CHAPITRE I
La jeunesse de Jésus
jusqu'à la tentation.
3. La conception par le Saint-Esprit.
Ce qui avait été perdu par les premiers hommes
devait être abondamment réparé par l'œuvre de la
Rédemption.
L'homme pécheur est par sa naissance un
enfant de la mort. Pour remédier à ce déplorable
état, qui durait depuis des siècles, il fallait
qu'une puissance de vie vint d'en haut et fût
inoculée à l'humanité. Bien plus: il fallait non
seulement que les puissances de la vie, mais encore
que la source même de toutes ces puissances, la Vie
éternelle, personnelle et divine (Jean
I, 4), apparût dans ce monde de péché et de
mort. - L'Amour éternel, du haut de son trône
céleste, a abaissé ses regards sur les misères des
hommes, et son cœur a été ému d'une telle
compassion, qu'il s'est senti pressé de les
secourir (toutefois
comprenons qu'il n'est pas venu sauver tous les
hommes, mais seulement ceux qu'il a choisi d'avance
de toute éternité, car tel fut son décret
d'élection, et cela est évident à travers l'histoire
de toute l'humanité depuis le début des temps.). - Il réfléchit, et voici, la chute de
l'homme était si profonde, la culpabilité de cette
créature formée, à l'image de Dieu était si énorme,
qu'elle ne pouvait être expiée que par le Fils même
de Dieu. Ce qu'aucun homme ne pouvait faire, quelque
excellent qu'il fût, a été accompli par notre
Emmanuel (Esaïe
VII, 14), le Dieu-Homme, Jésus-Christ, vrai Dieu
et vrai homme, car il était
lui-même l'enveloppe visible du Père invisible parmi
nous. Personne ne pourra,
en aucune manière racheter son
frère, ni donner à Dieu sa rançon, car le rachat de
leur âme est trop cher et il ne se fera jamais (Ps.
XLIX, 8. 9). Le Fils de Dieu voulait non
seulement opérer ce rachat, mais encore rétablir en
sa personne la relation entre l'homme et Dieu, afin
que par Lui, des puissances régénératrices pussent
affluer dans toute l'humanité, et que le royaume de
Dieu pût être fondé sur la terre. C'est pourquoi le
Fils de Dieu ne s'est pas associé à un homme
quelconque, mais Il s'est fait homme Lui-même.
La Parole a été faite chair et
elle a habité parmi nous (Jean
I, XIV). Il s'est
anéanti Lui-même en prenant la forme de serviteur et
en se rendant semblable aux hommes (Philip.
II, 7).
Cette incarnation du Fils de Dieu n'était
possible que parce que l'homme était créé à l'image
de Dieu. Mais c'est là le grand, le profond,
l'inexprimable mystère: Dieu manifesté en chair (1
Tim. III, 16). Mais plus a été profond l'abaissement
du Fils de Dieu, plus vif est l'éclat dont brille
son amour par cette manifestation.
Cette incarnation eut lieu de la manière
suivante: Un ange vint vers Marie, une descendante
de David, qui était fiancée à un charpentier nommé
Joseph, lui aussi
descendant de David, et lui dit: Je te
salue, toi qui es reçue en grâce ! le Seigneur est
avec toi; tu es bénie entre les femmes (Luc
I,33).
L'humble Marie fut effrayée par cette
salutation; mais l'ange la rassura en lui disant:
Marie, ne crains point, car
tu as trouvé grâce devant Dieu. Et tu concevras et
tu enfanteras un fils à qui tu donneras le nom de
Jésus. Il sera grand et sera appelé le Fils du
Très-Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône
de David, son père. Il régnera éternellement sur la
maison de Jacob, et il n'y aura point de fin à son
règne (Luc
I, 30-33).
Marie ne douta pas, bien qu'elle ne
comprit pas. Alors elle dit à l'ange: comment
cela se fera-t-il, puisque je ne connais point
d'homme ? (I, 34). L'ange lui répondit: Le
Saint-Esprit surviendra en toi et le Très-Haut le
couvrira de son ombre; c'est pourquoi aussi le
saint enfant qui naîtra de toi sera appelé le Fils
de Dieu(v.
35) (Il importe de
remarquer ici que le Texte Sacré dit clairement que
Marie tomba enceinte du Saint-Esprit et non du Père,
comme plusieurs le prétendent dans le but de diviser
Dieu en trois personnes distinctes. En suivant la
logique détraquée de ces gens, il faudrait dire que
Marie était une courtisane qui à trompée la personne
du Père avec la personne du Saint-Esprit et cela
serait un blasphème hautain.).
Il fallait que le Dieu-Homme, qui devait
délivrer ses élus
d'entre l'humanité pécheresse fût pur, saint, et
naquit sans péché. Celui qui se chargeait de nous
racheter de nos péchés ne pouvait pas être engendré
par une génération pécheresse. Comme homme, il
fallait qu'il eût pour mère une femme, mais il ne
pouvait pas être engendré selon des voies naturelles
et avoir pour père un homme, s'il ne devait pas, dès
les premiers moments de sa vie terrestre,
être héritier du péché
qui empoisonna la race
humaine depuis la Chute en Éden et qui devint le lot
de tous les hommes par générations successives.
L'incrédulité s'attache à cette
conception par le Saint-Esprit et déclare impossible
qu'une vie humaine soit appelée à l'existence sans
la coopération d'un homme.
Mais tout est possible au Dieu
Tout-Puissant. Il a créé Adam non seulement sans la
coopération d'un homme, mais encore sans la
coopération d'une femme. Il a créé, Ève avec la
coopération d'un homme, mais sans le secours d'une
femme. On doit par conséquent pouvoir admettre qu'il
a créé Jésus sans la coopération d'un homme, bien
qu'il se soit servi d'une femme. Il a opéré ce
miracle dans le corps de Marie par la puissance
créatrice du Saint-Esprit.
Marie se confia avec une sainte candeur à
la volonté de Dieu. Voici,
je suis la servante du Seigneur, qu'il m'arrive
selon que tu as dit (Luc
I, 38). L'ange se retira, et elle se trouva de
nouveau seule. Le serviteur s'éloigne lorsque le
Maître approche: Jésus était conçu,
le Père Éternel, l'Esprit Tout-Puissant, se forma
un corps de chair dans le sein d'une vierge.
Nous lisons dans les Évangiles que les
gens le désignaient constamment comme le fils du
charpentier Joseph. Et l'incrédulité s'en prévaut
pour nier la conception surnaturelle du Sauveur. Que
Jésus fut regardé par le peuple comme le fils de
Joseph, cela est tout naturel. Cela se voit encore
aujourd'hui. Lorsqu'un homme adopte et élève un
enfant étranger, comme le sien propre, il tient à ce
que cet enfant porte soit nom.
Marie ne pouvait pas publier le miracle
divin qui s'était opéré en elle sans s'exposer aux
plus injurieux soupçons. On cache ces choses, et on
les réserve pour les cœurs bien disposés, qui sont
en état d'adorer la merveilleuse puissance créatrice
de Dieu. - Mais afin que Joseph, le fiancé de Marie
ne l'abandonnât pas et n'attirât pas sur elle
l'opprobre public, Dieu lui fit connaître la vérité
par un ange. Alors Joseph
prit sa femme avec lui, mais il ne la connut pas
jusqu'à ce qu'elle eut enfanté son fils premier-né (Matth.
I, 25). Et elle l'appela Jésus, nom qui lui
avait été donné par l'ange, avant qu'il fût conçu
dans le sein de sa mère. Car
c'est Lui qui sauvera son peuple de ses pêchés
(Matth.
1.21).
.
4.
Annonciation de la naissance de Jean-Baptiste.
Luc I, 5-80.
Dieu avait fait cette promesse par le prophète
Malachie: Voici, je vais
envoyer mon ange et il préparera la voie devant moi,
et aussitôt le Seigneur que vous cherchez, l'ange
de l'alliance que vous désirez entrera dans son
temple (Mal.
III, 1) (Évidemment
qu'il ne s'agissait pas ici de l'édifice du temple
où ils offraient des sacrifices, mais du corps que
le Seigneur s'était formé qui était le Temple du
Dieu vivant.).
Quatre cents ans s'étaient écoulés et
aucun prophète n'avait parlé à Israël. Dans les
montagnes de Juda, probablement dans la ville
Lévitique d'Hébron, vivait, au temps d'Hérode, un
sacrificateur nommé Zacharie avec sa femme
Élisabeth. Ils étaient tous deux justes et craignant
Dieu, et observaient tous les commandements et
toutes les ordonnances du Seigneur d'une manière
irrépréhensible, en attendant la consolation
d'Israël. Ils n'avaient point d'enfants, car
Élisabeth était stérile, et ils étaient tous deux
avancés en âge. Souvent ils avaient prié Dieu de
leur donner des enfants, car ils savaient
que les enfants sont une
bénédiction et que ce fruit du mariage est une
récompense (Ps.
CXXVII, 3). Mais il semblait que leurs prières
ne seraient jamais exaucées.
Or, il arriva que Zacharie, suivant le
rang de sa famille, entra dans le temple du Seigneur
pour offrir les parfums. Alors un ange lui apparut,
se tenant debout du côté droit de l'autel des
parfums, et lui dit: Zacharie,
ne crains point, car ta prière est exaucée, et
Élisabeth ta femme t'enfantera un fils, et tu lui
donneras le nom de Jean. Il sera pour toi un sujet
de joie et de ravissement, et plusieurs se
réjouiront de sa naissance. Car il sera grand devant
le Seigneur; il ne boira ni vin ni cervoise et sera
rempli du Saint-Esprit dès le sein de sa mère; il
convertira plusieurs des enfants d'Israël au
Seigneur leur Dieu et il marchera dans l'esprit et
dans la vertu d'Elie, pour ramener les cœurs des
pères vers les enfants et les rebelles, à la sagesse
des justes, afin de préparer au Seigneur un peuple
bien disposé (Luc
I, 13-17).
Quelle joie ne lui eût pas causé ce
message s'il lui avait été apporté quelques années
plus tôt. Mais maintenant, il lui semblait qu'il
était trop tard. Une telle faveur lui paraissait
impossible. Aussi exprime-t-il ses doutes en disant
à l'ange: À quoi
connaîtrai-je cela, car je suis vieux et ma femme
est avancée en âge ? Mais l'ange lui
répondit: Je suis Gabriel,
qui assiste devant Dieu, et j'ai été envoyé pour te
parler et pour t'annoncer ces bonnes nouvelles. Et
voici, tu seras muet et tu ne pourras parler
jusqu'au jour que ces choses arriveront, parce que
tu n'as pas cru à mes paroles, qui s'accompliront en
leur temps (Luc
1:18-20) (Dans ce
contexte des choses, il est intéressant de remarquer
que le nom «Gabriel» signifie littéralement «la
force de Dieu».).
C'est par la langue qu'il a péché dans le
sanctuaire; c'est par la langue qu'il sera châtié.
Lorsque Zacharie sortit pour bénir le peuple, il ne
pouvait plus parler et on reconnut qu'il avait en
une vision dans le temple. Bientôt il expérimenta ce
qu'il n'avait pas cru; c'est que l'ange lui avait
dit, la vérité, car quelque temps après, Élisabeth
conçut. Toutefois, quelque grand que fût le bonheur
de Zacharie, il ne pouvait pas en parler à sa femme.
Son cœur était plein, mais sa bouche ne pouvait pas
exprimer ses sentiments, sa langue était liée. Il a
obtenu une bénédiction, mais il est châtié par cette
bénédiction même. Cette grande joie qu'il était
obligé de contenir, était pour lui une peine. Son
fils était un prédicateur de la repentance même
avant d'être né.
Six mois plus tard, lorsque Marie eut
reçu la promesse de devenir l'instrument de
l'incarnation du Fils de Dieu, elle se leva et s'en
alla visiter sa cousine Élisabeth. Aussitôt que
celle-ci eut entendu la salutation de Marie, le
petit enfant tressaillit dans son sein, Élisabeth
fut remplie du Saint-Esprit, elle éleva sa voix et
s'écria: Tu es bénie entre
les femmes et le fruit que tu portes est béni. Et
d'où me vient ceci, que la mère de mon Seigneur
vienne me visiter ? Car la voix de la salutation n'a
pas plus tôt frappé mes oreilles, que le petit
enfant a tressailli de joie dans mon sein. Heureuse
celle qui a cru, car les choses qui lui ont été
dites de la part du Seigneur auront leur
accomplissement (Luc
I, 42-45).
C'est ainsi qu'Élisabeth, cette simple et
humble femme, devint prophétesse, comme autrefois
Marie et Déborah. Mais à peine eut-elle fini de
parler, que Marie, dans un cantique de louange,
répandit son cœur devant Dieu et dit:
Mon âme magnifie le Seigneur,
et mon esprit s'est réjoui en Dieu, qui est mon
Sauveur; parce qu'il a regardé la bassesse de sa
servante. Et voici désormais que tous les âges
m'appelleront bienheureuse. Car le Tout-Puissant m'a
fait de grandes choses; son nom, est saint; et sa
miséricorde est d'âge en âge sur ceux qui le
craignent. Il a déployé
avec puissance la force de son bras; il a dissipé
les desseins que les orgueilleux formaient dans leur
cœur; il a détrôné les puissants et il a élevé les
petits; il a rempli de biens ceux qui avaient faim,
et il a renvoyé les riches à vide; se souvenant de
sa miséricorde, il a pris en sa protection Israël
son serviteur, comme il en avait parlé à nos pères,
à Abraham et à sa postérité pour toujours (Luc
I, 46-55). Et Marie demeura environ trois mois
auprès de son amie, pour savourer avec elle les
promesses du Seigneur.
Cependant le terme d'Élisabeth était
venu, et elle enfanta un fils. Huit jours après la
naissance de l'enfant, lorsqu'il fallut le
circoncire et lui donner un nom, la famille voulait
l'appeler Zacharie, comme son père; mais sa mère
déclara qu'il serait nommé Jean.
Comme leurs amis étaient étonnés, on fit
signe à Zacharie, qui écrivit sur ses tablettes:
Jean est son nom. À l'instant, sa bouche s'ouvrit,
sa langue fut déliée et il parlait en bénissant
Dieu. Il rend grâce au Seigneur de ce qu'il exécute
fidèlement les promesses qu'il avait faites à son
peuple par les prophètes, de le délivrer de ses
ennemis et de la main de ceux qui l'opprimaient.
Puis, il décrit la mission de son fils en ces termes: Et toi, petit enfant, tu
seras appelé le prophète du Souverain; car tu
marcheras devant la face du Seigneur, pour lui
préparer ses voies, et pour donner la connaissance
du salut à son peuple, par la rémission de ses
péchés, par les entrailles de la miséricorde de
notre Dieu, par lesquelles le soleil levant nous a
visités d'en haut, pour éclairer ceux qui demeurent
dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort, et
pour conduire nos pas dans le chemin de la paix (Luc
1, 76-79).
C'est ainsi que le vénérable
sacrificateur Zacharie indique quelle était la
nature de la repentance que Jean était appelé à
prêcher. Ce n'était pas une frayeur semblable à
celle de Caïn, inspirée par la colère de Dieu, ni un
tremblement ou une angoisse causée par la
perspective du jugement, mais une sainte tristesse à
salut.
Et le petit
enfant croissait et se fortifiait en esprit, et il
demeura dans les déserts jusqu'au jour où il devait
être manifesté à Israël.
.
5.
Naissance de Jésus.
Comme il était arrêté dans les conseils de Dieu
que Jésus naîtrait dans la ville de David, le
prophète Michée, inspiré par l'Esprit de Dieu,
l'annonça des siècles à l'avance:
Et toi, Bethléem, vers
Ephrata, quoique tu sois petite entre les milliers
de Juda, c'est de toi que me sortira celui qui doit
être dominateur en Israël, et ses issues sont
d'ancienneté, dès les jours éternels (Michée
V, 2).
Ce qui conduisit Joseph et sa fiancée à
Bethléem, fut le dénombrement que l'empereur Auguste
ordonna en vue de la répartition officielle des
impôts, dans toutes les provinces de l'empire
romain. Ce dénombrement commença par la rédaction du
cadastre, lorsque Quirinus devint pour la première
fois gouverneur en Syrie, et fut terminé seulement
lorsque ce magistrat occupa ce poste pour la seconde
fois. Lorsque Joseph et Marie furent arrivés à
Bethléem, Marie mit au monde son fils premier-né,
Jésus. Et comme ils n'avaient pas trouvé de place
dans l'hôtellerie, vu l'énorme affluence de ceux qui
étaient venus dans le même but,
elle emmaillota l'enfant et le
coucha dans une crèche.
La nouvelle de cet événement fut apportée
à des bergers qui paissaient leurs troupeaux dans
les plaines de Bethléem, par un ange qui leur dit:
Voici, je vous annonce une
grande joie, c'est qu'aujourd'hui le Sauveur, qui
est le Christ, le Seigneur vous est né (Luc
II, 10. 11). La bonté et l'amour de Dieu notre
Sauveur ont été manifestés (Tite III, 4); mais les
habitants de Bethléem, de Jérusalem et de toute la
terre dormaient d'un profond sommeil, comme si le
petit enfant couché dans la crèche ne les concernait
pas. En revanche, à cette même heure, les cieux
s'ouvrirent, et des multitudes de l'armée céleste se
présentèrent pour honorer ce Roi qui faisait son
entrée dans la vie humaine, et pour lui faire
cortège, en chantant ce cantique de louanges:
Gloire à Dieu au plus haut des
cieux, paix sur la terre, et bonne volonté envers
les hommes (Luc
II, 14).
Telle devait être un jour la mission de
l'enfant qui venait de naître; rétablir l'honneur
de Dieu que les hommes avaient foulé aux pieds,
apaiser la colère du Saint des saints, rétablir la
paix sur la terre, afin que Dieu puisse user de
bienveillance envers les hommes. Combien ils sont
insensés ceux qui croient qu'au-delà de ce monde
visible il n'y a qu'un morne et froid néant, et qui
déclarent péremptoirement qu'il n'y a point d'anges; que n'étaient-ils là pour entendre cette hymne de
louanges ! Ils auraient certainement chanté avec les
messagers célestes:«
Gloire soit à Dieu au plus haut des cieux !
»
Bien que la naissance du Sauveur eût été
hautement et publiquement proclamée, personne ne
ressentit la grande joie, excepté les cœurs
qui attendaient la consolation d'Israël. Les bergers
allèrent en hâte à Bethléem, sur l'indication de
l'ange. Ils cherchèrent et
trouvèrent l'enfant et l'adorèrent. Et
comme la bouche ne saurait taire ce qui remplit le
cœur, ils publièrent ce
qu'ils avaient vu touchant le petit enfant,
et devinrent ainsi les premiers missionnaires du
Sauveur.
.
6.
Circoncision de Jésus et sa présentation au temple.
Par la circoncision qui eut lieu le huitième
jour, le Sauveur fut soumis pour nous à la loi. Ce
furent les premières gouttes de sang qu'il versa
dans ses souffrances subies à notre place. Car il
n'y avait rien en Lui d'impur ni de souillé. Il
n'avait donc pas besoin de la circoncision pour
lui-même, mais il fallait
qu'il accomplisse la loi en toutes choses.
Lorsque les quarante jours furent
accomplis, Joseph et Marie portèrent l'enfant au
temple, pour le présenter au Seigneur et pour offrir
le sacrifice prescrit par Moïse (Exode
XXXIV, 20;
Nomb.
XVIII, 15. 16). À cette occasion, l'enfant fut
aussi présenté au petit nombre de ceux qui adoraient
Dieu en silence, dans Sion, et qui
attendaient la consolation
d'Israël. Le cantique d'actions de
grâces, que Marie avait chanté, dut résonner de
nouveau dans son cœur, lorsque, dans la maison même
de son Dieu, elle lui consacra son premier-né.
Il y avait alors dans le temple le
vénérable vieillard Siméon, qui
avait été divinement averti par le Saint-Esprit
qu'il ne mourrait pas avant d'avoir vit le Christ du
Seigneur (Luc
II, 26). Il avait cherché d'un cœur sincère
dans les Écritures pour savoir quand et comment le
Sauveur viendrait. Il vint au temple par un mouvement
de l'Esprit et vit Marie et son fils. La certitude
que cet enfant était le Messie, brilla comme un
éclair dans son esprit. Il s'avance vers lui plein
d'amour et d'adoration, le prend dans ses bras;
mais une sainte et humble timidité l'empêche de le
caresser comme on le fait d'ordinaire aux petits
enfants. Il sent que c'est son Sauveur, sa
consolation, sa paix et il entonne, lui aussi, son
chant de louanges:
Seigneur, tu laisses maintenant aller ton serviteur
en paix selon la parole, car mes yeux ont vu ton
salut, que tu as préparé peur être présente à tous
les peuples, pour être la lumière qui doit éclairer
les nations et la gloire de ton peuple d'Israël (Luc
II, 29-32). Puis il bénit Marie.
Il y avait aussi Anne la prophétesse,
fille de Phanuel, qui s'avança vers l'enfant, en
louant Dieu et qui parlait de Jésus à tous ceux qui
l'attendaient.
.
7.
Les Mages d'Orient.
Joseph et Marie retournèrent à Bethléem avec
l'enfant. L'ange ayant clairement désigné Bethléem
comme la ville de David, ils étaient portés à croire
que c'est là qu'ils devaient désormais habiter.
Cette conviction était confirmée par la prédication
du prophète Michée (V,
1). C'est là qu'ils demeurèrent assez longtemps.
D'après saint Matthieu (II,
16), il parait qu'il s'était bien écoulé une
année lorsque les Mages vinrent à Jérusalem et
demandèrent: Où est le Roi
des Juifs qui est né ? (Matth.
II, 2) car nous avons vu son étoile en Orient,
et nous sommes venus pour l'adorer.
Que toute la ville de Jérusalem fut
troublée par la nouvelle de la naissance du Sauveur,
et que cet événement y fut resté jusqu'alors
complètement inconnu, cela se comprend très bien,
malgré toute la publicité que les bergers et Anne la
prophétesse avaient donnée à cette nouvelle, les uns
à Bethléem, l'autre à Jérusalem. Il y avait
certainement dans ces deux villes un grand nombre
d'âmes qui avaient appris la naissance du Messie;
mais c'étaient, comme ceux qui la leur avaient
annoncée, des gens simples, de bas état, ignorants
et obscurs. Quant aux gens cultivés, ils ne s'en
étaient jamais occupés. Nous savons assez comment
les gens des villes traitent les croyances et les
expériences des bons campagnards. Au moyen de
quelques mots tranchants: « rêves de pâtres,
bavardages de femmes, » on raille ces choses et on
les chasse de son esprit. Seulement, lorsque des
savants de haut rang viennent de l'Orient et
s'informent du Roi des Juifs nouvellement né, cela
fait sensation, et l'on se dit qu'il doit cependant
y avoir quelque chose de réel. - Et Jérusalem avait
sans doute des raisons pour être effrayée de la
naissance de ce Roi. Si Hérode,
qui avait usurpé le trône de
David, et dont les mains
étaient toutes dégoûtantes de sang, voyait dans cet
enfant un compétiteur au trône
(car le trône de David lui était désigné), il est probable
qu'il se livrerait à de nouvelles cruautés, et
chacun devait craindre le soupçon d'être en rapport
avec cet enfant redouté.
Les Mages sont envoyés à Bethléem et ils
s'y rendent. L'incrédulité se moque du récit d'après
lequel l'étoile marcha
devant eux jusqu'à ce qu'étant arrivés sur le lieu
où était le petit enfant, elle s'arrêta (Matth.
II, 9) (Les théories
sur l'apparition de l'étoile de Bethléem sont
nombreuse, mais aucune n'est satisfaisante pour
expliquer cet évènement extraordinaire. Nous devons
donc admettre qu'il s'agit ici d'un fait miraculeux
que Dieu opéra dans l'ordre de l'univers pour la
gloire de son nom, et le recevoir par la foi.).
Mais le célèbre astronome Kepler dit à ce
propos: « La Bible parle des choses de la vie
humaine avec des hommes, et comme les hommes ont
l'habitude d'en parler. Elle n'est pas un manuel
d'optique ou d'astronomie, elle vise un but plus
élevé. »
C'est ainsi que nous parlons du lever et
du coucher du soleil. Nous savons fort bien que le
soleil est immobile; mais nous exprimons de cette
manière ce que nos yeux croient apercevoir
(L'auteur penche ici pour
les théories scientifiques qui contredisent les
Saintes-Écritures. Il est faux que «le soleil est
immobile», car il est dans un mouvement de
révolution et de rotation constante. C'est la Terre
en effet qui est immobile, elle est un corps stable
et fixe, le centre même de l'univers, autour de
laquelle tout est en mouvement). De même
les paroles Matth. II, 9 peignent seulement
l'impression que l'apparition de l'étoile fit sur
les Mages. Pendant qu'ils marchaient, l'étoile
semblait marcher devant eux, tandis que c'étaient
eux-mêmes qui se mouvaient.
Ils trouvèrent l'enfant et l'adorèrent,
puis ils exprimèrent la joie et l'amour de leurs
cœurs par les dons de leurs mains. Les présents
qu'ils firent à l'enfant devaient, dans les vues de
Dieu, servir aux parents pour effectuer leur voyage
en Égypte. Quant aux Mages, Dieu leur ordonna de ne
plus retourner près d'Hérode, mais de regagner leur
pays par un autre chemin.
.
8.
La fuite en Égypte.
Furieux d'avoir été trompé par les Mages, Hérode
fit mettre à mort tous les enfants mâles de Bethléem
âgés de deux ans et au-dessous. Ce furent les
premiers martyrs. Les mères qui, dans leurs
lamentations sur leurs enfants, ne veulent pas être
consolées, ont sûrement béni Dieu plus tard de ce
qu'Il les avait rappelés à Lui de bonne heure. En
effet, s'ils avaient grandi avec Jésus, combien
n'auraient-ils pas été exposés, devant le tribunal
de Pilate, à crier comme les autres:
Que son sang soit sur nous et
sur nos enfants ? L'Église se souvient de
ces innocents, le lendemain de Noël, à côté de saint
Jean et de saint Étienne.
À peine l'enfant est-il né, que ses
ennemis en veulent à sa vie. C'est ce qui arrive
encore aujourd'hui. Lorsque la vie de Dieu naît dans
un cœur, aussitôt celui qui est meurtrier dès le
commencement (Jean
VIII, 44) cherche à l'étouffer. Mais tous ses
efforts sont inutiles. Sans doute l'ennemi peut
tuer, et il ne s'en fait pas faute. Quels torrents
de sang les persécuteurs n'ont-ils pas répandus !
Mais ils ne peuvent empêcher le règne de Dieu de
s'établir sur la terre.
Avant que l'ordre meurtrier ne fût
parvenu à Bethléem, Joseph avait déjà été divinement
averti de prendre l'enfant
et sa mère et de s'enfuir avec eux en Égypte (Matth.
II, 13). Dieu choisit l'Égypte, ce pays plein
de corruption, pour servir de refuge à son Fils.
L'Égypte était le grenier de l'empire romain dans
les temps de disette; elle devait être, pour le
règne de Dieu, l'asile où la sainte semence pût
croître et donner au monde le pain de vie. C'est là
qu'Abraham se réfugia pendant une famine survenue
dans son pays (Gen.
XII, 10). C'est là que Jacob put subsister
pendant les sept années de famine (XLVI,
6). C'est là que Joseph, Marie et le petit
enfant demeurèrent jusqu'à la mort d'Hérode. Après
cet événement, il fut divinement averti de se
retirer en Galilée, et c'est ainsi qu'il vint
habiter Nazareth.
.
9.
L'enfance de Jésus.
C'est dans le silence et l'obscurité que Jésus
grandit, sous les soins de Joseph et de Marie.
L'enfant croissait et la grâce de Dieu était sur lui
(Luc
II, 40). Il n'est pas devenu notre
Sauveur, il est né tel. Depuis le commencement de
son existence terrestre, il est le Fils de Dieu
du fait qu'il est Dieu
manifesté dans la chair, l'enveloppe visible du Père
invisible. Mais il est né et a vécu une véritable vie
d'enfant; il a ainsi sanctifié notre enfance. Il
est né faible, débile. Il a grandi peu à peu; il a
appris à se tenir debout et à marcher absolument
comme les autres enfants. Le cœur de Marie dut
battre de joie comme celui de toutes les mères,
lorsque Jésus commença à parler, et lorsque les
premiers mots qu'il prononça lui arrachèrent à
lui-même des cris de joie. C'est ce même enfant dont
la vue procura une mort heureuse et paisible au
saint vieillard Siméon, le même qui était l'objet
des vœux et des espérances des pieux patriarches.
C'est cet enfant que tous les anges adorent et qui
un jour, assis sur le trône de sa gloire, doit juger
les peuples de la terre.
L'enfant se
fortifiait en esprit et était rempli de sagesse (Luc
II, 40). Sa divinité ne pouvait croître ni se
fortifier; mais il en avait de jour en jour une
conscience plus claire. De même qu'il reposait
corporellement sur le sein de sa mère, il reposait
spirituellement dans le sein de Dieu (Jean
I, 18).
La Parole de Dieu était le trésor de
Marie, elle la repassait dans son cœur; elle se
nourrissait de l'Ancien Testament. Ainsi, elle put
répandre de bonne heure les grains de la divine
semence dans le cœur de son enfant, et celui-ci fût
bientôt familiarisé avec l'histoire de son peuple. À
mesure qu'il prenait conscience de lui-même, se
développait aussi en lui la conscience de sa
relation exceptionnelle avec Dieu. Sa faible
humanité croissait en sagesse, et devenait de plus
en plus apte à servir d'instrument au Saint-Esprit
qui devait habiter en lui sans mesure. Nous voyons
ici que l'humanité, non corrompue par le péché, est
tout à fait capable de devenir la demeure du
Saint-Esprit. Et plus elle est apte à recevoir ce
don, plus glorieusement se manifeste en elle la
grâce et le bon plaisir de Dieu.
.
10. Jésus à l'âge de douze ans.
À l'âge de douze ans, l'enfant était considéré
comme jeune homme, et devenait disciple de la loi.
En cette qualité, il lui était permis d'assister à
la fête de Pâques à Jérusalem. Lorsque les jours de
fête furent achevés, les parents de Jésus quittèrent
la ville sainte, dans la persuasion que Jésus était
avec leurs amis. Ne le trouvant pas, ils revinrent à
Jérusalem et l'y cherchèrent trois jours. Enfin ils
le trouvèrent au temple, parmi les docteurs, les
écoulant et leur adressant des questions (Luc
II, 44. 47). Marie lui dit d'un ton de reproche: Mon enfant, pourquoi as-tu ainsi agi avec nous ?
voici, ton père et moi nous te cherchions, étant
fort en peine (48).
Mais il repousse ce reproche avec une
candeur enfantine. Il ne comprend pas qu'on puisse
le chercher ailleurs que dans la maison de Dieu, Ne
savez-vous pas, leur dit-il, qu'il me faut être
occupé aux affaires de mon Père ? Ce sont là les
premières paroles que nous recueillons de la bouche
de Jésus. C'est la première lueur qui brille dans
son âme à la faveur de laquelle il se reconnaît
clairement et expressément comme le Fils de Dieu.
Auparavant il en avait un pressentiment,
et avec la clarté croissante de la conscience qu'il
avait de lui-même, un ardent désir s'emparait de
lui, d'être au clair sur sa relation avec Dieu.
Maintenant il entend dans le temple la Parole de
Dieu et il reconnaît en elle la voix de son Père. Il
sent dans son cœur comme un aimant qui l'attire
vers cette Parole. La Parole qui lui vient du dehors
est une bienheureuse confirmation de son sentiment
intérieur. Il se reconnaît comme le
Fils unique qui est dans le sein du Père.
Et il en rend témoignage avec une simplicité et une
humilité toutes filiales lorsqu'il dit:
Ne savez-vous pas qu'il me
faut être occupé aux affaires de mon Père ?
- Il est dit que Marie ne comprit pas cette parole (Luc
II, 50). Elle comprenait bien les mots. Elle en
comprenait sûrement aussi la signification. Ils lui
rappelaient la parole de l'ange:
Le saint enfant qui naîtra de
toi sera appelé Fils de Dieu (Luc
I, 35). Cependant elle ne pouvait pas encore
sonder toute la profondeur et saisir toute
l'importance de cette parole.
Ne savez-vous pas qu'il me
faut être occupé aux affaires de mon Père ?
Telle est la question de l'enfant; il entend par là
que son essence la plus intime est tellement unie à
l'essence de son Père, qu'il n'a pas besoin de
réfléchir un seul instant, pour savoir où il doit
être. Il ne peut absolument pas faire autrement. Il
faut qu'il soit là où les affaires de son Père
l'appellent.
Cette nécessité, cette obligation,
qui s'allient cependant avec la liberté de l'amour
qui se donne, dominèrent et pénétrèrent toute sa
vie, toutes ses souffrances et sa mort. Lorsque plus
tard il vit sur son sycomore, l'homme de petite
taille qui désirait ardemment le voir, il lui dit:
Zachée, hâte-toi de
descendre, car il faut que je loge aujourd'hui dans
ta maison (Luc
XIX, 5).
En sa qualité de Jésus, il ne peut pas ne
pas avoir compassion. Lorsqu'il jette un coup d'œil
sur le monde païen, il dit:
J'ai encore d'autres brebis
qui ne sont pas de celle bergerie, il faut aussi que
je les amène (Jean
X, 16). Quel homme pourrait encore être
indifférent à l'égard des missions, lorsque la
parole de son Sauveur brûle dans son cœur ?
Lors de son dernier voyage à Jérusalem,
il dit à ses disciples: Voici, nous montons à
Jérusalem, et toutes les choses qui ont été écrites
par les prophètes, touchant le Fils de l'homme, vont
être accomplies (Luc
XVIII, 31). Aucune nécessité extérieure ne le
pousse dans la voie des souffrances. Mais il faut
qu'il souffre parce qu'il faut qu'il s'occupe des
affaires de son Père. Ce qui le contraint à
s'engager dans cette voie, c'est son miséricordieux
amour pour le monde pécheur. |