'est maintenant qu'on
commence à comprendre cette expression : « Il s'est
dépouillé lui-même. »Mais, ajoute-t-il aussitôt,
c'est pour cette heure même que je suis venu,
c'est-à-dire pour goûter la mort à la place des
pécheurs et les sauver du ver qui ne meurt point, et
du feu qui ne s'éteint point.
Mon Père, glorifie ton nom !
Il immole complètement sa volonté dans une
obéissance parfaite à la volonté du Père. Il est
prêt à subir tous les tourments de l'enfer, pourvu
que le Père soit glorifié par le salut des pécheurs.
Et le Père accepte ce sacrifice de son Fils.
Alors il vint une voix du ciel qui dit :
Et je l'ai glorifié et je
le glorifierai encore. Ici, coeur
chrétien, adore en silence, c'est un entretien
public entre le Père et le Fils, de manière à être
entendu par des hommes pécheurs ! Trois fois pendant
la vie terrestre de Jésus, le ciel s'est ouvert, et
le Père a rendu témoignage à son Fils. La première
fois lors de son baptême, alors qu'il fut consacré
comme Souverain Sacrificateur pour accomplir toute
justice, ensuite sur la montagne de la
transfiguration, alors qu'il s'entretint avec Moïse
et Élie de l'issue qu'il devait avoir à Jérusalem ;
enfin, la troisième fois, ici. La première fois, la
voix du Père fut entendue par Jean-Baptiste seul ;
la seconde fois, elle ne fut perçue que par les
trois disciples les plus intimes ; la troisième
fois, elle retentit aux oreilles de tout le peuple.
Dieu a glorifié son nom par l'incarnation et par
toute la carrière terrestre de son Fils unique, par
les paroles de vie qu'il a annoncées, par les
oeuvres qu'il a faites, et, sacrifier comme l'Agneau
de Dieu pour effacer les péchés du monde, c'est
maintenant que commence le jugement. Les souffrances
et la mort de Christ opèrent une crise de séparation
parmi les hommes. Ceux qui acceptent par la foi le
Crucifié, seront attirés à lui par sa mort ; ceux
qui le repoussent par incrédulité scelleront
eux-mêmes leur propre condamnation. Par la
destruction de Jérusalem, le sang de Jésus est venu
sur ceux qui l'ont crucifié et sur leurs enfants.
Son amour voudrait les attirer tous à lui, et son
âme ne serait ni fatiguée ni lassée de les attirer,
jusqu'à ce qu'il ait amené à lui tous ceux que le
Père lui a donnés comme récompense de ses
souffrances et de sa mort.- Venez à moi ! Tel est le
cri qui retentit constamment du haut de la croix
dans tout coeur coupable, afin qu'il s'affranchisse
de tout péché, de toute plainte, et se plonge dans
la communion des souffrances de Christ, dans la
puissance de sa résurrection et dans la douceur de
sa paix.
Encore une fois, le Seigneur les exhorte
à profiter du peu de temps pendant lequel la lumière
est avec eux, pour croire à la lumière, et devenir
ses enfants. Bientôt le Sauveur se retirera de la
scène publique, pour entrer dans une communion plus
intime avec ses disciples. Il n'a plus que deux
jours à consacrer au peuple. |