LA VIE DE JÉSUS

 

 

CHAPITRE I

 

La jeunesse de Jésus jusqu'à la tentation.
11. La jeunesse de Jésus.

 

Ils entendent bien mal l'honneur dû à Christ et sont loin de servir les intérêts de la foi, ceux qui, pour exalter sa divinité, font abstraction de son humanité ou la relèguent à l'arrière-plan. Plus nous prendrons au sérieux ces paroles de saint Paul: Il s'est anéanti soi-même en prenant la forme de serviteur et se rendant semblable aux hommes, et ayant paru comme un simple homme, il s'est abaissé lui-même, s'étant rendu obéissant jusqu'à la mort et même jusqu'à la mort de la croix (Philip. II, 7. 8).. plus clairement et glorieusement seront élevées sur ce fondement la majesté de sa divinité et la gloire adorable de son amour. Tout ce que les Évangiles nous disent de son développement, est compris dans ces mots: Il s'en alla avec eux à Nazareth et il leur était soumis, et il croissait en sagesse, en stature et en grâce devant Dieu et devant les hommes (Luc II, 51. 52). Mais cela nous suffit pour reconnaître que sa jeunesse, comme son enfance, s'est développée d'une manière complètement humaine.

Il était soumis à ses parents et dans ses rapports avec eux, il apprenait à obéir et à servir. Il aidait sa mère dans les soins multiples de la vie domestique. Lorsqu'elle l'envoyait puiser de l'eau ou fendre du bois, il exécutait ce travail comme s'il n'était venu dans le monde que pour cela. Cette occupation insignifiante devenait grande par l'humilité avec laquelle il s'y livrait, lui qui avait conscience de sa divinité. -

Plus tard, il travailla avec Joseph de son métier de charpentier. C'est ce que nous apprennent ceux qui disaient de lui: N'est-ce pas le charpentier, le fils de Marie ? (Marc VI, 3.) Cette activité lui fournissait l'occasion d'étendre le cercle de ses connaissances humaines. La recherche des matériaux de construction le conduisait par monts et par vaux, et lui facilitait l'étude de la nature. Elle l'initiait, par exemple, à la connaissance des lois de la croissance des arbres. L'emploi de ces matériaux l'amenait à dresser des plans qui exigeaient de la réflexion et du calcul. Il était obligé de s'exercer dans l'art de mesurer, de dessiner, de calculer. Tout cela réclamait la justesse du coup d'œil, la force au bras, l'adresse de la main, et amenait souvent la sueur sur son front; cette situation le plaçait en plein au milieu des affaires et le mettait en contact avec d'autres ouvriers plus âgés et plus expérimentés que lui, qui étaient peut-être durs et grossiers; l'aimable et doux commençant n'était sans doute pas traité avec beaucoup d'égards.

Lorsque plus tard, dans le sermon de la montagne, le Sauveur sait si bien comment je dois me conduire si l'on me frappe injustement sur une joue, ou si l'on veut me prendre mon habit, ou si l'on réclame discrètement de moi de l'argent ou tout autre service, ces conseils lui étaient inspirés par ses souvenirs de jeunesse. Et plus d'un adolescent a fait les mêmes expériences pendant le temps de son apprentissage. Le style nerveux de Jésus, qui faisait de ses pensées comme autant de proverbes; ce langage loyal et bref qu'il adressait à chacun, de manière qu'on sût immédiatement où l'on en était avec lui, tout cela était né et s'était développé dans la rude atmosphère d'une jeunesse passée dans le commerce des hommes et dans un travail pénible et assidu.

Le métier de charpentier est certainement un de ceux qui initient le plus profondément un homme à la vie des familles pour lesquelles il travaille. Quel événement et quel moment critique dans l'histoire d'une famille que la construction d'une maison ! Que de choses dépendent de sa commodité et de sa solidité ! - Quel champ favorable à la manifestation de l'amour du prochain ! - Il s'agit, même dans les constructions les plus simples, de se préoccuper aussi bien du bien-être de la famille que des moyens dont elle dispose. Il faut avertir celui qui voudrait économiser sur les fondements, du danger auquel il s'expose (Matth. VII, 26); conseiller à celui dont les plans le mèneraient trop loin, de s'asseoir d'abord et de calculer la dépense (Luc XIV, 28), d'autant plus que, par suite du taux élevé de l'argent fourni par l'usurier et de la sévérité des lois sur les dettes, il pourrait arriver à celui qui ne peut pas payer, d'être vendu par son créancier, lui et tout ce qui lui appartient (Matth. XVIII, 25).

Grâce à la justesse de son coup d'œil, et au don qu'il possède d'observer avec intelligence, Jésus sait sonder les secrets de la nature aussi bien que la vie du peuple. Par ses enseignements ultérieurs, nous voyons comment il considère la création: elle lui apparaît comme la propriété de son Père, et il y lit comme dans un livre ouvert. Mais ce qu'il trouve dans ce livre, ce n'est pas ce qu'on appelle les lois immuables de la nature; ce sont les pensées de Dieu, qui se manifestent à tous les degrés de la création, depuis l'échelon le plus infime de l'existence jusqu'aux dernières hauteurs du monde des esprits; mais de manière cependant que le degré le plus élevé se reflète dans le plus bas et que le monde visible tout entier soit la représentation du monde invisible.

Jésus n'avait pas joui d'une culture savante. Lorsque plus tard il enseigna dans la synagogue de Nazareth, ses compatriotes se demandent d'où viennent à cet homme cette sagesse et ces miracles (Matth. XIII, 54). Et lorsqu'il enseigne dans le temple, pendant les fêtes, les Juifs disent avec étonnement: Comment cet homme sait-il les Écritures, ne les ayant point apprises ? (Jean VII, 15)

 

En effet, Jésus ne prétend pas avoir appris les Écritures dans quelque école savante. Il a reçu sa doctrine directement de son Père (v. 16). Les Écritures de l'Ancien Testament étaient la nourriture de son âme. Ce livre renferme les révélations de Dieu à son peuple, et montre l'histoire de ce peuple dans les dispensations divines dont il a été l'objet. Ainsi Jésus n'était pas seulement initié au passé et aux espérances de son peuple, mais encore aux conseils de Dieu pour le salut de son peuple élu, et aux traces de l'amour éternel, gravées dans l'histoire de ce peuple.

Chaque Israélite était tenu de lire les Écritures et de se familiariser avec elles. Mais, pour le Sauveur, ces Écritures avaient encore une autre signification. Il était lui-même le contenu et le but de tout l'Ancien Testament, et ce livre était pour lui comme une lettre qu'il devait trouver sur la terre après son incarnation.

Vu la grande importance que Dieu attache au sabbat dans l'Ancien Testament, nous pouvons admettre, sans autre preuve, que ce jour avait la même signification pour Jésus. Aussi lisons-nous (Luc IV, 16) qu'il avait l'habitude de se rendre à la synagogue le jour du sabbat.

La conscience de sa mission messianique se développait aussi en lui. Nous pouvons bien admettre sans doute que Marie lui avait dit qu'il était appelé à délivrer son peuple de ses péchés (Matth. I, 21), et que Dieu lui donnerait le trône de David son père. Ainsi le pressentiment du grand avenir qui lui était réservé occupait son esprit, et son amour pour les hommes le portait certainement à prier sans cesse en vue de cet objet. Mais son esprit n'était pas encore rempli de ces pensées d'avenir. Il jugeait avec une sincère humilité que sa vocation actuelle était d'être soumis à ses parents comme un simple ouvrier charpentier. C'est ainsi qu'il attendait péniblement chaque jour ce que le lendemain lui apporterait. Et il grandissait au milieu des diverses occupations de la vie, comme un jeune homme que tout le monde aimait à cause de son caractère doux et aimable, et qui était toujours heureux de rendre service à ceux qui l'entouraient; bien connu quant à sa personne et cependant inconnu et caché aux yeux des hommes quant à son essence intime.

Le Fils unique était l'enveloppe visible du Père qui habitait en Lui. La douce béatitude de cette communion avec le Père; la paix profonde dont il jouissait, lui paraissaient tellement naturelles, qu'il avait sûrement la conviction qu'elles devaient être le partage de tous ses semblables, et qu'elles étaient la vraie destination de l'homme.

 

Quelle douleur ne devait-il pas éprouver lorsqu'il en voyait qui étaient privés de cette douce paix avec Dieu ! Quelle douleur surtout, lorsqu'enfin il dut reconnaître qu'il était seul à la posséder !

 

Là où il constatait cet éloignement de Dieu, il se trouvait sans doute comme en présence d'une indéchiffrable énigme. Quant à lui, le péché lui était inconnu (2 Cor. V, 21), mais il souffrait d'en subir l'influence. Il est dit de Loth: qu'il était journellement affligé de la conduite infâme des abominables habitants de Sodome (2 Pierre II, 8. 9); et cependant le péché ne lui était pas étranger. Il en était lui-même infecté intérieurement.

Quel tourment, quelle affreuse oppression devait donc éprouver l'âme immaculée du Sauveur, lorsqu'il était obligé de voir et d'entendre les manifestations du péché ! Dans son amour pour les hommes, il ne sentait pas seulement l'amertume dont leur manque de paix avec Dieu remplissait leurs cœurs; mais il prenait l'amertume de leurs cœurs mauvais dans son propre cœur.

Cet amour du Sauveur pour les pécheurs, il est impossible de le dépeindre clairement. Saint Paul le fait en ces termes: Il a été fait péché, quoiqu'il n'eût lui-même aucune connaissance du péché. Ces paroles ouvrent devant nous l'abîme de l'amour de notre Sauveur, chargé de cet immense fardeau; il se tenait continuellement au pied du trône de la grâce et répandait son cœur dans une ardente intercession devant son Père. Il s'accoutumait à se sentir coupable des péchés des hommes. Ce n'est pas seulement en Gethsémané et à Golgotha qu'il a été fait péché pour nous; il l'a été toute sa vie, depuis le premier moment où il a eu conscience de lui-même. Dans la mesure où il expérimente qu'il est dans le Père et que le Père est en lui; dans la mesure où l'affreux abîme qui sépare l'homme de Dieu s'ouvre devant lui; dans la mesure où son cœur se remplit du désir de sauver les pécheurs et de les combler de sa paix; dans la même mesure se développe aussi en lui la conscience qu'il est « l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde » (Jean I. 29).

 


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12. Jean-Baptiste.

 

La quinzième année du règne de Tibère, Anne et Caïphe étant souverains sacrificateurs, la parole de Dieu fut adressée à Jean dans le désert, et il vint dans tout le pays qui est aux environs du Jourdain prêchant le baptême de repentance pour la rémission des péchés (Luc III, 23). Zacharie son père avait été averti par un ange que cet enfant serait grand devant le Seigneur, qu'il ne boirait ni vin ni cervoise, et qu'il serait rempli du Saint-Esprit dès le sein de sa mère (Puisque son père était sacrificateur, il hérita cette charge de droit qui lui était octroyé selon la loi. Son ministère était vraiment celui d'un sacrificateur, à l'exception qu'il l'exerça en dehors des liens du Temple, indiquant par cela le début d'une nouvelle ère, une ère de liberté en la venu du Messie dont il était le précurseur). Il devait convertir les enfants d'Israël au Seigneur leur Dieu; il devait marcher dans l'esprit et la vertu d'Élie. De bonne heure on disait de lui: Il est puissant en esprit. Son cœur était ouvert à l'action de l'Esprit saint. Dès sa jeunesse, il s'était préparé à sa mission par l'abstinence et la solitude. Le désert lui fournissait les aliments nécessaires à sa subsistance; ils se composaient de sauterelles et de miel sauvage. Un manteau de poil de chameau lui servait de vêtement, de chemise et de couverture. C'est ainsi qu'il tenait sa nourriture directement de la main de Dieu, et elle lui suffisait. Dans ces conditions, il était complètement libre et indépendant des hommes. Cette indépendance d'une part, et de l'autre la fermeté avec laquelle il était fondé dans la Parole de Dieu, lui donnaient une puissance extraordinaire sur les esprits.

Il sait qu'il est le précurseur du Sauveur, et il se reconnaît comme étant celui dont Esaïe a parlé en disant: « La voix de celui qui crie au désert est: préparez le chemin de l'Éternel, dressez dans la solitude les sentiers de notre Dieu » (Ésaïe XL, 3); comme celui dont Dieu a dit par la bouche de Malachie, le dernier des prophètes: Voici, je vais envoyer mon ange et il préparera le chemin devant moi, et aussitôt le Seigneur que vous cherchez et l'ange de l'alliance que vous attendez entrera dans son temple (Malachie III, 1).

Il faut aussi remarquer que Malachie dépeint le jour de l'apparition de Christ comme un jour de jugement, qui sera comme le feu du fondeur: Le Seigneur sera assis comme celui qui affine et purifie l'argent. Le jour du Seigneur vient embrasé comme une fournaise, et tous les orgueilleux et tous eux qui font la méchanceté seront comme du chaume (Mal. IV, 1).

 

Mais Jean-Baptiste sait aussi que l'Éternel veut être la consolation d'Israël et qu'il a dit: Consolez, consolez mon peuple, parlez à Jérusalem selon son cœur et dites-lui que son temps marqué est accompli, que son iniquité est acquittée, qu'elle a reçu au double, de la part de l'Éternel, la peine de tous ses péchés (Ésaïe XL, 1. 2). Ainsi parle Jean-Baptiste; mais il subordonne le pardon des péchés à la repentance; à ceux qui ne se repentent pas, il dénonce le jugement. Ce jugement, il le regarde comme décisif, lorsqu'il parle de la cognée qui est déjà mise à la racine de l'arbre; du van que le Seigneur a dans sa main et avec lequel il nettoiera parfaitement son aire, amassera son froment dans les greniers; mais brûlera la balle au feu qui ne s'éteint point (Matth. III, 12).

Lorsque Jean reconnaît Jésus comme juge du monde, il ne se trompe pas, car il est réellement le juge des vivants et des morts. Il ne se trompe pas davantage, lorsqu'il dit que le jugement a commencé avec la venue de Christ, puisque c'est ici le jugement, que la lumière est venue dans le monde, mais les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises (Jean III, 19). Mais s'il croyait que ce jugement intérieur devait se manifester immédiatement comme rémunération finale, on serait porté à penser qu'il se trompait, en ce sens qu'il semblait tenir ses regards trop exclusivement fixés sur la fin, et négligeait les événements qui devaient la préparer. Mais loin de se tromper dans ses expectations, le jugement de Dieu tomba sur Jérusalem environs 40 années après la mort de Christ. En effet, en l'an 70, l'armée romaine environna la ville sainte et la détruisit au complet avec tous ses habitants.

 

Mais c'est précisément parce qu'il regardait le jugement final de Jérusalem et conséquemment de la nation d'Israël comme devant avoir lieu immédiatement, que sa prédication était si sérieuse et si puissante. Que ses saisissantes exhortations à la repentance aient été si bien accueillies, que le peuple en foule affluât au désert, cela s'explique par le fait que le sévère prédicateur de la repentance était aussi un fidèle et doux pasteur des âmes, qui savait entrer avec amour dans les circonstances personnelles et dans les dispositions du cœur de chacun. Le pardon des péchés était le but auquel il voulait conduire les âmes. C'est comme un miracle à nos yeux, lorsque nous voyons ces foules accourir avec un tel empressement sur les bords du Jourdain, pour se faire tancer par ce rude prédicateur de la repentance, et pour confesser leurs péchés.

Quelle peine l'homme ne se donne-t-il pas, en général, pour cacher ses péchés et pour les excuser lorsqu'ils viennent au jour ! Mais ces deux mots: Pardon des péchés et Pasteur des âmes, donnent le mot de l'énigme.

 

Si seulement une âme ou quelques âmes, attirées par la manifestation de la bonté et de l'amour de Dieu (Tite III, 4), se décidaient courageusement à confesser leurs péchés au prédicateur de la repentance, et, lavées dans l'eau du baptême pour la rémission des péchés d'après les rituels de purification de la loi, obtenaient une bienheureuse paix; si ensuite cette âme disait à une autre comment Jean-Baptiste s'entend à enlever du cœur le fardeau du péché, on comprend comment tous accouraient à lui et nul ne restait en arrière.

Un grand nombre de ceux qui voient clairement aujourd'hui les plaies de l'Église, désirent ardemment une nouvelle effusion du Saint-Esprit. Un tel événement ne nous est pas promis; nous n'avons donc pas à l'attendre. Le Saint-Esprit habite déjà dans l'Église de Christ, et il se communique par l'application consciencieuse de la grâce dans la confiance certaine en Celui qui les sauve. Par conséquence, quel fardeau pourrait être enlevé du cœur des chrétiens évangéliques, quelle consolation dans les troubles de la conscience, quelle force dans les combats journaliers de la sanctification, quelle sainte joie ils éprouveraient sous la croix, si, en toute liberté, ils confessaient leurs péchés et recevaient l'assurance du pardon !

Il est vrai qu'il ne suffit pas que les âmes altérées de salut cherchent sérieusement à faire leur paix avec Dieu, il faut encore des serviteurs remplis du Saint-Esprit qui sentent eux-mêmes profondément leurs péchés, et qui en cherchent chaque jour et en obtiennent abondamment le pardon en regardant toujours derrière eux à la croix, des serviteurs expérimentés dans les voies de Dieu, et animés, de cette charité qui supporte tout, qui croit tout, qui espère tout (I Cor. XIII, 7) dans l'amour de la vérité.

Si nous avions le courage de confesser nos péchés, nous ferions aussi l'expérience du soulagement qu'éprouverait notre cœur, et de la confiance enfantine avec laquelle il pourrait respirer et prier (Nous n'avons pas à confesser nos péchés aux hommes mais à Dieu.). D'un autre côté, Jean-Baptiste reprenait sans ménagement, avec franchise et hardiesse, tous ceux qui refusaient de se convertir et de confesser leurs péchés. Race de vipères ! disait-il aux pharisiens et aux sadducéens qui croyaient n'avoir pas besoin de repentance.

Lorsque Jean-Baptiste exhortait ceux qu'il baptisait, à marcher dans la crainte et l'amour de Dieu, par exemple lorsqu'il disait aux péagers: « Soyez honnêtes », aux soldats:« Soyez débonnaires », et à tous: « Ayez pitié de vos frères nécessiteux », cela ne signifiait pas qu'ils dussent en quelque sorte acheter le pardon de leurs péchés par un supplément de bonnes œuvres, mais montrer leur repentance par une nouvelle vie, une conduite conforme à la volonté de Dieu est un fruit convenable à la repentance (Matth. III, 8) (Il faut se garder ici de tomber dans le piège des piétistes qui s'imaginent que sans «une conduite conforme à la volonté de Dieu» il n'y a pas de conversion réelle, car ces imposteurs cherchent à dominer sur la foi des autres avec la notions qu'ils ont sur quoi est la volonté de Dieu.).

 

La paix avec Dieu n'est pas le résultat de la sanctification; mais elle est conservée par elle, tandis qu'elle est détruite par le relâchement, mais elle est rétablie par la repentance, et Dieu est fidèle pour nous restaurer et nous préserver.

 

Dans sa prédication, Jean-Baptiste insistait sur la nécessité d'aller à Jésus. Au sein de cet immense mouvement des esprits, il arrivait ce qui a lieu souvent. Ceux qui étaient profondément saisis intérieurement, entraînaient les autres. Car un grand nombre les suivaient sans avoir été réellement touchés, et jugeaient sur« ouï-dire ». Mais bientôt cet enthousiasme général se refroidit. On peut s'en convaincre par cette parole du Sauveur: Jean était une chandelle allumée et brillante, et vous avez voulu pour un peu de temps vous réjouir à, sa lumière. (Jean V, 35).

 

Cependant lorsque l'engouement produit par Jean-Baptiste s'est calmé, il resta dans le peuple un saint respect pour cet homme puissant; le sentiment qu'un prophète de Dieu s'était levé parmi eux. C'est, ce que savaient aussi les souverains sacrificateurs et les scribes. C'est pourquoi ils n'osaient pas dire que le baptême de Jean venait des hommes.

 


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13. Le baptême de Jésus.

 

Parmi ceux qui venaient à Jean pour être baptisés, se présenta aussi un simple ouvrier, qui lui était inconnu, mais dont la personnalité fit sur lui une profonde impression. Car Jean-Baptiste était doué comme peu d'hommes du discernement des esprits.

Jésus, lui aussi, demanda le baptême, mais comme les motifs de cette demande durent singulièrement résonner aux oreilles d'un prédicateur aussi expérimenté que Jean-Baptiste !

Zundel décrit cette scène d'une manière extrêmement vivante. « Nul n'était venu demander le baptême sous l'impression d'une pareille douleur. Nous sommes tombés si bas ! disait cet ouvrier; nous nous sommes égarés si loin de la bonne voie; nous nous sommes si complètement détournés du chemin de la vie et de la volonté du Père céleste ! - Qui ? Nous tous, c'est là le fardeau qui pèse sur le monde entier. - Sans doute, mais toi ? dût demander Jean au regard expérimenté et pur duquel brillaient certainement la pureté et l'innocence de Jésus. Toi aussi ?

Avec quelle stupeur, à la pensée de la simple possibilité qu'il pouvait avoir lui-même besoin de ce baptême, Jésus dut lui répondre: « Qu'il ne soit pas question de moi, je viens à ton baptême pour tous ! Nous sommes tous perdus. Je demande les consolations divines pour tout mon peuple ». C'est ainsi que Jésus se présente à Jean, accablé de honte et de douleur à cause des péchés des hommes, mais au travers de cette douleur apparaissent une pureté enfantine, une mâle décision, une sainte assurance, comme Jean-Baptiste n'en avait jamais vu. Il dut alors lui dire: « Qui es-tu ? Comment t'appelles-tu ? » Et une révélation subite lui fit connaître Celui qu'il avait devant lui.

Cependant il ne le connaissait encore qu'extérieurement, et seulement pour l'avoir contemplé. Il n'avait pas encore été témoin de l'événement destiné à légitimer Jésus, car Dieu lui avait dit: Celui sur lequel tu verras l'Esprit descendre et s'arrêter, c'est Lui qui baptise du Saint-Esprit (Jean I, 33). Mais cette divine confirmation lui fut accordée après le baptême de Jésus.

On a trouvé étrange que Jean ne dût pas connaître Jésus avant de le baptiser, attendu que leurs mères s'étaient bien connues. En parlant ainsi, on oublie que, si même Jean avait appris comment Jésus avait échappé au massacre des enfants de Bethléem, il avait difficilement pu être en rapport avec lui plus tard, d'autant plus que lui-même s'était retiré de bonne heure dans le désert.

Jean refuse d'abord de baptiser Jésus. C'est moi, lui dit-il, qui ai besoin d'être baptisé par toi et tu viens à moi ! Mais Jésus répondant, lui dit: Ne t'y oppose pas pour le moment; car c'est ainsi qu'il nous faut accomplir tout ce qui est juste (Matth. III, 14. 15).

Le baptême de Jean était une ordonnance divine, qui appartenait à l'avènement du règne de Dieu sur la terre; le Sauveur s'y soumit parce qu'il se mettait à la place des pécheurs.

Lorsque Jésus sortit de l'eau, le ciel s'ouvrit sur lui, et Jean vit l'Esprit de Dieu descendant comme une colombe et venant sur lui. En même temps une voix vint des cieux qui dit : C'est ici mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis toute mon affection(Matth. III, 16. 17).

Pour le Sauveur, qui est dans le sein du Père, sur lequel les anges de Dieu montent et descendent (Jean I, 51), qui a sa demeure dans le monde invisible, il n'y a rien d'extraordinaire à ce que le ciel s'ouvre sur lui. Partout où il est, c'est la porte du ciel qui ne s'ouvre pour nous pécheurs que s'il nous est donné, comme au serviteur d'Elie (2 Rois VI, 17), de jeter un regard derrière le voile.
Quant à Jean, il contemple maintenant avec une sainte joie la réalisation des promesses divines.
La descente du Saint-Esprit sur Jésus ne doit pas être comprise comme s'il en avait été privé jusqu'alors. Il avait été conçu du Saint-Esprit ; depuis son enfance, il vivait et se fortifiait sous son influence. Toute sa vie précédente avait été pénétrée du Saint-Esprit, qui le maintenait dans une communion d'amour avec le Père. Mais maintenant, cet Esprit lui est donné sans mesure, et ainsi il se trouve consacré pour sa mission messianique. Par la voix qui vient du ciel, Dieu déclare, ce dont avait déjà témoigné le fait de la communication du Saint-Esprit, que Jésus est le Fils de Dieu fait homme. Le Sauveur s'est présenté au baptême sous le fardeau des péchés du monde, et il a demandé grâce pour lui.

Maintenant, au début de la carrière dans laquelle il s'engage pour les pécheurs, le Père lui donne cette assurance :
C'est ici mon Fils bien-aimé en qui j'ai mis, toute mon affection.

 


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14. La tentation de Jésus.

 

Alors Jésus fut emmené par l'Esprit dans le désert pour y être tenté par le diable (Matth. IV, 1). Quelle peine l'incrédulité ne s'est-elle pas donnée, et quelle sagacité n'a-t-elle pas déployée pour prouver que le diable n'existe pas ! Nous lui serions profondément reconnaissants, si elle parvenait à le chasser du monde. Malheureusement, le diable est loin de s'opposer à ce que l'incrédulité établisse cette preuve ; il ne demanderait pas mieux que de voir les gens refuser de croire à son existence. Il fera même tous ses efforts pour les confirmer dans cette illusion. Demandez à un voleur ou à ses compagnons, s'il est nécessaire de fermer les portes des magasins pendant la nuit ou d'établir des gardes. Vous pouvez être sûrs qu'il vous répondra que toutes ces précautions sont inutiles, attendu qu'il n'y a dans le monde que d'honnêtes gens. Quand un homme fort et bien armé garde l'entrée de sa maison, tout ce qu'il a est en sûreté (Luc XI, 21).

Que Jésus ait été tenté par le diable, cela n'est pas arrivé par hasard. Il a été conduit par l'Esprit de Dieu dans le désert afin d'y être tenté par le diable.
Du moment que le Sauveur était vraiment homme, il fallait qu'il fût tenté, afin que sa pureté et son innocence natives devinssent une obéissance libre et volontaire. Cette tentation de Jésus correspond à la tentation du jardin d'Eden. Si nos premiers parents avaient supporté l'épreuve, et que toute l'humanité se fût développée sans péché, conformément à la volonté de Dieu, la tentation du Sauveur, et en général l'incarnation du Fils de Dieu, n'eussent point été nécessaires. Mais quoiqu'il fût complètement pur de tout péché, dès qu'il se constituait Sauveur des pécheurs, il fallait qu'il fût pour ainsi dire officiellement consacré pour la mission publique dont il s'était chargé. Ce qui a été perdu au commencement par le péché du premier Adam, devait être surabondamment réparé par le second Adam. Si le premier a succombé à la tentation, le second l'a d'autant plus complètement vaincue dans toutes ses manifestations.

Le Sauveur se prépare intérieurement, dans le silence et la solitude, à la grande oeuvre dont il s'est chargé. Son dévouement à Dieu et à l'oeuvre qu'il se propose d'accomplir est si complet, sa préoccupation relative à cet objet est si intense qu'il oublie les besoins du corps.

Après quarante jours cependant, ces besoins réclament leurs droits. C'est à cette circonstance que Satan rattache sa tentation. Si lu es le Fils de Dieu, lui dit-il, dis que ces pierres deviennent des pains(Matth. IV, 3).

Être Fils de Dieu et avoir faim ! deux choses incompatibles ! Use donc de ta puissance divine pour apaiser ta faim.
Celui qui a changé l'eau en vin ; celui qui a rassasié dans le désert des milliers d'hommes avec quelques pains, pouvait sans doute changer des pierres en pains, mais s'il avait fait usage de ce pouvoir, il se serait procuré lui-même ce soulagement. C'eût été un acte d'incrédulité et de désobéissance par lequel il se serait soustrait volontairement à la direction de Dieu, qui l'avait conduit au désert pour le faire jeûner. C'eût été un acte d'impatience par lequel il se serait approprié prématurément ce que Dieu voulait lui accorder par le ministère des anges, lorsque son heure serait venue.
Ainsi sa position personnelle vis-à-vis de Dieu, aussi bien que sa mission de Sauveur, lui imposait l'obligation de repousser la diabolique insinuation.
Il est venu, non pour se faire servir, mais pour servir ; non pour jouir, mais pour rendre le salut et la vie à l'humanité. Il est écrit :L'homme ne vivra pas de pain seulement mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu(Matth. IV, 4). Par ces paroles, Jésus a vaincu la tentation à la convoitise de la chair (1 Jean Il, 16), et cela non seulement pour sa personne, mais aussi pour sa mission. Il ne veut pas satisfaire ses besoins corporels en temps inopportun.

Il sait que c'est la parole de Dieu qui donne au pain sa vertu nutritive, et peut par conséquent conserver la vie sans le secours du pain ni d'aucun aliment. Il ne veut pas non plus laisser croire que sa mission consiste à donner le pain matériel, ou à procurer à ses adhérents des commodités et des jouissances terrestres ; mais étant lui-même le pain vivant qui est descendu du ciel, il veut donner la vie au monde en se donnant, lui-même comme nourriture des âmes (Jean VI, 51).

Alors le diable le mena dans la ville sainte, le mit sur le haut du temple et il lui dit : Si lu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas, car il est écrit qu'il ordonnera à ses anges de le porter dans leurs mains, de peur que ton pied ne heurte contre quelque pierre(Matth. IV, 6).

On s'est étonné que le Sauveur ait permis à Satan d'exercer une telle puissance sur lui, au point de le conduire partout où bon lui semblait. Mais il ne faut pas oublier que Jésus avait été conduit au désert par la volonté de Dieu, et devait être abandonné, pendant tout le temps qu'il y passerait, entre les mains de Satan. Plus tard, lorsque le Sauveur dit : Le prince de ce monde vient, mais il n'a rien en moi(Jean XIV, 30), il ne s'est pas seulement laissé conduire çà et là par lui, mais il s'est encore laissé crucifier.

Satan veut que le Sauveur fasse une action extraordinaire. Il doit se précipiter du haut du temple pour être porté par les anges de Dieu aux yeux du peuple stupéfait. De cette manière il se créera tout, d'un coup, avec le moins de peine possible, une immense popularité et se légitimera comme Messie. Cette fois, le diable procède avec plus de prudence. Il voit que le Sauveur est profondément versé dans les Écritures, et qu'il se sent étroitement lié par la Parole de Dieu. Il pense pouvoir user du même moyen ; et, mutilant la promesse contenue dans lePsaume XCI, 11, 12, il passe sous silence les mots duv. 11: afin, qu'ils le gardent dans toutes les voies.
En effet, il aurait difficilement persuadé le Sauveur que sa voie était de se précipiter du haut du temple. Jésus lui répondit : Il est aussi écrit : Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu. Ici, Jésus vainc la tentation de la convoitise des yeux. Il ne cherche pas sa propre gloire ; il n'a aucun désir d'exciter l'étonnement et l'admiration de la foule. Il veut bien conduire les pécheurs à la gloire et poser sur leur tête une couronne d'honneur. Cette couronne, il ne nous la procure pas en s'élevant lui-même ; mais en s'exposant à l'opprobre et en devenant, pour le peuple, un objet de mépris et de raillerie. Il a supporté l'affront que Pilate lui a infligé enl'exposant publiquement avec la couronne d'épines et en disant :Voilà l'homme(Jean XIX, 5).

Enfin, Satan continue ses attaques sans prendre les moindres précautions pour cacher son dessein. Il dit à Jésus :Je le donnerai tous les royaumes du monde et leur gloire si, en te prosternant devant moi, tu m'adores(Matth. IV, 8, 9).
Domination, éclat et gloire terrestres, richesse et puissance royales, en un mot un règne brillant embrassant le monde entier : voilà ce que Satan offre au Sauveur, à la condition qu'il se prosterne devant lui, c'est-à-dire qu'il rompe complètement avec Dieu. Cette tentation à l'orgueil de la vie, le Sauveur la vainc par cette parole : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et lit le serviras lui seul(Matth. IV, 10).

Il est doux et humble de coeur, et ne craint pas de laver les pieds de ses disciples ; il s'est fait pauvre Pour nous, afin que par sa pauvreté nous fussions rendus riches (2 Cor. VIII, 9). Il est roi sans doute, un roi dont la domination doit s'étendre à tous les peuples de la terre ; mais son royaume n'est pas de ce monde. Il ne fonde pas son règne en faisant des guerres sanglantes, mais en répandant son propre sang pour la rémission des péchés.

Le Sauveur a vaincu ; il reste dans le sein du Père. Il dédaigne, pour remplir sa mission, le bien-être charnel, et choisit la voie du renoncement. Il dédaigne le chemin d'un vain faste et des honneurs humains, et choisit la voie de l'abaissement et de l'opprobre. Il dédaigne le chemin d'une domination mondaine et d'une puissance orgueilleuse, et choisit la voie de l'humilité et de la souffrance. En un mot, il est décidé à se tenir fermement dans le sein du Père, jusqu'à souffrir la mort de la croix. Telle est la manière dont le Seigneur est fermement résolu de débuter publiquement dans sa mission rédemptrice.Alors le diable le laissa, et les anges vinrent et le servirent(Matth. IV, 11).

Après la tentation, vint un temps de rafraîchissement. Dans le paradis, Adam tombe et le paradis devient un désert ; dans le désert Jésus triomphe et le désert devient un paradis. Lorsque saint Luc dit que le diable laissa Jésus pour un temps, il fait sans doute allusion à la Passion, dont Jésus dit : Le prince de ce monde vient.

Tandis que chacun est tenté lorsqu'il est attiré et amorcé par sa propre convoitise(Jacq. I, 14), pour le Sauveur, la tentation vient exclusivement du dehors et est immédiatement surmontée. Si la tentation à la convoitise de la chair, à la convoitise des yeux et à l'orgueil de la vie était née dans son propre coeur, il aurait été souillé par ces convoitises et lui aussi aurait pu s'appliquer ces paroles : Personne ne pourra en aucune manière racheter son frère.(Ps. XLIX, 8).


 

 

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Chapitre II L'activité publique de Jésus.Coup d'oeil général