LA VIE DE
JÉSUS
CHAPITRE II
L'activité publique de
Jésus.
B. L'activité de
Jésus en Galilée.
38. La fille de Jaïrus et la femme malade
d'une perte de sang.
(Matth.
IX, 18-26 ;Marc
V, 22-43 ;Luc
VIII, 41-58.)
À l'occasion de la guérison du paralytique de
Béthesda, Jésus avait dit aux Juifs, que le Père lui
montrerait des oeuvres plus grandes que celles-ci,
en sorte qu'ils en seront remplis d'admiration (Jean
V, 20). En parlant ainsi, le Sauveur avait en
vue les résurrections qu'il devait opérer. En sa
qualité de Prince de la vie, il veut pénétrer, de sa
main puissante, dans le sombre règne de la mort,
afin d'arracher ses compatriotes au sommeil de la
vie ordinaire, et de les faire sortir de leurs
vagues rêveries, qui leur faisaient considérer la
mort comme une loi de la nature. Il veut les rendre
attentifs à l'action du Dieu vivant et à ses
intentions bienveillantes envers son peuple.
Jaïrus était le chef de la synagogue de
Capernaüm, dans laquelle Jésus annonçait depuis une
année les paroles de la vie éternelle. Il était
depuis longtemps personnellement connu de Jésus. Car
c'était sans doute à sa complaisance, que le
Seigneur devait de pouvoir enseigner dans cette
synagogue, sans appartenir au corps chargé de
l'enseignement officiel. Cependant, cette politesse
de Jaïrus envers Jésus était loin d'être de la foi.
Au contraire, il semble qu'il eût le sentiment
d'avoir des droits à la reconnaissance du Seigneur.
C'est pourquoi il regarde en quelque sorte comme
étant au-dessous de sa dignité de s'adresser à Lui
pour la maladie de sa fille. C'est seulement lorsque
le besoin devient extrêmement pressant, lorsque tous
les autres moyens sont reconnus inutiles, qu'il fait
appel à la puissance du Sauveur. D'après saint
Matthieu, Jaïrus aurait dit :Ma
fille vient de mourir, mais viens lui imposer les
mains, et elle vivra. Marc et Luc, au
contraire, racontent que le père, au paroxysme de
l'angoisse, aurait seulement dit que sa fille était
à toute extrémité.
Cette contradiction n'est qu'apparente.
Le père avait quitté son enfant au moment où elle
était mourante, et était convaincu qu'elle était
morte dans l'intervalle. Il apprit en effet sa mort
pendant qu'il rentrait chez lui avec Jésus.Et
Jésus, s'étant levé, le suivit avec ses disciples.
Matthieu, qui venait d'être appelé, devait aussi
être avec eux. Cependant, le Seigneur ne tarda pas à
être arrêté, ce qui dut causer une vive peine à
Jaïrus. Mais Jésus a envers lui des pensées de paix.
Il veut préparer son coeur à recevoir la grâce qu'il
lui réserve. L'âme de Jaïrus était sans doute toute
pleine de cette question : Le Seigneur pourrait-il
me secourir ? Pour que ces pensées inquiètes
devinssent en lui la certitude de la foi, il fallait
qu'il vit le secours puissant que le Sauveur allait
accorder à une femme malade. Il en est donc ici
comme partout : l'attente à laquelle Jésus nous
soumet, hâte l'acceptation de la vérité.
Et une femme qui
avait une perte de sang depuis douze ans, qui avait
beaucoup souffert entre les mains de plusieurs
médecins, et qui avait dépensé tout son bien, sans
en recevoir aucun soulagement, ayant ou ! i parler
de Jésus, vint dans la foule, par derrière, et
toucha son habit. Car elle disait : Si je touche
seulement ses habits, je serai guérie. Et au même
instant la perte de sang s'arrêta, et elle sentit
dans son corps qu'elle était guérie de son mal.
C'est seulement lorsqu'elle eut épuisé tous les
autres moyens, qu'elle vint à Jésus. C'estlà notre
manière d'agir habituelle. Nous cherchons la vérité,
la paix, et le plein contentement d'esprit. Et c'est
après avoir été déçus partout, que nous nous
tournons vers Jésus. Cependant nous pouvions savoir
dès le commencement de nos recherches, qu'il n'y a
de salut en aucun autre, et qu'aucun autre nom n'a
été donné aux hommes par lequel ils puissent être
sauvés, que le nom de Jésus (Act.
IV, 12). C'est insensé ! Cependant, il faut
encore être heureux, lorsqu'une âme se décide, même
tardivement, à aller à Celui qui ne met point dehors
celui qui vient à Lui.
On a reproché à cette femme d'avoir été
poussée à toucher le vêtement de Jésus, par une
pensée superstitieuse, comme si la vertu salutaire
eût résidé dans ce vêtement.
Mais Jésus lui dit :
Rassure-toi, ma fille, ta foi t'a guérie.
Qui donc oserait trouver de la superstition, là où
Jésus ne voit que de la foi ? Ses mains, il est
vrai, touchèrent le vêtement du Sauveur, mais son
ardent désir atteignait sa personne, et se mettait
en contact avec lui. Et aussitôt il sortit de lui
une vertu par laquelle cette femme fut guérie.
Alors Jésus dit : Qui est-ce
qui m'a touché ? Et comme tous le niaient, Pierre,
et ceux qui étaient avec lui, lui dirent : Maître,
tu vois que la foule t'environne et te presse, et tu
dis : Qui est-ce qui m'a touché ? Mais Jésus dit :
Quelqu'un m'a touché, car j'ai senti une vertu qui
sortait de moi. Des centaines de
personnes l'avaient touché et pressé, mais sans
avoir la foi ; aussi n'avaient-elles rien reçu.
L'attouchement de la femme avait été seul efficace,
parce qu'il était une manifestation de sa foi. Une
vertu était sortie de lui, non comme lorsqu'on
touche une batterie électrique, ni comme une
étincelle qui affecte une main mise en contact avec
la machine ; mais par la volonté expresse du
Seigneur. Aussi sa question ne lui est-elle pas
suggérée par l'ignorance de ce qui est arrivé ; mais
il veut amener cette femme tremblante et timorée, à
confesser publiquement le bienfait qu'elle a reçu.
Lorsqu'elle eut avoué devant tout le peuple le motif
qui l'avait portée à toucher le vêtement de Jésus,
et proclamé la guérison qui s'en était suivie, le
Seigneur la laissa aller en paix.
Comme il parlait
encore, quelqu'un vint de chez le chef de la
synagogue, qui lui dit : Ta fille est morte ; ne
fatigue pas davantagele
Maître. Le perfide ennemi avait
probablement ajouté tout bas : Tu le vois, tout est
fini, il est trop tard, laisse aller Jésus.
Cependant le Seigneur le soutient et l'encourage par
cette parole : Ne crains
rien, crois seulement. Jésus venait
d'attribuer la guérison de la femme à sa foi, en
présence de Jaïrus, afin de lui faire sentir la
puissance de cette exhortation :
crois seulement !
Par cette parole, Jésus a réveillé la foi dans le
coeur de ce père découragé. Dès lors, l'oeil de
Jaïrus ne regarde plus en arrière pour se fixer sur
son enfant morte, mais en avant pour s'arrêter sur
le Prince de la vie : il croit.
Lorsqu'il fut arrivé à la
maison, Jésus ne laissa entrer personne que Pierre,
Jacques et Jean et le père et mère de la fille.
Pourquoi ces trois seulement ? - Ceux qui devaient
être plus tard témoins de ses souffrances en
Gethsémané, devaient d'abord être témoins de sa
puissance divine. Il sera beaucoup redemandé à qui
il a été beaucoup donné. Les heures de Gethsémané ne
seront pas épargnées à ceux qui auront été témoins
des miracles du Sauveur. Et
tous pleuraient et se lamentaient à cause d'elle.
Mais il leur dit : Ne pleurez pas, elle n'est pas
morte, mais elle dort et ils se moquaient de lui,
sachant bien qu'elle était morte.
La vie humaine serait vraiment sans
consolation, si nous n'avions un Sauveur qui entre
avec nous dans la maison de deuil. Nous devrions
envier le sort du plus stupide animal, qui vit dans
une ignorance pleine de sécurité, jusqu'à ce que la
mort l'atteigne inopinément. Le Seigneur impose
silence aux larmes, parce qu'il est la résurrection
et la vie, et qu'il tient dans ses mains
toutes-puissantes les clefs de la mort et de
l'enfer. C'est pourquoi, il a aussi la puissance, de
changer la mort en un sommeil doux et réparateur.
Ceci excite le rire de plusieurs. Riront-ils aussi,
lorsqu'un jour tous sortiront de leur tombeau et se
réveilleront en s'écriant :
Montagnes, tombez sur nous !
Ils verront alors ce que leur rire leur aura coûté.
Mais, les ayant tous fait sortir, il prit la jeune
fille par la main, et lui dit : Talitha kumi !
c'est-à-dire : Petite fille, lève-toi ; je te le dis.
Ne croirait-on pas entendre la mère qui réveille ses
enfants le matin ! La mort trouve son Maître.
Alléluia ! Pour qui croit en Jésus, la mort n'est
plus qu'un paisible sommeil.
Quelle immense joie entre maintenant dans
cette maison dedeuil ! Ce sont des larmes de joie
que versent ce père et cette mère lorsqu'ils peuvent
de nouveau presser leur chère enfant dans leurs bras
!Et son âme revint ; elle
se leva à l'instant, et il commanda qu'on lui donnât
à manger. Ce puissant Seigneur, qui vient
d'arracher à la mort sa proie, a aussi à coeur la
satisfaction des moindres besoins du corps. Comme il
est précieux pour nous, de pouvoir exposer nos
petites détresses à notre bien-aimé Sauveur, avec la
certitude qu'il a compté même les cheveux de notre
tête ! Combien de pères et de mères auraient voulu
avoir le Sauveur au lit de mort de leur enfant, ou
auprès du cercueil où reposait son corps inanimé !
Combien ont envié le privilège de Jaïrus, d'avoir pu
appeler le médecin qui peut aider, même dans cette
extrémité ! Et cependant l'heure de la séparation
n'était que retardée. La mort devait briser encore
une fois les liens de cette douce et précieuse vie
de famille. C'est pourquoi, félicitons plutôt nos
chers enfants, lorsque le bon Berger vient de bonne
heure les recueillir dans ses bras.
En attendant, faisons en sorte que Jésus
puisse réunir de nouveau ceux qui restent et ceux
qui s'en vont. Et ses
parents furent dans un grand étonnement.
Ils étaient en même temps pleins de joie et de
crainte. Nous pouvons à peine nous faite une idée de
la puissante émotion qui devait agiter leur coeur
lorsque, par la résurrection de leur enfant, ils
eurent devant les yeux une manifestation de la
présence immédiate du Dieu vivant.
.
39. Jésus et le Sabbat.
(Marc
II, 27, 28 ;Luc
XIV, 1-6 ;Matth.
XII, 8-14.)
Pendant l'activité publique de Jésus, nous
remarquons que les pharisiens étaient choqués de la
manière dont il considérait le sabbat. Ils croyaient
le sanctifier, par la seule abstention de toute
espèce de travail, et voyaient dans les guérisons
que Jésus opérait ce jour-là, une violation de la
loi. Il est très important, pour apprécier cette
institution de l'Éternel, de remarquer qu'elle a été
établie non au Sinaï, mais déjà dans le Paradis. Le
sabbat était alors le couronnement solennel de l'oeuvre
de la création, qui n'était pasencore complètement
terminée par la création de l'homme, mais qui
cependant était parfaite, en ce sens que, d'une
part, Dieu pouvait se reposer et se récréer avec
amour et bienveillance dans l'homme, comme image
personnelle et consciente du Fils de Dieu, et que,
d'autre part, l'homme, créé pour Dieu, pouvait
s'abandonner en paix à cet amour de son Père
céleste. Ce repos mutuel de Dieu en l'homme et de
l'homme en Dieu, est le caractère universellement
humain du sabbat que le Sauveur avait en vue,
lorsqu'il disait : Le
sabbat est fait pour l'homme(Marc
II, 27).
Le repos en Dieu, tel est le commencement
et la fin. L'humanité a commencé par le repos en
Dieu, et son travail se terminera dans l'éternité
par le repos en Dieu. C'est pourquoi le repos
sabbatique doit être essentiellement religieux. Dieu
a créé le sabbat pour l'homme et il l'a
bénipour lui, afin que l'homme y trouvât la paix
et le repos de son coeur. Il l'a séparé de tout
usage profane, de l'occupation de tous les jours,
afin que l'homme, fatigué du travail terrestre, pût
aller toujours de nouveau se reposer en Dieu, afin
qu'il sortit des préoccupations occasionnées par les
affaires de cette vie passagère, et se retrempât
toujours de nouveau dans le monde de l'éternité ;
afin qu'il échappât aux distractions inséparables
des soins à donner aux arbres du jardin, pour se
recueillir et s'édifier par le sentiment immédiat et
la claire conscience de l'amour de son Dieu.
Bien que, dans le Paradis, l'homme jouit,
dans un certain sens, d'un sabbat permanent, puisque
sa communion d'amour avec Dieu n'avait pas encore
été rompue par le péché, cependant, cette communion
en était encore aux premiers débuts de son
développement. Cette vie naturelle du corps et de
l'âme devait être progressivement élevée, même en
l'absence du péché, par l'Esprit de Dieu dont elle
devait être pénétrée (1
Cor. XV, 45-47), comme s'est accompli le
développement de l'enfant Jésus, qui bien qu'exempt
de péché, croissait non seulement en stature, mais
aussi en sagesse et en grâce devant Dieu et devant
les hommes. Ce développement nécessitait pour
l'homme un sabbat qui revint périodiquement. Sans
doute le travail terrestre imposé à l'homme n'était
pas celui d'un esclave écrasé sous le poids de sa
chaîne.
C'était plutôt le travail d'un roi,
puisque, accompli conformément à la volonté de Dieu,
il devenait le moyen par lequel l'homme
s'assujettissait la terre, et il se transformait en
un culte rendu à Dieu. Cependant, l'âme créée à
l'image de Dieu avait soif d'une union plus
personnelle avec le Dieu vivant. Or, c'est à
entretenir cette union et à la rendre plus profonde,
que devait servir le sabbat béni et sanctifié par
Dieu. Dans le Paradis, la volonté de Dieu ne se
manifestait pas encore par une loi, mais par
l'inspiration. Toutefois, cette bénédiction et cette
sanctification avaient le même but que la parole
gravée plus tard sur la pierre :« Souviens-toi du
jour du repos pour le sanctifier. » Mais ce qui
était impossible à la loi parce qu'elle était faible
dans la chair (Rom.
VIII, 3), Dieu le faisait dans le Paradis, sans
ordre extérieur, par le don vivant de lui-même, en
entretenant continuellement dans l'âme de l'homme un
impérieux besoin de le louer pour cette bienheureuse
alliance qu'il avait traitée avec lui.
La bénédiction et là sanctification du
sabbat conservèrent leur vertu, aux yeux de Dieu,
même après la chute, car Dieu est fidèle et éternel.
Mais l'homme oublia le bien que Dieu lui avait fait
dans le Paradis, et le sentiment de sa faute le
retint loin de la face de son Père céleste. C'est
alors qu'intervint avec force le commandement : «
Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier.
»C'était toujours, dans l'intention de Dieu, une
bienheureuse alliance, et une source de grâces, car
Dieu n'a rien changé au but du sabbat, même après la
chute. Mais comme la réciprocité de vie qui avait eu
lieu dans le Paradis n'existait plus entre Dieu et
l'homme, l'observation du sabbat fut rappelée au
coeur de l'homme par un commandement. Mais le but
que Dieu se propose par le commandement est le même
que celui qu'il avait en vue dans le Paradis, savoir
: la réciprocité de vie et d'amour entre Dieu et
l'homme, l'assurance de la bienveillance divine
accordée à l'homme repentant et croyant, et la paix
de son coeur qui se repose en Dieu.
Déjà ce rapprochement entre le
commandement relatif au sabbat et l'institution
fondée dans le Paradis, aurait dû suffire pour
préserver le commandement de la fausse
interprétation que lui donnèrent le peuple et ses
chefs. En effet, en l'expliquant comme si Dieu avait
déclaré que la seule abstention du travail ordinaire
constituait la vraie sanctification du sabbat, ils
le traduisaient ainsi : « Tu t'abstiendras de tout
travail ce jour-là, et c'est ainsi que tu le
sanctifieras. » On pourrait presque croire que les
pharisiens avaient du sabbat la même idée que,
d'après Élie, les prêtres de Baal avaient de leurs
dieux. En effet, le prophète leur disait en se
moquant : « Criez à haute voix, car il est dieu,
mais il pense à quelque chose, ou il est après
quelque affaire, ou il est en voyage, ou il dort et
il s'éveillera (1
Rois XVIII, 27). » On aurait pu croire, d'après
les pharisiens, que Dieu avait institué le sabbat
uniquement pour qu'il ne fût pas dérangé dans son
sommeil ce jour-là. Comme par l'institution
sabbatique, de même par le commandement, la
communion d'amour entre Dieu et l'homme devait
recevoir sa formule, avec cette seule différence
que, à cause du péché, la réciprocité d'amour qui
existait dans le Paradis est remplacée par le désir
d'y revenir, excité dans l'homme par le
commandement. Tout le culte prescrit par la loi
avait pour but de manifester l'amour avec lequel
Dieu voulait faire grâce à son peuple, et en même
temps d'éveiller dans le peuple la faim et la soif
de cette grâce. C'est ce qui apparaît surtout dans
les sacrifices sanglants. Comme les pharisiens et la
grande masse du peuple ne pouvaient comprendre cette
signification du 4me commandement, ils s'imaginaient
accomplir la volonté de Dieu par une complète
oisiveté et par des sacrifices vides de sens. Le
repos sabbatique n'était pas pour eux la condition
de la célébration spirituelle de ce jour : le repos
en Dieu ; mais il constituait l'essence même du
sabbat.
Lorsque le Seigneur dit qu'il est venu,
non pour abolir la loi, mais pour l'accomplir, il a
aussi en vue le sabbat comme institution inviolable.
Il n'a jamais dit, il n'a même jamais insinué qu'il
voulût faire du sabbat un jour ouvrable. Mais il
était tout aussi loin d'en vouloir faire consister
la sanctification, telle que Dieu la demande, dans
une stricte abstention de toute espèce de travail.
Ce qui importait avant tout au Sauveur, c'était
d'engager les coeurs à entrer dans une communion
intime avec Dieu. Lorsque les pharisiens voient le
Sauveur faire des oeuvres de miséricorde le jour du
sabbat, ils lui reprochent de le profaner, et ils
fondent, sanshésiter sur cette prétendue violation
de la loi, l'accusation qu'ils lancent contre lui :
« Cet homme n'est pas de Dieu, puisqu'il n'observe
pas le sabbat. »
Un jour, le Sauveur était invité à la
table d'un des principaux pharisiens, et un homme
hydropique se présenta devant lui. Les convives
épiaient Jésus pour voir s'il oserait le guérir en
leur présence le jour du sabbat. À sa question :
Est-il permis de guérir le jour du sabbat ? ils ne
donnaient pas de réponse. Alors, prenant le malade,
il le guérit et le renvoya. Puis il leur dit : Qui
est celui d'entre vous qui, voyant son boeuf ou son
âne tomber dons un puits. ne l'en retire aussitôt le
jour du sabbat ? Et ils ne purent rien répondre à
cela. Chacun d'eux accomplissait de
pareils actes le jour du sabbat, et le Seigneur ne
les en blâme point. Mais il pense que s'il est
permis de retirer, le jour du sabbat, un boeuf ou un
âne de l'eau où ils sont en danger de périr, il ne
devait pas être défendu à la charité de sauver un
homme en danger de mort. Dans le fond de leur coeur,
les pharisiens estimaient certainement leur boeuf on
leur âne plus que ce pauvre homme, mais ils n'osent
cependant pas exprimer une aussi ignoble pensée.
Bien que Jésus se fût toujours opposé
directement à la manière de voir des pharisiens
relativement au sabbat, et les eût confondus en leur
prouvant que ce jour n'est point profané par
l'accomplissement d'un acte nécessaire, ou d'une
bonne oeuvre, il n'a cependant jamais contredit ni
même mis en doute la valeur permanente du sabbat. Au
contraire, il la suppose, et c'est en l'admettant
qu'il pénètre cette institution du souffle de la
Nouvelle Alliance. Si, au contraire, on comprend le
sabbat à la manière des pharisiens, si l'on admet
qu'on l'observe en le passant dans une complète
oisiveté, on est porté à croire que Jésus s'oppose,
par son action et par sa parole, à la durée
perpétuelle de cette institution. D'après la pensée
et la volonté de Jésus, la cessation extérieure de
tout travail le jour du sabbat, n'est pas le but que
Dieu s'est proposé en l'établissant. Elle est une
condition nécessaire de la sanctification de ce
jour.
Au surplus, l'activité de la charité à
laquelle l'Église de Dieu se livre le jour du
Seigneur, ne doit pas être regardée comme
uneexception à la règle ; elle doit être la règle
même. Mais l'action de Dieu en nous, ne s'accomplit
pas seulement dans son temple, lorsqu'il nourrit nos
âmes par la Parole et les sacrements. Elle
s'accomplit aussi, lorsqu'il combat notre égoïsme
par son Esprit et fait fructifier en nous les
oeuvres de la charité. Sous ce rapport, nous sommes
pleinement d'accord avec Besser lorsqu'il dit : «
L'homme qui fut lapidé pour avoir recueilli du bois
le jour du sabbat (Nomb.
XV, 32), aurait-il été condamné à ce supplice
s'il eût recueilli ce bois pour faire du feu à un
malade ? Non, assurément. » Si ce côté de la
sanctification du jour du Seigneur n'est pas assez
pris en considération, cela tient à ce que ce jour
est pour les uns un jour d'ennui, et pour les autres
un jour de récréation mondaine. Si les enfants de
Dieu, après avoir été fortifiés intérieurement par
la Parole de vie, dans le temple, montraient la
vertu de cette manne céleste par les oeuvres d'une
charité pleine de dévouement et d'abnégation, ce
serait, pour un grand nombre de ceux qui sont encore
étrangers à l'alliance de la promesse, une
prédication vivante de l'amour de Dieu. Alors,
malgré ces oeuvres de charité, le jour du Seigneur
serait encore le jour du repos et jetterait une
lumière éclatante pour la gloire de Dieu.
On a voulu conclure des parolesMarc
II, 27, que le sabbat avait été institué
seulement en vue du repos corporel, et de ce qu'on
appelle la« dignité humaine ». Il n'y a absolument
rien de pareil dans cette déclaration.
Le sabbat a été fait pour
l'homme et non l'homme pour le sabbat. Le
sabbat est bien fait pour l'homme si nous y voyons
avant tout l'intention de Dieu de favoriser, par
cette institution, la communion d'amour de l'homme
avec Lui. Si le jour du Seigneur, tel qu'il est
célébré dans le Nouveau Testament, place l'âme dans
cette douce communion, au moyen des bénédictions et
des grâces qu'il lui confère, tout cela est fait
pour l'homme.
Ainsi le Fils de
l'homme est maître même du sabbat(v.
28). Ceux qui nient que la loi de l'Ancien
Testament est obligatoire pour les enfants de la
Nouvelle Alliance, comprennent cette parole comme si
Christ avait dit qu'en sa qualité de maître du
sabbat, il avait le droit de le supprimer. Mais
lorsque les pharisiens lui reprochent de violer le
sabbat, il leur répond que, comme maître du
sabbat,il doit en comprendre la signification et en
connaître le but. Le Fils de l'homme est maître du
sabbat parce que, comme Fils éternel de Dieu, c'est
lui qui a promulgué la loi du Sinaï, et que
quiconque se donne à lui, observe par cela même le
commandement relatif au sabbat. Il est notre paix et
notre vrai repos sabbatique. Si Jésus, en fondant
son règne de paix sous l'économie du Nouveau
Testament avait supprimé le jour de fête qui revient
chaque semaine, il aurait lui-même détruit sa
domination sur le sabbat.
Au surplus, la parole :« Ainsi le Fils de
l'homme est maître même du sabbat », ne doit
pas s'entendre exclusivement du sabbat, comme le motmême
le donne à comprendre. Il a l'autorité légale et
légitime sur le domaine de la loi tout entière. Il
faut que toute langue confesse que Jésus-Christ est
le Seigneur à la gloire de Dieu le Père (Philip.
II, 11). Mais si, par l'incarnation de Dieu et
par la mort et la résurrection de l'Homme-Dieu, tout
l'ordre moral du monde lui a été soumis comme à son
monarque légitime, cette dignité ne saurait porter
atteinte à son autorité divine, ni annuler les
obligations des hommes envers lui. La délivrance du
péché, de la mort et du diable, s'accorde
parfaitement avec son éternelle et divine autorité.
Cette oeuvre a été accomplie, afin que nous lui
appartenions en propre, que nous vivions sous son
empire, que nous le servions dans son règne, dans
une justice, une sainteté et une félicité
éternelles.
On a pensé que la volonté de Dieu,
exprimée dans le 4me commandement, n'était pas
seulement la sanctification d'un jour par semaine,
mais la sanctification de toute la vie. Cela n'est
pas exact. Dieu veut en tout cas que tous les jours
de notre vie soient sanctifiés, seulement cet ordre
est exprimé non dans le 4me commandement, mais dans
le premier. En fait, la sanctification de la vie est
commandée par la loi tout entière, mais le premier
commandement embrasse toute la vie intérieure et
extérieure de l'homme. Tous les autres ne sont
qu'une explication ou une application du premier aux
différents rapports de l'homme avec Dieu et le
prochain. Lorsque la perfection sera venue, la
séparation d'un jour par semaine, comme tout ce qui
est imparfait, cessera. Mais aussi longtemps que
nous marchons vers l'éternité, nous nous
trouvonsdans le devenir. Nous ne sommes un
peuple d'enfants de Dieu et de saints qu'autant que
nous le devenons. Dieu laisse subsister le
4me commandement dans toute sa force, parce que le
dimanche, avec ses attributs sanctifiants, doit être
comme un levain qui pénètre toute la semaine. |