LA VIE DE
JÉSUS
CHAPITRE II
L'activité publique de
Jésus.
A. Jusqu'à la
deuxième fête de Pâques.
23. Deuxième séjour de Jésus à Jérusalem.
(Jean
V, 1-47.)
Après cela, comme les Juifs avaient une fête,
Jésus monta à Jérusalem. La fête mentionnée ici
n'est à la vérité pas clairement désignée, mais
c'était très vraisemblablement la fête de la Pâque.
Lorsque Jésus prononça la parabole du figuier (Luc
XIII, 6-9), il exerçait son ministère public
depuis deux ans et demi au moins. C'est ce qu'on
peut conclure de cette parole :
Voici, il y a déjà trois ans
que je viens chercher du fruit à ce figuier.Un
sursis d'une année lui fut accordé, ce qui porterait
à trois ans et demi le temps de l'activité publique
de Jésus. Nous trouvons les mêmes indications dans
l'Évangile selon saint Jean. Outre, notre passage (V,
1), il fait mention de trois fêtes de Pâque : la
première,II,
13 ; la deuxième,
VI, 4 ; et enfin la dernière,
XII, où il fait son entrée solennelle à
Jérusalem.
a) La guérison du paralytique au
réservoir de Béthesda.
(Jean
V, 1-17.)
Sous les portiques du réservoir de Béthesda, dont
les eaux jaillissaient par intervalles, et avaient
alors une vertu curative, le Sauveur rencontra un
impotent, qui était couché là depuis trente-huit
ans. Les malades attendaient le mouvement de l'eau,
et dès qu'elle jaillissait, ils se faisaient porter
dans le réservoir, car c'était le moment où la vertu
de l'eau était le plus énergique. Tholuck prétend
qu'elle était de la même nature que celle de nos
sources minérales. Il y à, par exemple à Kissingen,
dit-il, une source gazeuse qui, après avoir fait
entendre un certain bruissement, commence à jaillir
chaque jour, à peu près à la même heure ; et qui, au
moment où les gaz s'accumulent, agit avec une
énergie particulière.
L'incrédulité s'est beaucoup scandalisée
de la mention de l'ange (v.
4). Ce n'est pas l'ange, dit-on, ce sont les
forces de la nature qui donnent à l'eau sa vertu
curative. En parlant d'un ange, Jean ne nie pas les
forces de la nature ; il veut seulement dire que ses
forces se déploient dans l'eau, par suite d'une
action divine. Si nous avions les yeux de Jean, nous
verrions l'intervention d'un ange dans la source de
Kissingen aussi bien que Jean la vit dans le
réservoir de Béthesda. L'Écriture ne connaît, dans
la nature, à côté du Dieu vivant, aucune loi
immuable à la puissance de laquelle nous serions
livrés. Elle attribue à l'action de Dieu tous les
phénomènes qui se produisent dans la nature. C'est
Dieu qui nourrit les oiseaux de l'air et qui revêt
les lis des champs ; il tonne, et sa voix est sur
les grandes eaux ; il étend les cieux comme une
tente ; il fait des nuées son chariot et se promène
sur les ailes du vent ; il fait couler les fontaines
par les vallées ; il arrose les montagnes de ses
chambres hautes et fait croître le foinpour le
bétail ; il fait des vents ses anges et du feu
brûlant ses serviteurs (Ps.
CIV).
En un mot, les anges sont des esprits
destinés à servir, et qui ont pour mission
d'accomplir la volonté de Dieu. Leur ministère
s'étend partout où cette volonté agit.
Jésus demande au malade :Veux-tu
être guéri ? Que de fois n'a-t-il pas
fait la même question au peuple entier ? À la fin de
sa vie il s'écrie avec larmes :
Vous n'avez pas voulu !
Il semblerait. que la question faite à
cet impotent soit superflue. Quel malade ne
souhaiterait pas d'être guéri ? Mais il fallait un
motif tout particulier pour que cet homme fût resté
si longtemps malade à côté du salutaire Béthesda. Le
malade lui répondit :
Seigneur, je n'ai personne pour me jeter dans le
réservoir après que l'eau a été troublée, car
pendant que j'y vais, un autre y descend avant moi.
Et en parlant ainsi, il dut jeter sur le Sauveur un
regard qui semblait dire : Pourrais-tu peut-être me
rendre ce charitable service ? Il ne se doute pas
qu'il a devant lui le Maître de Béthesda, sur lequel
les anges de Dieu montent et descendent, et qui est
lui-même la source de la force et de la santé.
Jésus lui dit.
Lève-toi, emporte ton lit et marche. Et incontinent,
cet homme fut guéri ; et il prit son lit et se mit à
marcher. Or, ce jour-là était un jour de sabbat.
La parole de Jésus fut le Béthesda du malade. Il la
reçut avec foi et fût guéri.
Cette guérison n'était pas pressée. Elle
aurait aussi bien pu être opérée le lendemain. Mais
le Sauveur semble avoir guéri cet homme, avec
intention, le jour du sabbat, afin de s'opposer aux
vues des pharisiens, d'après lesquels la
sanctification du sabbat consistait dans un repos
absolu. Alors les Juifs dirent à celui qui avait été
guéri : C'est aujourd'hui
le sabbat, il ne l'est pas permis d'emporter ton
lit. Mais lui s'en réfère à celui qui l'a
guéri : il pense que le Sauveur ne pouvait, en aucun
cas, lui commander une action impie.
Les Juifs lui demandent qui lui a donné
ce commandement. Celui qui avait été guéri ne
connaissait pas le Sauveur, qui s'était échappé au
travers de la foule. Car Jésus ne voulait pas se
faire connaître à lui publiquement, en présence du
peuple ; mais dans l'intimité. Il le retrouva
bientôt après dans le temple et lui dit :Voilà,
tu as été guéri ; ne pèche plus désormais, de peur
qu'il ne t'arrive quelque chose de pire.
Le Sauveur confirme cet homme dans la pensée que sa
conscience lui avait déjà suggérée : c'est que sa
maladie était le châtiment de ses péchés. Il est
vrai que la mesure de la souffrance n'est pas
nécessairement la mesure du péché. Néanmoins,
partout où la douleur existe, elle provient du péché
; car un être exempt de péché n'aurait pas à
souffrir ». Si, après la guérison, la puissance du
péché n'est pas brisée dans nos coeurs, nous serons
frappés de plus grandes afflictions, souvent déjà
dans cette vie, et certainement dans l'autre.
Sans défiance, et n'ayant aucune idée de
la profonde méchanceté des pharisiens, celui qui
avait été guéri, publia partout que c'était Jésus
qui l'avait guéri. Il pensait que tous ceux qui
l'entendraient, se réjouiraient et seraient
reconnaissants comme lui. Mais il se trompait.
C'est pourquoi les Juifs
poursuivaient Jésus et cherchaient à le faire
mourir, parce qu'il avait fait cela le jour du
sabbat.
La purification du temple, à la première
fête de Pâque, avait déjà excité la haine, et le
Sauveur s'y était soustrait en quittant Jérusalem.
Maintenant, on veut exercer contre lui la sévérité
qu'on déployait alors contre les moindres violations
du sabbat ; autrement son exemple aurait trop
facilement trouvé des imitateurs. Cependant, nous ne
devons pas penser que le sanhédrin eût déjà pris
alors la décision de mettre Jésus à mort. Cette
décision interviendra plus tard. Toutefois, on avait
déjà formé sous main et secrètement la résolution de
se débarrasser de lui.
b) L'action du Père et du Fils.
(Jean
V, 17-47.)
Pour répondre à la question : Est-il permis de
guérir le jour du sabbat, le Sauveur ne se place pas
ici, comme enLuc
XIII, 15-16, au point de vue humain ; il fonde
son droit de guérir le jour du sabbat sur sa
relation exceptionnelle avec le Père.
Mon père agit jusqu'à présent
et j'agis aussi. Malgré le repos du
premier sabbat, après la création du monde, Dieu
continue toujours à agir, en bénissant, en
conservant ce qu'il a créé. D'après les vues des
Juifs, Dieu aurait lui-même violé le sabbat par son
action. Ils n'auraient cependant pas osé exprimer
une telle énormité. Et
j'agis aussi.
Par cette parole, Jésus déclare que son
action est égale à celle du Père, comme il avait
donné à entendre qu'il est le Fils de Dieu, en
disant : « Mon père » et non « Notre Père ». C'est
ce que comprennent fort bien les Juifs ; aussi
cherchent-ils encore plus à le faire mourir, parce
qu'il disait que Dieu était son propre Père, se
faisant ainsi égal à Dieu.
Les Juifs l'avaient très bien compris,
mieux que ne le comprend l'incrédulité actuelle. Il
appelle Dieu son Père, dans un sens qui implique son
affranchissement de la loi, du sabbat, et en même
temps son droit de participer à la Divinité. -
En vérité, en vérité, je vous
dis. Par cette solennelle formule de
serment, qui parait trois fois dans ce discours, le
Sauveur affirme toujours des vérités d'une
importance capitale.
Le Fils ne peut
rien faire de lui-même, à moins qu'il ne le voie
faire au Père, car tout ce que le Père fait le Fils
le fait pareillement.
Le Sauveur ne se fait pas égal à Dieu,
comme les Juifs le lui reprochent ; mais il est le
Fils unique du Père, de même essence que lui. Par
conséquent, il est impossible que son action soit
contraire à la volonté, du Père, c'est-à-dire un
péché, une violation du sabbat. Quant aux créatures,
il est possible qu'elles agissent d'elles-mêmes,
indépendamment de Dieu et contrairement à sa
volonté. C'est ainsi que, lorsque le malin esprit
ment, il parle de son propre fonds (Jean
VIII, 44) ; tandis qu'il est dit du Saint-Esprit
: Il ne parlera pas de
lui-même, mais il dira tout ce qu'il aura entendu(Jean
XVI, 13). De même le Fils, à cause de son union
essentielle avec le Père, ne peut rien faire de
lui-même. Mais aussi la volonté et l'action du Père
se manifestent par la volonté et l'action du Fils.
Cette gloire du Fils unique brillera d'un
plus vif éclat, lorsqu'il aura manifesté des oeuvres
du Père plus grandes encore que celles-là, lorsqu'il
auravivifié ceux qui entendront et recevront
sa Parole ; lorsqu'il jugeraceux qui n'auront
pas voulu écouter sa voix, ni croire en son nom. Il
recevra les uns au séjour du bonheur et plongera les
autres dans la terreur et le désespoir.
Car comme le Père ressuscite
les morts et leur donne la vie, de même le Fils
donne la vie à ceux qu'il veut. C'est
auprès de Dieu qu'est la source de la vie qui
triomphe de la mort ; toutefois le Père ne vivifie
pas les morts sans le Fils, mais dans la communion
de volonté avec lui. Non seulementle Sauveur dit au
jeune homme de Naïm : « Je te le dis, lève-toi » ; à
la jeune fille : « Thalitha Kumi » ; à Lazare :«
sors dehors », les arrachant ainsi à la puissance de
la mort corporelle ; mais encore il appelle un
Zachée, une Madeleine, un larron, afin qu'ils
sortent de la mort du péché, et soient remplis de la
vie de Dieu.
Le Fils donne la vie à qui il veut, car
il a la puissance de le faire. Seulement, sa volonté
n'est pas de l'arbitraire. Il veut affranchir du
jugement et vivifier quiconque croit en lui et se
donne à lui avec amour. Donner la vie, n'est pas
autre chose qu'affranchir du jugement.
Le Père a donné au Fils tout pouvoir de
juger, non seulement au dernier jugement, alors que
nous comparaîtrons tous devant le tribunal de Christ
(2
Cor. V, 10) ; mais maintenant déjà, le jugement
caché dans les coeurs et qui dure tout le temps de
notre vie. La bénédiction et la malédiction
dépendent, pour chaque individu, comme pour les
peuples de la terre, de la question de savoir s'ils
embrassent le Fils (Ps.
II, 12), ou si, par incrédulité, ils cherchent à
s'affranchir de sa domination, en disant :Nous
ne voulons pas que celui-ci règne sur nous.
Comme ils étaient insensés, ces Juifs,
qui prétendaient honorer le Père tout en persécutant
le Fils jusqu'à la mort ! Car le Père a donné au
Fils tout pouvoir de juger.
afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le
Père ; celui qui n'honore pas le Fils n'honore pas
le Père qui l'a envoyé ;
Dieu ne donne pas sa gloire à
un autre, ni sa louange aux images taillées(Esaïe
XLII, 8), mais au Fils qui tient la vie et la
mort dans sa main, qui est de même essence que le
Père et à qui appartient aussi de droit le même
honneur qu'au Père. Le Père est honoré par l'honneur
rendu au Fils, de même le Père est méprisé par le
mépris déversé sur le Fils. D'ailleurs, il faut que
tous rendent honneur au Fils.
En vérité, en vérité, je vous le dis.
Après cette nouvelle introduction, nous devons
attendre une communication de la plus haute
importance.
Celui qui écoute
ma Parole et qui croit à Celui qui m'a envoyé, a la
vie éternelle, et il ne sera point sujet à la
condamnation, mais il est passé de la mort à la vie.
Telle est la bénédiction que nos coeurs
recueillent de la communauté d'action du Père et du
Fils ; c'est que par la foi, à sa Parole, nous avons
la vie éternelle. La vie qui, en réalité, a son
siège dans l'éternité, pénètre aussi dans cette vie
terrestre, tellement que celui qui croit au Fils, a
déjà dès maintenant la vie éternelle.
Car le Fils est lui-même, le
vrai Dieu et la vie éternelle(1
Jean V, 20). Nous goûtons, dans notre vie
corporelle, les puissances du siècle à venir.
Quiconque veut hériter la vie éternelle
doit déjà,« ici bas », être délivré de la mort
éternelle.- En vérité, je
vous dis que le temps vient et qu'il est déjà venu,
que les morts entendront la voix du Fils de Dieu et
que ceux qui l'auront entendue vivront. Car, comme
le Père a la vie en lui-même, il a aussi donné au
Fils d'avoir la vie en lui-même, et il lui a donné
l'autorité d'exercer le jugement, parce qu'il est le
Fils de l'homme.
Le Fils de Dieu a subi lui-même la
condamnation prononcée sur nos péchés ; celui qui
croit en Lui ne sera pas condamné.
Les Juifs se scandalisaient de l'humble
apparence du Fils de l'homme ; c'est pourquoi Jésus
leur déclare que Dieu l'a établi juge, non pas
quoiqu'il soit le Fils de l'homme, mais parce
qu'il est le Fils de l'homme. Son incarnation
est le fondement de son pouvoir de donner la vie et
de juger.Ne soyez pas
surpris de cela, car le temps vient que ceux qui
sont dans les sépulcres entendront sa voix ; et ceux
qui auront fait de bonnes oeuvres ressusciteront
pour la vie ; mais ceux qui en auront fait de
mauvaises ressusciteront pour la condamnation.
Pendant cette vie, qui est le temps de
grâce, le pécheur peut bien fermer son coeur au
tendre amour du Sauveur ; il peut refuser d'aller à
lui ; mais le temps vient auquel tous, sans
distinction, croyants et non-croyants, entendront sa
voix et seront forcés de comparaître devant lui. La
racine des bonnes oeuvres est dans la foi, comme la
racine des mauvaises oeuvres est dans l'incrédulité
; car là où est la foi vivante, il faut qu'elle se
manifeste par des oeuvres.
Jusqu'ici, le Sauveur a exposé que son
action, soit qu'il donne la vie, soit qu'il juge,
est une avec celle du Père, puisqu'il est lui-même
un avec le Père. C'est donc vainement que les Juifs
l'accusaient d'avoir fait une action contraire à la
volonté de Dieu. Il part de là pour leur reprocher
l'incrédulité avec laquelle ils ont rejeté le triple
témoignage que le Père lui a rendu, et il repousse
d'avance le reproche que lui feront les Juifs (VIII,
13). Tu te rends
témoignage à toi-même, ton témoignage n'est pas
véritable. Lorsque Jésus répond alors : Quoique je
me rende témoignage à moi-même, mon témoignage est
véritable, ces paroles semblent être en
contradiction avec celles-ci :
Si je me rends témoignage à
moi-même, mon témoignage n'est pas digne de foi.
Mais cette contradiction n'est qu'apparente.
Ici le Sauveur parle du témoignage dans
le sens juridique, où un témoignage n'est valable
que lorsqu'il est rendu par quelqu'un qui n'a point
de part à la cause. C'est pourquoi il renvoie ici
les Juifs au témoignage que le Père lui a rendu par
Jean-Baptiste, par les oeuvres qu'il a accomplies
lui-même, et par l'Écriture.
Vous avez envoyé vers Jean, et
il a rendu témoignage à la vérité ; pour moi, je ne
cherche pas le témoignage des hommes, mais je dis
ceci afin que vous soyez sauvés. Jean était une
chandelle allumée, et vous avez voulu pour un peu de
temps vous réjouir à sa lumière.
En réalité, le témoignage de Jean ne
venait pas d'un homme, mais du Saint-Esprit qui
parlait par lui. Ce n'était pas le messager humain,
c'était l'envoyé divin qui donnait à ce témoignage
sa signification. Les Juifs voulurent se réjouir à
la lumière du Baptiste. Ils étaient flattés qu'après
un si long intervalle, un prophète se fût enfin
élevé parmi eux. Mais ils ne voulaient pas se
laisser éclairer par cette lumière, au point de se
repentir et de se préparer véritablement à la venue
du Sauveur.
Jésus a un témoignage plus grand que
celui de Jean-Baptiste c'est celui que le Père lui
rend par les oeuvres qu'il lui à donné le pouvoir
d'accomplir.J'ai un
témoignage plus grand que celui de Jean ; car les
oeuvres que mon Père m'a donné le pouvoir
d'accomplir, ces oeuvres-là que je fais, rendront
témoignage de moi, que mon Père m'a envoyé.
Ce n'était pas exclusivement, mais cependant
principalement à ses miracles, que le Sauveur en
appelait ici. Et, en tout cas, il avait en vue la
guérison au réservoir de Béthesda. Il s'en réfère
d'ailleurs plus d'une fois à ses miracles. Par
exempleX,
25.32
;XIV,
11-15.24.
Mais les Juifs ne voulaient pas reconnaître l'action
du Père dans les oeuvres du Fils. - Et sa Parole ne
demeure pas en vous. Vous n'avez jamais entendu sa
voix, ni vu sa face. Les Juifs reconnaissaient qu'on
pouvait entendre la voix de Dieu et voir sa face au
moyen de la Parole écrite ; mais cette Parole
n'habitait pas dans leurs coeurs. S'ils avaient
trouvé dans la Parole écrite la lumière de leur vie,
leur consolation et leur force, ils auraient aussi
trouvé dans la Parole faite chair, la voix et la
force de Dieu. Sondez les
Écritures, car c'est par elles que vous croyez avoir
la vie éternelle et ce sont elles qui rendent
témoignage de moi. Jésus confirme d'une
manière absolue l'opinion des Juifs, d'après
laquelle la Parole de Dieu est le trésor de la vie
éternelle. Mais s'ils croyaient trouver la vie
éternelle dans les Écritures, tandis qu'ils
repoussaient celui qui est seul la source de la vie
éternelle, ils se trompaient eux-mêmes. C'est
pourquoi le Seigneur leur dit : « Cherchez dans les
Écritures la vie éternelle, car jusqu'à présent vous
ne l'y avez pas encore trouvée. » Celui-là seul
trouve la vie éternelle dans les Écritures, qui y
cherche Jésus.
L'Écriture ne renferme pas seulement
quelques préceptes pour nous guider dans notre
conduite ; mais elle contient les pensées d'amour de
Dieu, qu'il a exprimées par des paroles et qu'il a
manifestées par un fait, afin de sauver l'humanité
pécheresse.
Dans leurs premières pages, les Écritures
parlent de la création du ciel et de la terre ; dans
les dernières, elles parlent de nouveaux cieux et
d'une nouvelle terre. Dans l'intervalle compris,
entre ce commencement et cette fin, se développe le
règne de Dieu. L'Écriture contient les faits divins
de la Rédemption, tels qu'ils sont prédits et
préparés dans l'Ancien Testament, et tels qu'ils
sont accomplis dans le Nouveau-Testament, par
l'incarnation du Fils de Dieu, dans l'histoire de
ses souffrances, de sa mort et de sa résurrection.
L'Écriture n'est pas une
lettre morte ; mais, ayant été donnée par Dieu, elle
est remplie de son Esprit, et elle communique une
force divine quiest
utile pour enseigner, pour convaincre, pour
corriger, pour instruire dans la justice(2
Tim. III, 16).
Malgré cela, cette parole de l'apôtre
reste vraie : « Nous voyons présentement
confusément, comme dans un miroir ; mais alors nous
verrons face à face. » La connaissance de la vérité
ne nous est pas infiltrée du dehors ; il faut que
nous cherchions, que nous sondions les Écritures,
afin de nous en approprier le contenu. Et plus nous
chercherons soigneusement et sérieusement, plus nous
en retirerons de profit. La Parole écrite est le
témoignage permanent de Celui que Jean (I,
1) appelle la Parole vivante. Mais c'est
seulement dans la prédication publique, en présence
de l'Église, qu'elle manifeste pleinement toute son
énergie et déploie toute sa puissance. La foi vient
de la prédication, mais à la condition que cette
prédication soit elle-même puisée dans la Parole
écrite. Voilà pourquoi, l'Église de la Réformation a
reconnu et étudié l'Écriture comme la seule source
et la règle de la vérité divine, et a fait de la
prédication de cette Parole le principal élément du
service divin.
La Parole est la puissance de l'Église.
Jésus a rendu témoignage de lui-même par des signes,
et des miracles ; mais c'est dans l'Écriture. qu'il
a mis tout son coeur, toute sa force divine.
Celui qui possède la Parole, le possède
lui-même. L'Écriture rend témoignage de lui. Il est
la substance, la lumière, le commencement, le milieu
et la fin de l'Écriture sainte. Mais ce témoignage
ne servait de rien aux Juifs, parce qu'ils ne
voulaient pas aller à Jésus.
Vous ne voulez point venir à
moi pour avoir la vie.
Ils auraient bien voulu avoir la vie,
mais ils ne voulaient pas la recevoir de Jésus, de
l'Agneau de Dieu, qui ne la donne qu'à ceux qui
entrent dans la communion de ses souffrances et de
sa mort. La cause la plus profonde de l'incrédulité
est toujours la mauvaise volonté.« Vous ne voulez
pas. » Et le principal aiguillon dans les
souffrances des réprouvés sera qu'ils ne pourront
pas contredire cette accusation : « Vous n'avez pas
voulu ! » Le Seigneur élève cette plainte
douloureuse, non pas qu'il cherchât la gloire qui
vient des hommes ; mais parce qu'il est attristé au
sujet du salut de leurs âmes.
Comment
pourriez-vous croire, vu que vous aimez à recevoir
de la gloire les uns des autres, et que vous ne
recherchez point la gloire qui vient de Dieu seul ?
Beaucoup disent en soupirant : « Je voudrais croire,
mais je ne peux pas. » Sans doute, tous les germes
de la foi sont étouffés dans le coeur, lorsque
l'oeil ne regarde pas simplement à Dieu, lorsque le
coeur n'est pas uniquement préoccupé de jouir de
l'approbation de Dieu, sans s'inquiéter des louanges
ou des blâmes d'une multitude incrédule. Lorsque le
coeur se demande continuellement avec angoisse :«
Qu'est-ce que les gens penseront de moi ? » lorsque
toute la vie est dominée par la crainte de perdrela
considération des hommes, et de se trouver en
opposition avec ce qu'on appelle « l'opinion
publique », on se trouve dans l'impossibilité de
croire.
Si un homme n'estime pas la grâce de Dieu
infiniment plus que toutes les faveurs des hommes,
il ne peut espérer que Dieu lui accorde cette grâce.
Ne pensez pas
que ce soit moi qui vous accuse devant mon Père ;
Moïse, en qui vous espérez, est celui qui vous
accusera. C'est en ceci que les Juifs
faisaient consister leur gloire : être d'ardents
zélateurs, de la loi. Aussi, dans leur orgueilleuse
conviction d'être les disciples de Moïse, ils ne se
souciaient nullement des accusations du Sauveur. Au
reste, ces accusations n'étaient en réalité que les
plaintes de l'amour divin.
Cependant il y aura un accusateur : ce
sera ce même Moïse dont ils prétendent si
orgueilleusement être les disciples. Ils n'avaient
pas observé la loi de Moïse. Elle n'était pas non
plus devenue pour eux un maître pour les conduire à
Christ. La loi est un témoignage de Dieu contre le
péché ; mais elle est aussi un témoignage que le
Père rend au Fils comme Sauveur des pécheurs. -Si
vous croyiez en Moïse, vous croiriez aussi en moi ;
car il a écrit de moi ; mais si vous ne croyez pas à
ses écrits, comment croirez-vous à mes paroles ?
Les Juifs espéraient en Moïse,
mais ils ne croyaient pas en lui. De même ils
espéraient en un Moïse imaginaire. C'est qu'en
effet, on ne peut pas espérer dans le vrai Moïse,
qui est la loi. Cela équivaudrait à se« jeter sur sa
propre épée ». Celui qui croit en Moïse, apprend à
connaître ses péchés, et dès lors son espérance est
en Christ, dont Moïse a écrit.
Aujourd'hui encore le Seigneur et tous
ceux qui l'aiment peuvent élever la même plainte
douloureuse. Les chrétiens sont appelés du nom de
Christ, baptisés dans sa mort, mais beaucoup d'entre
eux ont honte de croire en lui. Leur espérance
repose, non sur la grâce de Dieu, que le Sauveur
leur a acquise par ses amères souffrances et par sa
mort, mais sur un Moïse fabriqué à leur façon - «
Fais bien et ne crains personne. » Ils n'espèrent
pas non plus dans la justice de Dieu, car on ne peut
pas espérer en elle. Ils ne croient pas à la
véritable justice de Dieu, mais à une justice telle
qu'ils l'ont rêvée et imaginée. Si l'on voulait être
sérieux vis-à-vis de cette justice, si l'on voulait
se laisser châtier par l'esprit de Dieu, alors on
pourrait être consolé. Mais Christ ne peut pas
accorder sa grâce à celui que la loi n'a pas
humilié. |