LA VIE DE
JÉSUS
CHAPITRE II
L'activité publique de
Jésus.
B. L'activité de
Jésus en Galilée.
24. Emprisonnement de Jean-Baptiste.
Jean-Baptiste a été arrêté et enfermé dans la
forteresse de Macherus (château fort, habité par
Hérode Antipas) ! telle fut la nouvelle qui
parcourut le pays comme un message de terreur. -
Pour quel motif ? -Sans aucune crainte des hommes,
Jean-Baptiste avait hardiment dit au roi Hérode :
Il ne t'est pas permis d'avoir
la femme de ton frère (Matth.
XIV, 3. 4).
Le roi écoutait d'ailleurs volontiers le
prédicateur du désert et suivait ses avis en
beaucoup de choses. Mais il ne voulait pas être
repris au sujet de l'adultère dans lequel il vivait,
et il avait fait mettre sous les verrous le censeur
importun.
C'est que Jean-Baptiste ne faisait aucune
acception de personnes. Il ne considérait pas les
hommes au point de vue de leur rang ou de leur
position dans le monde ; mais uniquement au point de
vue de leur situation vis-à-vis du Dieu saint et de
leurs pêchés. C'est pourquoi il avait repris Hérode
comme il aurait repris le dernier du peuple, et
supportait avec une courageuse confiance les
souffrances que cette conduite lui attirait.
Comme cette nouvelle dut effrayer ceux
qui adoraient Dieu en silence dans Sion ! Plusieurs
se dirent sans doute :« Maintenant tout est perdu !
» Cependant Jean-Baptiste n'était que
l'avant-coureur du sauveur. Les choses se passent
toujours ainsi dans l'histoire du règne de Dieu. Il
n'y a jamais qu'un homme qui soit pour ainsi dire le
fondé de pouvoirs du Dieu vivant auprès du peuple.
Ainsi, lorsque Moïse eut accompli sa tâche, Josué
prit sa place ; lorsqu'Élie eut fourni sa carrière,
Élisée continua son oeuvre. On aurait pu croire que
pour le Sauveur les choses auraient dû se passer
autrement. Comme Fils de Dieu, n'aurait-il pas dû
commencer son oeuvre, aussitôt après avoir été
consacré par son baptême dans le Jourdain ? Mais son
humilité ne lui permettait pas de se mettre en
avant. Il remplissait sa mission, non passous
Jean-Baptiste, mais à côté de lui. Il ne
devait en prendre la direction unique que lorsque
son heure serait venue. Or, cette heure vint avec la
nouvelle de l'emprisonnement de Jean-Baptiste. Alors
Jésus transporta son activité en Galilée, du moins
pour le moment.
Le peuple de cette contrée n'était pas en
grande estime à Jérusalem. et dans la Judée. À cause
des rapports fréquents et du mélange des Galiléens
avec les païens, on appelait leur province« la
Galilée des Gentils (païens) ». Même dans le
Sanhédrin on avait accueilli le préjugé qu'aucun
prophète n'était venu de la Galilée, bien que ce
préjugé fût contredit par l'histoire. Jonas et Nahum
étaient Galiléens.
Ce mépris et ce préjugé provenaient de ce
que le peuple de la Galilée s'était toujours montré
libre et indépendant de la puissante influence du
Sanhédrin de Jérusalem. Les Galiléens étaient des
hommes plus simples, au coeur plus ouvert, et
beaucoup moins soumis aux traditions humaines que la
population de Jérusalem et de la Judée.
On peut déjà reconnaître cela à la
manière différente dont Jésus parlait aux uns et aux
autres. Lorsqu'il parle aux Galiléens, il s'exprime
d'une façon plus simple et plus populaire. Il
emprunte ses images aux lis des champs, au semeur,
au filet jeté dans la mer. Tandis qu'à Jérusalem, il
peut entrer toujours plus profondément dans le
mystère de sa personne divine et humaine. On
pourrait presque dire qu'il parlait là le langage
théologique. D'un autre côté, le caractère galiléen
avait aussi ses ombres. Le manque de sérieux et une
capricieuse mobilité (Matth.
XI), mettront Jésus dans le cas, malgré le bon
accueil qu'ils lui avaient fait d'abord, de crier«
malheur »précisément sur les villes où il avait fait
le plus de miracles.
Jésus choisit Capernaüm pour son domicile
fixe (Matth.
IV, 13). C'est pour cela qu'on la nommait sa
ville. C'est là qu'il acquittait l'impôt du temple ;
c'est là qu'il revenait toujours après ses tournées
de prédication dans toute la contrée. De Capernaüm,
il se rendit d'abord à Nazareth, son lieu natal, où
il avait passé sa jeunesse.
.
25. Jésus à Nazareth.
(Luc
IV, 16-30.)
Jusqu'à présent, le Sauveur a trouvé partout des
coeurs ouverts. Le bruit de ses miracles s'était
répandu dans toute la contrée. Il était honoré de
chacun (Luc
IV, 15). Toutefois il ne fallut pas beaucoup de
temps pour que sa personne et son Évangile
devinssent l'objet d'une haine mortelle.
La douceur et les consolations de la
Parole de Dieu plaisent à tous, mais on repousse
aigrement ses censures. Ainsi
Jésus vint à Nazareth où il
avait été élevé, et il entra, selon sa coutume, le
jour du sabbat, dans la synagogue et se leva pour
lire.
Que de fois il avait été assis là, pour
écouter la Parole de Dieu ! Aujourd'hui, il n'est
pas venu pour écouter, mais pour prêcher. Lorsqu'il
se fut levé pour montrer qu'il voulait lire et
expliquer le passage de l'Écriture désigné pour ce
jour, on lui présenta le livre du prophète Ésaïe, et
l'ayant ouvert, il trouva l'endroit où il est écrit
:L'Esprit du Seigneur est
sur moi, c'est pourquoi il m'a oint ; il m'a envoyé
pour annoncer l'Évangile aux pauvres, pour renvoyer
libres ceux qui sont dans l'oppression ; pour
publier l'année favorable du Seigneur (Ésaïe
LXI, 1. 2). Ce texte était bien celui qui
convenait à Jésus pour sa première prédication dans
sa ville natale. Comme son coeur dut être ému en
voyant assis devant lui ses amis, ses voisins, ses
compatriotes qu'il avait fréquentés journellement,
avec lesquels il avait échangé tant de paroles et de
poignées de main ! Et les yeux de tous étaient
arrêtés sur lui, dans l'attente de ce qu'il allait
dire.
Que de paroles de consolation et
d'exhortation ne leur avait-il pas adressées
autrefois ! que de prières n'avait-il pas fait
monter vers son Père en leur faveur ! Maintenant il
est assis devant eux comme Sauveur. Son coeur plein
d'amour brûle de leur donner ce qu'il a lui-même, sa
paix, la joie du royaume de Dieu.
Cette parole de
l'Écriture est accomplie aujourd'hui, et vous
l'entendez. Comme son âme eût débordé
d'allégresse si ses auditeurs étaient venus à lui
pauvres, afin qu'il les enrichit ; aveugles,afin
qu'il leur rendit la vue ; oppressés, afin qu'il les
affranchit et les délivrât ! Oh ! comme il les
aurait comblés de la paix, de la joie, de la
félicité divines qu'il tenait en réserve pour eux !
Mais que faut-il entendre par l'année
favorable du Seigneur ? Déjà le sabbat d'Israël
était une promesse que l'histoire de ce peuple
devait, comme la semaine, se terminer en Dieu et
dans son Paradis. Au sabbat hebdomadaire, Dieu
ajouta l'année sabbatique. Tous les sept ans, la
terre ne devait pas être cultivée, mais jouir d'une
espèce de repos d'Eden. Lorsque sept semaines
d'années s'étaient écoulées, venait la cinquantième
année, qui était l'année du grand« jubilé » et des
restitutions, dans laquelle ceux qui s'étaient
appauvris, rentraient en possession de leurs biens ;
les dettes étaient remises aux débiteurs ; ceux qui
avaient été réduits à l'esclavage recouvraient leur
liberté. L'année du jubilé, l'année du Seigneur,
signifiait qu'Israël devait être le peuple du
Seigneur. Elle devait rappeler la future délivrance
de tout péché et de tout mal, la restauration tant
désirée de la félicité du Paradis, accordée par le
fidèle Jéhovah, le Dieu de l'alliance, le médecin et
le sauveur d'Israël.
L'année favorable du Seigneur était donc
le temps où Dieu répandrait sur son peuple la
plénitude de sa grâce et de sa miséricorde, et par
son moyen, sur tous les peuples de la terre. C'est
l'année que l'apôtre nomme « les temps de
rafraîchissement de la part du Seigneur »(Act.
III, 20). Ainsi, lorsque Jésus de Nazareth
déclare que la prophétie d'Ésaïe est accomplie en sa
personne, il témoigne par là qu'il est venu non
seulement pour affranchir du péché, mais encore pour
délivrer de toutes les conséquences du péché : des
souffrances, des maladies, des misères de toute
espèce, et que dans son règne, les différences entre
le riche et le pauvre, entre le noble et l'homme de
bas état, ne seront pas supprimées, mais que la
haine et les rivalités des diverses classes,
provoquées d'une part par l'envie et la jalousie, et
d'autre part par l'orgueil et la dureté. seront
vaincues par un esprit de généreux amour.
Quel résultat ont eu
les paroles pleines de grâce
qui sortaient de la bouche de Jésus ?
L'étonnement. De cette manière leSauveur n'aurait eu
aucun succès, et ses auditeurs, aucun avantage. Il
n'est pas venu pour exciter l'étonnement, mais pour
chercher et sauver ce qui était perdu. Peu à peu, au
contraire, l'envie et la haine s'éveillèrent dans le
coeur de ses auditeurs. Dans sa jeunesse, ils
avaient aimé l'aimable et doux charpentier. Mais
comme on considère toujours dans le monde ceux qui
prennent au sérieux la foi au Dieu vivant, comme des
gens manquant d'intelligence et de capacités, de
même on avait regardé Jésus comme un bon, mais
insignifiant jeune homme, qui ne ferait pas son
chemin d'une manière bien brillante. Sans doute, ils
s'étaient grandement étonnés de le voir jouir d'une
telle réputation hors de leur pays. Mais maintenant
il est au milieu d'eux et leur annonce la Parole de
Dieu. Ils sentent que sa parole pleine de grâce fait
impression sur leur coeur et leur conscience, c'est
un moment décisif. La porte du royaume des cieux
s'ouvre devant eux. -Mais ils ne veulent pas y
entrer. N'est-ce pas le fils de Joseph, disent-ils ?
Peut-il nous apporter ce que le prophète nous a
promis ? Et s'il est réellement ce qu'il prétend
être, pourquoi ne s'est-il pas hâté d'accomplir
parmi nous les oeuvres qui, ailleurs, lui ont acquis
tant de gloire ?
Mais avant qu'ils aient exprimé ces
pensées, Celui qui sonde les coeurs les devance.
Vous me direz sans doute ce
proverbe : Médecin guéris-toi toi-même ; fais dans
ta patrie tout ce que nous avons ouï dire que tu as
fait à Capernaüm. - Je vous dis en vérité que nul
prophète n'est reçu dans son pays. Ah !
certainement, que l'on admire un jeune compatriote
qui s'entend à faire fortune, ou qui se distingue
par sa force et son intelligence, cela se comprend,
mais qu'on le reconnaisse comme un prophète,
c'est-à-dire comme un homme auquel Dieu s'est révélé
une manière toute particulière, cela est
inadmissible.
Les prophètes Élie et Élisée ont aussi
expérimenté l'amère vérité de ce proverbe. Eux aussi
furent méprisés du peuple corrompu au milieu duquel
ils vivaient. C'est pourquoi les puissances divines
dont ces prophètes étaient dépositaires, ne se
déployèrent pas en faveur des veuves et des lépreux
qui étaient alors en Israël ; mais en faveur d'une
veuve païenne de Sarepta, et d'un officier païen :
Naaman le Syrien. Les Israélites de ce temps-là
auraient aussi pu dire aux prophètes : Faites aussi
les mêmes choses dans votre pays. Mais ces hommes de
Dieu ne le pouvaient pas à cause de l'incrédulité
qui régnait parmi le peuple. C'est pourquoi Jésus ne
s'étonne nullement d'être ainsi traité dans sa ville
natale.
Ces exemples tirés de l'histoire
d'Israël, montrent aux Nazaréens que la défaveur
avec laquelle un prophète est reçu dans sa patrie,
est préjudiciable, non pas au prophète, mais à ses
compatriotes. La confusion dont le Sauveur les
couvre, en les comparant aux païens, leur va au
coeur. « Il tient avec les païens ! il nous préfère
les païens ! » Cette pensée excite leur colère. Et
comme leur religion consiste principalement dans la
conviction d'être le peuple préféré de Dieu, les
paroles de Jésus, qui plaçait les païens au-dessus
d'eux, étaient à leurs yeux un blasphème. C'est
pourquoi,
s'étant levés, ils le mirent
hors de leur ville, et le menèrent jusqu'au sommet
de la montagne sur laquelle leur ville était bâtie
pour le précipiter. Mais, l'heure de
mourir n'était pas encore venue pour lui -et humble
comme un enfant, mais en même temps avec une majesté
divine, il s'en alla au travers de cette foule
furieuse, et personne n'osa mettre la main sur lui.
Nazareth a méconnu le temps auquel elle a été
visitée.
Il est venu, chez
les siens, et les siens ne l'ont point reçu !
.
26. Puissance de Jésus sur les esprits malins.
(Marc
I, 21 ;Luc
IV, 31.)
L'incrédulité a osé nier la réalité des
possessions, malgré les témoignages des saintes
Écritures. On prétend que Jésus s'est accommodé aux
illusions des malades, pour les guérir comme on le
fait pour les fous. Cette assertion n'a aucun
fondement, attendu que Jésus n'a pas traité ces
malades comme des possédés seulement en leur
présence, mais aussi lorsqu'il en parlait au peuple
et même à ses disciples. On a dit aussi que Jésus
aurait adopté les idées qui régnaient alors sur ces
maladies, pour ne pas heurter l'opinion reçue. De
telles concessions à des vues qu'il reconnaissait
commefausses, ne s'accordent guère avec sa véracité.
D'ailleurs, le Sauveur n'a jamais craint de s'élever
contre les erreurs et les préjugés populaires.
D'autres, poussant l'incrédulité plus loin,
prétendent que Jésus était tout à fait sincère en
parlant des possessions, qu'il y croyait réellement,
parce que, comme enfant de son siècle, il partageait
cette erreur. Vraiment, on ne sait si l'on doit
s'indigner à l'ouïe d'un pareil blasphème, ou
sourire à la pensée que le Fils unique du Père doive
aller à l'école des savants du dix-neuvième siècle
pour se faire examiner sur ses erreurs. Nous
laissons volontiers un tel Sauveur aux libres
penseurs.
Que les démoniaques se rencontrent
beaucoup plus fréquemment à l'époque de Jésus que
dans les temps postérieurs, cela s'explique par le
caractère particulier de cette époque. C'était un
temps de décomposition, de détresse spirituelle et
corporelle. L'ordre ancien s'écroulait et l'attente
de quelque chose de nouveau remplissait les esprits,
qui avaient reconnu le néant de la foi aux anciens
dieux, et qui, ayant été induits en erreur de tant
de manières, ne savaient plus quelle croyance
adopter. C'est ainsi que la place était préparée à
l'entrée des esprits malins. Il est très facile de
comprendre que le prince des ténèbres, après avoir
échoué dans sa tentative de détruire l'oeuvre de la
Rédemption en gagnant le Rédempteur, fasse
maintenant les plus grands efforts pour réduire,
sous sa puissance, les âmes et les corps des
individus. Mais il ne parvient pas à opérer une
union durable entre lui et la nature humaine. Il ne
peut qu'habiter par ses suppôts dans les hommes, sur
lesquels il exerce un pouvoir temporaire, que le
Fils de Dieu détruira par la puissance de son
commandement. Et il le détruit réellement partout où
il rencontre, au fond de l'âme des possédés, une
aspiration à la délivrance.
Là où un homme, parvenu à la connaissance
de son état de perdition, et cependant alléché par
le péché, résiste à l'impulsion du Saint-Esprit, et,
malgré des lumières suffisantes, s'adonne, le
sachant et le voulant, à son penchant favori, là le
coeur est ouvert à l'entrée de l'esprit malin.
D'abord l'homme se livre volontairement à la
puissance des ténèbres ; ensuite il y est peu à peu
asservi malgré lui. Grâce au violent combat
intérieur contre les progrès de ces ténèbres, combat
qui tiraille l'âme et qui est de nouveau suivi d'une
rechute aveugle dans le tourbillon du plaisir, le
corps lui-même est désorganisé. C'est ainsi que les
esprits impurs, qui cherchent leur repos dans la
chair (Luc
XI, 24), prennent possession du corps des
malheureux. Les possédés étaient donc des hommes
dans l'organisme corporel desquels un esprit malin
avait pris place et demeurait comme un second« moi
», et qui, enchaînant pour un temps l'activité
morale des malades, parlait par leur bouche et
agissait par leurs membres.
Y a-t-il aujourd'hui des possédés ? -
Sans nul doute. Cependant il faut nous garder de
prendre trop facilement la folie, le délire, la
mélancolie, pour une possession. Il est vrai que la
plupart des possédés sont aussi aliénés ; mais tous
les aliénés ne sont pas des possédés. Le Sauveur a
donné à ceux-là seulement qui croient en lui le
pouvoir de chasser les démons. Mais le seul nom de
Jésus n'est pas une garantie contre les possessions.
Cette garantie nous est accordée seulement par ces
paroles :« Résistez dans la foi », et par celles-ci
:« Veillez et priez ».
On sait comment le bienheureux Blumhardt,
cet homme si richement béni, d'abord pasteur à
Moetlingen, puis aux bains de Roll, qui menait une
vie de prière comme peu le font, a délivré des
possédés de la puissance des esprits impurs, et
comment, à la suite de ces délivrances, beaucoup
d'âmes de sa paroisse se sont converties au Sauveur.
Aussitôt après son retour à Capernaüm,
Jésus commença à enseigner dans la synagogue de
cette ville, les jours de sabbat.Et
ils étaient étonnés de sa doctrine, car il parlait
avec autorité. Quelle puissance ne devait
pas avoir la parole de Jésus, discourant des choses
religieuses, à propos desquelles on se contente trop
souvent de probabilités ou d'opinions, lui qui en
parlait avec une assurance, une conviction qui
calmaient immédiatement le coeur de ses auditeurs,
et en même temps avec une fermeté et une force qui
arrachaient les âmes à leur lourde paresse et les
forçaient à prendre une décision. Ce qu'il disait,
ce n'étaient pas seulement des paroles, c'était une
puissance. Voilà pourquoi ses discours ne laissent
personne indifférent. Il faut qu'on les accepte ou
qu'on les repousse.
C'est ce qu'expérimenta un homme possédé
d'un esprit impur, qui se trouvait dans la
synagogue, où il s'était Introduit secrètement.
Effrayé par la puissante lumière que les paroles de
Jésus jetaient dans le royaume des ténèbres, cet
esprit s'écria à haute voix :
Ah ! qu'y a-t-il entre nous et
toi, Jésus de Nazareth ; es-tu venu pour nous perdre
? Je sais qui tu es ; tu es le saint de Dieu.
Satan est prêt - aujourd'hui comme alors - à
confesser le nom de Christ en paroles, pourvu qu'on
le laisse tranquille possesseur de sa proie (Luc
XI, 22), et beaucoup de chrétiens suivent son
exemple. De bouche, ils confessent le nom de Jésus ;
mais par leur conduite, par leur vie de tous les
jours, ils lui disent : « Qu'avons-nous à faire avec
toi, Jésus ? laisse-nous en repos ! »
Mais le Seigneur n'accepte aucun
témoignage du royaume des ténèbres, qu'il est au
contraire venu détruire. Et
Jésus le menaçant, lui dit : Tais-toi et sors de cet
homme ! Il tient le même langage aux
chrétiens mondains : Est-ce
à toi de réciter mes statuts et de prendre mon
alliance dans ta bouche, puisque tu hais la
correction ? (Ps.
L, 16. 17.) Seulement, le Sauveur ne parle
jamais aux hommes aussi impérieusement qu'à cet
esprit impur. Ceux-ci peuvent encore être sauvés par
la foi en se donnant librement à lui. C'est pourquoi
il les engage à penser aux choses qui appartiennent
à leur paix. C'est seulement lorsque toute sa
patience et son généreux amour sont épuisés, et que
le temps de la grâce est écoulé, que les hommes
tombent en la puissance du Roi de l'éternité.
Et le démon, l'ayant jeté au
milieu de l'assemblée, sortit de lui.
Mais en présence de Jésus, il n'osa lui faire aucun
mal.
.
27. Jésus annonce le royaume des cieux.
De retour à Capernaüm, Jésus parcourt les villes
et les bourgades, prêchant et disant :
Amendez-vous, car le royaume
des cieux est proche. Évidemment, Jésus
veut continuer l'oeuvre interrompue par
l'emprisonnement de Jean-Baptiste. C'est ainsi qu'il
agit comme il l'avait fait auparavant, lorsqu'il
avait commandé à ses disciples de baptiser
simplement à la manière du précurseur. C'est aussi
de cette manière que, dans son entretien nocturne
avec Nicodème, il s'en était référé au baptême de
Jean et à la promesse du Saint-Esprit faite par lui,
lorsqu'il avait indiqué à ce docteur la régénération
par l'eau et l'Esprit ; comme la condition de
l'entrée dans le royaume des cieux.
Le changement du coeur est indispensable
pour entrer dans le royaume des cieux. Changez de
coeur et non de vêtements ; changez de coeur et non
de lois ; changez de coeur et non d'organisation
politique ou religieuse. L'homme naturel est
orgueilleux, égoïste, jaloux, mondain, éloigné de
Dieu et des choses célestes ; de plus, rempli de
ténèbres et d'illusions, tellement que nul ne
connaît l'état de son propre coeur, et ne veut voir
le profond abîme qui sépare le pécheur du Dieu
saint. Le royaume des cieux est quelque chose
d'intérieur, un règne spirituel, qui ne s'établit
pas par des moyens extérieurs. C'est pourquoi
l'homme ne peut y entrer en restant tel qu'il est.
Un changement de sentiments est indispensable.
L'esprit de Jésus doit aussi être l'esprit de tous
ses disciples. Sans cet esprit on est et l'on
demeure exclu du royaume des cieux.
Tu cherches le bien-être, les jouissances
matérielles, les honneurs terrestres, pauvre coeur !
Aucune de ces choses ne se trouve dans le royaume
des cieux. En les poursuivant, tu fais complètement
fausse route. Tu n'as pas le véritable esprit. Le
royaume des cieux est le règne de Dieu, dans
lequel les moeurs obéissent à sa Parole et à sa
volonté avec une sainte joie. Trouves-tu ton plaisir
dans les commandements de Dieu ? Sa Parole est-elle
la règle de tes pensées et de ta vie ? Est-elle pour
toi plus précieuse que l'or, plus douce que le miel
? La nourriture de ton âmeconsiste-t-elle à faire la
volonté de Dieu ? S'il n'en est pas ainsi, que
cherches-tu dans le royaume des cieux ? Il n'a rien
à offrir à ton esprit ni à tes goûts terrestres. Il
faut que tu changes de coeur.
Une des lois du royaume des cieux est que
celui qui s'abaisse sera élevé et que celui qui
s'élève sera abaissé. T'abaisses-tu volontiers ? Te
plais-tu dans la petitesse et dans l'humilité ?
Lorsque le monde ne t'estime peu, te dis-tu : Je
veux m'estimer moins encore ? S'il en est ainsi, tu
es déjà dans le royaume des cieux. Oui bien es-tu
orgueilleux ? Aspires-tu aux choses élevées ? Es-tu
vain et ambitieux ? Aimes-tu à occuper les premières
places ? Ce n'est pas là l'esprit du royaume des
cieux. Amende-toi !
Le royaume de Dieu est un règne de
vérité. Jésus, le Roi de ce royaume, a dit :
Je suis né et je suis venu au
monde pour rendre témoignage à la vérité ; quiconque
est pour la vérité écoute ma voix. Eh
bien ! aimes-tu la vérité ? Parles-tu et agis-tu
selon la vérité ? Es-tu sincèrement reconnaissant
envers tous ceux qui te disent la vérité sur
toi-même, même lorsqu'elle te blesse et t'humilie ?
Si tu aimes à rester dans l'obscurité sur l'état
réel de ton coeur, si tu aimes à te faire illusion à
toi-même, à être flatté, tu n'as pas l'esprit du
royaume de Dieu, amende-toi ! sinon tu en seras
toujours éloigné.
Le royaume de Dieu est le règne de
l'amour ; il ne cherche pas son propre avantage,
il pardonne volontiers, ne s'aigrit point, supporte
tout, croit tout, espère tout. Es-tu partisan de la
maxime d'après laquelle chacun est son propre
prochain, ou encore de celle-ci :« Chacun pour soi
et Dieu pour tous » ? Dans ce cas, tu n'as pas
l'esprit du royaume de Dieu. Amende-toi fais habiter
ton Sauveur dans ton coeur par la foi, et tu auras
l'esprit du royaume de Dieu.
Le royaume de Dieu annoncé par
Jésus-Christ, c'est-à-dire la domination de Dieu
établie sur toutes choses, ne sera parfait que
lorsqu'il aura acquis son plein développement à la
fin des temps. Mais ce royaume existe déjà en germe
dans la personne du Sauveur. C'est de ce germe que
doit sortir le royaume qui croîtra et s'étendra
jusqu'aux extrémités de la terre. Il n'y avait dans
cette sainte personne que béatitude ; communion
d'amour avec le Père, humble soumission à Dieu.
Autour de lui, au contraire, il ne voyait que péché,
remords, coeurs brisés, malédiction et corruption.
Ramener à Dieu ces rebelles, guérir ces coeurs
blessés, apaiser la colère de Dieu et changer la
malédiction en bénédiction ; voilà ce qui, dès le
commencement, est clairement apparu au Seigneur
comme le but de son travail, comme la tâche de son
règne, qui n'est que lumière et vie, paix et joie.
Cette tâche, il veut l'accomplir dans ce monde de
péché et de mort, jusqu'à ce qu'enfin toutes les
ténèbres soient vaincues et que la mort elle-même
soit anéantie. Ce dernier but de son oeuvre, le
Sauveur l'a toujours eu clairement devant les yeux ;
mais ce qui ne lui était pas moins clair, c'est que
le chemin qui conduit à ce but serait un long
développement à travers des travaux et des combats.
La considération de ce but final du règne
de Dieu, où le péché, la maladie, la détresse, la
mort seront vaincus, jette une vive lumière sur les
miracles opérés par Jésus lui-même et par ses
disciples. Ils sont les signes avant-coureurs des
temps futurs, d'un glorieux avenir, et annoncent la
lutte de deux ordres de choses dans le monde : le
règne de la lumière et de la vie, combat contre le
règne des ténèbres et de la mort. Partout où les
puissances du siècle à venir sont actives dans une
âme se montre aussi l'action de ces puissances, en
ce qu'elles attaquent énergiquement les lois du
royaume du péché et de la mort.
Dans cette prédication du règne de Dieu,
nous remarquons avec admiration la divine sagesse
que le Sauveur déploya dès le commencement. Si nous
comparons les discours qu'il prononça dans les
premiers temps de son enseignement public, avec ceux
des derniers temps, nous trouvons partout la même
perfection, la même plénitude, la même simplicité,
la même profondeur. Nulle part il n'y a trace
d'embarras ou d'obscurité, comme on le rencontre
chez les commençants. Nulle part le moindre signe
d'un développement progressif dans la doctrine. Dès
le début de son enseignement public, il montre que
ses pensées sont l'expression des choses divines,
qu'il sait être son bien. De là vient que ses
paroles, au commencement comme à la fin de son
activité publique, sont si claires et si lumineuses,
si mystérieuses et si profondes, si précises et si
expressives. Elles sont en même temps si simples,
qu'un enfant peut les comprendre, et si pleines de
sagesse, que l'esprit le plus éclairé ne saurait les
sonder, et que l'éternité ne suffira pas pour en
épuiser le contenu. |