LA VIE DE
JÉSUS
CHAPITRE II
L'activité publique de
Jésus.
A. Jusqu'à la
deuxième fête de Pâques.
19. Nicodème.
(Jean
III, 1-21.)
Un de ceux qui avaient cru en Jésus vint le
trouver pendant la nuit.
C'était Nicodème, un pharisien, membre du sanhédrin.
Sa visite à Jésus montre sa foi ; mais le moment
qu'il choisit pour faire cette démarche prouve que
cette foi n'était pas encore affranchie de la
crainte des hommes. Celui qui n'éteint pas le
lumignon fumant, fait à Nicodème un accueil amical,
sans lui faire de reproche au sujet de l'heure à
laquelle il se présente à lui, ni de sa crainte des
hommes. Nicodème est évidemment poussé vers Jésus
par une question qui brûle sa conscience :
Que faut-il que je fasse pour
être sauvé ? Mais il n'ose pas la
formuler. Le Sauveur lit dans son coeur comme dans
un livre ouvert, et lui répond comme si la question
avait été faite. Ce n'est pas une connaissance plus
profonde, ce ne sont pas des oeuvres plus parfaites,
qui ouvrent l'entrée du royaume des cieux, mais une
nouvelle naissance, c'est-à-dire un renouvellement
complet de l'être moral tout entier.
Cette parole contient la plus terrible
accusation qu'on puisse porter contre la nature
humaine. Elle est déclarée incapable de produire
aucun fruit de justice, et elle a dès lors besoin
d'une transformation absolue. Ainsi s'écroule, chez
Nicodème, tout l'échafaudage des vertus qu'il
s'imaginait posséder. Il sait bien que le Sauveur
parle d'une nouvelle naissance spirituelle. Mais
qu'on puisse, dans toute sa vie intérieure, dans
toutes ses pensées et ses tendances, devenir un
homme nouveau, cela parait à Nicodème une
impossibilité. Il lui semble que, pour que ce
renouvellement puisse s'opérer, une nouvelle
naissance corporelle serait nécessaire aussi. Il ne
repousse pas obstinément la vérité ; il cherche
sincèrement à savoir si ce qui lui parait impossible
ne serait pas cependant possible. Jésus lui
répondit: En vérité, en
vérité, te le dis, que si un homme ne naît d'eau et
d'Esprit, il ne peut entrer dans le royaume des
cieux.
L'eau et l'Esprit sont réunis dans le
saint baptême ; ils composent le bain qui opère la
nouvelle naissance. Cette nouvelle naissance est
nécessaire parce que l'homme est charnel et vit dans
un état d'inimitié contre Dieu. Une nouvelle
naissance corporelle produirait le même sens charnel
et nécessiterait de nouveau une régénération.
Jésus devient plus pressant.
Il faut, dit-il à
Nicodème, que vous naissiez
de nouveau. Jésus s'exclut lui-même ; il
n'avait pas besoin de naître de nouveau. Mais toi,
Nicodème, il faut que tu naisses de nouveau. Tu peux
expérimenter l'action de l'Esprit si même tu ne la
comprends pas. De même que tu sens le souffle du
vent sans savoir ni d'où il vient ni où il va, de
même en est-il de l'Esprit qui produit la nouvelle
naissance. On ne pouvait faire qu'une seule réponse
aux questions : « d'où vient-il ? » et « où va-t-il
? » Il vient de la grâce de Dieu et aboutit à la
félicité éternelle.
Lorsque Nicodème demande :
Comment ces choses
peuvent-elles se foire ? le Seigneur le
reprend, et Nicodème se laisse reprendre. Dès lors
Jésus peut avoir confiance en lui, aussi lui
laisse-t-il jeter un regard dans le mystère de la
Rédemption. Dieu a
tellement aimé le monde qu'il a donné son Fils
unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse
pas, mais qu'il ait la vie éternelle.
Ce passage est un de ceux dont le pieux
professeur Tholuck, de Halle disait :
C'est par les passages de la
Bible imprimés en, grands caractères que la plupart
des âmes sont sauvées (1).
Lorsqu'un jour le missionnaire Nott
prêchait sur ce texte, un païen de son auditoire
l'interrompit en s'écriant : « Et tu peux parler de
cet amour sans verser des larmes ! »
Le Dieu saint a certainement le droit de
punir le monde dans sa colère, mais autant il hait
le péché, autant il aime les pécheurs, et pour les
rendre heureux, Il donne son Fils unique.
Il le donne d'abord dans la crèche,
ensuite il le livre aux malédictions du péché et aux
angoisses de Gethsémané, enfin à l'abandon et aux
affres de la mort en Golgotha, et cela afin que
Celui qui a été glorifié par la résurrection et
l'ascension, vienne habiter, par la puissance du
Saint-Esprit, dans les coeurs des croyants.
Par leur incrédulité, les hommes
s'excluent eux-mêmes de la félicité, puisqu'ils
aiment mieux les ténèbres que la lumière, mieux le
péché que le Sauveur. - L'incrédulité n'a pas sa
source dans la raison, mais dans la mauvaise
inclination du coeur. Quiconque vient à Jésus avec
un esprit sans fraude et une véritable soif de
salut, en reconnaissant et confessant ses péchés, en
obtient le pardon et trouve en Christ paix, vie et
félicité.
Nicodème avait écouté en silence les
paroles du Seigneur, et il les conservait dans son
coeur. Lorsqu'il vint à Jésus, il faisait nuit dans
son âme comme au dehors, mais
il était venu à la lumière,
et il devînt plus tard un fidèle confesseur du
Seigneur (Jean
VII, 50 ;
XIX, 39).
.
20. Le témoignage rendu à Jésus par Jean-Baptiste.
(Jean
III, 22-36.)
Après ces choses, Jésus se rendit en Judée avec
ses disciples et il y baptisait, ou plutôt ses
disciples le faisaient, car lui-même ne baptisait
pas (Jean
IV, 2). Chaque baptême, administré par le
serviteur de Jésus, est un baptême de Jésus ; car
non seulement il est fait par son commandement, mais
encore sa personne est présente à chaque baptême. La
cérémonie extérieure et visible est célébrée par le
serviteur ; mais c'est Jésus seul qui opère la
bénédiction spirituelle et intérieure.
Nous manquons de renseignements précis
sur cette activité du Seigneur en Judée ; mais elle
dut être très importante, puisque les disciples de
Jean s'en montrent jaloux. Maître, lui disent-ils,
celui qui était avec toi au
delà du Jourdain et auquel tu as rendu témoignage,
le voilà qui baptise, et tous vont à lui.
Jean-Baptiste était relégué dans l'ombre
par les succès du Sauveur. Mais il rappelle à ses
disciples qu'il n'a jamais prétendu être le Christ ;
il n'est que son précurseur. Il confesse avec une
humilité exempte de toute jalousie, que
Celui qui a l'épouse est
l'époux, que l'ami de l'époux, qui est présent et
qui l'écoute, est ravi de joie d'entendre la voix de
l'époux, et que c'est là sa joie qui est parfaite.
Christ est l'époux ; l'épouse c'est l'Église, l'ami
de l'époux c'est Jean-Baptiste. Il avait été chargé
d'en haut de conduire l'épouse à l'époux.
Comme Jean-Baptiste opérait séparément de
Jésus, n'avait aucun rapport personnel avec lui et
entendait néanmoins la voix de l'époux, on ne
se trompera probablement pas en admettant que
l'apôtre Jean, qui avait été disciple de
Jean-Baptiste, et adressé par lui à l'Agneau de
Dieu, visitait souvent son Vénéré maître et lui
communiquait les paroles de vie qu'il recueillait
lui-même de la bouche de Jésus. Ainsi s'expliquerait
la remarquable parenté entre ce dernier témoignage
de Jean et les paroles du Sauveur lui-même. Le
disciple Jean semble avoir visité récemment le
Baptiste et lui avoir communiqué l'entretien nomme
de Jésus avec Nicodème. Voilà pourquoi les paroles
du Sauveur remplissent encore de joie l'âme du
Précurseur.
Il faut qu'il
croisse et que je diminue. Dès que
l'épouse a été conduite à l'époux, l'oeuvre du
serviteur de Jésus est terminée. Il se retire devant
le Sauveur comme la lune pâlit lorsque le soleil se
lève. C'est ce qui arrive dans le coeur des
croyants. Il faut que Christ croisse, qu'il gagne
toujours plus de terrain en nous. En revanche, il
faut que notre moi diminue. Il faut que notre vieil
homme soit crucifié, jusqu'à ce qu'enfin nous
apprenions à dire avec Paul :
Ce n'est plus moi qui vis,
c'est Christ qui vit en moi.
Les disciples de Jean-Baptiste s'étaient
plaints en disant : Tous
vont à lui ! (v.
26). Mais leur Maître pense qu'il en vient
encore beaucoup trop peu, et il se plaint que
personne ne reçoit son témoignage. Celui qui a reçu.
son témoignage a scellé que Dieu est véritable.
L'Écriture dit ailleurs que Dieu scelle les croyants
du Saint-Esprit et leur donne ainsi l'assurance de
leur salut. L'un et l'autre sont nécessaires pour
procurer cette assurance : l'Esprit qui agit par la
Parole et les Sacrements, et la foi qui accepte et
conserve ce témoignage. Son
Esprit rend témoignage à notre esprit que nous
sommes enfants de Dieu (Rom.
VIII, 16).
Alors Jean-Baptiste donne au Sauveur le
nom le plus élevé, comme il l'a entendu de la bouche
du Père lui-même lors du baptême le nom de Fils de
Dieu. Celui qui croit au
Fils a la vie éternelle mais celui qui ne croit pas
au Fils ne verra point la vie, mais la colère de
Dieu demeure sur lui. On n'obtient pas la
vie éternelle par le Fils, ou du Fils ; mais avec
lui.
Celui qui a le Fils par la foi a par là
même la vie éternelle, car
le Fils est le vrai Dieu et la vie éternelle
(1
Jean, V, 20). Celui qui
ne croit pas au Fils ne verra point la vie, mais la
colère de Dieu demeure sur lui. Il n'y a
d'affranchis de la colère de Dieu que ceux qui
acceptent le Fils dans la foi.
.
21. La Samaritaine.
(Jean
IV, 1-12.)
La gloire du Seigneur, qui frappait de plus en
plus les esprits, éveillait par cela même les
soupçons et la haine des pharisiens. Afin d'éviter
leurs persécutions, Jésus quitta la Judée et se
retira en Galilée. L'heure n'était pas encore venue
où il devait livrer sa vie à la mort. Il fallait
qu'il travaillât aussi longtemps que le jour luisait
pour lui. Sa route le conduisait à travers la
Samarie.
D'ordinaire, lorsqu'un Juif voulait se
rendre de Judée en Galilée, il faisait volontiers un
détour par la Pérée, pour éviter de toucher cette
terre hérétique de la Samarie. Mais il est dit du
Sauveur : Il fallait qu'il passât par la
Samarie, absolument comme plus tard il a fallu
qu'il entrât chez Zachée, car il cherchait les
pêcheurs pour les sauver.
Non loin de Sichar (Sichem), Jésus
fatigué s'assit près du puits de Jacob. Une femme
samaritaine (fallait-il aussi qu'elle vint là
comme il fallait que Jésus passât par la
Samarie ?) vint pour puiser de l'eau. Elle rencontra
le Sauveur ; il reconnut en elle une âme dans
laquelle il pouvait avoir confiance. Elle n'avait
aucune idée des pensées du Seigneur à son égard.
C'est lui qui commença l'entretien. Il fit le
premier pas, comme il le fait toujours pour chaque
âme. Quiconque a trouvé le Sauveur est toujours
obligé de dire :
Si tu ne m'avais pas cherché, je ne t'aurais
jamais trouvé.
Les disciples étaient allés à la ville pour
acheter des vivres. Le Seigneur dit à la femme :
Donne-moi à boire.
Au moyen d'un entretien qui roule d'abord sur des
choses tout à fait indifférentes, il amène peu à peu
cette femme dans la disposition où elle doit être
pour qu'il puisse lui annoncer la grande nouvelle :
Je suis le Messie
(v.
26). Que de temps n'a-t-il pas fallu aux apôtres
pour leur faire comprendre cette vérité capitale !
et comme celte femme y parvient rapidement ! C'est
que l'arbre croit plus lentement que le brin
d'herbe. - La femme pense à l'inimitié qui existe
entre les Juifs et les Samaritains, et s'étonne que
Jésus, qui est Juif, lui demande à boire (v.
9). Jésus, répondant, lui dit:
Si tu connaissais la grâce que
Dieu, te fait et qui est celui qui le dit: Donne-moi
à boire, tu lui en aurais demandé toi-même, et il
t'aurait donné de l'eau vive (v.
10).
Le Sauveur brûle de pouvoir se donner à
cette femme, pour apaiser la soif de son âme, qu'il
connaît parfaitement. Il est lui-même la source des
eaux vives. Il se plaint déjà sous l'Ancienne
Alliance, en disant : Ils m'ont abandonné, moi qui
suis la source des eaux vives, pour se creuser des
citernes, même des citernes crevassées, qui ne
peuvent contenir les eaux (Jérémie
II, 13). Toutes les soifs du coeur humain ne
peuvent être étanchées que par le Dieu vivant, qui
est pour tous la source de la véritable vie.
La femme ne comprend pas le Sauveur, et
pense seulement à l'eau de source, par opposition à
l'eau de citerne. Elle est jalouse de l'honneur de
Jacob, dont les Samaritains prétendent descendre et
demande avec étonnement :
D'où aurais-tu cette eau vive ? (11,
12.) Le fait qu'elle appelle Jésus Seigneur,
prouve que quelque rayon de sa gloire a déjà pénétré
dans son âme obscurcie. Alors le Seigneur lui répond
: Quiconque boira de celle
eau, encore soif, mais celui qui boira de l'eau que
je lui donnerai, n'aura plus jamais soif ; et l'eau
que je lui donnerai deviendra en lui une source
d'eau jaillissante jusqu'à la vie éternelle
(v.
13-15). L'eau d'ici-bas, les jouissances
terrestres, ne peuvent pas étancher la soif de
l'âme, créée pour Dieu. C'est en Jésus qu'est l'eau
vive qui seule peut apaiser la soit de l'âme.
Quiconque a étanché sa soif en Jésus, ne
dira jamais : Je suis rassasié, je n'ai besoin de
rien (Apoc.
III, 17) ; mais il dit toujours de nouveau : Mon
âme a soif de Dieu, du Dieu fort et vivant. La soif
d'amour augmente toujours dans le coeur des
croyants. Mais tandis que la soif d'un coeur privé
de Jésus est un horrible tourment, et un avant-goût
de la soif des réprouvés, qui ne peut, jamais être
apaisée (Luc
XVI, 24), la soit persistante des croyants est,
pour eux la source d'une constante et sainte joie.
Il y a plus de bonheur à donner qu'à
recevoir. Cette joie causée par l'eau vive est
encore augmentée par le fait que cette eau, bue par
la foi, devient dans le coeur du croyant une source
qui ne tarit jamais, et qui peut aussi en rafraîchir
et en restaurer d'autres, jusqu'à ce qu'elle se
jette enfin dans le fleuve de cristal qui jaillit du
trône de Dieu et de l'Agneau (Apoc.
XXII, 1). Qui croit en moi, dit Jésus, des
fleuves d'eau vive couleront de lui, comme le dit
l'Écriture (Jean
VII, 38).
La femme ne sait pas encore quelle eau
Jésus lui offre ; mais elle comprend qu'il lui
serait bien agréable d'en avoir, et elle prie le
Seigneur de lui en donner, afin de ne plus avoir
soif et de ne plus avoir besoin de venir en
chercher. - La parole du Sauveur :
Va, appelle ton mari,
fait à cette femme le même effet que celle que le
prophète Nathan adressa autrefois à David :
Tu es cet homme-là !
(2
Samuel XII, 7. ) Sa conscience se réveille et
elle apprend à avoir soif de l'eau vive. C'est comme
si le Seigneur lui avait, dit : « Viens à moi avec
tous les péchés ». Sans la douleur causée par le
péché, pas de soif de l'eau vive et impossibilité
d'en boire. Honteuse et sans doute les yeux baissés,
la femme répond en hésitant :
Je n'ai point ... de mari.
Et alors elle voit le Seigneur mettre en lumière
toute sa vie de péché. Tu
as fort bien dit, lui répond Jésus :
je n'ai point de mari, car tu
as en cinq maris, et celui que tu as maintenant
n'est pas ton mari ; toi, as dit vrai en cela.
La femme est arrivée à un moment décisif
de sa vie. Se laissera-t-elle châtier ou
regimbera-t-elle contre l'aiguillon ? -
Seigneur, je vois que tu es un
prophète. C'est là la confession franche
de ses péchés.
Elle n'est pas irritée, elle ne ment pas,
elle ne s'excuse pas elle n'est pas fâchée contre
cet étranger qui lui dit, de telles choses en face.
Cette femme pourrait nous être en exemple. On
convient bien, d'une manière générale, qu'on est
pécheur, mais quand le péché est nommé par son nom,
alors on cesse de le confesser, parce qu'on n'avait
pas cru la chose aussi sérieuse.
Maintenant la femme prie le Sauveur de
lui indiquer la voie dans laquelle elle puisse
trouver le repos de sa conscience angoissée. Est-ce
à Garizim ou à Jérusalem ?
Alors le Seigneur l'invite à croire en
lui. Femme, lui
dit-il, crois-moi, le temps
vient et il est déjà venu que vous n'adorerez plus
le Père ni sur cette montagne, ni à Jérusalem. Vous
adorez ce que vous ne connaissez point ; pour nous,
nous adorons ce que nous connaissons, car le salut
vient des Juifs. Mais le temps vient, et il est déjà
venu, que les vrais adorateurs adoreront le Père en
esprit et en vérité, car le Père demande de tels
adorateurs. Dieu est Esprit ; et il faut que ceux
qui l'adorent, l'adorent en esprit et en vérité
(v.
21-24),
Comme il l'a fait pour Nicodème, le
Seigneur parle à cette femme du Saint-Esprit, le
créateur de toute vie divine dans l'homme. Régénéré
par cet Esprit, le coeur devient le temple de Dieu (1
Cor. III, 17). Il faut d'abord devenir un homme
spirituel, et alors on peut adorer Dieu en
esprit. Les âmes inconverties peuvent bien
parler de Dieu ; elles peuvent même parler à Dieu.
En réalité, elles sont sans Dieu, et ne
touchent pas même, dans toutes leurs prières, le
bord le plus extérieur de son vêtement. Celui qui
veut adorer Dieu en vérité doit le posséder
en vérité. Combien de chrétiens ignorent
celle adoration de Dieu en esprit et en vérité
! Ils sont comme ces Samaritains, auxquels il
suffisait d'adorer sur le mont Garizim, ou comme ces
Juifs qui faisaient leur pèlerinage à Jérusalem,
sans s'approcher de Dieu intérieurement, sans
laisser pénétrer leur vie par l'amour de Dieu. C'est
ainsi que, pour beaucoup de chrétiens, le culte
n'est qu'une cérémonie extérieure. Pourvu qu'ils
aillent à l'église et s'approchent une fois par an
de la Table sainte ; pourvu qu'ils joignent à ces
habitudes celle de prier avant le repas, ils se
croient de vrais chrétiens.
Quant à la communion intérieure avec
Dieu, quant à sentir et goûter dans leur coeur
l'amour de Dieu, cela leur est complètement
étranger. Voilà pourquoi la foi n'est pas pour eux
la joie de la vie ; elle est plutôt un joug pesant.
Alors, le souvenir de tout ce que cette
femme a entendu dire du Messie se réveille dans son
coeur. Elle se dit en elle-même : Lorsque le Messie
viendra, il ne parlera pas autrement. Elle voudrait
bien demander à cet étonnant prophète comment elle
doit le considérer. Ne serait-il peut-être pas
lui-même le Messie ? Ce désir va tellement au coeur
du Sauveur, qu'elle lui arrache son secret. Ce qu'il
voulait encore voiler aux Juifs comme un profond
mystère, à cause de leurs fausses espérances
messianiques, il faut qu'il le découvre à ce coeur
brisé, à cette conscience altérée :
Je le suis, moi qui te parle.
Là-dessus les disciples arrivèrent et
furent surpris de ce que leur Maître parlait avec
une femme samaritaine. Ils ne connaissaient pas
encore complètement sa soif qui le pousse à chercher
et à sauver ce qui est perdu, ni son humilité qui le
porte à servir même les plus petits. Néanmoins, le
respect les empêche de l'interroger (27).
Puissions-nous apprendre d'eux ce silence béni,
lorsque le Seigneur fait quelque chose que nous ne
comprenons pas, ou qu'il nous conduit par des voies
contraires à nos propres pensées !
La femme a trouvé maintenant le fond
solide où son ancre sera fixée pour l'éternité. Son
coeur est tellement plein, qu'elle oublie
complètement que le Seigneur lui a demandé à boire,
et qu'elle-même est venue pour puiser de l'eau.
Elle laissa sa cruche, s'en
alla à la ville et dit aux gens du lieu : Venez voir
un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait ; ne
serait-ce point le Christ ? C'est là la
foi vivante. Cette femme s'empresse joyeusement de
communiquer aux autres ce qu'elle vient de recevoir.
Les hommes s'arrachent les uns aux autres les
richesses terrestres, comme une proie. Les trésors
célestes rendent le coeur généreux et le poussent à
les partager. Celui qui estime être un croyant, et
qui, à la vue de ces multitudes qui vivent sans
Dieu, demeure indifférent, et se dit : « En quoi
cela me regarde-t-il ? qu'ils y pourvoient ! »
celui-là se fait illusion s'il prétend avoir la foi.
Partout où la vie de Dieu a pénétré, le besoin de
lui rendre témoignage et l'esprit missionnaire
s'éveillent immédiatement.
Et les gens du lieu croient la femme,
sans craindre que le Sauveur leur dise, à eux aussi,
tout ce qu'ils ont fait. Enfin les disciples
invitent leur Maître à manger, mais il leur répond :
J'ai à manger d'une
nourriture que vous ne connaissez pas.
Comme les disciples se demandaient si quelqu'un lui
aurait peut-être apporté à manger, il leur dit :
Ma nourriture est de faire lu
volonté de Celui qui m'a envoyé et son oeuvre.
Déjà David disait que le corps participe au
bien-être spirituel de l'âme : Mon coeur et ma chair
sont transportés de joie après le Dieu vivant (Ps.
LXXXIV, 3). De même il confesse que par suite de
la douloureuse connaissance de ses péchés, ses os se
sont consumés et sa vigueur s'est changée en une
sécheresse d'été (Ps.
XXXII, 4. ».
Combien l'action de l'âme sainte du
Sauveur devait-elle être plus énergique sur son
corps pur ! Car en lui habitait toute la plénitude
de la Divinité (Col.
Il, 9). Son active obéissance à la volonté de
son Père, ne portait absolument aucune atteinte à la
force de son corps. Elle était plutôt un aliment
fortifiant, tellement qu'il oubliait les besoins du
corps.
Sur l'invitation des Samaritains, le
Seigneur demeura deux jours chez eux, pour leur
donner, à eux aussi, de l'eau vive.
Et il y en eut beaucoup plus
qui crurent eu lui après l'avoir entendu, et ils
dirent à la femme : Ce n'est plus à cause de ce que
tu nous as dit, que nous croyons ; car nous l'avons
entendu nous-mêmes, et nous savons que c'est lui qui
est véritablement le Christ, le Sauveur du monde.
Par la foi au témoignage de la femme, ils furent
portés à venir à Jésus ; par la foi à sa Parole, ils
furent sauvés. Pareillement, il est bon d'ajouter
foi au témoignage de l'Eglise, au Pasteur ; mais ce
n'est toujours là qu'une foi de seconde main, qui ne
donne aucune consolation assurée, aucune espérance
certaine. C'est seulement lorsqu'on est venu
personnellement à Jésus, et qu'on a reçu le souffle
vivifiant de son amour, qu'on obtient un coeur ferme
et un esprit assuré, avec lesquels on petit faire de
réels progrès.
.
22. Le seigneur de la cour.
(Jean
IV, 47-54.)
Deux jours après, le Sauveur partit de là et se
retira en Galilée, où il fut bien reçu des
Galiléens, qui avaient vu les miracles qu'il avait
faits à Jérusalem le jour de la fête. Un seigneur de
la cour d'Hérode, qui demeurait à Capernaüm, le pria
de descendre pour guérir
son fils qui s'en allait mourir (v.
47). La confiance de cet homme n'est pas encore,
aux yeux du Sauveur, la vraie foi. De là cette
parole qu'il lui adresse :
Si vous ne voyez des signes et des miracles, vous ne
croyez point (v.
48).
Les miracles n'ont pas seulement pour but
la guérison du corps ; ils doivent ouvrir les coeurs,
afin de les disposer à recevoir le Sauveur par la
foi. Cette parole sévère du Seigneur peut être
traduite par cette plainte : « Ne veux-tu donc du
secours que pour ton fils, et aucun pour ton âme ? »
Cet homme se laisse reprendre, mais il répète sa
prière sur le ton d'un coeur pénétré de la plus
profonde humilité :
Seigneur, descends avant que mon fils meure
(v.
49). Jésus lui répondit :
Va, ton fils vit. Cet homme
crut à la parole que Jésus lui avait dite et il s'en
alla (v.
50)
Cette parole eut un double effet ; elle
agit sur le fils absent, et sur le père présent, qui
fut guéri de son incrédulité.
C'est ainsi que les croyants, confiants
dans la parole de Jésus, et s'y conformant sans
hésiter, poursuivent leur course, pleins de joie et
d'assurance, jusqu'à ce qu'enfin ils parviennent à
leur demeure éternelle, où ils verront ce qu'ils ont
cru ici-bas. Dans la conviction certaine que son
fils est guéri, le père ne se hâte nullement de
rentrer chez lui. C'est seulement le lendemain qu'il
s'approche de Capernaüm. En chemin, il rencontre ses
serviteurs qui lui disent :
Ton fils vit. Cette
nouvelle ne le surprend nullement. Cette parole est
la même qu'il a recueillie de la bouche de Jésus et
qui a calmé son coeur. Cependant
il demanda à quelle heure le
malade s'était trouvé mieux. Les
serviteurs lui répondirent :
Hier, environ la septième heure du jour, la fièvre
le quitta. Et le père reconnut que c'était à celle
même heure-là que Jésus lui avait dit : Ton fils
vit. Et il crut, lui et toute sa maison (v.
52-53).
La douleur avait poussé ce père vers le
Sauveur ; là il apprend à croire sur parole ce qu'il
ne voit pas ; puis, il lui est donné de voir ce
qu'il a cru ; enfin il croit, lui et toute sa
maison. Alors les coeurs s'ouvrirent au Sauveur.
Comme cet homme dut considérer les souffrances de
son fils d'un tout autre oeil qu'auparavant ! Alors,
c'étaient les ténèbres ; maintenant, c'est une
réjouissante lumière ; auparavant, c'était
l'angoisse ; maintenant, c'est une joie intime.
Si, comme lui, nous recherchions
diligemment, non seulement dans les Écritures, mais
aussi dans les dispensations de Dieu à notre égard,
nous reconnaîtrions certainement dans notre vie les
traces de son miséricordieux amour ; et cette vue
nous fortifierait puissamment dans la foi. Dès lors
nous serions plus souvent disposés à répéter la
prière de David : « Je te rends grâces, ô Dieu, de
ce que tu m'as fidèlement châtié. » - Ce sera sans
doute une délicieuse occupation pour les saints
glorifiés de rechercher les voies de Dieu dans leur
vie passée, Et lorsqu'ils auront reconnu la fidélité
de Dieu, ils lui rendront grâces pour toutes choses
; mais ce qui excitera surtout leur joie, ce sont
les heures qu'ils ont passées dans les larmes, sur
la terre. |